Opinion
Contre-attaque palestinienne contre
l’«Israélafrique » (Qui est Uri Davis ?)
Xavière Jardez

Uri Davis,
juif israélien membre du Conseil
révolutionnaire du Fatah
Vendredi 13 octobre 2017
Après son
offensive de charme en Amérique latine
(Colombie, Argentine), Israël a
jeté son dévolu sur l’Afrique pour
reprendre le siège d’observateur au sein
de l’Union africaine qu’il avait perdu
en 2003, à la dissolution de l’Organisation
de l’Unité Africaine (OUA), et ce
afin d’inverser le rapport de force,
notamment au sein des organisations
internationales comme l’ONU qui,
de son côté, prépare un texte
sanctionnant les sociétés ayant signé
des contrats avec ce pays, pour les
territoires occupés illégalement,
autrement dit les colonies.
En dépit du succès
rencontré par Netanyahou, en juillet,
en Ethiopie et au Kenya, pays ayant
avalisé ses prétentions en contrepartie
du développement de liens sécuritaires,
face au terrorisme, et commerciaux, le
désir d’Israël d’étendre son influence
diplomatique en Afrique n’est pas
acquis. N’oublions pas que l’Ethiopie
est un atout précieux puisque ce pays
est, depuis, janvier 2017, membre non
permanent du Conseil de Sécurité, pour
deux ans.
Deux principaux
Etats membres, l’Egypte et l’Afrique du
sud s’opposeront à cette candidature,
l’Afrique du sud, par l’intermédiaire de
l’ANC, affirmant que le
traitement du peuple palestinien en
Israël s’apparente à l’apartheid : il ne
faut pas oublier qu’Israël avait tissé
des liens économiques étroits avec le
gouvernement du Parti National
sud-africain dans les années 70 et 80.
Ces accusations résonnent favorablement
dans le public sud-africain. Même si les
anciens dirigeants, Ehud Barak et Ehud
Olmert, s’efforcèrent de se rapprocher
de l’ANC pour améliorer les
relations avec Pretoria, l’ANC ne
s’est pas prêtée au jeu. Elle a même
condamné l’Alliance Démocratique, parti
d’opposition sud-africain, pour ses
relations étroites avec Israël, a salué
les 200 000 sud-africains de la campagne
pro-palestinienne dans la province du
Cap et exprimé sa solidarité avec le
peuple palestinien contre
« l’apartheid israélien ».
Les visées de
l’Ethiopie sur la vallée du Nil
L’opposition de
l’Egypte au statut d’observateur
d’Israël remonte à Hosni Moubarak.
L’inclusion de cet Etat dans
l’organisation avait déjà essuyé un
refus de sa part, en 2003, sur
incitation de la Libye, malgré le
soutien de grands Etats comme le
Nigéria, le Kenya et l’Ethiopie,
l’Egypte craignant alors qu’Israël
utiliserait sa qualité de membre pour
soutenir les visées supposées
historiques de l’Ethiopie sur le bassin
de la vallée du Nil. Cette position ne
variera pas et les relations
privilégiées entre l’Egypte et Israël
conduiront, peut-être, l’Ethiopie à
faire marche arrière.
Israël a voulu agir
comme médiateur entre les pays ayant des
relations difficiles avec les
Etats-Unis et, plus particulièrement, le
Soudan, allant jusqu’à demander aux
Européens de faire un geste face à la
dette de 50 milliards de dollars qui
étrangle ce pays. Ce dernier a refusé
l’intervention israélienne arguant que
toute amélioration avec Washington
résulterait de discussions bilatérales.
Des parlementaires soudanais
s’inquiètent, par ailleurs, de
l’influence israélienne sur les
décisions politiques US qui pourrait
altérer l’approche de Washington sur le
Soudan et bénéficierait, outre mesure,
à Netanyahou et à son agenda
anti-iranien.
Dans un contexte de
ressentiment passé de l’Afrique envers
Israël, la diplomatie douce de ce
dernier se heurte au sentiment largement
répandu que les diplomates israéliens
servent les intérêts américains et
qu’Israël n’est pas cette présence
constructive qu’il prétend être.
Israël, dernier
pays à appliquer l’apartheid
Les Palestiniens
ont répondu à ce débordement d’activités
israéliennes en direction de l’Afrique,
en missionnant une délégation conduite
par Uri David qui se définit comme « un
Hébreu palestinien antisioniste »
Pour lui « Israël devra être rejeté
pas, parce que ce pays s’appelle Israël
mais parce que c’est le dernier Etat à
appliquer l’apartheid. Et je mets au
défi l’ambassadeur, dans ce pays [le
Sénégal] ou un autre, de me prouver le
contraire » a lancé Uri Davis
(v.encadré ci-dessous), Sa
mission le conduira dans une dizaine de
pays africains, dont le premier est le
Sénégal. Un défi de taille se présente à
lui, avec le sommet Afrique-Israël au
Togo, et la présence de 130 entreprises
israéliennes, qui, même reporté,
inquiète l’Autorité palestinienne.
« J’appelle les
pays qui hésitent à participer à
l’initiative très négative lancée par le
gouvernement du Togo, le sommet
Afrique-Israël, à ne pas y
participer ».
Pour sa part,
Mahmoud Abbas appelle l’Afrique à
conditionner ses relations à la fin de
l’occupation des territoires
palestiniens. « Les tentatives de
l’occupation israélienne de participer à
votre conférence régionale (CEDEAO) et
d’organiser des conférences l’encourage
à poursuivre son arrogance, son
occupation de la Palestine et son déni
des droits du peuple palestinien ».
« Nous espérons » précise-t-il,
« que le renforcement des relations
entre le continent (africain) et Israël
sera lié à son engagement de mettre fin
à son occupation de la terre de
Palestine, depuis1967, et dont la
capitale est Jérusalem-Est ».
Sources :
Israël’s African Union Observer
Bid : an Uphill Struggle,
by Samuel
Ramani (Huffington Post)
Sénégal, tournée du Fatah pour
contrer l’influence d’Israël en Afrique,
(RFI – 8/10/17).

