Actualité
Conférence de presse de Vladimir Poutine
sur la situation en Ukraine (texte
complet)
Vladimir Poutine
Photo: RIA
Novosti
Mercredi 12 mars 2014
[Ndt] L’exercice
vaut toujours le détour : lire le texte
complet d’une conférence de presse et
lire ensuite le compte-rendu donné par
les médias occidentaux. Comparez, par
exemple, au
compte rendu de l’envoyée spéciale de
Libération,
Veronika DORMAN. Comment s’étonner dés
lors que le journal pour lequel elle
travaille perd des lecteurs (et de
l’argent) ? Et toujours cette question
lancinante qui surgit dans la foulée :
pourquoi un capitaliste investirait des
millions pour sauver une affaire qui
perd autant d’argent, alors que dans le
même temps, il fermera une usine qui en
gagne, mais pas assez ?
(4 mars 2014) PRESIDENT DE LA RUSSIE
VLADIMIR POUTINE : Bonjour, chers
collègues.
Comment allons-nous procéder ? Voilà
ce que je propose : nous allons avoir
une conversation, plutôt qu’une
interview. Par conséquent, je vous
demande de commencer par poser toutes
vos questions, je vais les noter et
essayer d’y répondre, puis nous aurons
une discussion plus détaillée sur des
points précis qui vous intéressent le
plus.
Commençons.
QUESTION : Monsieur le Président, je
voudrais demander (vous avez fait une
longue pause, nous avons donc pas mal de
questions en attente) comment
évaluez-vous les événements à Kiev ?
Pensez-vous que le gouvernement et le
président par intérim, qui sont
actuellement au pouvoir à Kiev, sont
légitimes ? Êtes-vous prêt à communiquer
avec eux, et à quelles conditions ?
Pensez-vous qu’il est maintenant
possible de revenir aux accords du 21
Février, dont tout le monde parle si
souvent ?
QUESTION : Monsieur le Président, la
Russie a promis une aide financière à la
Crimée et des instructions ont été
transmises hier au ministère des
Finances. A-t-on une idée claire du
montant accordé, d’où provient l’argent,
et à quelles conditions et quand ? La
situation est très difficile.
QUESTION : Quand, à quelles
conditions et dans quel cadre la force
militaire peut-elle être employée en
Ukraine ? Dans quelle mesure cela
respecte les accords internationaux de
la Russie ? Les exercices militaires qui
viennent de se terminer ont-ils quelque
chose à voir avec un éventuel recours à
la force ?
QUESTION : Nous aimerions en savoir
plus sur la Crimée. Pensez-vous que les
provocations sont terminées ou qu’il y a
encore une menace pour les citoyens
russes la population russophone qui sont
actuellement en Crimée ? Quelles sont
les tendances générales là-bas - la
situation s’améliore ou s’empire ? Nous
entendons des versions contradictoires.
QUESTION : Si vous décidez d’employer
la force, avez-vous envisagé tous les
risques possibles pour vous-même, pour
le pays et pour le monde : des sanctions
économiques, une sécurité mondiale
amoindrie, une éventuelle interdiction
sur les visas ou un plus grand isolement
de la Russie, comme exigés par des
politiciens occidentaux ?
QUESTION : Hier, le marché boursier
russe a chuté, en réponse au vote du
Conseil de la Fédération, et le taux de
change du rouble a atteint des niveaux
historiquement bas. Vous attendiez-vous
à une telle réaction ? Quelles sont les
conséquences possibles pour l’économie ?
Faut-il prendre maintenant des mesures
spéciales, et de quel type ? Par
exemple, pensez-vous que la décision de
la Banque centrale de passer à un taux
de change flottant du rouble était
peut-être prématurée ? Pensez-vous qu’il
faudrait revenir sur cette décision ?
VLADIMIR POUTINE : Très bien,
arrêtons-nous là pour le moment. Je vais
commencer, et puis nous allons
continuer. Ne vous inquiétez pas, je
vais essayer de répondre à autant de
questions que possible.
Tout d’abord, mon analyse sur ce qui
est arrivé à Kiev et en Ukraine en
général. Il ne peut y avoir qu’une seule
analyse : il s’agit d’une prise de
pouvoir anticonstitutionnelle, une prise
de pouvoir armée. Est-ce que quelqu’un
le conteste ? Personne ne le conteste.
Il y a une question que ni moi, ni mes
collègues avec qui j’ai beaucoup discuté
ces derniers jours de la situation en
Ukraine, comme vous le savez – une
question à laquelle aucun d’entre nous
ne peut répondre. La question est
pourquoi avoir fait ça ?
Je voudrais attirer votre attention
sur le fait que le président
Ianoukovitch, par l’intermédiaire des
ministres des Affaires étrangères des
trois pays européens - la Pologne,
l’Allemagne et la France - et en
présence de mon représentant (le
commissaire russe des droits de l’homme,
Vladimir Loukine) ont signé le 21
février un accord avec l’opposition. Je
tiens à souligner qu’en vertu de cet
accord (je ne porte pas un jugement, je
rappelle simplement un fait) M. Ianoukovitch
a tout simplement cédé son pouvoir. Il a
accepté toutes les demandes de
l’opposition : il a accepté des
élections législatives anticipées, des
élections présidentielles anticipées, et
un retour à la Constitution de 2004,
comme demandé par l’opposition. Il a
répondu positivement à notre demande, à
la demande des pays occidentaux et,
avant tout, à celle de l’opposition de
ne pas recourir à la force. Il n’a pas
donné un seul ordre illégal de tirer sur
les pauvres manifestants. En outre, il a
donné des ordres pour retirer toutes les
forces de police de la capitale, et
elles ont obéi. Il est allé à Kharkov
pour assister à un événement, et dès
qu’il est parti, au lieu de libérer les
bâtiments administratifs occupés, ils
ont immédiatement occupé la résidence du
président et le bâtiment du gouvernement
– ce ce qu’ils ont fait au lieu de
respecter l’accord.
Je me demande, quel était le but de
tout cela ? Je veux comprendre pourquoi
cela a été fait. Il avait en effet déjà
renoncé à son pouvoir, et je crois,
c’est ce que je lui ai dit, il n’avait
aucune chance d’être réélu. Tout le
monde est d’accord là-dessus, tous ceux
avec qui j’ai conversé ces derniers
jours. Quel était le but de toutes ces
actions inconstitutionnelles, illégales,
pourquoi ont-ils crée ce chaos dans le
pays ? Des militants armés et masqués
errent encore dans les rues de Kiev.
C’est une question sans réponse.
Voulaient-ils l’humilier et faire une
démonstration de force ? Je pense que
ces actions sont absolument stupides. Le
résultat est l’exact contraire de ce
qu’ils attendaient, parce que leurs
actions ont fortement déstabilisé l’est
et le sud-est de l’Ukraine.
Voyons comment nous en sommes arrivés
là.
À mon avis, cette situation
révolutionnaire couvait depuis
longtemps, depuis les premiers jours de
l’indépendance de l’Ukraine. Le citoyen
ukrainien ordinaire, le gars ordinaire a
souffert pendant le règne de Nicolas II,
sous le règne de Koutchma et
Iouchtchenko, et de Viktor Ianoukovitch.
Rien ou presque rien ne s’est amélioré.
La corruption a atteint des sommets
inconnus ici, en Russie. L’accumulation
de la richesse et de la stratification
sociale – des problèmes qui sont aigus
aussi chez nous - sont bien pires en
Ukraine, radicalement pires. Là-bas, ils
sont au-delà de tout ce que nous pouvons
imaginer. En général, les gens voulaient
un changement, mais il ne faut pas
appuyer un changement illégal.
