Mais ce n’est pas encore assez. Toujours vous
criez. Encore vous êtes volés. Nous vous devons encore plus,
toujours plus. Des pans entiers du pays vous sont réservés, de
préférence au bord de la mer, de façon à ce que vous puissiez
vous ré-installer « comme communautés à part entière ».
Ainsi vous pourrez vivre de façon séparée. Ainsi vous aurez vos
propres écoles. Ainsi vous pourrez toucher des salaires de l’Etat
en tant que fonctionnaires de la municipalité, du ministère de
l’Education et du ministère de la Défense.
Je ne sais pas si le « Guinness Book of
Records » attribue le titre de champion de l’impertinence
et de l’impudence - en résumé, le bon vieux « chutzpah »
[Jewish chutzpah : symbole d’arrogance]. Si c’est le cas,
vous le remporteriez haut la main. Dans le passé, nous devions
seulement à chacun d’entre vous une villa luxueuse pour rien,
aussi bien que des subsides, de la terre, de l’eau ;
maintenant il semblerait que nous vous devons chaque chose.
C’est votre droit de vous entraider pour l’argent nécessaire
pour les malades, les personnes âgées, les handicapés, les
enfants, les sans-emploi. Parce que vous êtes les meilleurs des
meilleurs. Puisque vous vous tenez sur la barbe du Messie. Parce
que vous avez été personnellement choisis par Dieu.
Je pourrai éprouver de la symptahie pour votre
situation difficile, si vous aviez prononcé un seul mot de
compassion pour les habitants des 1 500 maisons qui ont été rasées
par votre faute, un nombre plus élévé que toutes les maisons
des colons qui vont être détruites maintenant. Si vous aviez
exprimé la moindre compassion pour les enfants qui ont été
chassés de leurs maisons en l’espace d’une demi-heure, sans
aucune forme de compensation, sans hôtels et sans psychologues.
Pour les milliers d’arbres déracinés dans le but d’assurer
votre « sécurité ».
Comme l’avait dit le bon Rabbi Hillel 2000 ans
plus tôt, en voyant un crâne flotter le long du fleuve :
« Puisque vous en avez noyé d’autres, vous avez été noyés
vous-mêmes ... ».
Et souvenez-vous d’une chose, s’il vous plaît :
la facture n’a pas été payée par “l’Etat”, un organisme
anonyme, mais par moi-même et par les lecteurs israéliens de ces
quelques lignes, avec notre propre poche.
Au “Yeshida Council”, Salut
...
Voilà. Fini le bluff. La bulle a éclaté.
Pendant des mois vous nous avez terrorisés. Vous
nous avez bombardés avec des images imaginaires. Cent mille
manifestants. Cent cinquante mille. « En tout et pour tout,
nous avons mobilisé deux millions de personnes ». Ce qui
revient à dire, presque 40% des juifs israéliens.
Et vous nous avez dit : Vous n’avez encore
rien vu. Au moment adéquat, des centaines de milliers vont
marcher sur Gush Katif. Des dizaines de milliers de soldats et
d’officiers vont refuser d’obéir aux ordres. Toutes les
routes à travers le pays vont être bloquées. L’Etat sera
paralysé. Le peuple en entier va se soulever et contrecarrer les
projets diaboliques de cet homme - ce seul et unique homme - qui
veut évincer les rédempteurs de la terre de la Bande de Gaza.
Et qu’est-il arrivé ? Le ciel ne nous est
pas tombé sur la tête. Pas une route n’a été bloquée. Seule
une poignée de soldats ont refusé d’obeïr - beaucoup moins
que ceux dénombrés dans le camp des objecteurs de conscience. Et
à la différence de ces derniers, pas un d’entre vous n’a
risqué de se retrouver en prison pour une année ou plus.
Et plus important : Vous êtes restés seuls.
