Amérique latine
Venezuela : du coup d’État planétaire à
un monde
sans murs médiatiques
Thierry Deronne
Vendredi 23 juin 2017
Cette photo de Paris-Match résume ce que
la plupart des citoyens savent du
Venezuela. Une croyance entretenue jour
après jour par la nouvelle église que
sont les transnationales de
l’information. Le vieux rêve industriel
est devenu réalité : que la population
du monde pense la même chose au moment
voulu. Or…
-
Ces 80 jours ne sont pas de simples
manifestations contre le
gouvernement Maduro. Ce sont 80
jours de manifestations d’une droite
dont le secteur pacifique
en perte de vitesse se fait
déborder quotidiennement par une
insurrection entraînée, financée
et armée par qui rêve de reprendre
le contrôle politique d’un continent
– et pas seulement des réserves
pétrolières du pays. Localement,
l’objectif est de stopper la
campagne pour élire une
Assemblée Constituante et de
réunir les conditions d’un coup
d’État.
-
Fait significatif : cette
insurrection se déploie a partir des
quartiers riches où a été prise la
photo, des municipalité de droite et
de la frontière avec la Colombie en
étroite alliance avec le
paramimitarisme d’Alvaro Uribe.
-
La majorité de la population
vénézuélienne, ces 95 % de
citoyen(ne)s qui habitent les
quartiers populaires, n’y participe
pas, et rejette la violence.
-
La majorité des victimes ne sont pas
des victimes du gouvernement comme
le disent les grands médias mais
les victimes de ces « manifestants
pacifiques » que votre
télévision ou votre radio ou votre
journal, transforment en
« population du Venezuela ».
-
Les membres de forces de l’ordre qui
ont désobéi aux ordres de ne pas
user d’armes a feu et sont
responsables de blessures ou
d’assassinats ont été
aussitôt arrêtés et jugés.
-
Trois scrutins nationaux sont prévus
d’ici 2018, sans assurance de
victoire pour le chavisme qui a
d’ailleurs perdu les législatives de
décembre 2015. Dans ce pays qui a
mis en place une démocratie
participative (invisibilisée
systématiquement depuis 18 ans), la
majorité des médias écrits, radio,
web et télévisés
s’opposent au gouvernement
bolivarien. Selon l’observateur
d’élections Jimmy Carter, le
Venezuela possède le
meilleur système électoral du
monde.
-
Conclusion : le fait que l’opinion
occidentale dénonçait Pinochet en
1973 mais soutienne aujourd’hui ses
fils au Venezuela confirme que nous
sommes gouvernés par les grands
médias. Ce pouvoir écrasant fait
qu’il est très difficile pour la
gauche éloignée de l’Amérique Latine
de prendre parti. La voici
contrainte de se taire pour protéger
sa réputation et de justifier son
« ni-ni » par les erreurs de gestion
ou les cas de corruption des
bolivariens (manifestes mais dont la
solution dépend des vénézuéliens).
Elle rejoint ainsi passivement
l’étau international.
Maurice Lemoine : « On a
connu le même phénomène de « lâcheté
collective » d’intellectuels de
gauche auto-proclamés, à la fin des
années 1980, lorsque les
contre-révolutionnaires (« la
contra »), l’administration Reagan
et les difficultés accablaient le
Nicaragua« . La solution passe
par
démocratiser en profondeur la
propriété des médias tout en
créant de nouveaux paradigmes
éloignés de
l’information-marchandise, à travers
des médias non commerciaux,
alimentés directement par les
mouvements sociaux et reliant les
pays du Sud en particulier. C’est ce
que proposait le rapport de Sean Mac
Bride « Un seul monde, des voix
multiples » réalisé pour l’UNESCO en
… 1980 :
http://unesdoc.unesco.org/images/0004/000400/040066fb.pdf
Pour l’heure voici
les images invisibles sur la « planète
Paris-Match » : à commencer par
l’assemblée qui réunit ce 21 juin 2017
en Bolivie 2500 délégué(e)s de
mouvements sociaux venus de 45 pays pour
réclamer « Un monde sans murs ».
Accompagné de l’ex-ministre espagnol
Rodriguez Zapatero – médiateur du
dialogue national au Venezuela,
d’Ernesto Samper, ex-président colombien
et secrétaire général de l’UNASUR (lui
aussi médiateur) ou de Rafael Correa,
ex-président de l’Équateur, le président
Evo Morales a lancé un fort message de
soutien des forces démocratiques au
gouvernement du Venezuela : « Ce qui
se passe au Venezuela est un coup
d’État. Sois fort, Nicolas, contre les
putschistes, le peuple latino-américain
est avec toi ».
Thierry Deronne,
Venezuela, 21 juin 2017.
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