Seuls les moyens constitutionnels
devraient être employés dans l’espace
post-soviétique, où les structures
politiques sont encore très fragiles, et
les économies encore faibles. Dans une
telle situation, sortir du cadre
constitutionnel est toujours une erreur
fondamentale. Par ailleurs, je comprends
ces gens à Maidan, même si je n’approuve
pas ce genre de dénouement. Je comprends
les gens à Maidan qui réclament un
changement radical du pouvoir plutôt
qu’un ravalement de façade. Pourquoi le
demandent-ils ? Parce qu’ils ont pris
l’habitude de voir des voleurs remplacés
par d’autres voleurs. De plus, les gens
dans les régions ne participent même pas
à la formation de leurs propres
gouvernements régionaux. A une époque
dans ce pays, le président nommait les
dirigeants régionaux, mais les autorités
législatives locales devaient les
approuver, alors qu’en Ukraine, ils sont
nommés directement. Aujourd’hui, nous
procédons à des élections, alors qu’ils
en sont encore loin. Alors ils ont
commencé à nommer toutes sortes
d’oligarques milliardaires pour
gouverner les régions de l’est du pays.
Il n’est pas étonnant que les gens ne
l’acceptent pas, pas étonnant qu’ils
pensent que, suite à une privatisation
malhonnête (comme beaucoup le pensent
ici aussi) des gens sont devenus riches
et maintenant ont été portés au pouvoir.
Par exemple, M. Kolomoisky a été
nommé gouverneur de Dnepropetrovsk.
C’est un escroc unique en son genre. Il
a même réussi à voler notre oligarque
Roman Abramovitch, il y a deux ou trois
ans. L’arnaquer, comme nos intellectuels
se plaisent à dire. Ils ont signé une
certaine affaire, Abramovich a transféré
plusieurs milliards de dollars, et
l’autre a simplement empoché l’argent,
sans rien en échange. Quand je lui ai
demandé [ à Abramovitch ] : « Pourquoi
avez-vous fait ça ? » il a dit « Je n’ai
jamais pensé que c’était possible. »
D’ailleurs, je ne sais pas s’il a
récupéré son argent et si la transaction
a été conclue. Mais cela s’est
réellement passé, il y a quelques
années. Et maintenant, cet escroc est
nommé gouverneur de Dnepropetrovsk. Pas
étonnant que les gens sont insatisfaits.
Ils étaient mécontents et le resteront
si ceux qui se réfèrent eux-mêmes comme
les autorités légitimes continuent de la
même façon.
Plus important encore, les gens
devraient avoir le droit de déterminer
leur propre avenir, celui de leurs
familles et de leur région, et d’avoir
une participation égale. Je tiens à
souligner ceci : partout où une personne
vit, dans n’importe quelle partie du
pays, il ou elle devrait avoir le droit
à une participation égale dans la
détermination de l’avenir du pays.
Les autorités actuelles sont-elles
légitimes ? Le Parlement l’est
partiellement, mais toutes les autres ne
le sont pas. L’actuel président par
intérim n’est certainement pas légitime.
Il n’y a qu’un seul président légitime,
du point de vue juridique. De toute
évidence, il n’a aucun pouvoir.
Cependant, comme je l’ai déjà dit, et je
le répète : Ianoukovitch est le seul
Président incontestablement légitime.
En vertu du droit ukrainien, il
existe trois façons de démettre un
président : l’une est sa mort, l’autre
est sa démission, et la troisième est sa
mise en accusation. Cette dernière est
une procédure constitutionnelle bien
connue. Elle implique la Cour
constitutionnelle, la Cour suprême et la
Rada (Congrès). C’est une procédure
longue et compliquée. Elle n’a pas été
réalisée. Par conséquent, du point de
vue juridique, il s’agit d’un fait
incontesté.
En outre, je pense que c’est peut
être la raison pour laquelle ils ont
dissous la Cour constitutionnelle, ce
qui va à l’encontre de toutes les normes
juridiques de l’Ukraine et de l’Europe.
Ils ont non seulement dissous la Cour
constitutionnelle d’une manière
illégitime, mais ils ont aussi -
réfléchissez-y - chargé le Bureau du
Procureur général d’engager des
poursuites pénales contre des membres de
la Cour constitutionnelle. Qu’est-ce que
ça signifie ? Est-ce cela qu’ils
appellent une justice libre ? Comment
peut-on demander à quiconque de lancer
une procédure pénale ? Si un crime ou un
délit a été commis, les organismes
chargés de faire respecter la loi le
constatent et réagissent. Mais leur
demander de déposer des accusations
criminelles est absurde, c’est des
magouilles.
Maintenant, sur l’aide financière à
la Crimée. Comme vous le savez, nous
avons décidé d’organiser le travail dans
les régions russes pour aider la Crimée,
qui a fait appel à nous pour une aide
humanitaire. Nous allons la fournir,
bien sûr. Je ne peux pas dire combien,
quand et comment - le gouvernement y
travaille encore, en réunissant les
régions frontalières avec la Crimée, en
fournissant un soutien supplémentaire à
nos régions afin qu’elles puissent aider
les gens en Crimée. Nous le ferons, bien
sûr.
En ce qui concerne le déploiement des
troupes, l’emploi des forces armées.
Pour l’instant, ce n’est pas nécessaire,
mais c’est toujours possible. Je
voudrais dire ici que les exercices
militaires qui ont récemment eu lieu
n’avaient rien à voir avec les
événements en Ukraine. Ces exercices
avaient déjà été planifiés, mais nous
n’avons pas divulgué ces plans, bien
sûr, parce que c’était des exercices
d’inspection surprise pour tester la
réactivité de nos forces. Ils étaient
prévus depuis longtemps, le ministre de
la Défense rapportait à moi et j’avais
l’ordre prêt pour commencer l’exercice.
Comme vous le savez peut-être, les
exercices sont terminés ; j’ai donné
hier l’ordre aux troupes de retourner à
leurs bases.
Quelle pourrait être une raison
d’employer les forces armées ? Une telle
mesure constituerait certainement une
dernier recours.
Tout d’abord, la question de la
légitimité. Comme vous le savez, nous
avons reçu un appel à l’aide direct du
président légitime, comme je le disais,
le président légitime de l’Ukraine,
M. Viktor Ianoukovitch, nous demandant
d’utiliser les forces armées pour
protéger la vie, la liberté et la santé
des citoyens de l’Ukraine.
Quelle est notre principale
préoccupation ? Nous voyons des saccages
commis par des forces réactionnaires,
des forces nationalistes et antisémites,
dans certaines régions de l’Ukraine, y
compris Kiev. Je suis sûr que vous, les
membres des médias, ont vu comment un
des gouverneurs a été enchaîné et
menotté à quelque chose et ils ont versé
de l’eau sur lui, dans le froid de
l’hiver. Après ça, d’ailleurs, il a été
enfermé dans une cave et torturé. C’est
quoi cette histoire ? Est-ce la
démocratie ? Est-ce une manifestation de
la démocratie ? Il avait été récemment
nommé à ce poste, en décembre, je crois.
Même en admettant qu’ils sont tous
corrompus là-bas, il avait à peine eu le
temps de voler quoi que ce soit.
Et savez-vous ce qui s’est passé
quand ils se sont emparés de l’immeuble
du Parti des Régions ? Il n’y avait pas
de membres du parti présents à ce
moment-là. Quelques deux ou trois
employés sont sortis, l’un était un
ingénieur , et il a dit aux
assaillants : « Pourriez-vous nous
laisser partir, et laisser les femmes
sortir, s’il vous plaît. Je suis un
ingénieur, je n’ai rien à voir avec la
politique. » Il a été abattu sur place
devant la foule. Un autre employé a été
conduit dans une cave, puis ils ont jeté
des cocktails Molotov sur lui et brûlé
vif. Est-ce là aussi une manifestation
de la démocratie ?
Quand on voit ça, on comprend ce qui
inquiète les citoyens de l’Ukraine, à la
fois russes et ukrainiens, et la
population russophone dans les régions
de l’est et du sud de l’Ukraine. C’est
ce crime incontrôlé qui les inquiète.
Par conséquent, si nous voyons de tels
crimes se répandre dans les régions
orientales du pays, et si les gens nous
appellent à l’aide, alors que nous avons
déjà reçu une demande officielle du
Président légitime, nous nous réservons
le droit d’utiliser tous les moyens
disponibles pour protéger les personnes.
Nous croyons que ce serait tout à fait
légitime. C’est notre dernier recours.
