Washington et Paris relancent la
propagande
contre le « régime de Bachar »
Thierry Meyssan
Jean-Marc
Ayrault et Sergey Lavrov
Lundi 10 octobre 2016
Les Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo
permirent aux Alliés d’exposer les
crimes commis par l’Axe durant la
Seconde Guerre mondiale et de justifier
à la fois le prix de leur victoire et
leur domination sur le monde. Sur ce
modèle, Washington a cru pouvoir juger
et condamner 120 dirigeants syriens,
dont le président Bachar el-Assad, de
manière à justifier la guerre et le
renversement de la République arabe
syrienne. Restait à inventer leurs
crimes…
En avril 2012
—c’est-à-dire après le retrait français
de la guerre (qui reprit en juillet) et
avant l’accord de partage russo-états-unien
(du 30 juin à Genève)—, les « Amis de la
Syrie » avaient décidé de juger le
président Bachar el-Assad devant une
juridiction internationale. Il
s’agissait de mettre en scène a
posteriori la Pax Americana,
après l’assassinat de Slobodan Milošević
dans sa prison à La Haye, la pendaison
de Saddam Hussein et le lynchage de
Mouamar Kadhafi.
Pour ce faire, les États-Unis avaient
créé une association à La Haye, le
Syria Justice and Accountability Centre
(SJAC). Durant deux ans, des juristes
accumulèrent des témoignages sur « les
tortures pratiquées par le régime ».
Le bureau du secrétariat d’État pour
la Justice globale, alors dirigé par
l’ambassadeur Stephen Rapp, avait
sollicité l’Arabie saoudite, la
Jordanie, le Qatar et la Turquie pour
financer un « Tribunal spécial des
Nations unies pour la Syrie » sur le
modèle du « Tribunal spécial des Nations
unies pour le Liban ». Rappelons que ce
dernier, contrairement à sa
dénomination, n’est pas un tribunal au
sens plein du terme puisqu’il a été créé
par deux exécutifs, le secrétaire
général des Nations unies et le Premier
ministre du Liban, sans jamais avoir été
avalisé ni par le Conseil de sécurité,
ni par le Parlement libanais. Ce
pseudo-tribunal aurait ainsi pu
s’affranchir des règles de droit et
condamner le président syrien sans
preuves.
Le principe des tribunaux pour le
Liban et pour la Syrie revient à Jeffrey
Feltman, ancien ambassadeur US à
Beyrouth, puis sous-secrétaire d’État
pour les Affaires du Proche-Orient, et
actuellement directeur des Affaires
politiques de l’Onu. M. Feltman avait
créé le Tribunal pour le Liban, après
avoir lui-même organisé l’assassinat de
Rafic Hariri, pour juger et condamner
les présidents Émile Lahoud et Bachar
el-Assad qu’il entendait rendre
responsables. Selon un document interne
de son bureau que nous avons pu
consulter, l’Otan avait prévu, après le
renversement de la République arabe
syrienne, de juger et de condamner 120
dirigeants du pays, dont 80 figuraient
déjà sur les listes des personnes sous
sanctions établies par les États-Unis
et/ou l’Union européenne.
Le 20 janvier 2014, soit deux jours
avant l’ouverture des négociations de
Genève 2, le cabinet d’avocats
londoniens Carter-Ruck accusait la Syrie
d’avoir torturé et tué plus de 11 000 de
ses citoyens au cours de la guerre. Il
publiait alors un rapport de trois
juristes internationaux authentifiant
55 000 clichés prétendument pris par un
photographe militaire ayant fait
défection. Bien que deux des juristes
aient été largement mis en cause pour
leur partialité dans des affaires
précédentes et que le troisième ait été
chargé par la CIA de créer le Syria
Justice and Accountability Centre
(SJAC), et malgré les dénégations de la
Syrie, John Kerry ne manqua pas de citer
ce document à l’ouverture de la
Conférence de Genève 2.
Le 31 juillet 2014, la Commission des
affaires étrangères de la Chambre des
représentants auditionnait le
photographe syrien. Ce dernier montrait
10 clichés parmi les 55 000 de sa
collection, mais après les avoir floutés
et rendus in-identifiables.
Las ! Le 22 septembre 2014, la Russie
et la Chine opposaient leur veto à un
projet de résolution français saisissant
la Cour pénale internationale des crimes
commis en Syrie. De son côté, le
département d’État considérait que le
matériel accumulé, quoi qu’extrêmement
volumineux, n’avait pas plus de valeur
que les faux témoignages du Tribunal
pour le Liban. Il cessait donc de
subventionner la préparation du
Nuremberg syrien.
Cependant, le secrétariat d’État a
récemment subventionné le Center for
Victims of Torture du Minnesota non
seulement pour l’ensemble de son action
mais aussi pour venir en aide aux
« victimes du régime », s’il en trouve,
mais pas aux 80 000 personnes enlevées
par les États-Unis et torturées par la
Navy à Guantánamo et dans des
bateaux-prisons en eaux internationales
durant les deux mandats de George Bush.
En outre, le département d’État a
soutenu une exposition du Qatar aux
Nations unies à New York, puis au Musée
de l’holocauste à Washington et enfin la
semaine dernière à Rome à partir des
photographies du cabinet Carter-Ruck.
Bien sûr, il n’est pas question de
montrer les 55 000 photographies, mais
toujours les même 10 photos floutées
accompagnées d’autres relatives à la
guerre. Simultanément, le représentant
pro-israélien Eliot Engel (déjà auteur
du Syrian Accountability Act)
déposait la proposition de loi H. R.
5732 visant à accroitre les sanctions
contre la Syrie.
Le 6 octobre 2016, les Pays-Bas
(qui sont illégalement déployés
militairement en Syrie) organisèrent
à leur ambassade à Washington une
réunion pour relancer le Syria
Justice and Accountability Centre
(SJAC) et financer le projet d’un
Tribunal pour la Syrie. L’Allemagne,
la Belgique, le Danemark, l’Italie,
la Norvège, le Royaume-Uni, la
Suède, la Suisse et bien sûr les
États-Unis annoncèrent verser une
obole. Ce projet ne devrait coûter
que quelques millions de dollars par
an.
Pour Washington, il est désormais
clair que la République arabe
syrienne ne tombera pas et qu’il ne
sera pas possible de juger et de
condamner sans preuves le président
Bachar el-Assad. Cette mise en scène
s’inscrit dans le conditionnement
des Occidentaux, « défenseurs du
Bien face aux cruels Syriens ».
La France, successivement
porte-parole des intérêts turcs,
puis qataris, puis saoudiens et
aujourd’hui israéliens, ne l’entend
pas de cette oreille. Elle espère
donc juger les 120 dirigeants
syriens (déjà condamnés sur le
papier) devant la Cour pénale
internationale… par contumace.
Le 10 octobre, le ministre des
Affaires étrangères français,
Jean-Marc Ayrault, a annoncé qu’il
avait demandé à un groupe de
juristes de trouver un moyen pour
saisir la CPI malgré l’opposition
prévisible du Conseil de sécurité.
Il semble que Washington se
prépare à accepter la fin du monde
unipolaire. Dans ce cas, les
accusations les plus farfelues et
plus terrifiantes contre la Syrie
serviront à noircir l’image du camp
russe.
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