Amérique latine
Boaventura de
Souza Santos: « Pourquoi je continue à
défendre la Révolution Bolivarienne
au Venezuela »
Vendredi 8 septembre 2017
Décrit comme le
« sociologue de l’antiglobalisation » et
le « penseur étoile des mouvements
sociaux », le portugais Boaventura de
Souza est un des principaux initiateurs
du Forum Social Mondial et l’un des
intellectuels de gauche les plus
respectés d’Europe. Cependant son
travail dépasse les frontières
nationales et universitaires. Docteur en
Sociologie du Droit de l’Université de
Yale, il occupe les fonctions de
directeur du centre d’Etudes Sociales de
l’Université de Coimbra et travaille
également comme chercheur à la faculté
de Droit de l’Université de
Wisconsin-Madison aux États-Unis.
Entretien
réalisé par Arturo Wallace, de BBC World
Service, août 2017.
Lorsque vous
écrivez «En défense du Venezuela »
que défendez-vous, ou qui
défendez-vous exactement ?
Je défends les
majorités du Venezuela, parce que
jusqu’à maintenant il est évident que
ces majorités ont manifesté pour
continuer les politiques d’inclusion
sociale et de progrès menée pour les
classes défavorisées. Comme vous le
savez en 1998, au moment de l’élection
de Hugo Chavez, 60% de la population du
Venezuela vivait sous le seuil de
pauvreté et aujourd’hui c’est beaucoup
moins. Bien sûr en ce moment, il y a une
crise au niveau de l’approvisionnement,
une crise économique très grave. Mais
jusqu’à présent la majorité pauvre du
Venezuela n’a pas manifesté contre
(l’actuel gouvernement), sauf lors des
élections (parlementaires) de 2015,
lorsque l’opposition a gagné mais avec
une faible avance..
La société
vénézuélienne est polarisée, avec de
fortes différences. Et défendre le
Venezuela, c’est défendre la démocratie
vénézuélienne et le droit des majorités
à manifester démocratiquement. Si vous
regardez bien, l’opposition organise un
référendum – bien qu’il n’ait aucune
valeur juridique – et on parle de 7
millions, le gouvernement organise des
élections pour une Assemblée
Constituante et on parle de 8 millions.
Et ensuite une entreprise privée dit
qu’en réalité il n’y avait que sept
millions, mais ce que tout cela montre
c’est que la société est divisée. Et
dans nos sociétés les divisions doivent
se résoudre démocratiquement.
Mais la
démocratie vénézuélienne
fonctionne-t-elle ?
Ce qui est clair,
c’est que le Venezuela n’est pas une
dictature, car si c’en était une,
l’opposition ne pourrait pas faire ce
qu’elle fait : brûler des centres de
santé, brûler des écoles, bombarder le
Tribunal Suprême avec un hélicoptère,
recourir à tous types de provocations
dans la rue. Dans les médias
internationaux ces provocations sont
présentées comme émanant du
gouvernement, alors qu’il est clair que
ce n’est pas le cas. Et nous le savons
car nous avons déjà vu cela avant. Vous
avez peut être regardé par hasard le
reportage de Sky News avant les
élections (pour l’Assemblée
Constituante) sur ce qui ressemblait à
une guerre civile à Caracas ; alors
souvenez vous de ce que Sky News a fait
en Libye, à Tripoli et aussi à Mossoul
en Syrie ; ensuite il s’est avéré que
tout n’était que mensonges. On essaie de
ne pas montrer la réalité du Venezuela
aux médias internationaux et c’est pour
cela que défendre le Venezuela c’est
défendre un peu la démocratie et une
sortie non violente à cette crise, car
si cela se termine dans la violence, les
vénézuéliens en premier lieu, mais aussi
le monde entier va en souffrir.
Le jeune
Orlando Figuera, brûlé vif dans un
quartier chic de Caracas par une droite
insurgée que les médias internationaux
ont déguisée pendant des mois en
« révolte populaire ».
Et vous êtes
certain que la majorité des vénézuéliens
appuient le gouvernement actuel ? Comme
vous l’avez-vous-même rappelé, la
dernière fois que l’opposition a
participé à des élections, elle a
gagné….
C’est vrai, la
majorité a voté en décembre 2015 en
faveur de l’opposition, cela ne fait
aucun doute, mais si on y regarde bien,
c’était dans un contexte de crise. Et il
est évident que Maduro n’est pas Chavez.