De plus, voici ce que je voudrais
dire : nous avons toujours considéré
l’Ukraine non seulement comme un voisin,
mais aussi une république voisine
fraternelle, et nous continuerons de le
faire. Nos forces armées sont des
compagnons d’armes, des amis, dont
beaucoup se connaissent personnellement.
Je suis certain, et j’insiste, je suis
certain que l’armée russe et ukrainienne
n’auront pas à s’affronter, qu’elles
seront du même côté dans un combat.
Par ailleurs, les choses dont je
parle - cette unité - c’est ce qui est
en train de se passer en Crimée. Il faut
noter que, Dieu merci, pas un seul coup
de feu n’a été tiré là-bas, il n’y a pas
de victimes, à l’exception de cette
bousculade sur une place, il y a une
semaine. Que s’est-il passé ? Des gens
sont venus, ont encerclé des unités des
forces armées et leur ont parlé, pour
les convaincre de respecter les
exigences et la volonté de la population
locale. Il n’y a pas eu d’échange de
tirs, pas un seul coup de feu.
Ainsi, la tension en Crimée liée à
l’éventualité d’un recours aux forces
armées s’est tout simplement calmée et
il n’a pas été nécessaire d’en arriver
là. La seule chose que nous avions à
faire, et nous l’avons fait, était de
renforcer la défense de nos
installations militaires parce qu’elles
étaient constamment menacées et nous
savions que des nationalistes armés s’en
approchaient. Nous avons fait cela,
c’était la bonne chose à faire et très
rapidement. Par conséquent, je pars de
l’idée que nous n’aurons pas à faire
quoi que ce soit de ce genre dans l’est
de l’Ukraine.
Il y a cependant quelque chose que je
voudrais souligner. De toute évidence,
ce que je vais dire maintenant ne relève
pas de mon autorité et nous n’avons pas
l’intention de nous ingérer. Cependant,
nous croyons fermement que tous les
citoyens de l’Ukraine, je le répète, où
qu’ils vivent, doivent avoir les mêmes
droits à participer à la vie de leur
pays et dans la détermination de son
avenir.
Si j’étais à la place de ceux qui se
considèrent comme les autorités
légitimes, je ne perdrais pas de temps
et passerais par toutes les procédures
nécessaires, parce qu’ils n’ont pas de
mandat national pour mener la politique
intérieure, étrangère et économique de
l’Ukraine, et en particulier pour
déterminer son avenir.
A présent, le marché boursier. Comme
vous le savez, le marché boursier était
nerveux avant même que la situation en
Ukraine ne se détériore. Ceci est
principalement lié à la politique de la
Réserve fédérale américaine, dont les
décisions récentes ont renforcé
l’attirance du marché américain pour les
investisseurs et ces derniers ont
commencé à déplacer leurs fonds des
marchés en développement vers le
marché américain. Il s’agit d’une
tendance générale qui n’a rien à voir
avec l’Ukraine. Je crois que c’est
l’Inde qui a le plus souffert, ainsi que
les autres Etats BRICS. La Russie a été
touchée aussi, mais pas aussi durement
que l’Inde, mais elle a été touchée.
C’est la raison fondamentale.
En ce qui concerne les événements en
Ukraine, la politique a toujours une
influence sur le marché boursier, d’une
manière ou d’une autre. L’argent aime la
sérénité, la stabilité et le calme.
Cependant, je pense qu’il s’agit d’une
évolution tactique temporaire et n’aura
qu’une influence temporaire.
D’autres questions, s’il vous plaît.
QUESTION : Monsieur le Président,
pouvez-vous nous dire si vous vous
attendiez à une réaction aussi sévère
aux actions de la Russie de la part de
vos partenaires occidentaux ?
Pourriez-vous nous donner des détails
sur vos conversations avec vos
partenaires occidentaux ? Nous n’avons
eu qu’un communiqué du service de
presse. Et que pensez-vous du sommet du
G8 à Sotchi – aura-t-il lieu ?
VLADIMIR POUTINE : En ce qui concerne
les réactions, le G8 et les
conversations. Nos conversations sont
confidentielles, certaines même ont lieu
via des lignes sécurisées. Par
conséquent, je ne suis pas autorisé à
divulguer les échanges avec mes
partenaires. Par contre, je vais me
référer à certaines déclarations
publiques faites par mes collègues de
l’Ouest ; sans donner de noms, je vais
les commenter d’une manière générale.
A quoi prêtons-nous attention ? On
nous dit souvent que nos actions sont
illégitimes, mais quand je demande :
« Pensez-vous que ce que vous faites est
légitime ? » Ils disent « oui ». Je dois
ensuite leur rappeler les actions des
États-Unis en Afghanistan, en Irak et en
Libye, où ils ont agi soit sans l’aval
de l’ONU soit ont complètement dénaturé
le contenu des résolutions, comme
c’était le cas avec la Libye. Là, comme
vous le savez, la résolution ne parlait
que de fermer l’espace aérien aux avions
du gouvernement, alors que tout ça s’est
terminé par des bombardements et des
opérations terrestres des forces
spéciales.
Nos partenaires, en particulier dans
les Etats-Unis, expriment toujours
clairement leurs propres intérêts d’état
et géopolitiques et les suivent avec
persévérance. Puis, en utilisant le
principe « Vous êtes soit avec nous,
soit contre nous », ils entraînent le
monde entier dans le processus. Et ceux
qui ne s’associent pas à eux se font
« tabasser » jusqu’à ce qu’ils cèdent.
Notre approche est différente. Nous
partons de la conviction que nous
agissons toujours légitimement.
Personnellement, j’ai toujours été un
défenseur d’agir en conformité avec le
droit international. Je tiens à
souligner encore une fois que si nous
prenons la décision, celle d’utiliser
les forces armées, ce sera une décision
légitime en pleine conformité avec les
normes générales du droit international,
puisque nous avons reçu l’appel du
Président légitime, et avec nos
engagements qui dans ce cas coïncident
avec nos intérêts à protéger les
personnes avec qui nous avons des liens
historiques, culturels et économiques
étroits. La protection de ces personnes
est dans notre intérêt national. Il
s’agit d’une mission humanitaire. Nous
n’avons pas l’intention de soumettre
quiconque ni de dicter sa conduite à
personne. Cependant, nous ne pouvons pas
rester indifférents si nous voyons
qu’ils sont persécutés, détruits et
humiliés. Cependant, j’espère
sincèrement que nous n’en arriverons pas
là.
QUESTION : Comment analysez-vous la
réaction occidentale devant les
événements en Ukraine et leurs menaces
concernant la Russie : sommes-nous
confrontés à la possibilité de sanctions
ou de retrait du G8 ?
VLADIMIR POUTINE : En ce qui concerne
les sanctions. C’est surtout ceux qui
veulent les appliquer qui devraient
envisager les conséquences. Je crois que
dans le monde moderne, où tout est
interconnecté et interdépendant, il est
possible de causer des dommages à un
autre pays, mais les dommages seraient
mutuels et il faut garder ça à l’esprit.
Première chose.
La deuxième chose, et la plus
importante. Je vous ai déjà dit ce qui
nous motive. Mais qu’est-ce qui motive
nos partenaires ? Ils ont soutenu une
prise de pouvoir armée
inconstitutionnelle, ont déclaré que ces
gens étaient légitimes et tentent de les
soutenir. Par ailleurs, en dépit de tout
cela, nous avons été patients et même
prêts à coopérer ; nous ne voulons pas
perturber notre coopération. Comme vous
le savez , il y a quelques jours j’ai
demandé au gouvernement d’envisager
comment nous pouvions maintenir des
contacts même avec ce pouvoir à Kiev que
nous ne considérons pas légitime afin de
préserver nos relations économiques et
industrielles. Nous pensons que nos
actions ont été absolument raisonnables,
tandis que toute menace contre la Russie
est contre-productive et nuisible.
En ce qui concerne le G8, je ne sais
pas. Nous serons prêts à accueillir le
sommet avec nos collègues. S’ils ne
veulent pas venir - ainsi soit-il .
QUESTION : Puis-je ajouter quelque
chose à propose des contacts ? A mes
yeux, vous considérez le Premier
ministre de Crimée M. Aksyonov comme le
représentant légitime des autorités
gouvernementales. Etes-vous prêt à avoir
des contacts avec ceux qui se
considèrent comme les autorités
légitimes à Kiev ?
