Les États-Unis,
l’Allemagne, le Canada, Israël
et le Royaume-Uni lancent l’« Opération
Jéricho »
Obama rate son coup d'État au Vanezuela
Thierry Meyssan
Le
président Obama avec son conseiller pour
l’Amérique latine, Ricardo Zuñiga, et la
conseillère nationale de sécurité, Susan
Rice.
© Maison-Blanche
Lundi 23 février 2015
Une nouvelle fois, l’administration
Obama a tenté de changer par la force un
régime politique qui lui résiste. Le 12
février, un avion d’Academi (ex-Blackwater)
maquillé en aéronef de l’armée
vénézuélienne devait bombarder le palais
présidentiel et tuer le président
Nicolas Maduro. Les comploteurs avaient
prévu de placer au pouvoir l’ex-députée
María Corina Machado et de la faire
immédiatement acclamer par d’anciens
présidents latino-américains.
Le président Obama
avait prévenu. Dans sa nouvelle doctrine
de Défense (National Security
Strategy), il écrivait : « Nous nous
tenons aux côtés des citoyens dont le
plein exercice de la démocratie est en
danger, tel que les Vénézuéliens ». Or,
le Venezuela étant, depuis l’adoption de
la constitution de 1999, l’un des États
les plus démocratiques au monde, cette
phrase laissait présager du pire pour
l’empêcher de poursuivre dans sa voie
d’indépendance et de redistribution des
richesses.
C’était le 6 février 2015. Washington
terminait de mettre au point le
renversement des institutions
démocratiques du Venezuela. Le coup
d’État avait été planifié pour le 12
février.
L’« Opération Jéricho » était
supervisée par le Conseil national de
sécurité (NSC), sous l’autorité de
Ricardo Zuñiga. Ce « diplomate » est le
petit fils du président homonyme du
Parti national du Honduras qui organisa
les putschs de 1963 et de 1972 en faveur
du général López Arellano. Il dirigea la
station de la CIA à La Havane (2009-11)
où il recruta des agents et les finança
pour former l’opposition à Fidel Castro
tout en négociant la reprise des
relations diplomatiques avec Cuba
(finalement conclue en 2014).
Comme toujours dans ce type
d’opération, Washington veille à ne pas
paraître impliqué dans les événements
qu’il dirige. La CIA agit au travers
d’organisations prétendument
non-gouvernementales pour organiser les
putschistes : la National Endowment
for Democracy et ses deux
pseudopodes de droite (International
Republican Institute) et de gauche (National
Democratic Institute), Freddom
House, et l’International Center
for Non-Profit Law. En outre, les
États-Unis sollicitent toujours leurs
alliés pour sous-traiter certaines
parties du coup, en l’occurrence au
moins l’Allemagne (chargée de la
protection des ressortissants de l’Otan
durant le coup), le Canada (chargé de
contrôler l’aéroport international civil
de Caracas), Israël (chargé des
assassinats de personnalités chavistes)
et le Royaume-uni (chargé de la
propagande des putschistes). Enfin, ils
mobilisent leurs réseaux politiques qui
se tiennent prêts à reconnaître les
putschistes : à Washington le sénateur
Marco Rubio, au Chili l’ancien président
Sebastián Piñera, en Colombie les
anciens présidents Álvaro Uribe Vélez et
Andrés Pastrana, au Mexique les anciens
présidents Felipe Calderón et Vicente
Fox, en Espagne l’ancien président du
gouvernement José María Aznar.
Pour justifier du putsch, la
Maison-Blanche avait encouragé de
grandes sociétés vénézuéliennes à
entreposer plutôt qu’à distribuer des
marchandises de première nécessité.
L’idée était de provoquer des files
d’attente devant des commerces, puis
d’infiltrer des agents dans la foule
pour provoquer des émeutes. En réalité,
s’il y a bien eu des problèmes
d’approvisionnement en janvier-février
et des queues devant des magasins,
jamais les Vénézuéliens n’attaquèrent de
commerces.
Pour renforcer son action économique,
le président Obama avait signé, le 18
décembre 2014, une loi imposant de
nouvelles sanctions contre le Venezuela
et plusieurs de ses dirigeants.
Officiellement, il s’agissait de
sanctionner les personnalités ayant
réprimé les protestations estudiantines.