Nous savons aussi qu’il y a des
problèmes – personne ne peut nier qu’il
y a des problèmes au Venezuela – et nous
savons aussi que Maduro n’est pas
Allende. Mais il faut dire que lors de
l’organisation des élections de 2015 la
plupart des gens étaient très mécontents
de certaines orientations de la
Révolution Bolivarienne, mais ils
voulaient continuer avec la Révolution :
la corriger, pas l’éliminer.
C’est pour cela que
lorsque l’Assemblée Constituante est
arrivée – dans les conditions difficiles
que nous connaissons, avec des salles de
vote brûlées, saccagées- huit millions
de personnes sont sorties manifester
pour la défendre. Il me semble que la
majorité des vénézuéliens n’est pas
totalement d’accord avec les choix
actuels de politiques bolivariennes de
Maduro , mais elle veut poursuivre le
projet d’intégration sociale,
d’élargissement du pouvoir vers les
communes, vers les plus pauvres, etc. Il
ne s’agit pas d’éliminer complètement
les conquêtes acquises depuis 1998.
C’est dans ce sens que je parle de
majorités.
Mais vous croyez
que les conditions dans lesquelles a été
élue l’Assemblée Constituante peut être
considérée comme un exercice de
démocratie et ses résultats comme
l’expression de la volonté des
majorités ?
Oui, c’est un
exercice propre d’une démocratie, pas
d’une dictature. Les procédures peuvent
varier, proposer différentes formes de
choix. Et l’article 348 de la
Constitution stipule que le président a
cette prérogative (de la convoquer). En
fait j’ai toujours critiqué, d’une façon
solidaire, certains aspects de la
politique bolivarienne; cela ne date pas
d’aujourd’hui. Et bien sûr, je pense
personnellement – bien que je ne sois
pas vénézuélien – qu’il aurait mieux
valu garder la Constitution de 1998, et
beaucoup de personnes pensent que ce
serait possible. Mais dire que
l’Assemblée Constituante n’est peut être
pas pleinement démocratique est une
hypocrisie, dans la mesure où
l’Assemblée Nationale exerçait un
blocage total à Maduro depuis le début.
Mais c’était un
processus plus symbolique qu’effectif,
alors que l’Assemblée Constituante,
elle, a du pouvoir : de fait, une de ses
première décisions a été la destitution
de la procureure générale Ortega
(NDLR : depuis cette interview, Luisa
Ortega et son époux ont fui la justice
vénézuélienne à la suite de la
découverte d’un vaste réseau de
corruption qu’ils dirigeaient depuis le
Ministère Public dans la frange
pétrolifère de l’Orénoque, et de
l’omission juridique de nombreux cas de
fraude massive sur le change de devises
pour le commerce extérieur. Luisa Ortega
collabore à présent,
selon le Miami Herald, avec le
gouvernement états-unien). Pensez
vous que ce genre de décision contribue
à la confiance et au dialogue que le
gouvernement prétend défendre ?
Non. Et je pense
réellement qu’il y a une polarisation
croissante et très inquiétante, les deux
parties polarisent vraiment la
situation. Vous pouvez constater, par
exemple qu’il y a eu une tentative pour
diviser les militaires, tentatives
derrière lesquelles l’interférence nord
américaine était très forte,
interférence avérée, parce qu’ils
essaient de boycotter tout le processus
bolivarien du Venezuela. Et les
réactions ne me semblent pas bonnes non
plus, bien évidemment. Ce qui me semble
intéressant cependant c’est que
l’opposition a décidé de participer aux
élections régionales et locales qui vont
avoir lieu. C’est l’expression de leur
volonté d’affronter le vote et de
continuer sur la voie démocratique, ce
qui, selon moi est une très bonne
nouvelle.
D’un autre côté, au
Venezuela actuellement nous sommes face
à une situation de dualité de pouvoir,
avec d’un côté l’Assemblée Nationale et
aussi un vide institutionnel très fort,
parce que Maduro a révoqué la procureure
générale, et d’un autre côté l’Assemblée
Constituante, qui ne va pas l’accepter.
Le résultat est une situation – qui
n’est pas nouvelle dans l’histoire, la
Russie a connu cela pendant un temps en
1917 – où le pouvoir est divisé dans la
société ce qui rend de plus en plus
difficile une solution dialoguée. Et
nous n’avions jamais connu cette
situation auparavant en Amérique Latine.