VLADIMIR POUTINE : Je viens d’en
parler. Vous avez dû rater quelque
chose.
QUESTION : Je veux dire, au plus haut
niveau pour une solution politique .
VLADIMIR POUTINE : Je n’ai pas de
partenaire au plus haut niveau. Il n’y a
pas de président là-bas, et il ne peut
pas y en avoir avant les élections
générales.
Comme pour la Crimée, le Parlement a
été constitué en 2010, en décembre 2010,
si je me souviens bien Il y a 100
députés représentant six partis
politiques. Après la démission de
l’ancien premier ministre, le Parlement
de Crimée, en conformité avec la
législation et les procédures en
vigueur, a élu un nouveau Premier
ministre lors d’une session du Conseil
suprême de Crimée. Il est certainement
légitime. Ils ont respecté toutes les
procédures prévues par la loi, il n’y a
eu aucune infraction. Cependant, il y a
quelques jours, lorsqu’un un groupe
d’hommes armés a tenté d’occuper le
bâtiment du Soviet suprême de Crimée,
cela a provoqué l’inquiétude des
riverains. Il semble que quelqu’un
voulait appliquer le scénario de Kiev en
Crimée et lancer une série d’attaques
terroristes et provoquer le chaos.
Naturellement, cela suscite de graves
inquiétudes parmi les résidents locaux.
C’est pourquoi ils ont mis en place des
comités d’auto-défense et pris le
contrôle de toutes les forces armées.
Incidemment, j’étudiais le rapport
hier pour voir ce qu’ils ont pris -
c’est comme une zone fortifiée. Il y a
plusieurs dizaines d’unités C-300,
plusieurs douzaines de systèmes de
défense aérienne, 22 000 soldats et
beaucoup plus. Cependant, comme je l’ai
dit, tout cela est entre les mains du
peuple de Crimée et sans un seul coup de
feu tiré.
QUESTION : Monsieur le Président, une
clarification, si vous me le permettez.
Les personnes qui bloquaient les unités
de l’armée ukrainienne en Crimée
portaient des uniformes qui
ressemblaient fort à l’uniforme de
l’armée russe. Etait-ce des soldats
russes, l’armée russe ?
VLADIMIR POUTINE : Pourquoi ne pas
jeter un coup d’oeil sur états
post-soviétiques. Il existe de nombreux
uniformes là-bas qui sont similaires.
Vous pouvez aller dans un magasin et
acheter tout type d’uniforme .
QUESTION : Mais étaient-ils des
soldats russes ou pas ?
VLADIMIR POUTINE : Ce sont des unités
d’autodéfense locales.
QUESTION : Sont-elles bien formées ?
Si on les compare aux unités
d’auto-défense à Kiev …
VLADIMIR POUTINE : Mon cher collègue,
observez comment les gens qui ont opéré
à Kiev étaient bien formés. Comme nous
le savons tous, ils ont été formés dans
des bases spéciales dans les pays
voisins : en Lituanie, en Pologne et en
Ukraine aussi. Ils ont été longuement
formés par des instructeurs. Ils ont été
divisés en groupes de dizaines et de
centaines, leurs actions étaient
coordonnées, ils ont de bons systèmes de
communication. Tout a marché comme sur
des roulettes. Les avez-vous vus en
action ? Ils avaient l’air très
professionnel, comme des forces
spéciales. Pourquoi pensez-vous que ceux
en Crimée seraient pire ?
QUESTION : Dans ce cas, permettez-moi
d’être plus précis : avons-nous pris
part à la formation des forces
d’auto-défense en Crimée ?
VLADIMIR POUTINE : Non, nous n’y
avons pas pris part.
QUESTION : Comment voyez-vous
l’avenir de la Crimée ? Envisagez-vous
la possibilité qu’elle rejoigne la
Russie ?
VLADIMIR POUTINE : Non, nous ne
l’envisageons pas. En général, je crois
que seuls les habitants d’un pays donné
qui jouissent de la liberté et sont en
totale sécurité peuvent et doivent
décider de leur sort. Si ce droit a été
accordé aux Albanais du Kosovo, si cela
a été possible dans de nombreuses
parties du monde, alors le droit des
nations à l’autodétermination n’est pas
exclu, ce qui, à ma connaissance, est
défini dans plusieurs documents de
l’ONU. Cependant, nous n’allons en
aucune manière provoquer une telle
décision et n’encouragerons pas de tels
sentiments.
Je tiens à souligner que je crois que
seules les personnes vivant sur un
territoire donné ont le droit de
déterminer leur propre avenir .
QUESTION : Deux questions. Vous avez
dit que l’envoi de troupes en Ukraine
est une mesure extrême, mais néanmoins
vous n’excluez pas cette option.
Pourtant, si les troupes russes entrent
Ukraine, cela pourrait déclencher une
guerre. Cela ne vous dérange pas ?
Et une deuxième question. Vous dites
que Ianoukovitch n’a pas donné l’ordre
de tirer sur les gens. Mais quelqu’un a
tiré sur les manifestants. Et de toute
évidence, il s’agissait de tireurs
d’élite, de tireurs d’élite formés.
VLADIMIR POUTINE : Vous savez,
certaines personnes, y compris ceux qui
se trouvaient récemment parmi les
manifestants, ont exprimé l’opinion
qu’il s’agissait de provocateurs de l’un
des partis de l’opposition. En avez-vous
entendu parler ?
Réponse : Non, je n’en ai pas entendu
parler.
VLADIMIR POUTINE : Regardez les
documents - ils sont en libre accès.
C’est pourquoi il est très difficile
d’avoir une analyse précise de la
situation. Mais vous et moi avons vu de
nos yeux que lorsque les combattants
Berkut étaient là avec leurs boucliers
et se faisaient tirer dessus - et il ne
s’agissait pas d’armes à air comprimé,
mais d’armes d’assaut qui perçaient
leurs boucliers. C’est quelque chose que
nous avons vu sans aucun doute. Quant à
savoir qui a donné l’ordre - je ne sais
pas. Je sais que ce que M. Ianoukovitch
m’a dit. Et il m’a dit qu’il n’avait pas
donné d’ordres, et même plus, qu’il
avait donné des instructions - après la
signature d’un accord – pour retirer
toutes les unités de la milice de la
capitale.
Si vous voulez, je peux vous en dire
encore plus. Il m’a appelé au téléphone
et je lui ai dit de ne pas les retirer.
J’ai dit : « Vous aurez l’anarchie, vous
aurez le chaos dans la capitale. Pensez
au peuple. » Mais il l’a fait quand
même. Et dès qu’il l’a fait, son bureau
a été occupé, ainsi que le siège du
gouvernement, et le chaos sur lequel
j’avais mis en garde, et qui se poursuit
à ce jour, a éclaté.
QUESTION : Et la première question ?
Craignez-vous que la guerre n’éclate ?
VLADIMIR POUTINE : Non, parce que
nous n’avons pas l’intention et nous ne
combattrons pas contre le peuple
ukrainien.
QUESTION : Mais il y a des troupes
ukrainiennes, l’armée ukrainienne.
VLADIMIR POUTINE : Écoutez
attentivement. Je veux que vous me
compreniez bien : si nous prenons une
telle décision, ce sera uniquement pour
protéger les citoyens ukrainiens. Et
nous allons bien voir si ces troupes
osent tirer leur propre peuple, avec
nous derrière - pas devant, mais
derrière. Qu’ils essayent donc de tirer
sur des femmes et des enfants !
J’aimerais bien voir ceux qui
donneraient un tel ordre en Ukraine.
QUESTION : Puis-je poser une
question, Monsieur le Président ? Nos
collègues, mes collègues, qui
travaillons actuellement en Ukraine,
disent pratiquement tous les jours que
la situation pour les combattants Berkut
ne fait que s’aggraver (à l’exception
peut-être de la Crimée ). A Kiev en
particulier, il y a des agents Berkut
blessés qui sont dans les hôpitaux
maintenant, où personne ne les soigne et
où ils ne sont même pas alimentés. Et
leurs familles, y compris les membres
âgés de la famille, ne peuvent tout
simplement pas quitter leur maison,
parce qu’ils ne sont pas autorisés, il y
a des barricades tout autour, ils sont
humiliés. Pouvez-vous commenter cela ?
