Droits de
l’Homme au Venezuela :
deux poids,
deux mesures
Thierry Deronne
Lundi 17 juillet 2017
Le 13 juillet les
images de forces de l’ordre agressant
sauvagement un manifestant de droite
dans l’État de Anzoategui, ont suscité
une vague d’indignation au Venezuela, au
sein des militants du chavisme comme de
ceux de l’opposition.
Cette agression a
aussitôt été dénoncée par l’État
vénézuélien, notamment par le Défenseur
des Droits du Citoyen
Tarek William Saab qui relaya ces
images sur son compte Twitter, fut le
premier à identifier la victime, et
promit une enquête immédiate. C’est
chose faite : le 16 juillet, soit trois
jours après les faits, l’investigation
menée en coordination avec le commandant
de la Garde Nationale Bolivarienne
Sergio Rivero, a permis d’arrêter huit
gardes et policiers, accusés de
« traitements cruels, inhumains et
dégradants » contre le jeune Gyanny
Scovino (1). Celui-ci continue à
recevoir des soins post-opératoires à
l’hôpital Domingo Guzman Lander. Dès le
17 juillet ses agresseurs seront
transférés au commandement militaire de
Barcelona pour être jugés, suivant le
code pénal, pour violations des droits
de l’homme. Tarek William Saab a indiqué
qu’en outre, un officier supérieur et
trois subalternes ont été limogés et
soumis à une enquête administrative et
disciplinaire pour « absence de contrôle
et de supervision » et que la liste des
arrestations pourrait s’allonger, car
l’enquête se poursuit. A noter aussi –
car les médias n’en ont pas parlé – que
les manifestants de droite avaient
attaqué au mortier les forces de
l’ordre, blessant très gravement le
capitaine Rodriguez Fernando, qui a
failli perdre ses jambes. Ces victimes,
comme le jeune Scovino, ont reçu la
visite du Défenseur des Droits du
Citoyen ce dimanche à l’hôpital. Saab a
lancé un nouvel appel à l’arrêt des
violences.
Visite du
Défenseur des Droits du Citoyen Tarek
William Saab aux victimes,
dont Gyanny
Scovino (à droite)
La rapidité de
l’enquête et des arrestations des
auteurs de l’agression confirment, comme
nous l’indiquions dans des articles
précédents, que dans le cas de victimes
causées par les forces de l’ordre ayant
désobéi aux ordres de ne pas tirer – on
observel’arrestation et le jugement
immédiat des coupables.
Puisqu’il est
question des Droits de l’Homme au
Venezuela, rappelons que, comme lors des
violences de la droite des années
antérieures, la majorité des victimes
ne résulte pas de la « répression »
gouvernementale mais des actions
violentes de la droite. Lors de son
coup d’État manqué contre le président
Chavez en avril 2002, celle-ci avait
déjà assassiné
une soixantaine de militants chavistes.
Les violences qu’elle a relancées en
avril 2013 parce qu’elle refusait
d’accepter l’élection du président
Maduro
ont fait sept morts. Celles
de février à avril 2014 ont causé 43
morts. Celles qu’elle organise
depuis avril 2017 dans le but de
renverser le gouvernement élu (de
son propre aveu) ont causé à ce jour
une centaine de victimes. (2)
Dans la
dictature de l’éphémère et de
l’émotionnel qui exclut le droit
au suivi et à l’analyse des chiffres, la
vidéo de l’agression du jeune Gyonny
Scovino renforce la vulgate martelée
dans le monde entier : le gouvernement
bolivarien est une « dictature »
responsable de la majorité des
violations des droits de l’homme. Pour
attribuer ces victimes à ce qu’ils
qualifient de « régime », les médias
inversent la causalité. Un gouvernement
élu qui se défend contre une
insurrection fascisante devient « le
répresseur ». Les causes de cette
déstabilisation sont pourtant faciles à
expliquer quand on connaît les enjeux de
la révolution bolivarienne et l’histoire
contemporaine de l’Amérique Latine.