Ce que nous avons
connu ce sont les dictatures sanglantes
qui sont venues après, la destruction de
tout, et cela doit inquiéter tous les
démocrates. Et c’est pour cela que tous
les efforts devraient tendre vers le
dialogue. Certaines personnes ne sont
malheureusement absolument pas
intéressés par le dialogue. Et je me
demande s’il n’y a pas des forces à
l’extérieur qui ont intérêt à ce que le
Venezuela, qui a toutes les richesses
minérales du monde, ne soit pas un pays
vraiment souverain, et non dépendant des
États Unis ; on sait bien que tous les
pays qui ont des réserves jugées
stratégiques pour les intérêts
américains ont été éliminés, détruits.
Et il existe plusieurs façons
d’intervenir. Nous ne pouvons pas rester
naïfs. Après l’Opération Condor dans le
Cône Sud de l’Amérique Latine au cours
des années 70, nous ne pouvons plus être
naïfs : il existe de nombreuses formes
d’intervention dans les affaires d’un
autre pays. Et je pense que sans cette
polarisation le problème pourrait être
résolu par la voie démocratique. Mais
là, je ne sais pas, et cela m’inquiète
beaucoup.
Pourtant cela
fait 18 ans que le chavisme est au
pouvoir. N’est-ce pas là la preuve qu’on
exagère le poids de cette soi-disant
conspiration organisée par Washington ?
Le problème ce
n’est pas le nombre d’années qu’il est
au pouvoir, mais s’il gouverne
correctement. Et au Venezuela il y a eu
un problème structurel très clair : le
pays n’a pas su tirer profit des
bénéfices du pétrole pour reconstruire
un État qui vivait historiquement de ses
rentes et dans la dépendance des États
Unis. Parce qu’en fait Chavez ne l’a pas
changé : il n’a pas profité des
bénéfices du pétrole pour changer le
modèle de production de l’économie au
Venezuela. Au contraire, d’une certaine
façon, il est encore plus dépendant de
la production du pétrole. C’est bien
évidemment un problème structurel.
Auquel il faut ajouter le problème de la
corruption, qui ne date pas
d’aujourd’hui. La corruption était
complètement endémique au Venezuela,
dans les années 70 et 80. C’était un cas
d’étude.
Il n’y a plus de
corruption au Venezuela ?
Bien sûr que si.
Comme dans d’autres pays. Je ne dis pas
qu’il n’y en a pas. Le problème c’est
qu’il y a deux poids, deux mesures : par
exemple au Brésil, la présidente la plus
honnête d’Amérique Latine, Dilma
Roussef, a été destituée par les
politiciens les plus corrompus
d’Amérique Latine. C’est ça qui me gêne.
Et sur quoi repose cette double
politique? en fait c’est très simple :
cela dépend si tu es aligné sur les
logiques internationales du
néolibéralisme, des privatisations et
d’abandon des richesses naturelles au
marché international. Si tu es d’accord
tout est toléré, comme on tolère que
l’Arabie Saoudite exécute des jeunes qui
ont participé au printemps arabe, ou que
les femmes soient fouettées pour avoir
conduit une voiture, cela ne provoque
aucune vague. En ce qui nous concerne,
ce n’est pas du tout ce qui se passe, et
c’est cette double politique qui me
gêne. Mais je ne cherche absolument pas
à cacher les problèmes structurels du
pays.
Brésil,
mars 2015. « Dilma dehors ! », « Assez
de corruption ! », « Nous réclamons une
intervention militaire d’urgence face
aux trois pouvoirs pourris ! ». « Assez
d’endoctrinement marxiste », « Assez de
Paulo Freire » (créateur de la célèbre
« Pédagogie de l’opprimé », NdT), « US
Navy et Air Force, sauvez-nous à
nouveau! », des effigies de Lula et
Dilma pendues à un pont : comme au
Venezuela, des classes moyennes
transformées en « révolte
populaire » par les médias
internationaux ne seraient pas fâchées
de voir intervenir militairement les
États-Unis, voire de remettre en
activité les caves de la dictature
militaire pour éliminer les « toxines
marxistes ».
Mais vous pensez
que les inquiétudes sur la qualité de la
démocratie au Venezuela ne sont qu’une
façade ?