Est-ce que la Russie peut aider ces
familles et ces collègues ?
VLADIMIR POUTINE : Oui, cette
question est d’une grande préoccupation
pour nous. Après tout, ce ne sont pas
des officiers du ministère de
l’Intérieur de la Russie, et nous ne
gérons pas la situation là-bas. Mais
pour des considérations humanitaires, il
serait bon que nos organisations des
droits de l’homme s’impliquent dans
cette affaire, nous pourrions demander à
Vladimir Lukin, seul ou avec ses
collègues, aux représentants de la
France, de l’Allemagne et de la Pologne,
avec qui nous avons participé à
l’élaboration du document bien connu du
21 Février 2014, pour se rendre sur
place et voir ce qui se passe là-bas
avec ces agents Berkut, qui n’ont
enfreint aucune loi et ont agi
conformément aux ordres. Ce sont des
militaires, ils étaient là à faire face
à des balles, ils ont été arrosés avec
du feu et des cocktails Molotov. Ils ont
été blessés et sont maintenant dans un
hôpital. C’est même difficile à imaginer
- même les prisonniers de guerre sont
nourris et soignés. Mais non seulement
ils ont cessé de les soigner, ils ont
même arrêté de les nourrir. Et ils ont
encerclé le bâtiment où vivent leurs
familles, qui subissent des brimades. Je
pense que les organisations des droits
de l’homme devraient se pencher sur la
question. Pour notre part, nous sommes
prêts à leur fournir des soins médicaux
ici, en Russie .
QUESTION : Monsieur le Président,
pour revenir à la réaction de
l’Occident. Suite à la déclaration
sévère du secrétaire d’état des
Etats-Unis, le Conseil de la Fédération
a suggéré que nous rappelions notre
ambassadeur aux États-Unis. Êtes-vous
favorable à cette idée ?
VLADIMIR POUTINE : Le Secrétaire
d’État des États-Unis est certainement
un personnage important, mais il n’est
pas l’autorité ultime qui détermine la
politique étrangère des États-Unis. Nous
entendons des déclarations de divers
politiciens et des représentants des
différentes forces politiques. Ce serait
une mesure extrême. S’il le faut, nous
la prendrons. Mais je ne veux vraiment
pas en arriver là, parce que je pense
que la Russie n’est pas la seule
intéressée par la coopération avec ses
partenaires au niveau international et
dans des domaines tels que l’économie,
la politique étrangère et la sécurité,
nos partenaires sont tout aussi
intéressés par cette coopération. Il est
très facile de détruire ces instruments
de coopération et il serait très
difficile de les reconstruire.
QUESTION : La Russie s’est impliquée
dans le sort de M. Ianoukovitch. Comment
voyez-vous son avenir ?
VLADIMIR POUTINE : Vous savez, il est
très difficile pour moi de le dire, je
ne l’ai pas analysé attentivement. Je
pense qu’il n’a pas d’avenir politique,
et je lui ai dit. Quant à « s’impliquer
dans son sort » - nous l’avons fait pour
des raisons purement humanitaires. La
mort est le moyen le plus facile pour se
débarrasser d’un président légitime, et
je pense que c’est ce qui serait arrivé.
Je pense qu’ils l’auraient tout
simplement tué. Par ailleurs, se pose la
question : pour quoi faire ? Après tout,
regardez comment tout a commencé, ce qui
a déclenché ces événements. La raison
officielle était qu’il n’a pas signé
l’accord d’association avec Union
européenne. Aujourd’hui, cela semble
absurde, ridicule même. Mais je tiens à
souligner qu’il n’a pas refusé de signer
l’accord d’association. Il a dit :
« Nous l’avons soigneusement examiné, et
son contenu ne correspond pas à nos
intérêts nationaux. Nous ne pouvons pas
augmenter fortement les prix de
l’énergie pour notre peuple, parce qu’il
est déjà dans une situation assez
difficile. Nous ne pouvons pas le faire,
pour telle et telle raison. Nous ne
pouvons pas rompre immédiatement nos
relations économiques avec la Russie,
parce que notre coopération est très
vaste. »
J’ai déjà présenté ces chiffres : sur
environ 14 milliards de dollars
d’exportations, environ 5 milliards sont
constitués par des produits manufacturés
de deuxième et troisième niveau exportés
vers la Russie. En d’autres termes, à
peu près tous les produits d’ingénierie
sont exportés vers la Russie ;
l’Occident n’achète pas des produits
ukrainiens. Prendre tout cela et le
briser, introduire des normes techniques
européennes dans l’économie ukrainienne
qui, heureusement ou malheureusement, ne
sont pas utilisées pour le moment. Nous
allons adopter ces normes un jour, mais
actuellement ces normes ne sont pas en
vigueur en Russie. Cela signifie que le
lendemain, nos relations et des liens de
coopération seraient brisés les
entreprises seraient au point mort et le
chômage augmenterait. Et qu’a dit
Ianoukovitch ? Il a dit, « je ne peux
pas le faire si soudainement,
discutons-en un peu plus » Il n’a pas
refusé de signer, il a demandé de
discuter un peu plus, et c’est là que
toute cette folie a commencé.
Pourquoi ? A-t-il fait quelque chose
hors du cadre de son autorité ? Il a agi
absolument dans le cadre de son
autorité ; il n’a rien violé du tout.
C’était tout simplement une excuse pour
soutenir les forces opposées à lui dans
leur lutte pour le pouvoir. Dans
l’ensemble, il n’y a là rien
d’extraordinaire. Mais fallait-il
vraiment porter les choses à un tel
niveau d’anarchie, à un renversement
inconstitutionnel et une prise de
pouvoir par les armes, plongeant par la
suite le pays dans le chaos où il se
trouve aujourd’hui ? Je pense que c’est
inacceptable. Et ce n’est pas la
première fois que nos partenaires
occidentaux le font en Ukraine. J’ai
parfois le sentiment que quelque part de
l’autre côté de cet immense flaque
d’eau, là-bas en Amérique, il y a des
gens qui s’assoient dans un laboratoire
et qui mènent des expériences, comme
avec des rats, sans vraiment comprendre
les conséquences de ce qu’ils font.
Pourquoi ont-ils besoin de faire cela ?
Qui peut expliquer cela ? Il n’y a pas
d’explication.
La même chose s’est produite au cours
du premier soulèvement Maidan, quand M. Ianoukovitch
a été empêché d’accéder au pouvoir.
Pourquoi a-t-il fallu un troisième tour
des élections ? En d’autres termes,
c’est devenu une farce - la vie
politique de l’Ukraine a été transformée
en une farce. La Constitution n’a
absolument pas été respectée.
Voyez-vous, nous sommes maintenant en
train d’apprendre aux gens que si une
personne peut violer n’importe quelle
loi, alors n’importe qui peut faire la
même chose, et c’est ça qui provoque le
chaos. C’est là le danger. Au lieu de
cela, nous devons apprendre à notre
société à suivre d’autres traditions :
des traditions de respect de la
principale loi de la nation, la
Constitution, et toutes les autres lois.
Bien sûr, nous ne réussirons pas
toujours, mais je pense que d’agir comme
ils l’ont fait - comme un éléphant dans
un magasin de porcelaine - est
contre-productif et très dangereux .
S’il vous plaît.
QUESTION : Monsieur le Président, de
votre point de vue, Turchynov est
illégitime.
VLADIMIR POUTINE : En tant que
président, oui.
QUESTION : Mais la Rada est
partiellement légitime.
VLADIMIR POUTINE : Oui.
QUESTION : Est-ce Yatsenyuk et le
Cabinet sont légitimes ? Et si la Russie
est préoccupée par la montée en
puissance des éléments radicaux, qui
deviennent plus forts à chaque fois
qu’ils se retrouvent face à un ennemi
hypothétique qui, à leurs yeux, se
trouve être la Russie et sa position
d’être prête à envoyer des troupes.