Cette stratégie
insurrectionnelle appuyée par une grande
puissance s’appuie sur un lavage de
cerveau d’une intensité inédite (liée à
l’homogénéisation de la propriété des
médias dans le monde entier). Il y a
une responsabilité des médias dans
l’augmentation des violations des droits
de l’homme au Venezuela. En
blanchissant automatiquement les vrais
auteurs et en attribuant la majorité des
victimes au gouvernement, ils incitent
la droite locale à produire plus de
morts pour les caméras, afin
de justifier un coup d’État ou une
intervention externe contre la
« dictature ». Sans être encore au
pouvoir, la droite agit déjà comme
organe répressif. On a pu en voir un
exemple le 11 juillet à Caracas dans
l’activation à distance d’un puissant
explosif par des « manifestants
pacifiques » au passage des forces de
l’ordre :
Ce rôle des médias
est d’autant plus grave que la droite ne
cache pas son désir de revanche,
imprégné de haine de race et de classe :
son passé putschiste qu’elle n’a jamais
renié, ses relations étroites avec le
paramilitarisme colombien d’Alvaro Uribe,
ses récentes exactions racistes dignes
du Ku Klux Klan (3), tout indique comme
l’explique l’universitaire états-unien
Greg Wilpert que « le danger que
les chavistes soient persécutés en cas
de prise de pouvoir par la droite est
très réel. Même si on compte dans
l’opposition des personnes raisonnables
qui rejetteraient une telle répression,
les dirigeants actuels de l’opposition
n’ont rien fait pour écarter les
tendances fascistes au sein de leurs
propres rangs » (4). On arriverait à
une situation à la colombienne où depuis
la signature des accords de paix, des
dizaines de militants sociaux et de
défenseurs des droits de l’homme ont été
assassinés.
Alors que l’État
vénézuélien agit rapidement pour arrêter
et sanctionner les violations des droits
de l’homme commises par des
fonctionnaires, en revanche nombre
d’assassins et de tortionnaires de la
droite restent en liberté. Oscar Lopez,
le terroriste néo-nazi qui a mitraillé
et lancé des grenades contre le Tribunal
Suprême et le ministère de l’Intérieur,
autoproclamé « guerrier de Dieu » (5),
est ainsi reparu
récemment devant les caméras d’une
manifestation de l’opposition, pour
appeler de nouveau au coup d’État aux
côtés du député d’extrême droite Juan Requesens,
et les sondages indiquent une fatigue de
l’opinion face à ce qu’elle ressent
comme une impunité.
Enfin il convient
de rester prudent quant aux sources de
l’information sur les Droits de l’Homme.
PROVEA, une ONG vénézuélienne qui sert
parfois de source à des ONGS
occidentales comme Amnesty International
n’est pas politiquement neutre. Elle
vient de publier des
communiqués pour intimider les
fonctionnaires qui exerceraient leur
droit au suffrage lors de l’élection de
l’assemblée constituante du 30 juillet
prochain, organisée par le Centre
National Électoral. Cette position
recoupe celle de la droite qui a juré
publiquement d’empêcher ce scrutin « par
tous les moyens ». La volonté de PROVEA
d’intimider les électeurs a été
critiquée par FUNDALATIN –
organisation de défense des Droits de
l’Homme réputée au Venezuela (39 ans de
travail d’accompagnement des communautés
populaires, statut consultatif à l’ONU
depuis 2015, membre des organisations
civiles de l’OEA, Prix Constructeurs de
Paix de l’ONU). Pour sa part, la
Présidente du Centre National Électoral
Tibisay Lucena, a expliqué que « l’opposition
peut ne pas être d’accord avec
l’élection du 30 juillet mais ce qu’elle
ne peut faire, c’est l’empêcher, la
saboter, ce qui serait antidémocratique.
»
HUMAN RIGHTS WATCH
non plus n’est pas neutre. Au fil des
années un nombre croissant de militants
des droits de l’homme, universitaires,
prix Nobel de la paix
ont critiqué le rapprochement des
positions de Washington (6) d’une
organisation qui se montre bien discrète
sur les violations des Droits de l’Homme
commises par la droite vénézuélienne.
Rappelons que Javier Solana,
ex-secrétaire général de l’OTAN, figure
parmi la direction de HRW et que son
Directeur pour les Amériques, Miguel
Vivanco, vient de proposer que le Brésil
« prenne position sur les Droits de
l’Homme au Venezuela, pour restaurer les
droits de base et l’État de Droit ».
Une suggestion surprenante quand on sait
que Michel Temer n’est pas passé par les
urnes mais a pris le pouvoir à la faveur
d’un coup d’État parlementaire qui a
interrompu le mandat de la présidente
démocratiquement élue Dilma Roussef, que
la Justice enquête sur son implication
dans plusieurs affaires de corruption de
haut niveau, et que son programme brutal
de privatisations et de suppression de
droits sociaux entraîne
une augmentation des violations des
droits de l’homme contre les mouvements
sociaux, faits sur lesquels HRW
reste, là aussi, très discret.
Thierry Deronne,
Venezuela, 17 juillet 2017
Notes
Notamment
Zambrano Márquez Osman Pedro, Díaz
Carreño Joel José, Trébol José,
Gómez Julio Cesar, Cova Luis,
Barrios Antonio y Díaz Savier.
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