Qui est Uri
Davis ?
Source :
Jonathan Cook (Electronic
Intifada – 21/8/09)
Traduction et
Synthèse : Xavière Jardez
Uri Davis est
certainement une épine dans le pied
d’Israël : professeur d’études critiques
sur Israël à l’Université d’Al-Qods
à Jérusalem, il est le premier juif
israélien à être élu au Conseil
Révolutionnaire du Fatah (1),
organe valant parlement composé de 120
membres, à la 31ème place sur
80 sièges, enjeu de 600 candidats. Cette
élection est une véritable percée en
matière de communication de l’Autorité
Palestinienne qui l’a missionné pour
conduire une délégation contre
l’admission d’Israël à l’Union
africaine comme observateur.
« L’OLP
représente une alternative démocratique
pour tous, y compris le peuple
colonisateur, celui qui, actuellement,
perpétue les crimes de guerre et les
crimes contre l’humanité » dit-il
parlant d’Israël et de sa population
juive. « Au cours des 25 ans où
j’ai rejoint le Fatah et l’OLP, ce
message a été marginalisé, la majorité
allant dans la direction opposée, les
accords d’Oslo ». Il est peu enclin
à discuter des tensions présentes entre
le Fatah et le Hamas,
dénonçant, cependant, ce dernier
d’attiser les flammes de la guerre
civile. Son principal objectif est
d’élargir la base militante du Fatah
sur le modèle de l’ANC d’Afrique
du sud dont il a soutenu, dès les années
1980, le combat contre l’apartheid de ce
pays.
Il a été élevé dans
un milieu juif ashkenaze, à Jérusalem,
puis, a passé dix ans en exil après
avoir été recruté par Abou Jihad pour
le Fatah en 1984. Il a dirigé le
bureau du Fatah à Londres et,
suite aux accords d’Oslo, fut autorisé à
retourner en Israël où il s’installa à
Sakhnin, dans une communauté
palestinienne au nord d’Israël où il
conduisit une campagne contre les lois
et pratiques obligeant les juifs et les
Palestiniens à vivre en totale
isolation.
Il est marié à une
Palestinienne, brisant ainsi un autre
tabou israélien, qui n’a pu obtenir de
permit de séjour, comme c’est le cas
pour tous les Palestiniens des
territoires occupés. Israël refusa de
lui octroyer un permit pour rendre
visite à son frère mourant à
Jérusalem-Est annexée par Israël
illégalement. « Cela n’est pas
spécifique à ma famille mais atteste de
la cruauté perpétrée contre l’ensemble
du peuple palestinien de la Cisjordanie
et de Gaza par les autorités
occupantes. »
Dans son dernier
livre, « Apartheid Israël :
Possibilities for the Struggle Within »
(2003), il y démontre que la
discrimination dont sont l’objet les
Palestiniens est enracinée dans les lois
et correspond aux quatre classes de
citoyens établies par le Parlement
israélien. Les six millions de juifs
occupent la place la plus privilégiée de
cette hiérarchie, suivie par le million
de la minorité palestinienne, citoyens
de seconde classe, puis 250 000 réfugiés
dépouillés de leur titre de propriété et
enfin, cinq millions de réfugiés dont la
nationalité et celle de leurs
descendants a été annulée après la
guerre de 1948. Il a vécu dans chacune
de ces catégories.
Son élection a été,
à sa grande surprise, salué et soutenu,
internationalement et par une grande
partie de la communauté juive à
l’étranger. L’hostilité est venue lors
d’entretiens avec des médias israéliens
qui se sont offensés de « mon
langage, présentant Israël comme un Etat
d’apartheid, le sionisme comme à un
projet colonialiste, et dénonçant la
criminalité de la direction
israélienne ».
Son impopularité
parmi les juifs israéliens
s’intensifiera certainement à mesure
qu’il mettra à profit sa nouvelle
position au sein du Conseil
Révolutionnaire pour pousser la
campagne BDS (Boycott,
Désinvestissement et Sanctions contre
Israël). Le but ultime est, dit-il,
l’application des résolutions de l’ONU
pour l’établissement de la solution d’un
seul Etat.
(1)
Ilan Halévi, juif antisioniste,
ancien vice-ministre palestinien des
Affaires étrangères, décédé en juillet
2013, a également siégé au Conseil
Révolutionnaire du Fatah. Il était
né à Lyon.

Sur le même
sujet, lire aussi :
Les visages mal cachés de l’«Israélafrique»
Afrique - Israël : les liaisons
dangereuses Interview de Ronnie Kasrils
(ancien ministre des services secrets
d’Afrique du sud)
Les dernières mises à jour

|