Journaliste
: C'était la première déclaration du
Président Trump immédiatement après ce
lancement de missiles. L'ancien
ambassadeur britannique en Syrie Peter
Ford est maintenant avec moi. Bonjour à
vous !
Peter Ford : Bonjour.
Journaliste : Puis-je d'abord
seulement attirer votre attention. Voici
le début de ce discours du Président
Trump : « Mes chers concitoyens. Mardi,
le dictateur syrien Bachar al-Assad a
lancé une horrible attaque chimique
contre des civils innocents. » C'est un
fait (n'est-ce pas) ?
Peter Ford : C'est une
déclaration... une fausse déclaration
sur un fait non avéré. Nous ne savons
pas. Ce qui est nécessaire, c'est une
enquête, car il y a deux possibilités
pour ce qui s'est passé. L'une est la
version américaine, qu'Assad a lancé des
armes chimiques sur cette ville. L'autre
version est qu'une bombe ordinaire a été
lâchée et qu'elle a frappé un dépôt de
munitions où les djihadistes
entreposaient des armes chimiques. Nous
ne savons pas laquelle de ces deux
possibilités est la bonne.
Souvenez-vous des événements qui ont
précédé (la guerre en) Irak : les
experts, les services de renseignement,
les politiciens étaient convaincus que
Saddam avait des armes de destruction
massive. Ils ont présenté des tombereaux
de preuves : des photographies, des
diagrammes, etc. Tout était faux. Tout
était faux. Il est possible qu'ils se
trompent (encore) cette fois-ci
également, mais ils ne recherchent qu'un
prétexte pour attaquer la Syrie.
Et ne nous racontons pas d'histoires. Ce
qui s'est passé rend l'usage des armes
chimiques plus probable, et non pas
moins.
Journaliste
: Eh bien, l'impression que vous évoquez
se rapproche surtout, parmi la réaction
internationale aux attaques chimiques,
de la position de la Russie. Vous vous
accordez largement avec eux. Nous avons
entendu Michael Fallon, le Secrétaire
d'Etat à la Défense [britannique], qu'il
est convaincu par les preuves et
soutient les frappes. Pourquoi êtes-vous
donc, en quelque sorte, une voix assez
isolée ?
Peter Ford : Je ne laisse pas mon
cerveau à la porte lorsque j'examine une
situation de manière analytique.
J'essaie d'être objectif et me base sur
les expériences précédentes, notamment
l'Irak. Nous voyons que nous ne pouvons
pas prendre pour argent comptant ce que
les soi-disant "experts du
renseignement" nous disent, [surtout]
pas lorsqu'ils ont un agenda.
Mais je reviens au point principal : ça
ne va pas s'arrêter ici, et nous sommes
probablement destinés à y être
entraînés, car Trump vient de donner aux
djihadistes 1000 raisons d'organiser des
opérations sous faux drapeau, voyant à
quel point il est efficace et facile,
avec des médias crédules, de pousser
l'Occident à des réactions outrancières.
En toute probabilité, ils vont mettre en
scène une opération semblable à celle
qu'ils ont montée, et cela a été prouvé
par l'ONU en août dernier, ils ont monté
une attaque au gaz de chlorine contre
des civils et ont essayé de faire en
sorte qu'elle ait l'air d'une opération
du régime.
Souvenez-vous bien de ce que je vous dis
ici, car cela se produira
(infailliblement), et on aura tous les
va-t-en guerre qui viendront nous dire
qu'Assad nous défie et que nous devons
intervenir encore plus lourdement en
Syrie. Ce sera des attaques sous faux
drapeau.
Journaliste : Si je peux juste
vous demander d'après votre expertise,
vous êtes l'ancien ambassadeur
britannique en Syrie, avec votre
connaissance de Bachar al-Assad et de
son régime, de ce pays, comment
pensez-vous qu'il réagira à cela ?
Peter Ford :
Il est peut-être cruel et brutal, mais
il n'est pas fou. La perspective qu'il
s'expose à une confrontation directe
[par une riposte contre les USA] sans
objectif militaire dépasse
l'entendement. Le site qui a été frappé
n'avait pas d'importance militaire
[majeure]. Cette frappe n'avait
absolument aucun sens [d'un point de vue
militaire]. Et il aurait fâché les
Russes [en ripostant].
Ma question portait
sur ce qui va se passer maintenant.
Peter Ford : Sans aucune raison,
c'est tout simplement invraisemblable.
Mais en quoi son attitude va-t-elle
changer ? Maintenant, il sait que Trump
est prêt à lancer des attaques avec des
missiles de croisière. Mais il est
probablement innocent [de l'attaque
chimique] de toute façon. Ca ne peut
donc pas changer son attitude si il n'a
pas commis [cette attaque chimique]
avant les frappes. Mais nous en paierons
tous les conséquences.
La situation [le prix à payer] va se
corser. En toute probabilité, il y aura
plus de recours, et non pas moins, aux
armes chimiques en conséquence. Et, ce
qui est également important, les Russes
et les Syriens vont moins coopérer [avec
les USA] dans la lutte contre Daech.
Journaliste
: Ok. Peter Ford, merci beaucoup d'être
venu pour nous ce matin.
Peter Ford :
Merci à vous.
Journaliste
: Peter Ford est l'ancien ambassadeur
britannique en Syrie.
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