En réalité, depuis le début de l’année,
Washington payait un salaire —quatre
fois supérieur au revenu moyen— à des
gangs pour qu’ils attaquent les forces
de l’ordre. Les pseudos-étudiants
avaient ainsi tué 43 personnes en
quelques mois et semaient la terreur
dans les rues de la capitale.
Ancien
numéro 2 de l’Isaf en Afghanistan, le
général Thomas W. Geary
est aujourd’hui chargé du Renseignement
au SouthCom
L’action militaire était supervisée
par le général Thomas W. Geary, depuis
le SouthCom à Miami, et Rebecca Chavez,
depuis le Pentagone, et sous-traitée à
l’armée privée Academi (ex-Blackwater) ;
une société désormais administrée par
l’amiral Bobby R. Inman (ancien patron
de la NSA) et John Ashcroft (l’ancien
Attorney General de l’administration
Bush). Un Super Tucano,
immatriculé N314TG, acheté par la firme
de Virginie en 2008 pour assassiner Raul
Reyes, le n°2 des Farc de Colombie,
devait être maquillé en avion de l’armée
vénézuélienne. Il devait bombarder le
palais présidentiel de Miraflores et
d’autres cibles parmi une douzaine
pré-déterminée, comprenant le ministère
de la Défense, la direction du
Renseignement et la chaîne de télévision
de l’ALBA, TeleSur. L’avion étant
stationné en Colombie, le QG
opérationnel de « Jéricho » avait été
installé à l’ambassade des États-Unis à
Bogota avec la participation de
l’ambassadeur Kevin Whitaker et de son
adjoint Benjamin Ziff.
Quelques officiers
supérieurs, en active ou à la retraite,
avaient enregistré à l’avance un message
à la Nation dans lequel ils annonçaient
avoir pris le pouvoir afin de rétablir
l’ordre. Il était prévu qu’ils
souscrivent au plan de transition,
publié le 12 février au matin par El
Nacional et rédigé par le
département d’État US. Un nouveau
gouvernement aurait été formé, conduit
pas l’ancienne députée María Corina
Machado.
Le coup
d’État devait placer au pouvoir María
Corina Machado.
Le 26 janvier, elle recevait à Caracas
ses principaux complices étrangers
María Corina Machado fut la président
de Súmate, l’association qui organisa et
perdit le référendum révocatoire contre
Hugo Chávez Frias, en 2004, déjà avec
l’argent de la National Endowment for
Democracy (NED) et les services du
publicitaire français Jacques Séguéla.
Malgré sa défaite, elle fut reçue avec
les honneurs par le président George W.
Bush, dans le Bureau ovale, le 31 mai
2005. Élue représentante de l’État de
Miranda en 2011, elle était soudain
apparue, le 21 mars 2014 comme chef de
la délégation du Panama à l’Organisation
des États américains (OEA). Elle avait
immédiatement été démise de ses
fonctions de député pour violation des
articles 149 et 191 de la Constitution.
Pour faciliter la coordination du
coup, María Corina Machado organisa à
Caracas, le 26 janvier, un colloque,
« Pouvoir citoyen et Démocratie
aujourd’hui », auquel participèrent la
plupart des personnalités vénézuéliennes
et étrangères impliquées.
Pas de chance, le Renseignement
militaire vénézuélien surveillait des
personnalités soupçonnées d’avoir
fomenté un précédent complot visant à
assassiner le président Maduro. En mai
dernier, le procureur de Caracas avait
accusé María Corina Machado, le
gouverneur Henrique Salas Römer,
l’ancien diplomate Diego Arria, l’avocat
Gustavo Tarre Birceño, le banquier
Eligio Cedeño et l’homme d’affaire Pedro
M. Burelli, mais ils récusèrent les
e-mails, prétendant qu’ils avaient été
falsifiés par le Renseignement
militaire. Bien sûr, ils étaient tous de
mèche.
En pistant ces conspirateurs, le
Renseignement militaire découvrit
l’« Opération Jéricho ». Dans la nuit du
11 février, les principaux leaders du
complot et un agent du Mossad étaient
arrêtés et la sécurité aérienne
renforcée. D’autres étaient récupérés le
12. Le 20, des aveux obtenus permirent
d’arrêter un complice, le maire de
Caracas, Antonio Ledezma.
