Réseau Voltaire
Syrie : comment limiter la guerre
Thierry Meyssan
L’antique
« route de la soie » reliait l’Iran à la
côte syrienne en traversant l’Irak et en
passant par Palmyre. Il est
géographiquement impossible d’ouvrir
d’autres grandes voies de communication
à travers le désert. Par conséquent, la
ville est devenue l’enjeu central de la
guerre en Syrie. Après avoir été occupée
durant un an par Daesh, elle a été
libérée par l’Armée arabe syrienne et
vient d’accueillir deux concerts,
télévisés en Syrie et en Russie, pour
célébrer la victoire sur le terrorisme.
Mercredi 11 mai 2016
Chaque fois que l’Armée arabe syrienne
vainc les jihadistes, de nouveaux
combattants arrivent par milliers dans
le pays. Force est de constater que
cette guerre est alimentée de
l’extérieur et qu’elle durera tant que
l’on y enverra mourir des soldats. Aussi
faut-il comprendre les raisons
extérieures qui la font toujours se
poursuivre. Alors et alors seulement, on
pourra élaborer une stratégie qui
épargne des vies.
Voici plus de cinq ans que la Syrie est
en guerre. Ceux qui ont soutenu ce
conflit l’expliquaient au départ par
l’extension des « printemps arabes ».
Mais plus personne aujourd’hui ne tient
ce discours. Simplement parce que les
gouvernements issus de ces « printemps »
ont déjà été renversés. Loin d’être une
aspiration démocratique, ces événements
n’étaient qu’une tactique de changement
des régimes laïques au profit des Frères
musulmans.
On prétend désormais que le
« printemps » syrien a été détourné par
d’autres forces ; que la « révolution »
—qui n’a jamais existé— aurait été
dévorée par des jihadistes bien réels.
Ainsi que l’a fait remarquer le
président Vladimir Poutine, au premier
abord, le comportement des Occidentaux
et des pays du Golfe est incohérent. Il
est impossible sur le champ de bataille
de combattre à la fois les jihadistes et
la République et de prétendre se
positionner sur un troisième côté. Or,
nul ne choisit publiquement son camp, de
sorte que la guerre se poursuit.
La vérité est que cette guerre n’a
pas de cause intérieure. Elle est le
fruit d’un environnement non pas
régional, mais global. Lorsqu’elle fut
déclarée par le Congrès US en votant le
Syrian Accountability Act, en
2003, l’objectif de Dick Cheney était de
faire main basse sur les gigantesques
réserves de gaz du pays. On sait
aujourd’hui que le « pic pétrolier » du
crude oil ne marque pas la fin du
pétrole et que Washington va bientôt
exploiter d’autres formes
d’hydrocarbures dans le golfe du
Mexique. L’objectif stratégique des
États-Unis a donc changé. Désormais,
c’est de contenir le développement
économique et politique de la Chine et
de la Russie en les forçant à commercer
exclusivement par les voies maritimes
que contrôlent leurs porte-avions.
Dès son arrivée au pouvoir, en 2012,
le président Xi Jinping a annoncé
l’intention de son pays de s’affranchir
de cette contrainte et de construire
deux routes commerciales continentales
vers l’Union européenne. La première sur
l’antique tracé de la route de la soie,
la seconde via la Russie jusqu’en
Allemagne. Immédiatement deux conflits
ont surgi : d’abord la guerre en Syrie
n’a plus eu comme objectif de changer le
régime, mais de créer le chaos, tandis
que le même chaos s’installait sans plus
de raison en Ukraine. Puis, la
Biélorussie s’est rapprochée de la
Turquie et des États-Unis étendant au
Nord la coupure de l’Europe en deux.
Ainsi, deux conflits sans fin coupent
les deux routes.
La bonne nouvelle, c’est que personne
ne pourra négocier une victoire en
Ukraine contre une défaite en Syrie car
les deux guerres ont le même objectif.
La mauvaise nouvelle, c’est que le chaos
continuera sur les deux fronts tant que
la Chine et la Russie ne seront pas
parvenues à construire un autre axe de
communication.
Par conséquent, il n’y a rien à
espérer d’une négociation avec des gens
qui sont payés pour faire durer le
conflit. Mieux vaudrait faire preuve de
pragmatisme, accepter l’idée que ces
guerres ne sont que des moyens pour
Washington de couper les routes de la
soie. Ce n’est qu’à ce moment là qu’il
sera possible de démêler les nombreux
intérêts en jeu et de stabiliser toutes
les zones habitées.
Source
Al-Watan (Syrie)
Thierry Meyssan
Consultant
politique, président-fondateur du
Réseau Voltaire et de la conférence
Axis for Peace. Dernier ouvrage en
français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007). Compte
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