Actualité
Brésil : le suprémaciste Steve Bannon,
ami public
commun de Bolsonaro & Marine Le Pen
Smaïl Hadj Ali
Mercredi 17 octobre 2018
Publié sur
Investig'action
Interrogée sur
Bolsonaro, lors de son passage à
L’émission Les 4 vérités de Caroline
Auroux, – Télé Matin France 2 le jeudi
11 octobre- Mme Le Pen a été d’une
grande clarté sur ce candidat de
l’extrême droite brésilienne : « Dès que
quelqu’un dit quelque chose de
déplaisant, il est d’extrême droite dans
les médias français. Je ne vois pas ce
qui en l’occurrence fait de M. Bolsonaro
un candidat d’extrême droite”.
Çà là, c’est
ce qui faillit un jour régir le monde
Les peuples
s’en rendirent maîtres. Cependant
Je voudrais
que vous ne triomphiez pas
sur-le-champ :
Le ventre est
encore fécond, d’où vint la chose
immonde.
Bertolt Brecht
Madame Le Pen a
probablement zappé quelques aspects des
propos fascistes et forcément racistes,
-ils vont toujours ensemble tant ils
sont ontologiquement et organiquement
liés-, de cet admirateur d’Hitler, dont
il est établi aujourd’hui qu’il est
aussi le candidat de l’armée brésilienne
et de son projet politico-idéologique
intitulé « NOUVELLE DÉMOCRATIE ».
Prudente, en
apparence, elle rajoute, en faisant dans
une tambouille à la sauce culturaliste
frelatée :
« Mais, encore une fois, il a sûrement
tenu des propos qui sont éminemment
désagréables, qui ne sont peut-être pas
du tout transférables dans notre pays,
c’est une culture qui est différente”.
Puis, elle ponctue
ses propos bienveillants, en dénonçant
l’ethnocentrisme dont ce fasciste fait
l’objet :
“Mais est-ce qu’on va à un moment donné
accepter que les peuples ont des
histoires et des cultures qui sont
différentes, ou est-ce qu’on cherche
toujours à juger, à jauger ce qui se
passe à l’extérieur en vertu de notre
propre culture et de notre propre
histoire ? Je pense que le faire est une
erreur”.
Dis-moi qui tu
fréquentes…
Si Madame Le Pen
peut jouer l’ignorance bienveillante à
l’égard de Bolsonaro, devant une
journaliste qui, de toute évidence, n’a
pas préparé ses fiches, elle ne pourra
pas contester qu’elle a les mêmes
fréquentations que les Bolsonaro, comme
nous le verrons.
Car en effet, il y
a une « hénaurme », « ein grosser »
communauté d’intérêt idéologique entre
ces gens. Mieux encore, elle qui parle
de « cultures différentes », partage une
culture très appréciée par les
Bolsonaro. Une « culture » d’extrême
droite symbolisée par Steve Bannon, qui
entretient des liens étroits avec les
Bolsonaro et les conseille pour les
élections, comme il le fit pour Trump.
A cet égard, le 4
août 2018, Eduardo Bolsonaro fils, a
posté une photo sur son compte twitter
en compagnie de Bannon à New York, en
soulignant que son père et l’ancien
stratège de Trump partagent « la même
vision du monde », et que Bannon était
un partisan de la candidature de son
père.
Puis, il ajouta : «
Ce fut un plaisir de rencontrer Steve
Bannon, ce stratège des élections
présidentielles de Donald Trump. Nous
avons eu une grande conversation. Il m’a
dit : « qu’il était -passionné par la
campagne de mon père. Nous restons en
contact pour unir nos forces, contre le
marxisme culturel en particulier ».
Par « marxisme
culturel » Steve Bannon fait allusion à
l’École de Francfort, qui à partir des
années trente et jusqu’à la fin des
années soixante, sous la direction de
Theodor Adorno et Max Horkheimer a
développé, entre autres, des travaux,
analyses, réflexions sur le fascisme et
le nazisme, en montrant les connivences
et congruences du système capitaliste
avec ces idéologies, mais aussi les
formes d’aliénation et d’endoctrinement
lovées dans les industries culturelles
et médiatiques capitalistes qui
travaillent, fondamentalement pour ces
idéologies de la régression et de
l’oppression.
Tel père, tel
fils
Digne fils de son
père, -comme son frère Flavio,
spécialisé en intox crapuleux et
propagande putride sur WhatsApp, dont
les messages, quelques jours avant le
premier tour, et les jours suivants
affirmaient que Fernando Haddad avait
conçu, lorsqu’il était ministre de
l’Éducation nationale, un kit scolaire
favorable à l’homosexualité des enfants,
et qu’il défend l’inceste entres les
enfants et les parents-, il illustre le
retour offensif de la barbarie, en
s’affichant fièrement avec un T-shirt
noir avec la photo du sinistre colonel
Ustra, tortionnaire de Dilma Rousseff et
de milliers de brésiliens pendant la
dictature militaire. (1)
Dans le registre
des propos sordides et ignobles, celui
qui a été réélu député fédéral de l’État
de Sao Paulo le 8 octobre 2018, avec un
million huit cents mille de voix, soit
le taux le plus fort dans l’histoire des
élections législatives, fait aussi bien
que son père.
Le 30 septembre, au
lendemain des manifestations nationales
des femmes contre les propos haineux et
misogynes de Bolsonaro, il déclara :
“Les femmes de
droite sont plus belles que celles de
gauche. Elles ne montrent pas leurs
seins dans les rues et ne défèquent pas
dans les rues. Les femmes de droite ont
plus d’hygiène “. Comme son père il a la
haine des journalistes qui ne sont pas
de son bord.
