Venezuela
Renforcement du pouvoir citoyen et des
droits sociaux, sanctions envers les
États-Unis : le Venezuela répond à la
tentative de coup d’État
Thierry Deronne
Photo:
D.R.
Dimanche 1er mars 2015
Alors qu’en 1973 il restait des
médias occidentaux pour s’émouvoir du
coup d’État perpétré au Chili, ceux
d’aujourd’hui scandent à l’unisson : “Président
du Venezuela, laisse-toi te renverser !
C’est pour ton bien ! Renonce à défendre
le choix des électeurs ! Renonce à la
loi, à la Constitution. Si tu arrêtes un
putschiste, nous dénoncerons la
répression au Venezuela !”. Le
bulldozer des news, déjà bien rodé pour
créer le personnage Chavez, a été
réactivé pour fabriquer le tyran Maduro
qui agite au loin un poing brutal pour
mieux écraser des foules fanatisées
alors que la voix feutrée de
l’opposition de droite ou du
porte-parole de la Maison Blanche, de
face, en plan proche, s’étonne de tant
de violence.
Même lors du coup d’État manqué
contre Chavez en 2002, jamais on n’avait
observé une telle intensité dans le
bombardement médiatique pour nous faire
accepter la nécessité d’une intervention
extérieure, ou d’un coup d’État, sans
attendre les élections.
C’est sans doute l’erreur historique,
et suicidaire, de la gauche européenne :
ne pas avoir démocratisé la propriété
des médias, avoir laissé le service
public mimétiser “l’information” des
grands groupes privés (1).
Qu’arriverait-il au journaliste d’un
grand média qui parlerait des 40.000
conseils communaux et de conseils du
pouvoir citoyen qui apportent la matière
grise de nombre de décisions
gouvernementales au Venezuela ?
Et le Maduro réel ? Celui que
n’isolent pas les téléobjectifs de l’AFP
et de Reuters ?
Le jeudi 26 février, lors de la
création du nouveau Conseil des
personnes handicapées et des personnes
âgées (2), il a approuvé les
crédits pour octroyer 300 mille pensions
de plus, ce qui élève les bénéficiaires
de ce droit à trois millions de
citoyen(ne)s. Il a confirmé l’octroi de
10.000 allocations de santé pour mieux
protéger les personnes âgées. Il a
félicité les employés de la nouvelle
mission sociale “Foyers de la patrie”
qui a visité en une fin de semaine 200
communautés populaires, soit 25 mille
familles : “Cette méthodologie nous
permet d’arriver directement jusqu’aux
familles en évitant les mafias des
intermédiaires”.
Avant d’entamer à travers le territoire
un nouveau cycle de “gouvernement de
rue” (3) Maduro a rappelé l’idée
centrale de sa politique : malgré la
guerre économique (4) et la chute des
prix du pétrole, pas d’austérité mais
l’approfondissement d’un État social et
participatif. “Comme le dit le maire
Rodriguez, on nous agresse parce que
nous sommes un gouvernement des pauvres.
Il n’y a que dans le socialisme que les
ressources sont administrées en fonction
de celui ou celle qui en a besoin”.
Pendant cette assemblée un gros dossier
arrive aux mains de Maduro. Anibal,
affecté d’une incapacité de l’ouïe, un
des porte-paroles du nouveau conseil
national, prend la parole en langage de
signes : “Nous sommes 120
porte-paroles venus des 24 états du
pays, nous avons travaillé ensemble sur
ces propositions”. “C’est pour
cela que j’ai créé les conseils de
gouvernement populaire, pour que le
peuple prenne le pouvoir, pour qu’il
assume le pouvoir politique, pour qu’il
se convertisse en peuple président”
lui répond Maduro. (5)
Le samedi 28 février lors d’une
mobilisation populaire contre
l’ingérence des États-Unis (photos), le
président a poursuivi : “The Wall
Street Journal a écrit récemment
que l’heure est venue de m’appeler
tyran, je réponds : je
serais un tyran parce que je ne me
laisse pas renverser ? Et si je me
laisse renverser, je serais un démocrate
? Le peuple devrait permettre que
s’installe un «gouvernement de
transition», éliminant la Constitution ?