Question : est-il logique et est-il
possible de tenir des pourparlers avec
les forces modérées au sein du
gouvernement ukrainien, avec Yatsenyuk,
et est-il légitime ?
VLADIMIR POUTINE : Écoutez, il semble
que vous n’avez pas entendu ce que j’ai
dit. J’ai déjà dit qu’il y a trois
jours, j’ai donné des instructions au
gouvernement pour renouer des contacts
au niveau du gouvernement avec leurs
collègues dans les ministères et les
départements correspondants en Ukraine,
afin de ne pas perturber les relations
économiques, pour les soutenir dans
leurs efforts pour reconstruire
l’économie. Ce sont mes instructions
directes au gouvernement russe. Par
ailleurs, M. Medvedev est en contact
avec [ Arseniy ] Yatsenyuk. Et je sais
que Sergei Narychkine, comme président
du parlement russe, est en contact avec
[ Oleksandr ] Turchynov. Mais, je le
répète, toutes nos relations
commerciales et économiques et autres,
nos relations humanitaires, ne peuvent
être pleinement développées qu’après une
normalisation de la situation et des
élections présidentielles,
QUESTION : Gazprom a déjà dit qu’ils
allaient revenir à l’ancien prix du gaz,
à partir d’avril.
VLADIMIR POUTINE : Gazprom n’a pas pu
dire ça, vous n’avez pas écouté
attentivement ou ils ne se sont pas
exprimés clairement. Gazprom ne revient
pas à l’ancien prix. Ils ne veulent tout
simplement pas étendre les réductions
actuelles, qu’ils avaient décidé de
réviser sur une base trimestrielle.
Avant même tous ces événements, avant
même l’entrée en crise. Je suis au
courant des négociations entre Gazprom
et ses partenaires. Gazprom et le
gouvernement de la Fédération de Russie
ont convenu que Gazprom accorderait une
remise en réduisant les prix du gaz à $
268,50 pour 1000 mètres cubes. Le
gouvernement de la Russie fournit la
première tranche du prêt, qui ne
constitue pas formellement un prêt, mais
un achat d’obligations - un quasi-prêt,
de 3 milliards de dollars dans la
première étape. Et côté ukrainien, ils
s’engagent à rembourser intégralement la
dette du dernier semestre de l’année
dernière et à effectuer des paiements
réguliers pour ce qu’ils consomment -
pour le gaz. La dette n’a pas été
remboursée, les paiements réguliers ne
sont pas versés intégralement.
En outre, si les partenaires
ukrainiens ne parviennent pas à
effectuer le paiement de février, la
dette va augmenter encore plus.
Aujourd’hui, elle est de l’ordre de 1,5
à 1,6 milliards de dollars. Et si
l’échéance de février n’est pas réglée,
elle s’élèvera à près de 2 milliards de
dollars. Naturellement, dans ces
circonstances, Gazprom a dit : « Écoutez
les gars, puisque vous ne nous payez pas
de toute façon, et que votre dette ne
fait qu’augmenter, appliquons le prix
habituel, qui est encore un prix
réduit. »
Il s’agit d’un aspect purement
commercial des activités de Gazprom, qui
prévoit des revenus et des dépenses dans
ses plans d’investissement, comme
n’importe quelle autre grande
entreprise. S’ils ne reçoivent pas
l’argent de leurs partenaires ukrainiens
à temps, cela affecte leurs propres
programmes d’investissement, ce qui
devient un réel problème pour eux. Et
d’ailleurs, cela n’a pas à voir avec les
événements en Ukraine ou de toute autre
politique. Il y avait un accord : « Nous
vous donnons de l’argent et des tarifs
du gaz réduits, et vous effectuez des
paiements réguliers » Ils leur ont donné
l’argent et des tarifs réduits, mais les
paiements n’ont pas été effectués.
Alors, naturellement, Gazprom a dit :
« Les gars, ça peut pas continuer. »
QUESTION : Monsieur le Président, le
service de presse de [la chancelière
fédérale allemande] Mme Merkel a déclaré
après votre conversation téléphonique
que vous aviez décidé d’envoyer une
mission d’enquête internationale en
Ukraine et de mettre en place un groupe
de contact.
VLADIMIR POUTINE : J’ai dit que nous
avons des gens qui ont la formation et
les compétences nécessaires pour être en
mesure d’examiner cette question et d’en
discuter avec nos collègues allemands.
Tout cela est possible. J’ai donné les
instructions en conséquence à notre
ministre des Affaires étrangères, qui
s’est réuni ou se réunira avec le
ministre allemand des Affaires
étrangères, M. Frank-Walter Steinmeier,
hier ou aujourd’hui pour discuter de
cette question.
QUESTION : Tous les regards sont
braqués sur la Crimée à l’heure
actuelle, bien sûr, mais nous voyons ce
qui se passe dans d’autres parties de
l’Ukraine aussi, à l’est et au sud. Nous
voyons ce qui se passe à Kharkov,
Donetsk, Odessa et Lugansk. Les gens
hissent le drapeau russe sur les
bâtiments du gouvernement et font appel
à la Russie pour de l’aide et du
soutien. La Russie va-t-elle répondre à
ces événements ?
VLADIMIR POUTINE : Vous pensez que
nous n’avons pas répondu ? Il me semble
que nous venons de passer une heure à
discuter de cette réponse. Cependant,
dans certains cas, les événements
prennent une tournure, à mon avis,
inattendue. Je ne vais pas entrer dans
les détails, mais la réaction à laquelle
nous assistons est compréhensible, par
principe. Nos partenaires occidentaux et
ceux qui se qualifient eux-mêmes de
gouvernement à Kiev n’avaient-ils pas
prévu cette tournure ? Je leur ai répété
maintes fois : pourquoi faites-vous
monter la frénésie dans le pays ?
Qu’est-ce que vous faites ? Mais ils
continuent à pousser en avant.
Evidemment, les gens dans la partie
orientale du pays se rendent compte
qu’ils ont été écartés du processus de
prise de décision.
Essentiellement, ce qui est
nécessaire maintenant, c’est d’adopter
une nouvelle constitution et la
soumettre à un référendum afin que tous
les citoyens de l’Ukraine puissent
prendre part au processus et avoir leur
mot à dire sur le choix des principes de
base qui constitueront les fondements du
gouvernement de leur pays. Mais ceci
n’est pas notre affaire, bien sûr. C’est
au peuple ukrainien et aux autorités
ukrainiennes de décider. Je pense qu’une
fois qu’un gouvernement légitime est en
place, et qu’un nouveau président et
parlement sont élus, ce qui est prévu,
les choses iront probablement de
l’avant. Si j’étais à leur place, je
reviendrais à la question de l’adoption
d’une constitution et, comme je le
disais, le soumettrais à un référendum
afin que chacun puisse avoir son mot à
dire, de voter, puis de respecter le
choix. Si des gens se sentent exclus de
ce processus, ils ne seront jamais
d’accord avec et continueront à le
combattre. Qui a besoin de ça ? Mais
comme je l’ai dit, ce n’est pas notre
affaire.
QUESTION : Est-ce que la Russie
reconnaîtra l’élection présidentielle
prévue qui aura lieu en Ukraine ?
VLADIMIR POUTINE : Voyons d’abord
comment les choses se déroulent. Si
l’élection est accompagnée par le même
genre de terreur que nous voyons
maintenant à Kiev, nous ne la
reconnaîtrons pas.
QUESTION : J’aimerais revenir à la
réaction de l’Occident. Alors que les
propos sont toujours sévères, il y aura
l’ouverture des jeux paralympiques dans
quelques jours à Sotchi. Y’a-t-il un
risque pour ces jeux, du moins en ce qui
concerne leur couverture médiatique
internationale ?
VLADIMIR POUTINE : Je ne sais pas, je
pense que ce serait le comble du cynisme
que de perturber les Jeux paralympiques.
Nous savons tous qu’il s’agit d’un
événement sportif international où les
personnes handicapées peuvent montrer
leurs capacités, prouver à eux-mêmes et
au monde entier que ce ne sont pas des
personnes ayant des limitations, mais au
contraire, des gens avec des
possibilités illimitées, et de montrer
leurs prouesses sportives. S’il y a des
gens prêts à perturber cet événement,
cela montre que pour eux il n’y a
vraiment rien de sacré.
