Yémen
Yémen : Lettre d'un habitant de Sanaa
Souraya Assi
Mardi 15 septembre 2015
Parce que j’ai vécu la guerre
de 1994 à Sanaa et que j’en ai rendu
compte à l’époque, certains de mes amis
yéménites, avec lesquels je n’ai cessé
de correspondre, insistaient de temps à
autre pour que j’accorde au Yémen et à
l’agression qu’il subit la place qui
leur revient dans mes articles.
Bien que
la guerre qui se déroule contre notre
région, en Syrie, et celle qui frappe le
Yémen ont pour dénominateur commun les
mêmes agresseurs, je progressais
lentement dans mes recherches pour
finaliser mon article sur ce sujet, la
situation au Liban et en Syrie prenant
le plus gros de mon temps. C’est alors
que j’ai reçu cette lettre de Sanaa.
Je l’ai
faite mienne et la publie telle que
reçue, sans autre commentaire. [Souraya
Assi ; journaliste Libanaise].
Chère Souraya,
Te
souviens-tu du Yémen ? Il a eu sa part
des « révolutions » arabes, la
révolution du 11 février 2011 ayant
accouché d’un pouvoir qui s’est chargé
de soumettre le pays à la famille des
Al-Saoud. Notre révolution n’a donc pas
dévié des normes préétablies, puisque
comme toutes les autres révolutions
arabes, elle est passée par le baptême
obligé et nécessaire pour entrer dans
l'ère des « cheikheries » [*] du Golfe.
Je ne sais
pas ce qui se passe en Libye ! Et, il
est probable que la « révolution » des
Al-Saoud en Syrie est contrecarrée par
des difficultés et des obstacles ayant
conduit à faire de nouveau appel aux
forces de l’OTAN, mais sans recourir au
Conseil de sécurité de l’ONU cette
fois-ci, ni exploiter un mandat truqué
du Secrétaire général de la Ligue arabe.
Quant à l’Égypte et à la Tunisie, il est
bien connu que les circonstances
particulières dans ces deux pays ont
nécessité une révolution contre
« la révolution golfiste » [*] ou, plus
précisément, ont amené les gens à
préférer le pouvoir déchu au pouvoir des
Frères Musulmans.
Cette
expérience s’est répétée au Yémen, la
guerre en cours ayant ses racines dans
la révolution contre « la révolution des
golfeux et des frérots » [*] dans le but
de débarrasser le pays de la domination
de la famille Al-Saoud. Cependant, il
semble que l’OTAN en tant
qu’organisation policière et répressive
mondialisée, interdit la « révolution »
aux pauvres et aux nécessiteux.
Autrement dit et en toute franchise,
l’OTAN mène une guerre afin de rétablir
la loi de la famille Al-Saoud et
réinstaller sa mainmise sur le Yémen.
Il est aussi
notoirement connu que des navires de la
flotte américaine ont procédé, sous
pavillon de l'armée des Émirats arabes
unis, à une opération de débarquement à
Aden et que c’était là l’annonce du
début de la guerre terrestre, suite aux
frappes aériennes ininterrompues depuis
mars 2015, lesquelles frappes ont obligé
les adversaires des Al-Saoud à se
retirer de certaines positions qu’ils
contrôlaient jusqu’ici.
À l’heure
actuelle, nous pouvons dire que le plan
d’annexion du Yémen en est au stade
préparatoire du siège de Sanaa, soumise
quotidiennement à des vagues successives
de raids aériens. Il est possible que
les hordes militaires « golfistes » [*]
s’y dirigent selon trois axes :
-
Le premier, à
partir du port d’Al-Hudaydah sur la mer
Rouge.
-
Le deuxième, à
partir de la ville de Ta’izz au sud.
-
Le troisième,
supposé être emprunté par les forces qui
tentent de se rassembler dans la ville
de Marib à l’est où, d’après les
dernières nouvelles, 15 000 soldats
seraient déjà sur place, rejoints par
les équipements et les véhicules
militaires d’un pays dont le nombre
d’avions et de chars dépasse celui de sa
population… Je veux parler du Qatar,
l’État de ce prince penseur et résistant
Al-Qaradawi !