Je ne le permettrai pas et s’il le
fallait je me battrai dans la rue avec
notre peuple et nos forces armées. Nous
voulons construire la paix, la stabilité
la coexistence, la vie en commun. Que
ferait le président Obama si un coup
d’État était organisé contre son
gouvernement ? Celui qui persiste dans
ses activités terroristes, putschistes,
celui qui agit hors de la Constitution,
sera arrêté pour être jugé même si The
Wall Street Journal ou le New York Times
m’appellent le tyran, ce n‘est pas la
tyrannie, non, c’est tout simplement la
loi. »
Durant cette marche qui a parcouru
les rues de Caracas, Maduro a signé un
décret indemnisant 74 familles de
victimes du “Caracazo” (6) : en
1989, après deux jours d’émeutes
populaires qui suivirent l’application
des mesures néo-libérales exigées par le
FMI, le président social-démocrate
Carlos Andrés Pérez avait suspendu les
garanties constitutionnelles et avait
envoyé l’armée “rétablir l’ordre”.
En 72 heures, 2000 à 3000 personnes
furent assassinées. Maduro a rappelé que
cette même austérité de choc fait partie
du programme que la droite vénézuélienne
avait prévu d’appliquer en cas de succès
du coup d’État le 12 février 2015 (7).
Jusqu’à l’élection de Hugo Chavez, aucun
gouvernement n’avait accepté de
reconnaître les fosses communes, les
disparitions, et les tortures. Les 74
indemnisations décrétées par Maduro
s’ajoutent aux 596 accordées à d’autres
familles par le gouvernement bolivarien.
Par ailleurs, le président a annoncé
quatre mesures en réponse aux sanctions
imposées par les États-Unis en violation
du Droit international et dénoncées par
l’ensemble des pays latino-américains
(8), ainsi qu’aux 168 déclarations
officielles émises par l’administration
Obama contre le gouvernement bolivarien
de 2014 à 2015 :
–
L’entrée du territoire
vénézuélien est interdite aux
fonctionnaires étasuniens complices
d’actes terroristes, de violations de
droits de l’homme, de crimes de guerre.
Parmi ceux-ci l’ex-président George W.
Bush, l’ex-vice-président Dick Cheney;
l’ex-directeur de la CIA George Tenet,
notamment liés au massacre de centaines
de milliers d’irakiens sur la base du
mensonge des “armes de destruction
massive” et à la création de centres de
torture – prisons secrètes en Europe,
Abu Ghraib, Guantanamo, etc… «Interdit
aussi d’accorder des visas aux citoyens
américains qui ont violé les droits
humains et ont bombardé des populations
civiles « . La décision concerne
aussi les congressistes d’extrême droite
Bob Menendez, Marco Rubio, Ileana Ross-Lehtinen
et Mario Diaz-Balart, proches du réseau
terroriste du cubain Posada Carriles qui
vit actuellement aux USA sous la
protection des autorités.
–
Adéquation du nombre de
fonctionnaires de l’Ambassade des
États-Unis à Caracas. Le
gouvernement étasunien y maintient plus
de 100 employés alors que seulement 17
fonctionnaires vénézuéliens sont
autorisés à travailler à l’ambassade
vénézuélienne à Washington. La
chancelière Delcy Rodriguez a rappelé
que cette faculté de demander
l’équilibre du nombre échoit à tout
gouvernement en vertu de la Convention
de Vienne.
–
Réciprocité en matière de visas.
“Les citoyens vénézuéliens qui
voyagent aux États-Unis doivent payer
pour obtenir un visa. A présent, pour
rétablir l’égalité de traitement, les
étasuniens qui nous visitent, devront
obtenir un visa et payer ce que paye un
Vénézuélien qui voyage aux États-Unis”.