Complètement seuls. C’était évident depuis le premier moment ;
dans vos grandes manifestations, lorsqu’il ne s’y trouvait
personne d’autre qui ne portait la colotte tricotée des
religieux nationalistes ou les grands chapeaux des Juifs
Repentants. Aucun autre secteur de la société ne vous a rejoint :
ni la gauche, ni le centre, ni la droite séculière, ni même les
Orthodoxes. Toutes les vantardises entendues matin et soir ont éclaté
comme des bulles dans une soupe.
Il ne reste rien si ce n’est la mère de tous
les échecs. Et maintenant, au lieu de vous cacher de honte, pour
« chercher votre âme » et digérer votre échec, vous
persistez à faire le « chutzpah » et continuez comme
si de rien n’était.
A la presse, Salut ...
Pardonnez-moi de m’adresser à vous comme s’il
s’agissait d’une seule personne. En vérité, vous êtes
composés de beaucoup de journaux, radios et réseaux de télévision,
mais je m’adresse à vous au singulier car durant la semaine
passée c’est ce que vous avez paru être. Chacun d’entre vous
parle comme une seule et même personne, avec un seul style, une
seule terminologie. Et tous autant que vous êtes, à
l’exception d’une toute petite minorité, vous avez failli à
votre mission.
Pendant des semaines vous avez servi de plateforme
à la propagande des colons. Tous les journaux. Toutes les
stations de radio. Tous les réseaux de télévision. 24 heures
sur 24, 7 jours sur 7. Chaque rot ou grognement de colon devenait
une nouvelle de dernière minute, si ce n’est une nouvelle
sensationnelle. Les voix du camp de la paix étaient difficiles à
entendre, et les opposants les plus fermes aux colons n’étaient
pas du tout audibles.
Vous nous avez noyés dans une mer d’histoires
kitsch, heure après heure dans des cris et des pleurs, des hystéries
simulées et de vraies hystéries. Une série sans fin d’évènements
soigneusement mis en scène pour la télévision, avec
l’intention avouée de « brûler dans les consciences »
et de « créer un traumatisme »... Depuis le toit de
la forteresse Sanur, MK Aryeh Eldad pilotait les « cages »
afin d’organiser la soumission des héros, et pas un seul
journaliste n’a rapporté les propos du vieil Yiddish disant :
« Espèce de fou, descend du toit ! ». Plutôt
que des reportages réalistes, vous avez déversé un flot de mots
tels que « vues déchirantes », « chagrin
terrible », « merveilleuse jeunesse ». (De façon
seulement occasionnelle, une scène plus réaliste s’imposait,
comme cet enfant priant avec sa mère, et, s’apercevant que l’évacuation
ne s’arrêtait pas, s’exclamait étonné : « Maman,
cela ne sert à rien !).
Pendant que tout cela se déroulait, où était la
presse d’investigation ? Pourquoi ne pas nous avoir dit le
vrai nombre de manifestants ? Qu’y a-t-il donc dans ce
« Yeshida Council », qui les a élus, quel est leur
statut légal, d’où viennent ces millions de dollars gaspillés
pendant leur campagne ? Pourquoi personne n’enquête-t-il
pour savoir comment toutes ces mauvaises herbes ont poussé,
qu’arrive-t-il à notre système éducatif indépendant de
« l’Etat religieux » qui a produit - à nos frais -
tous ces « thugs » fanatiques [criminels violents -
vient du mot indien « thag », anciens adorateurs de
Kali] ?
Et pourquoi personne n’a-t-il mis en évidence
la farce de ces soi-disant Stalingrad et Massada, dont les
« héros » savaient parfaitement que personne
n’utiliserait des gaz lacrymogènes ou des matraques contre eux
et que tous ceux qui seraient arrêtés seraient relâchés le
lendemain ?
Au Premier ministre, Salut ...
Je vous prie de m’excuser pour n’avoir pas
vraiment cru que vous iriez au bout de cette histoire. Mais vous
avez fait ce que vous aviez promis de faire, et il n’est pas
important de savoir pourquoi - soit que vous n’aviez pas
d’autre alternative, ou que vous étiez porté par votre propre
élan, ou étiez poussé par les Américains pour agir ainsi.