Non, je pense qu’il
faut lutter pour la qualité de la
démocratie. Mais encore faut il se
mettre d’accord sur ce que l’on entend
par démocratie . Il existe des groupes
qui essaient de construire un pouvoir
communal depuis la base. Par exemple,
il existe aujourd’hui au Venezuela une
structure très importante qui s’appelle
le Pouvoir Communal, à laquelle
participent des gens très critiques
vis-à-vis des politiques de Maduro et
qui essaient de construire depuis la
base un pouvoir communal qui est un
pouvoir participatif, pas nécessairement
représentatif en termes de démocratie
représentative. Mais vous savez bien
qu’il existe d’autres formes de
démocratie.
Et le Venezuela
avait un système électoral très
sophistiqué. Et je suis surpris que
l’entreprise privée Smartmatic dise –
sur quelle base, je l’ignore, ce que je
sais c’est qu’elle vient de signer un
contrat pour plusieurs millions avec la
Colombie – qu’ils n’étaient que sept
millions, et non pas huit. Il y a des
choses que nous ne comprenons pas, qui
me surprennent et m’incitent à garder
mes distances en raison que ce que j’ai
vu en d’autres occasions en Amérique
Latine. Les conséquences sont toujours
les mêmes : guerre civile, morts, de
plus en plus d’assassinats, et ce serait
regrettable pour le peuple vénézuélien
et les démocrates du monde entier.
École de
féminisme populaire, commune « La
Azulita », État de Mérida.
Et l’unanimité
des décisions de l’Assemblée
Constituante ne vous semble pas
suspecte? Dans quelle mesure un organe
qui prend de telles décisions peut il
être considéré comme représentatif de la
société vénézuélienne ?
Je ne suis pas
certain que les choses soient comme
cela.
Mais c’est ce
qui s’est passé jusqu’à présent…
Bien sûr, mais cela
n’a pas encore commencé, pour ainsi
dire. Nous allons voir ce qui va se
passer. D’un autre côté, au Venezuela
les mécanismes démocratiques sont encore
très forts. Quand cette Assemblée
Constituante aura terminé son travail,
la nouvelle Constitution devra être
approuvée, elle ne pourra pas entrer en
vigueur comme cela, il faudra un
référendum. Alors les vénézuéliens
auront l’occasion, lors du référendum,
de dire s’ils sont pour ou contre. En
d’autres termes il me semble qu’il
existe encore des mécanismes qui
permettent une issue démocratique, une
issue avec un minimum de violence – qui
hélas est déjà très importante – et avec
un minimum d’intervention
internationale. Nous allons voir si cela
est possible, mais il ne faut pas
renoncer à espérer. Même si, pour
l’instant, les deux parties n’ont pas un
comportement propice au dialogue.
Et vous pensez
que la volonté de dialogue du
gouvernement est réelle ?
Il ne faut pas
oublier que tout a commencé lorsque
l’opposition a gagné les élections en
2015. Elle a gagné les élections
législatives, pas les présidentielles,
mais la première chose qu’elle a dite a
été : « il faut détruire la Révolution
Bolivarienne et faire partir Maduro ».
C’est-à-dire que les premières
déclarations du nouveau président de
l’Assemblée ont été pour détruire tout
ce qui a été fait auparavant. Ce n’est
pas normal. Et il ne faut pas s’étonner
si les partisans du gouvernement ou de
Maduro commencent à envisager les façons
de se défendre. Et je me réjouis que
jusqu’à présent, ils aient choisi le
chemin d’une Assemblée Constituante, car
ils auraient pu recourir à une lutte
armée et tout le monde sait qu’au
Venezuela il y a beaucoup d’armes.
C’est pour cette
raison que je préfère, d’une certaine
façon, reconnaître l’Assemblée
Constituante, préparer un vote lors d’un
référendum, et reconnaître le verdict,
quel qu’il soit. Mais il faut faire en
sorte que le processus puisse continuer,
même si c’est au bord du chaos. On est
au bord au chaos, mais beaucoup de pays
ont connu cela : mon pays, le Portugal,
est passé par quelque chose de très
proche en 1975, et nous nous en sommes
sortis. Après la Révolution d’Avril au
Portugal on disait qu’une intervention
nord-américaine était nécessaire. Et
nous sommes parvenus à maintenir le
système démocratique..