En juillet 2017, il
stigmatise « les journalistes
démagogues, gauchistes, suppôts d’un
gouvernement -petiste- qui a volé le
pays, apporté la débâcle, la ruine
nationale, et plongé la population
brésilienne dans la pauvreté et la
souffrance », et assène : « ils vont
payer pour leurs crimes ».
L’Association
brésilienne du journalisme
d’investigation, indiquait récemment
qu’Eduardo Bolsonaro, avec d’autres
militants fascistes se trouvaient
derrière l’exposition de la vie et des
profils de dizaines de journalistes sur
les réseaux sociaux, afin de les livrer
à la vindicte fasciste sur la base de
leur supposée affinité politique et
idéologique. Parmi ces journalistes,
plus de soixante furent l’objet de
violences physiques. (2)
Ceci pour l’homme
qui a posé avec Bannon en représentation
de son géniteur.
Bannon en compagnie
du fils de Bolsonaro. Août 2018 à
New-York
Qui s’assemble
se ressemble
Confirmant la
souriante et connivente photo avec le
fils de Bolsonaro, Bannon a déclaré le
13 octobre 2018, dans un entretien-vidéo
accordé à l’agence Blomberg, que J.
Bolsanaro est le grand favori pour le
second tour au Brésil, en ajoutant que
la candidat du fascisme au Brésil, de
même que Matteo Salvini, le ministre
italien de la police, et néanmoins
homophobe – voir ses propos sur Macron-
faisaient partie de son organisation
d’extrême-droite, nommée The Movement,
fondée en 2017 et basée à Bruxelles.
Est-il nécessaire
de rappeler que le leader de
l’extrême-droite italienne, vient de
passer un accord organique et
enthousiaste- le 8 octobre 2018- avec
son inconditionnelle amie et alliée Mme
Le Pen, pour les élections européennes
en mai 2019.
Bannon défend,
promeut, aide et vend tous azimuts le
néofascisme, cet infâme magma
idéologique, qui malgré ses aspects
new-look, maintient une filiation
profonde et solide avec le fascisme
éternel, en ce sens, il est un idéologue
d’importance de l’obscurantisme, au
service des bourgeoisies capitalistes et
de l’impérialisme, en ce vingt et unième
siècle.
Chef de la campagne
électorale de Trump qu’il aida à
remporter les élections grâce aux
magouilles technologiques d’Analytica
Cambridge dont il était vice-président,
puis conseiller à la Sécurité nationale
pour services rendus au
milliardaire-président, il a été
débarqué pour son soutien,
inconditionnel, et trop voyant, aux
manifestations de ses alter ego
suprémacistes blancs, néonazis, et
autres Ku Klux Klan à Charlottesville en
août 2017. À l’image de Richard Perle,
un membre du parti démocrate,
ex-conseiller de Reagan et Bush- ce
personnage des ténèbres, est, au-delà de
Salvini, l’ami commun des chefs de
l’extrême droite européenne.
Avec son
organisation, « The Movement », il se
fixe l’objectif de rassembler « la bête
immonde » partout dans le monde. Se
proclamant « chrétien sioniste », et «
fier de l’être », il est l’ami des
théocrates chrétiens, et l’ennemi
fanatisé de la théologie de la
libération. Est-ce au nom de son
intégrisme, ou au nom de la « même
vision du monde » que ce raciste partage
avec Bolsonaro, que madame Le Pen,
zélatrice exaltée de la laïcité, en fit
l’invité vedette du congrès du Front
National en mars 2017 ?
Triomphalement
accueilli et ovationné, cet ancien
trader, ami des milliardaires, des
affairistes et des banquiers, y prononça
un discours, dans lequel il fustigea,
dans la pure tradition démagogique du
national-socialisme, le système
capitaliste. Un discours dont la force
de persuasion n’est pas faite de ce
qu’il sait, mais de ce que les autres
ignorent.
Extraits : « Les
banques centrales contrôlent votre
argent », « les gouvernements centraux
contrôlent votre citoyenneté », « les
forces capitalistes sont là pour
maîtriser jusqu’à votre citoyenneté ».
Puis après avoir fait siffler les
médias, il conclura, avant de donner une
conférence de presse avec madame Le Pen,
par un frénétique : « L’Histoire est
avec nous ».
Mais qu’elle est
donc cette « Histoire » et qu’est-ce que
ce « Nous » ?
Cette « Histoire »,
est celle de la « bête immonde », des
forces de la régression, et du malheur
des peuples, dont de grandes majorités,
servitude volontaire aidant, adhérent,
ou s’identifient à leurs sinistres et
morbides idéologies, qui, si elles
adviennent, les mèneront tout droit à
l’abîme et à l’asservissement. Quant au
« Nous », il est celui qui rassemble,
formellement, ou informellement, pour
ces mêmes objectifs, ces forces obscures
et funestes à l’échelle du monde.
En 1952, Bertolt
Brecht notait que :« La mémoire des
souffrances endurées est étonnamment
courte chez les humains ».
En 1955, comme en
écho, son amie Ruth Berlau, écrivaine et
artiste antifasciste danoise, répondait
: « Quiconque oublie le passé ne saurait
lui échapper ».
Photo : Bannon au
congrès du FN à Lille. 10 mars 2017,
(afp.com/PHILIPPE HUGUEN)
Notes :
1) Cf. Premier
tour des élections au Brésil : Le Brésil
sur la voie du fascisme ?,
Investig’Action 11/10/18
2) Cf.
Les bolsonazis sèment la mort et la
terreur. Investig’Action 12/10/18
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