Mais votre vrai test ne fait que commencer. Vos
actes dans les prochains jours vont décider si vous allez trouver
une place honorable dans l’histoire ou rester dans les mémoires
comme un fou.
Un autre Premier ministre, l’homme d’Etat
britannique, David Lloyd-George, avait tenté de justifier son désengagement
d’Irlande, parlant de l’impossibilité de sauter par-desssus
un abîme en deux pas. Vous êtes maintenant précisément dans
cette situation. Vous avez entamé votre saut. L’abîme est
en-dessous de vous. Si vous vous arrêté, vous êtes perdu. Si
vous n’avancez pas rapidement vers un compromis historique avec
les Palestiniens, vous déclencherez vous-même la prophétie
faite par Binyamin Netanyahu : une troisième Intifada qui
partira de Gaza qui se transformera en plate-forme de mortiers et
fusées Qassam.
Ce n’est pas le moment de penser aux prochaines
élections, de se soucier des Landaus et Netanyahus, des Likud A
and Likud B. C’est le temps d’ouvrir les yeux et de faire des
choses historiques.
C’est votre test, et seulement lui décidera si
le retrait de Gaza a juste été un nouvel évènement sans
importance ou au contraire un acte historique.
Chers conciliateurs ...
Vous voici de retour, comme champignons après la
pluie. Vous voulez apaiser, réunir les esprits, « combler
la crevasse qu’il y a dans le peuple ».
Il n’y a pas de crevasse. Au contraire, dans
cette affaire les gens ont été particulièrement unis, et
d’une façon impressionnante et même étonnante.
Il n’y a pas de « crevasse », mais
une confrontation inévitable entre la grande majorité du public
et une petite secte isolée. Cela prouve s’il est besoin que
voici venir les colons et leurs demandes de localités séparées,
avec des écoles séparées du secteur général
religieux-sioniste. Le public israélien, presque unaninement,
veut un Etat basé sur la loi, où la majorité décide et où les
droits des minorités sont respectés. Un Etat sain, libre, et
rationnel. Un Etat avec des frontières et une constitution. Un
Etat participant au progrès humain. Un Etat qui respecte toutes
les religions et qui ne soit pas assujeti à une religion en
particulier.
A l’opposé de cela, une secte fanatique a émergé,
une secte qui veut un Etat différent : basé sur la foi,
nationaliste et raciste, gouverné par une loi divine telle
qu’elle est interprétée par les rabbins. Un Etat dont la tâche
est de conquérir toutre « la terre historique d’Israël »,
d’en hériter, d’en chasser tous les « étrangers »
(par exemple ses habitants arabes) et de la remplir avec des
colonies.
Entre ces deux conceptions il ne peut y avoir de
compromis, et il ne doit pas y en avoir. Car le seul compromis
proposé va dans une seule direction, la défaite de l’Etat
d’Israël. Ce serait le premier pas vers la liquidation de la démocratie
israélienne. L’ambiguïté idéologique est un écran de fumée,
derrière lequel des forces de destruction sont au travail. Il
faut tout le contraire : imposer une lumière crue qui laisse
aucune échappatoire et fasse que chaque personne en Israël
comprendra quel est l’enjeu du combat.
Pas d’apaisement, mais la mobilisation pour la défense
de la démocratie.
Cher Professeur Yeshayahu
Leibowitz, la paix à votre âme ...
Vous m’aviez une fois dit que, lorsque les fidèles
du prêcheur Muhammad ibn Abd-al-Wahab ont conquis la Mecque, la
première chose qu’ils ont faite a été de démolir le tombeau
du prophète Muhammad. Ainsi les croyants ne pourraient sanctifier
des pierres. Il a été dit que la démolition des synagogues de
Gush Katif, qui ont été construites 2 ou 3 ans plus tôt, serait
en contradiction avec une quelconque loi divine.
Avec votre langue acérée et tranchante, vous, un
juif orthodoxe, avez réduit en miettes tous ces charlatanismes -
comme vous aviez qualifié le Mur Ouest de « discothèque
religieuse ».
Vous nous manquez...