Bien sûr, le
Venezuela n’est pas le Portugal, les
pays sont différents, les contextes sont
différents. Mais je continue de défendre
la possibilité d’une issue de dialogue
démocratique, ce qui probablement n’est
possible que si l’on n’attise pas la
dualité de pouvoir avec l’Assemblée
Nationale, si on laisse l’Assemblée
Constituante rédiger une Constitution et
la soumettre par référendum, et surtout
si on mise avec force sur les élections
régionales et locales. Les élections
régionales et locales vont nous dire ce
que pense réellement le peuple. Et
toutes les informations que je reçois de
l’intérieur du pays, de gens qui sont
avec les peuples, c’est que les gens ne
sont pas contre la Révolution
Bolivarienne, mais ils veulent manger,
ils veulent résoudre les problèmes.
Et ils pensent
aussi que pendant longtemps il y a eu un
boycott de la part des forces de
l’oligarchie qui ont bloqué
l’approvisionnement de la société. Mais
bien sûr, il n’y a pas de récoltes, il
n’y a pas de médicaments, il n’y a pas
de couverture santé et tout cela est
insupportable. Et les gens ne sont pas
du tout satisfaits.
Mais cette
situation peut elle s’expliquer
uniquement par le boycott de
l’oligarchie? N’est-ce pas aussi un
résultat des politiques du chavisme ?
Comment un boycott peut il expliquer que
le Venezuela soit devenu, selon les
termes de Ricardo Hausmann, « le pays le
plus endetté du monde ? »
Le Venezuela n’est
pas le pays le plus endetté; le pays le
plus endetté ce sont les États-Unis: 23
milliards de dollars de dette publique.
Il ne l’est ni en termes absolus, ni en
termes relatifs. Mais ce qui se passe
c’est que les États Unis peuvent
imprimer les billets qu’ils veulent et
la valeur du dollar se maintient…
Mais la dette
vénézuélienne est significative…
Oui elle est très
importante. Et je ne vais pas vous dire
que le boycott en est la seule raison
(de la crise économique au Venezuela).
Il n’y a pas qu’une seule raison. Et il
y a eu des erreurs. Je ne suis pas du
tout en train de présenter le pauvre
Maduro comme une victime innocente de
toute l’opposition. Pas du tout. En fait
lorsqu’il y a des erreurs dans une
démocratie, que fait-on? On les corrige.
Et c’est pour cela que certaines erreurs
de la Révolution Bolivarienne ont
provoqué la défaite aux législatives de
2015 .
Mais que s’est-il
passé ensuite ? La droite qui a gagné
les élections (législatives) a décidé
que la seule façon de conquérir le
pouvoir et de faire reconnaître sa
victoire était de détruire la Révolution
Bolivarienne au lieu de la corriger.
C’est le problème
aujourd’hui. C’est la cause de la
polarisation. Parce que lorsqu’on pense
qu’il ne faut pas corriger les erreurs
mais tout détruire, alors il faut agir
de façon plus radicale. C’est ce qui
s’est passé au Brésil : il a fallu un
coup d’état. Car s’il s’était seulement
agi de corriger les erreurs de Lula –
qui étaient grandes et que j’ai
critiquées à l’époque – on aurait pu
trouver une solution démocratique,
attendre les élections suivantes et
renverser Dilma Roussef à ce moment là.
Mais l’oligarchie était impatiente et a
choisi la voie du coup d‘état. Je pense
que c’est ce qui va arriver au
Venezuela. Ou qui peut arriver. Parce
que les mécanismes démocratiques qui
existent encore sont très fragiles et
exigeraient de grands leaders ou la
protection d’institutions comme la CELAC
et l’UNASUR, qui, si elles étaient
fortes pourraient intervenir et dire
« Mes amis, nous allons essayer de
sauver le plus important ». Mais c’est
ce qui manque en ce moment, et les
fautes sont partagées. L’important selon
moi, c’est de maintenir une structure
démocratique, parce que le résultat va
être terrible. Et c’est ce que l’on ne
peut pas accepter.
Vous êtes
optimiste ou pessimiste?
A l’heure actuelle,
je suis de plus en plus pessimiste,
parce que tous les jours je constate que
les possibilités de dialogue
s’amenuisent et que la pression
internationale, la pression des
États-Unis crée une situation propice à
un coup d’état. Mais, en plus,
l’opposition est très divisée. Elle
n’est unie que pour détruire la
Révolution Bolivarienne, mais pour rien
d’autre et qu’est-ce que cela pourrait
produire ? Une grande incertitude, peut
être beaucoup de violence et un recul
total des avancées sociales.
Source :
http://www.bbc.com/mundo/noticias-america-latina-40898069
Traduction :
Pascale Mantel
Reçu de Thierry Deronne pour publication
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