" Si quelqu’un devrait se sentir insulté par les
dirigeants de Kadima, c’est le président du comité des dockers
du port d’Ashdod. De l’avoir comparé à Amir Peretz, alors
que vraisemblablement il représente loyalement les intérêts de
ses membres, n’a pas été lui rendre service. "
Non pas en raison du repli précipité du président
travailliste après que celui-ci ait proposé la participation
d’Avigdor Lieberman au gouvernement. Ni pour sa tentative de
composer un gouvernement avec la droite. L’erreur de Peretz est
de s’être senti insulté à cause de ces détails insignifiants
alors qu’il aurait eu une bonne raison de le penser : les
propos du dirigeant du Kadima considérant son discours de
victoire comme fixant les « orientations » du nouveau
gouvernement ce qui était une insulte à l’intelligence de son
principal partenaire.
Même si on exclut toute vantardise de la part
d’Ehud Olmert et si on accepte l’idée que la réalité peut
être plus forte qu’un accord de coalition, on pouvait
s’attendre quand même à ce qu’un discours/programme soit au
moins lié à la réalité du moment où il a été écrit.
Olmert a déclaré que rien ne valait un accord
pour une paix stable par la négociation. Or, qui mieux que lui
peut savoir que le gouvernement sortant n’a ménagé aucun
effort pour prouver qu’il n’y avait aucun partenaire
palestinien pour un accord ? Et maintenant, avec le Hamas qui
contrôle le gouvernement palestinien, Olmert voudrait faire de
Mahmoud Abbas son partenaire pour un accord définitif. Cependant,
cet appel d’Olmert n’a pas duré deux semaines... jusqu’à
ce qu’il raie Abbas de la question à l’occasion d’une
interview au Washington Post ; Abbas qui voudrait participer
au jeu politique afin d’amener le Hamas à accepter ses
conditions.
Olmert dit aussi qu’il est disposé à renoncer
à une partie « de la terre bien-aimée d’Israël »
afin de permettre aux Palestiniens de vivre en paix et dans la
tranquillité dans un Etat qui leur serait propre. Il a même
invité Abbas à publier une déclaration commune et promis que si
les Palestiniens faisaient ce qu’on exigeait d’eux, alors
« Nous nous assiérions à la table de négociation pour créer
une nouvelle réalité dans notre région ». La réalité
dans notre région est qu’il y a quelques années, les
dirigeants palestiniens avaient publié une déclaration
reconnaissant le droit d’Israël à exister dans la paix et la sécurité,
comme exigé par la Feuille de route. Elle est aussi qu’en mars
2002, la conférence de la Ligue arabe de Beirouth annonçait la
volonté des pays arabes pour normaliser les relations avec Israël
en échange d’un retour aux frontières de 1967 et une solution
juste et négociée pour le problème des réfugiés basée sur la
résolution 194 des Nations unies.
Comment le renoncement à une partie de la terre
bien-aimée d’Israël pourrait-il concorder avec la déclaration
d’Olmert sur l’annexion du secteur E-1 qui coupera l’Etat
palestinien en deux ? et que doit-on penser en comparant la déclaration
pour des accords par la négociation avec la promesse unilatérale
que le bloc de colonies d’Ariel restera « partie inséparable
de l’Etat d’Israël » ?
La politique imprudente pour le boycott de l’Autorité
palestinienne, empêchant le paiement des salaires des médecins,
enseignants et des employés, perturbe l’équilibre de
l’autorité dans les Territoires, et repousse la possibilité de
toute solution. Celui qui occupe le bureau de Premier ministre est
responsable de la punition collective de la population
palestinienne pour avoir voté Hamas. Cette politique ne contredit
pas seulement l’appel à négocier une solution définitive,
elle conduit à un retrait unilatéral comme dans la Bande de Gaza
et à la continuation de l’occupation de la Cisjordanie.
La proposition faite à Peretz pour qu’il prenne
le portefeuille de la Défense renforce la suspicion qu’Olmert
veut faire de lui ce qu’Ariel Sharon a fait à Benjamin
Ben-Eliezer, qui, en tant que président du Parti travailliste, a
effectué le sale travail dans les Territoires depuis son bureau
du ministère de la Défense.
Ainsi, Peretz devrait plutôt se sentir insulté
par la tentative de faire du discours de victoire du parti Kadima
la plateforme d’un gouvernement où siègeraient plusieurs
partis. Il devrait conditionner sa participation aux orientations
effectives du gouvernement, d’abord à la tenue de réelles négociations
pour un accord définitif avec les Palestiniens - lesquels sont
d’accord pour les frontières de 1967 et pour un échange de
territoires - et aussi fixer une date pour le retrait des colonies
avec ou sans accord. Si Peretz renonçait à ces exigences, alors
il n’est pas du tout certain que les dockers d’Ashdod l’éliraient
à la direction de leur comité.
Akiva Eldar