–
“Finies, les réunions des
fonctionnaires étasuniens pour conspirer
sur notre territoire”. Les
responsables de l’ambassade étasunienne
à Caracas ont été informés que
dorénavant «toute réunion réalisée
par eux au Venezuela devra être notifiée
et approuvée par le gouvernement du
Venezuela« , conformément aux
articles 41 et 41.2 de la Convention de
Vienne. Maduro a révélé : « nous
avons détecté et capturé certains
étasuniens engagés dans des activités
secrètes, notamment d’espionnage,
essayant de recruter des gens dans les
villages frontaliers avec la Colombie et
sous influence paramilitaire. Dans
l’État du Táchira nous avons capturé un
pilote d’avion étasunien d’origine
latino-américaine, avec toute sorte de
documents. Il est en train de faire des
révélations”.
En concluant son discours, Maduro a
réaffirmé son respect pour le peuple
étasunien ainsi que pour la communauté
afro-américaine, hispanique et caraïbe
souvent victimes des violations de
droits de l’homme de la part de leur
propre gouvernement, rappelant que ces
mesures ne sont pas prises contre eux,
mais contre l’élite qui persiste à
s’ériger en policier mondial et à
refuser de respecter le principe de
souveraineté.
T.D., Caracas, 1er mars 2015
Notes :
(1) Cas récent d’une
émission d’ARTE : http://vivavenezuela.over-blog.com/2015/02/le-venezuela-cartes-sur-table-l-humanite.html. En
Europe le gouvernement Tsipras montre la
voie en rouvrant la télévision publique
fermée sur injonction de Bruxelles et en
réembauchant tous ses salariés pour que
la population jouisse d’un “service
public démocratique et pluriel”.
Toute révolution citoyenne devrait
s’accompagner de la création d’un vaste
réseau de médias populaires pour que les
citoyens disposent réellement
d’informations alternatives.
(2) Sur la nature de
ces nouvelles instances de pouvoir
citoyen, lire « Démocratisation de
l’État, hausse des budgets sociaux :
Nicolas Maduro met les bouchées doubles« , https://venezuelainfos.wordpress.com/2014/12/31/democratisation-de-letat-hausse-des-budgets-sociaux-nicolas-maduro-met-les-bouchees-doubles/
(3) Sur le
gouvernement de rue, lire « Nous
t’écoutons Claudia« , https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/05/06/nous-tecoutons-claudia/
(4) « Tout ce
que vous avez toujours voulu savoir sur
les files d’attente au Venezuela sans
jamais oser le demander« , https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/02/07/tout-ce-que-vous-avez-toujours-voulu-savoir-sur-les-files-dattente-au-venezuela-sans-jamais-oser-le-demander/
(5) Voir le point
(2) sur la démocratisation de l’État.
(6) « Comment la
plupart des journalistes occidentaux ont
cessé d’appuyer la démocratie en
Amérique Latine », https://venezuelainfos.wordpress.com/2014/03/16/comment-la-plupart-des-journalistes-occidentaux-ont-cesse-dappuyer-la-democratie-en-amerique-latine/
(7) Lire « L’«accord
de transition » Machado-Ledezma-Lopez :
ce que révèle et ce qu’occulte le
programme de la droite vénézuélienne en
cas de succès d’un coup d’Etat« , https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/02/22/laccord-de-transition-machado-ledezma-lopez-ce-que-revele-et-ce-quocculte-le-programme-de-la-droite-venezuelienne-en-cas-de-succes-dun-coup-detat/
(8) Lire « L’Amérique
Latine serre les rangs autour du
Vénézuéla : les États-Unis isolés (avec
déclaration intégrale du sommet de
la CELAC)« , https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/02/05/lamerique-latine-serre-les-rangs-autour-du-venezuela-les-etats-unis-isoles-avec-declaration-integrale-du-sommet-de-la-celac/
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