Quoi qu’il en
soit, l’accès par voie terrestre à Sanaa
ne sera sans doute pas facile, étant
donné que les routes ne sont pas
sécurisées ou bien sont toujours sous le
contrôle des Houthis.
Dans ce
contexte, il n’est pas inutile de noter
que la victoire des Al-Saoud au Yémen
sera très probablement un énorme
désastre pour la population, encore plus
douloureux et plus dangereux que la
tragédie libyenne, témoin en est le
déploiement des bandes de voleurs, de
truands et d’extrémistes, dans les
régions d’où les Houthis se sont retirés
sous la pression des frappes américaines
et saoudiennes, en plus de l’apparition
de diverses formations militaires
appartenant à des agences de sécurité
étrangères dans les zones des puits de
pétrole, des raffineries et des
oléoducs.
Traiter de la
question du Yémen comme se lancer dans
des prévisions à court terme, exige de
prendre en compte deux facteurs
importants, ou plutôt d’introduire le
facteur israélien ; lequel, à mon avis,
influe sur la guerre des Al-Saoud au
Yémen de deux manières en se présentant
sous deux visages :
-
Le premier visage
est celui de l'impérialisme
euro-américain, et les colonialistes
israéliens en sont une facette. Ce
visage est évidemment connu et bien
présent sur la scène yéménite aux
côtés des Pays du Golfe. Ici, il est
nécessaire de rappeler que cet
impérialisme a construit ses propres
bases à Djibouti et au nord de la
Somalie, après avoir démantelé
l'État somalien et découpé ce qu’ils
appellent le « Somaliland » où se
trouve, justement, une base
israélienne ; la largeur du détroit
de Bab el-Mandeb, c'est-à-dire la
distance entre la côte yéménite et
la côte somalienne, étant d’une
trentaine de kilomètres.
-
Le deuxième
visage se déduit logiquement à
partir du rôle joué au Yémen, par
les gouvernements actuels de
l’Égypte et de la Jordanie aux côtés
des Al-Saoud et aussi des
colonialistes israéliens, sur la
base d’informations indiquant une
présence militaire israélienne à
l'entrée du détroit de Bab al-Mandeb
et donc, en Somaliland.
Pour exposer
les choses telles qu’elles sont, et
éviter les polémiques, il faut dire que
les raisons de cette méfiance à l’égard
des autorités égyptienne et jordanienne
repose sur le fait que depuis que ces
deux pays ont signé respectivement les
Accords de Camp David et de Wadi Araba,
ils ont toujours adopté des positions
essentiellement favorables à Israël. Ce
fut le cas lors des conflits
israélo-libanais et
israélo-palestiniens, ainsi que du
conflit réunissant les États-Unis, la
Turquie et l’Arabie saoudite contre la
Syrie. Je ne pense pas que nous
pourrions nous passer de citer tous ces
cas.
Source :
New Orient News ; le 10/09/2015
http://www.neworientnews.com/index.php/2013-08-24-22-19-26/17510-2015-09-10-07-07-21
Traduction
de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
NdT :
Suite à la publication de cette lettre,
une citoyenne yéménite s’est adressée à
Madame Assi en ces termes : « Nous
Yéménites, nous vous saluons et vous
remercions pour vos paroles de vérité
sur le Yémen et les Yéménites. Ci-joint
une documentation certifiée de quelques
crimes, non de tous les crimes…
peut-être sera-t-elle utile ». Un
message que Madame Assi a publié aussi.
Cette
documentation, la voici :
https://www.facebook.com/noora.alaqmer/media_set?set=a.650160718454524.1073741838.100003818064162&type=3
Note :
[*] néologismes obligés dérivés des mots
cheikh, pays du Golfe, Frères Musulmans…
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
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