QUESTION : Je voudrais poser une
question sur l’éventualité d’un recours
à l’armée. Les gens de l’Ouest ont dit
que si la Russie prenait une telle
décision, elle violerait le Protocole de
Budapest, en vertu duquel les États-Unis
et certains partenaires de l’OTAN ont
reconnu l’intégrité territoriale de
l’Ukraine en échange de sa promesse de
renoncer aux armes nucléaires. Si les
événements prenaient une telle tournure,
est-ce qu’on pourrait assister à une
intervention de grandes puissances dans
ce conflit local et sa transformation en
un conflit global ? Avez-vous pris ces
risques en compte ?
VLADIMIR POUTINE : Avant de faire des
déclarations publiques, et d’autant plus
avant d’avoir pris des mesures
concrètes, nous réfléchissons mûrement
et prêtons beaucoup d’attention et
essayons de prévoir les conséquences et
les réactions que les différents acteurs
potentiels pourraient avoir.
En ce qui concerne le protocole dont
vous avez parlé, vous avez dit que vous
étiez de l’agence Reuters, n’est-ce
pas ?
RÉPONSE : Oui.
VLADIMIR POUTINE : Comment le public
et le monde politique de votre pays
voient ces événements qui ont eu lieu ?
Après tout, il est clair qu’il s’agit
d’une prise de pouvoir par les armes.
C’est un fait clair et évident. Et il
est clair aussi que cela viole la
Constitution. Ca aussi, c’est évident,
n’est-ce pas ?
RÉPONSE : Je vis en Russie.
VLADIMIR POUTINE : Tant mieux pour
vous ! Vous devriez rejoindre le service
diplomatique, vous feriez un bon
diplomate. Les langues des diplomates,
comme nous le savons, sont là pour
occulter leurs pensées. Donc, ce à quoi
nous assistons est un coup d’état
anticonstitutionnel, et on nous répond,
non, c’est pas vrai. Vous avez
probablement souvent entendu déjà que ce
n’est pas un coup d’état
anticonstitutionnel ni une prise de
pouvoir par les armes, mais une
révolution. Avez-vous entendu cela ?
RÉPONSE : Oui.
VLADIMIR POUTINE : Oui, mais si c’est
une révolution, qu’est-ce que cela
signifie ? Dans un tel cas, il est
difficile de ne pas être d’accord avec
certains de nos experts qui disent qu’un
nouvel état est en train d’émerger dans
ce territoire. Exactement comme ce qui
s’est passé quand l’Empire Russe s’est
effondrée après la révolution de 1917 et
un nouvel état a émergé. Et ce serait un
nouvel état, avec lequel nous n’avons
signé aucun accord contraignant.
QUESTION : Je tiens à préciser un
point. Vous avez dit que si les
États-Unis imposaient des sanctions, ce
serait un coup porté aux deux économies.
Est-ce à dire que la Russie pourrait
imposer elle-même des contre-sanctions
et, si oui, constitueraient-elles une
réponse symétrique ?
Vous avez parlé aussi des réductions
du prix du gaz. Mais il y avait aussi le
contrat d’achat d’obligations
ukrainiennes pour 15 milliards de
dollars. L’Ukraine a reçu la première
tranche à la fin de l’année dernière. Le
paiement du solde a-t-il été suspendu ?
Si la Russie fournit une aide, à quelles
conditions économiques et politiques
précises le fera-t-elle ? Et quels sont
les risques politiques et économiques
envisagés dans ce cas ?
VLADIMIR POUTINE : Pour répondre à
votre question, nous sommes en principe
prêts à prendre les mesures nécessaires
pour rendre les autres tranches
disponibles pour l’achat d’obligations.
Mais nos partenaires occidentaux nous
ont demandé de ne pas le faire. Ils nous
ont demandé de collaborer à travers le
FMI pour encourager les autorités
ukrainiennes à mener les réformes
nécessaires pour réaliser la reprise de
l’économie ukrainienne. Nous allons
continuer à travailler dans cette
direction. Mais étant donné que Naftogaz
de l’Ukraine ne paie plus Gazprom, le
gouvernement envisage différentes
options.
QUESTION : Monsieur le Président, la
dynamique des événements en Ukraine
évolue-t-elle pour le meilleur ou pour
le pire ?
VLADIMIR POUTINE : Dans l’ensemble,
je pense que la situation est en train
de progressivement se stabiliser. Nous
devons absolument faire comprendre au
gens du sud-est de l’Ukraine qu’ils
peuvent se sentir en sécurité, et savoir
qu’ils pourront prendre part au
processus politique général de
stabilisation du pays .
QUESTION : Vous avez plusieurs fois
mentionné de futures élections légitimes
en Ukraine. Qui voyez-vous comme un
candidat de compromis ? Bien sûr, vous
allez me dire que c’est au peuple
ukrainien de décider, mais je vous pose
la question quand même.
VLADIMIR POUTINE : Pour être honnête,
je n’en sais rien.
RÉPONSE : Il semblerait que les gens
non plus n’en savent rien, parce que peu
importe à qui on parle, tout le monde
semble perdu.
VLADIMIR POUTINE : Je ne peux
vraiment rien dire. Vous savez, il est
difficile de faire des prédictions après
des événements de ce genre. J’ai déjà
dit que je ne suis pas d’accord avec
cette manière de prendre le pouvoir et
d’éliminer les autorités en place et le
président, et je m’oppose fermement à ce
type de méthode en Ukraine comme dans
toute l’espace post-soviétique en
général. Je m’y oppose parce que ce
genre de méthode n’inculque pas une
culture juridique, un respect de la loi.
Si une personne peut s’en sortir en
faisant ça, cela signifie que tout le
monde a le droit de le tenter, et cela
signifie le chaos. Il faut comprendre
que ce genre de chaos est la pire chose
qui puisse arriver à un pays qui a une
économie chancelante et un système
politique instable. Dans ce genre de
situation, vous ne savez jamais quel
genre de personnage surgira des
évènements. Il suffit de rappeler, par
exemple, le rôle que les troupes
d’assaut de [ Ernst ] Roehm ont joué
pendant la montée d’Hitler au pouvoir.
Plus tard, ces troupes d’assaut ont été
liquidées, mais elles ont joué un rôle
dans la montée au pouvoir d’Hitler. Les
événements peuvent prendre toutes sortes
de tournures inattendues.
Permettez-moi de répéter que, dans
des situations où les gens appellent à
des réformes politiques profondes et à
de nouveaux visages à la tête du pays,
et avec toutes les raisons du monde - en
cela je suis d’accord avec ceux de
Maidan - il y a aussi le risque de voir
soudainement surgir une bande
nationaliste ou semi-fasciste, comme un
génie sortant tout à coup de la lampe -
et nous les voyons aujourd’hui, des gens
qui portent des brassards avec signes
qui ressemblent à des croix gammées, qui
rôdent encore à Kiev à ce moment - ou
des antisémites ou autre. C’est aussi un
danger qui guette.
QUESTION : D’ailleurs, aujourd’hui
même, l’envoyé ukrainien de l’ONU a
déclaré que les crimes commis par les
partisans de Bandera ont été falsifiés
par l’Union soviétique. Avec le 9 mai
qui se rapproche, nous pouvons voir
maintenant qui est au pouvoir.
Devrions-nous avoir encore le moindre
contact avec ces gens-là ?
VLADIMIR POUTINE : Nous avons besoin
d’avoir des contacts avec tout le monde,
sauf avec les criminels évidents, mais
comme je l’ai dit, dans ce genre de
situation, il y a toujours le risque que
les événements mettent en avant des gens
avec des opinions extrêmes, ce qui,
bien-sûr, a de graves conséquences pour
le pays.
QUESTION : Vous avez dit que nous
devrions avoir des contacts avec tout le
monde. Il semble qu’Ioulia Timochenko
prévoit de venir à Moscou.
