Communiqué
Annulation d'un colloque sur la Syrie
Alain Chouet
Mercredi 16 novembre 016
Le Colloque sur la Syrie ("Les
enjeux de la Syrie et de la région",
voir
programme joint)
qui devait se tenir le 26 novembre au
Mémorial de Caen et auquel j'avais été
invité à participer vient d'être annulé
sur décision du directeur du Mémorial
qui, après avoir donné son accord à la
tenue de ce colloque il y a plusieurs
mois, vient d'annuler cet accord au
dernier moment.
Le directeur
du Mémorial dit avoir pris cette
décision de refus après avoir été alerté
"par des réseaux sociaux" (sans autre
précision) sur le fait que ce colloque
réunissait "des militants d'extrême
droite bien connus et partisans de
Bashar el-Assad ".... Il aurait tout de
même été intellectuellement honnête de
sa part de vérifier ces assertions avant
de prendre sa décision.
Je ne
connaissais pas tous les participants à
ce colloque mais ceux que je connais ne
sont ni d'extrême droite ni partisans de
Bashar el-Assad, en particulier :
- Michel Raimbaud, ancien ambassadeur,
ancien directeur de l'Office français de
protection des réfugiés et apatrides ;
- René Nabaa, ancien correspondant de
l'AFP à Beyrouth, consultant à
l'Institut International pour la Paix,
la Justice et les Droits de l'Homme
(IIPJDH) dont le siège est à Genève.;
- Richard Labévière, journaliste
et écrivain, membre du Parti socialiste
;
- Joël Bruneau, maire UMP-UDI-Modem de
Caen ;
- Gérard Bapt, député à l'Assemblée
Nationale, groupe PS ;
- Adonis, philosophe et poète
syro-libanais ;
- Jean Marie Schléret, député à
l'Assemblée Nationale, groupe UMP,
ancien président du Conseil national
consultatif des personnes handicapées ;
- Majed Nehmé, directeur du journal
"Afrique-Asie"; (ce journal créé par
Simon Malley s'est illustré dans la
lutte contre les dictatures arabes et
africaines et dans la lutte
anti-apartheid) ;
- ... et enfin moi-même, écarté de mes
fonctions à l'été 2002 sous le soupçon
d'appartenance au PS et de "jospinisme"....
Toutes ces
personnes ne sont ni des militants
d'extrême droite ni partisans ou
soutiens des dictateurs. Certains, comme
le poète Adonis, sont au contraire
d'inlassables combattants contre la
violence d'Etat dont ils ont été
eux-mêmes victimes.
En ce qui me concerne, j’ai été il
y a plus de vingt ans le premier en
France à essayer de prolonger les
travaux de Michel Seurat sur ce qu’il
appelait « l’Etat de barbarie ». Dans un
très long article publié par la
Documentation française, j’ai décrit en
détail les méthodes et les mécanismes
par lesquels Hafez el-Assad s’était
approprié entre 1970 et 1990 – par la
duplicité et la violence - l’ensemble de
l’appareil d’Etat syrien au profit de sa
famille et de sa communauté. Ce texte
reste encore aujourd’hui - en France
comme à l’étranger - l’une des premières
références universitaires sur le sujet.
Je défie quiconque de trouver dans mes
nombreux écrits, entretiens,
conférences, le moindre soutien aux
auteurs - quels qu'ils soient - des
violences commises en Syrie ou ailleurs,
le moindre soutien aux dictateurs et la
moindre référence aux thèses de
l'extrême droite, du conspirationnisme,
de l'antisémitisme que je combats au
contraire avec véhémence depuis
cinquante ans.
J'ignore quels sont les "réseaux
sociaux" qui ont alerté le directeur du
Mémorial de Caen sur cette réunion de
"dangereux fascistes". J'en ai trouvé un
qui s'intitule "Gauche de combat" avec
comme sous-titre "Gauchiste et fier de
l'être". Il y en a sans doute d'autres
mais je ne les ai pas vus. J'y note la
présence de deux personnes qui avaient
exigé en février 2016 de Mme Delphine
Ernotte (Présidente de France
Télévision) la mise à pied de Mme Samah
Soula, réalisatrice de l'émission "Un
oeil sur la planète", au motif que l'un
de ses documentaires consacré à la Syrie
ne leur convenait pas car sa description
des atrocités commises par les
djihadistes s'analysait à leurs yeux en
un soutien implicite au régime de Damas.
En 2012, j'ai été catalogué comme "un
membre de la légion brune de Bashar el-Assad
en France" par un plumitif d'un grand
hebdomadaire parisien pour avoir
prononcé au cours d'une conférence sur
la Syrie les deux phrases suivantes :
"Ce n'est pas parce que l'on se rebelle
contre un dictateur qu'on est
nécessairement un démocrate. Ce n'est
pas parce qu'on s'interroge sur les
méthodes, les moyens et les objectifs
d'une rébellion contre un dictateur
qu'on est un partisan du
dictateur".
Il semble que
ces deux phrases aient fait
définitivement de moi aux yeux de
certains un militant d'extrême
droite soutien des dictateurs.
Je suppose qu'il en va de même pour les
autres intervenants à ce colloque.
Faut-il être gauchiste (et fier de
l'être....) pour avoir le droit de
s'exprimer sur la Syrie dans ce pays ?
Faut il être gauchiste pour décréter qui
a ou n'a pas le droit de s'exprimer sur
ce sujet ?
Le colloque qui vient d'être annulé
était ouvert au public de même que ses
tables rondes.
Tout le
monde, y compris les gauchistes (et
fiers de l'être) pouvait venir s'y
exprimer et faire valoir librement son
point de vue.
Monsieur le
directeur du Mémorial de Caen a préféré
au dernier moment "casser le
thermomètre".
Que les
gauchistes et fiers de l'être défendent
leur point de vue me paraît parfaitement
légitime et je me battrai pour qu'ils
puissent le faire librement même si je
suis en désaccord avec eux.
Que les
responsables institutionnels français
cèdent à leurs pressions pour que ceux
qui ne sont ni gauchistes ni fiers de
l'être ne puissent pas s'exprimer me
paraît constituer une grave menace pour
la liberté d'expression.
Alain Chouet
Le
dossier Syrie
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