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in Yediot Aharonot, 31 mai 2006
Traduit de l’hébreu en
anglais par Mark Marshall, et retraduit de l’anglais en français
par Marcel Charbonnier
Il faut reconnaître
le gouvernement Hamas. Non seulement parce que la reconnaissance du
Hamas serait bonne pour Israël, comme l’a illustré récemment
l’ancien chef du Mossad Ephraim Halevy [1], mais parce que ce
serait une initiative appropriée, conformément à tous les critères
de la justice et du droit international.
En dépit de
l’opposition d’Israël, les Etats-Unis et l’Europe ont décidé
de permettre au peuple palestinien d’organiser des élections démocratiques.
D’après le rapport de Jimmy Carter publié dans « The
Herald Tribune », ces élections ont été « honnêtes,
équitables, fortement disputées, mais sans violence, et les résultats
ont été acceptés tant par les perdants que par les gagnants.
Parmi les soixante-deux scrutins qui ont été supervisés par… le
Centre Carter, ces élections palestiniennes se rangent parmi les
plus représentatives de la volonté populaire. » [2]
Dans un monde
juste et bien organisé, il serait impensable qu’un gouvernement
élu de si belle manière soit disqualifié simplement parce que le
choix opéré par l’électorat en question n’a pas l’heur
d’agréer à Israël ! Mais dans un monde où les Etats-Unis
gouvernent tout, où la force incarne le droit et où le droit peut
définir la démocratie à sa guise, il en va tout autrement. Il a
été ainsi annoncé que le résultat des élections palestiniennes
ne serait pas reconnu, tant que les trois « mantras »
n’auraient pas été respectés : le Hamas doit renoncer à
la terreur, il doit honorer les accords signés par ses prédécesseurs
et il doit reconnaître l’Etat d’Israël. En attendant, le
peuple palestinien serait puni et réduit à la famine par un
boycott économique, dans l’espoir que cela entraîne
l’effondrement du gouvernement élu.
En janvier
2005, le Hamas a annoncé sa résolution de substituer le combat
politique à la lutte armée, et il a concédé une trêve unilatérale
[le ‘calme’, la ‘hudna’]. Au cours des dix-sept mois qui
suivirent, le Hamas n’a pas perpétré le moindre attentat.
D’après des sources des services de sécurité, depuis les élections,
le Hamas n’a même pas participé au lancement de la moindre
roquette Qassam depuis Gaza, dont les lancements sont, pour la
plupart, dus à l’initiative du Fatah [3]. Qu’attend-on
exactement du Hamas, quand on exige de lui qu’il « renonce
au terrorisme » ?
En ce qui
concerne les accords antérieurs, le Premier ministre Hamas, Ismaïl
Haniyyéh, a expliqué qu’aux termes des accords d’Oslo (signés
en 1993), après une période intérimaire de cinq ans, un Etat
palestinien aurait dû être créé. Mais Israël a violé toutes
les clauses de ces accords, sans aucune exception, et qu’il a
continué à coloniser et à déposséder les Palestiniens de leurs
terres. Dorénavant, a-t-il dit, son gouvernement n’honorera que
les seuls accords qui apporteraient quelque chose au peuple
palestinien.
Depuis Oslo,
nous, les Israéliens, nous nous sommes habitués à l’idée que
les négociations avec l’Autorité palestinienne ne tourneraient
jamais qu’autour de la seule question de savoir ce qui est bon
pour Israël : dans quelle mesure les Palestiniens sont-ils prêts
à reconnaître son existence en tant qu’Etat juif et à prendre
soin de sa sécurité. Soudain, Israël est confronté à un
gouvernement palestinien élu qui refuse de continuer à jouer à ce
petit jeu. Haniyyéh dit au gouvernement d’Israël : « Dorénavant,
vous représenterez les positions d’Israël, dans les négociations,
et nous, nous représenterons la position des Palestiniens ».
Lors du congrès du Conseil National Palestinien, à Alger, en 1988,
le peuple palestinien a pris l’initiative de reconnaître la
partition du pays et de se contenter d’un Etat à l’intérieur
des frontières de 1967. Israël n’a absolument rien fait depuis
lors afin d’apporter la preuve qu’il est prêt à accepter un
compromis tel celui-là. Les Palestiniens ne reconnaîtront le droit
à l’existence d’Israël que si, et seulement si, Israël
apportera la preuve qu’il est prêt à reconnaître le droit à
l’existence du peuple palestinien.
Mais il s’agit là, précisément,
de ce que les gouvernements et l’armée d’Israël n’ont jamais
accepté. Jusqu’à présent, aucun dirigeant palestinien n’a été
considéré comme un partenaire de paix acceptable, mais une
direction qui proclame représenter uniquement le peuple palestinien
est, à leurs yeux, un véritable ennemi, qui doit être détruit.
Olmert a peut-être réussi à
convaincre une majorité, au Congrès des Etats-Unis, à voter en
faveur d’un boycott du gouvernement Hamas. Mais, dans la société
israélienne elle-même, il ne dispose d’aucune majorité. D’après
un sondage réalisé par le Truman Institute, en mars de cette année,
62 % des Israéliens sont favorables à des négociations avec le
Hamas [4]. Mais, depuis pas mal de temps, la majorité, en Israël
n’a pas son mot à dire. Pour l’instant, la seule chose qui
reste à espérer, c’est que l’Europe reprendra ses esprits et
aussi qu’elle influencera les Etats-Unis afin de les amener à
accepter le choix démocratique du peuple palestinien.
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[1] : Interview in Yediot Aharonot, supplément du dimanche, 26
mai 2006. Voir également : Associated Press, 27 mai 2006 :
Un ancien dirigeant du Mossad en appelle à des négociations avec
le Hamas, sur le long terme [‘Former Mossad chief calls for
long-term deal with Hamas’].
[2] :
Jimmy Carter, ‘Punishing the innocent is a crime’ [Punir des
innocents est criminel], International Herald Tribune, 7 mai 2006.
[3] :
Amos Harel, ‘IDF and Qassams / Zero tolerance’, [Forces de défense
d’Israël et Qassams : tolérance zéro ! », in
Ha’arezt, 7 avril 2006 ; Amos Harel et Arnon Regular, ‘IDF:
Hamas about to rein in Qassams’ [L’armée israélienne est sur
le point de faire reculer les tirs de Qassams], in Ha’aretz, 10
avril 2006.
[4] :
Sondage effectué du 16 au 21 mars 2006, conjointement par l’Institut
Harry S. Truman pour la Promotion de la Paix, de l’Université hébraïque
de Jérusalem, et par le Centre Palestinien de Recherches et Enquêtes
politiques, de Ramallah, http://truman.huji.ac.il/upload/PressRelease-15-240306English.doc
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