VLADIMIR POUTINE : Comme vous le
savez, nous avons toujours travaillé de
façon très constructive avec tous les
différents gouvernements ukrainiens,
quelle que soit leur couleur politique.
Nous avons travaillé avec Leonid
Koutchma, et avec [ Viktor ]
Iouchtchenko. Quand j’étais Premier
ministre, j’ai travaillé avec
Mme Timochenko. Je lui ai rendu visite
en Ukraine et elle est venue ici en
Russie. Nous avons eu à faire face à
toutes sortes de situations différentes
dans notre travail pour gérer les
économies de nos pays. Nous avons eu nos
différences, mais nous avons également
conclu des ententes. Globalement, ce fut
un travail constructif. Si elle veut
venir en Russie, qu’elle vienne. Qu’elle
ne soit plus Premier ministre, c’est
autre chose. En quelle qualité
viendrait-elle ? Mais je n’ai
personnellement aucune intention de
l’empêcher de venir en Russie.
QUESTION : Juste une petite
question : qui pensez-vous est derrière
ce coup d’état, comme vous l’avez
appelé, en Ukraine ?
VLADIMIR POUTINE : Comme je l’ai déjà
dit, je pense que c’était une action
bien préparée. Bien sûr, il y avait des
unités de combat. Elles sont toujours
là, et nous avons tous vu combien elles
ont été efficaces. Leurs instructeurs
occidentaux ont fait bien sûr beaucoup
d’efforts. Mais là n’est pas le vrai
problème. Si le gouvernement ukrainien
avait été fort, confiant, et avait
construit un système stable, aucun
nationaliste n’aurait pu mener à bien
ces programmes et obtenir les résultats
que nous voyons maintenant.
Le vrai problème est qu’aucun des
précédents gouvernements ukrainiens n’a
accordé une attention adéquate aux
besoins de la population. Ici, en
Russie, nous avons beaucoup de
problèmes, et beaucoup d’entre eux sont
similaires à ceux de l’Ukraine, mais ils
ne sont pas aussi aigus qu’en Ukraine.
Le revenu mensuel moyen par habitant en
Russie, par exemple, est de 29 700
roubles, mais en Ukraine, si nous
convertissons en roubles , il est de 11
900 roubles, je crois - près de trois
fois moins qu’en Russie. La pension
moyenne en Russie est 10 700 roubles,
mais en Ukraine, elle est de 5500
roubles - deux fois moins qu’en Russie.
Les anciens combattants de la Grande
guerre patriotique en Russie reçoivent
chaque mois presque autant que le
travailleur moyen. En d’autres termes,
il existe une différence importante du
niveau de vie. C’est sur ça que les
différents gouvernements auraient dû se
pencher dès le début. Bien sûr, ils
devaient aussi lutter contre la
criminalité, le népotisme, les clans et
ainsi de suite, en particulier dans
l’économie. Les gens voient ce qui se
passe, ce qui provoque un manque de
confiance dans les autorités.
Cela s’est poursuivi pendant que
plusieurs générations de politiciens
ukrainiens modernes se sont relayés, et
le résultat final est que les gens sont
déçus et veulent voir un nouveau système
et de nouvelles têtes au pouvoir. C’est
la principale cause des événements qui
ont eu lieu. Mais je le répète : un
changement de pouvoir, à en juger par la
situation dans son ensemble, était
probablement nécessaire en Ukraine, mais
il aurait dû n’avoir lieu que par des
moyens légitimes, dans le respect et pas
en violation de la Constitution en
vigueur.
QUESTION : Monsieur le Président, si
la Crimée organise un référendum et les
gens là-bas votent pour la sécession de
l’Ukraine, c’est-à-dire si la majorité
des habitants de la région vote en
faveur de la sécession, apporteriez-vous
votre soutien ?
VLADIMIR POUTINE : En politique, vous
ne pouvez jamais employer le
conditionnel. Je vais m’en tenir à cette
règle.
QUESTION : Est-ce que Ianoukovitch
est même encore en vie ? Il y a eu des
rumeurs selon lesquelles il est mort.
VLADIMIR POUTINE : Je l’ai vu une
seule fois depuis son arrivée en Russie.
C’était il y a seulement deux jours. Il
était vivant et en bonne santé et vous
souhaite la même chose. Il aura encore
l’opportunité d’attraper un rhûme à
l’enterrement de ceux qui répandent ces
rumeurs sur sa mort.
QUESTION : Monsieur le Président,
quelles erreurs pensez-vous qu’Ianoukovitch
a commises au cours de ces derniers mois
au fur et à mesure que la situation
s’intensifiait en Ukraine ?
VLADIMIR POUTINE : Je préfère ne pas
répondre à cette question, non pas parce
que je n’ai pas d’opinion, mais parce
que je ne pense pas que ce serait bon de
ma part. Vous devez comprendre, après
tout …
QUESTION : Avez-vous de la sympathie
pour lui ?
VLADIMIR POUTINE : Non, j’ai des
sentiments totalement différents. Toute
personne à la tête d’un état porte une
énorme responsabilité sur ses épaules,
et elle a des droits et aussi des
obligations. Mais la plus grande
obligation de toutes est celle de
respecter la volonté du peuple qui vous
a confié le pays, en agissant dans le
cadre de la loi. Il faut donc analyser,
a-t-il fait tout ce que la loi et le
mandat des électeurs lui conféraient de
faire ? Vous pouvez analyser ceci
vous-mêmes et tirer vos propres
conclusions.
QUESTION : Mais quels sentiments
avez-vous pour lui ? Vous avez dit « pas
de la sympathie, mais d’autres
sentiments ». Quels sentiments,
exactement ?
VLADIMIR POUTINE : Nous en parlerons
plus tard.
QUESTION : Vous avez dit précédemment
que nous devons avant tout envoyer un
signal clair aux habitants du sud et du
sud-est de l’Ukraine. Le sud-est, c’est
compréhensible, mais …
VLADIMIR POUTINE : En réalité, nous
devons rendre notre position claire pour
tout le monde.
Nous avons besoin d’être entendu par
l’ensemble du peuple ukrainien. Nous
n’avons pas d’ennemis en Ukraine.
Permettez-moi de répéter que l’Ukraine
est un pays ami. Savez-vous combien de
personnes sont venus d’Ukraine en Russie
l’année dernière ? 3,3 millions sont
venus, et sur ce nombre, près de 3
millions sont venus en Russie pour le
travail. Ces personnes travaillent ici -
environ 3 millions de personnes.
Savez-vous combien d’argent ils envoient
à la maison en Ukraine pour soutenir
leurs familles ? Comptez le salaire
moyen de ces 3 millions de personnes. Ca
fait des milliards de dollars et
représente une grande contribution au
PIB de l’Ukraine. Ce n’est pas une
question à prendre à la légère. Ils sont
tous les bienvenus, et parmi ceux qui
viennent ici pour travailler il y en a
aussi beaucoup qui viennent de l’Ukraine
occidentale. Ils sont tous égaux à nos
yeux, tous des frères.
QUESTION : C’est exactement ce que je
voulais demander. Nous entendons surtout
parler du sud-est de l’Ukraine en ce
moment, ce qui est compréhensible, mais
il y a des Russes ethniques et des
russophones vivant dans l’ouest de
l’Ukraine aussi, et leur situation est
probablement encore pire. Ils ne peuvent
probablement pas relever la tête du tout
et sont une minorité opprimée là-bas.
Qu’est-ce que la Russie peut faire pour
les aider ?
VLADIMIR POUTINE : Notre position est
que si les gens qui se qualifient de
gouvernement espèrent maintenant être
considérés comme un gouvernement
civilisé, ils doivent assurer la
sécurité de tous les citoyens, peu
importe dans quelle partie du pays, et
que nous suivrons bien sûr de près la
situation.
Merci.
Traduction « rien en vaut la VO »
par VD pour le Grand Soir avec
probablement toutes les fautes et
coquilles habituelles (qui seront
corrigées au fur et à mesure de leur
signalement par les lecteurs o combien
attentifs et exigeants)
Source en anglais :
http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=11635
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non-commerciale autorisée et même
encouragée.
Merci de mentionner les sources.
Publié le 13 février 2014
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dossier Russie
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