Le maire
de Caracas, Antonio Ledezma, était
l’agent de liaison avec Israël. Il
s’était rendu secrétement à Tel-Aviv, le
18 mai 2012 pour y rencontrer Benjamin
Netanyahu et Avigdor Lieberman. Il
représentait le chef de l’opposition
vénézuélienne, Henrique Capriles
Radonski.
Le président Nicolas Maduro
intervenait immédiatement à la
télévision pour dénoncer les
conspirateurs [1].
Tandis qu’à Washington, la
porte-parole du département d’État
faisait rire les journalistes qui se
souvenaient du coup organisé par
Obama au Honduras en 2009 —pour
l’Amérique latine—, ou plus
récemment de la tentative de coup en
Macédoine, en janvier 2015 —pour le
reste du monde—, en déclarant :
« Ces accusations, comme toutes les
précédentes, sont ridicules. C’est
une question de politique de longue
date, les États-Unis ne soutiennent
pas les transitions politiques par
des moyens non constitutionnels. Les
transitions politiques doivent être
démocratiques, constitutionnelles,
pacifiques et légales. Nous avons vu
à plusieurs reprises que le
gouvernement vénézuélien tente de
détourner l’attention de ses propres
actions en accusant les États-Unis
ou d’autres membres de la communauté
internationale pour les événements à
l’intérieur du Venezuela. Ces
efforts reflètent un manque de
sérieux de la part du gouvernement
du Venezuela pour faire face à la
grave situation à laquelle il est
confronté. »
Pour les Vénézuéliens, ce coup
d’État manqué pose une grave
question : comment faire vivre la
démocratie, si les principaux
leaders de l’opposition se
retrouvent en prison pour les crimes
qu’ils s’apprêtaient à commettre
contre la démocratie ?
Pour ceux qui pensent, à tort,
que les États-Unis ont changé,
qu’ils ne sont plus une puissance
impérialiste et qu’ils défendent
désormais la démocratie dans le
monde, l’« Opération Jéricho » est
un sujet de réflexion inépuisable.
Les États-Unis contre
le Venezuela
En
2002, les États-Unis avaient
organisé un coup d’État contre
le président élu Hugo Chávez
Frias [2],
puis ils assassinèrent le juge
chargé de l’enquête, Danilo
Anderson [3].
En
2007, ils tentèrent de changer
le régime en organisant une
« révolution colorée » avec des
groupes trotskistes [4].
En
2014, ils semblèrent renoncer à
leur objectif et soutinrent des
groupes anarchistes pour
vandaliser et déstabiliser le
pays, c’est la Guarimba [5].
.
[1]
« Denuncia
de Nicolás Maduro sobre nueva intentona
golpista en Venezuela », Red Voltaire,
12 de febrero de 2015.
[2]
« Opération
manquée au Venezuela », par Thierry
Meyssan, Réseau Voltaire, 18 mai
2002.
[3]
« Notre
ami Danilo Anderson assassiné à Caracas »,
« La
CIA derrière l’assassinat de Danilo
Anderson ? », par Marcelo Larrea,
Réseau Voltaire, 19 novembre et 1er
décembre 2004. “FBI
and CIA identified as helping Plan
Venezuelan Prosecutor’s Murder”, by
Alessandro Parma, Voltaire Network,
11 November 2005.
[4]
« Venezuela :
conclusion d’une année déterminante »,
par Romain Migus, Réseau Voltaire,
10 octobre 2008. Voir aussi la réponse
Gene Sharp à nos accusations : « L’Albert
Einstein Institution : la non-violence
version CIA », par Thierry Meyssan,
Réseau Voltaire, 4 juin 2007.
[5]
« États-Unis
contre Venezuela : la Guerre froide
devient chaude », par Nil Nikandrov,
Traduction Roger Lagassé, Strategic
Culture Foundation (Russie),
Réseau Voltaire, 10 mars 2014. « Las
“guarimbas” de Venezuela : derecha
embozada », por Martín Esparza
Flores, Contralínea (México),
Red Voltaire , 28 de abril de 2014.
Thierry
Meyssan,
Intellectuel français,
président-fondateur du
Réseau Voltaire et de la conférence
Axis for Peace. Dernier ouvrage en
français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007).
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