Opinion
« Les Américains jouent aux Monopoly,
les Russes jouent aux échecs - et les
Français jouent aux Américains... »
Sayed 7asan
Dimanche 6 avril 2014
Par Sayed 7asan (http://www.sayed7asan.blogspt.fr)
Voir :
Une victoire stratégique pour la Russie
&
Relations internationales : Poutine
impose de nouvelles règles du jeu
« Les Russes mettent du temps à
monter en selle, mais ensuite, ils
chevauchent très vite. »
« Lorsque la Russie est menacée, elle
ne s’énerve pas, elle se concentre. »
Proverbes russes
Cette série d’articles est consacrée
aux enjeux géopolitiques des événements
de Crimée, et notamment au recul de
l’impérialisme américain face à de
nouvelles puissances régionales et
mondiales, résurgentes ou émergentes,
qui résistent au modèle politique,
économique et culturel occidental de
plus en plus ouvertement, et avec de
plus en plus de succès.
Le traitement de ces événements en
Occident est un révélateur de la crise
de confiance entre les populations du
monde occidental et leurs gouvernements
& médias respectifs, qui sont
aujourd’hui moins fiables que la presse
soviétique elle-même dans ses jours les
plus sombres, mais dont l’hégémonie est
aujourd'hui disputée par Internet.
3. Les « médias »
occidentaux aux ordres ?
Les réalités et
enjeux réels de la situation en Crimée
ne transparaissent nullement dans les
principaux médias occidentaux, qui
reprennent docilement la propagande des
élites politiques et noient ces
événements dans un halo ténébreux de
nouvel Anschluss, ou de restauration de
l’Empire Soviétique.
Comme le souligne encore Le Saqr,
« Dans les
heures qui suivirent le discours de
Poutine, j’ai été étonné de voir la
déconnexion totale entre ce que je
venais d’entendre, la réaction des
populations en Russie, et la façon dont
les médias officiels occidentaux
rapportaient l’événement. Les
personnalités politiques russes
comparaient ce qui venait de se passer à
la victoire contre l’Allemagne nazie en
1945, et elles ont répété maintes et
maintes fois que ce qui venait d’avoir
lieu créerait un nouvel ordre mondial et
que la nature du système des relations
internationales avait été changée pour
toujours. Et pourtant, les grands médias
occidentaux n’ont parlé que du faste de
la cérémonie et de la manière dont
Poutine avait justifié l’annexion de la
Crimée par la Russie. Ont-ils écouté un
discours différent ?! »
MERCI, MEDIAS
DOMINANTS !
Nous ne pourrions pas contrôler le
peuple sans vous.
Un message du Ministère de la
Sécurité Intérieure
Il y a certes un
divorce prononcé entre les médias
occidentaux traditionnels et la
réalité :
Paul Craig Roberts parle à ce sujet de
« presstitution » (néologisme
transparent qu’on pourrait remplacer par
« journalopes »), tandis qu’Andre
Veltchek parle d’un véritable
« endoctrinement de l’Ouest ». En
effet, aussi contre-intuitif que cela
puisse paraître, non seulement les
médias actuels « mainstream »
sont-ils bien moins libres et bien moins
informatifs & objectifs que leurs
équivalents « orientaux » (Russia Today,
Press TV, Telesur…), mais ils ont
atteint un degré de désinformation
peut-être sans précédent dans
l’histoire. Il est intéressant de
reproduire ici encore l’analyse du Saqr,
lui-même analyste militaire d’origine
russe ayant vécu en Europe occidentale
puis aux Etats-Unis, et qui faisait
partie du cortège des « idéalistes
endoctrinés & militants » durant la
guerre froide :
« Pendant une
longue période de ma vie, comme beaucoup
d’autres analystes militaires, j’ai
gagné ma vie, entre autres choses, par
la lecture quotidienne de la presse
soviétique. Non seulement la
Pravda ou
Izvestia, mais également des
journaux encore plus ennuyeux ou
spécialisés, des magazines, des revues,
etc. J’écoutais la radio soviétique
aussi souvent que je le pouvais, et je
n’ai jamais manqué une occasion de
regarder la télévision soviétique, en
particulier les émissions
d’informations. À l’époque, j’étais
jeune, très naïf et très bête, et je
croyais sincèrement que l’Union
soviétique était une menace mortelle
pour l’Europe occidentale et que la
seule chose qui se dressait entre eux,
les communistes malfaisants, et nous, le
monde libre, était la puissance
militaire de l’OTAN. En regardant ce que
j’étais à cette époque et la crasse
absolue que j’avais alors dans le
cerveau, je me sens gêné et,
franchement, honteux de ma crédulité
totale. Mais à l’époque, j’étais un
soldat dévoué de la guerre froide dont
la devise était « connais ton ennemi ».
Et je connaissais bien mon « ennemi »,
vraiment très bien. Je voulais expliquer
tout ce qui précède avant de déclarer ce
qui suit :
En toute
honnêteté et sincérité, je dois dire ici
que la presse soviétique était
beaucoup plus pluraliste, plus
diversifiée et plus digne de confiance
que les principaux médias occidentaux
actuels. Certes, la presse
soviétique passait tout simplement sous
silence certains sujets, mais cela tend
à montrer que contrairement aux grands
médias occidentaux, ils ne se sentaient
pas capables de mentir effrontément au
point de nier catégoriquement et
totalement les évidences. D’une part, le
public soviétique était beaucoup mieux
éduqué. Nous tous, y compris moi-même,
avions l’habitude de nous moquer des
leçons obligatoires de
marxisme-léninisme dans les écoles
soviétiques, mais nous avons négligé que
n’importe quel cours de
marxisme-léninisme à peu près décent
abordait nécessairement des thèmes comme
la dialectique, le matérialisme
historique et l’économie, des notions
qui vous forcent à penser et à réfléchir.
Cela ne veut pas dire qu’on ne pouvait
pas mentir au peuple soviétique – on
pouvait et cela a été bien évidemment
fait maintes fois – mais seulement que
les mensonges devaient être au moins à
moitié crédibles et présenter un
scénario plausible. En revanche, pour un
public élevé avec CNN, la BBC ou MTV,
les mensonges n’ont pas même besoin de
passer un test de bon sens élémentaire
(comme l’a si bien illustrée la
couverture médiatique par les médias
occidentaux « mainstream » de la guerre
d’Ossétie du Sud du 08.08.08 ou des
événements en Ukraine) :
la Doublepensée
prédite par Orwell dans son livre
1984 est maintenant
entièrement en vigueur, et le noir peut
être appelé blanc et vice-versa sans le
moindre problème. Je dirais même que, en
comparaison, même les médias nazis
Völkischer Beobachter contenaient
plus d’informations que, par exemple, le
New York Times, le Wall Street Journal
ou la BBC, dont le niveau de mensonge
éhonté ne peut être comparé qu’à,
peut-être, celui du
Der Stürmer.
J’ai remarqué
pour la première fois ce niveau inégalé
de mensonge pur et simple – un niveau
absolument sans précédent – dans les
grands médias occidentaux pendant la
guerre USA / OTAN contre la Yougoslavie
(Croatie, Bosnie, Kosovo), mais je pense
que cela n’a fait qu’empirer depuis. En
revanche, la presse russe moderne est
très diversifiée, et le peuple russe
peut aussi régulièrement voir le type de
couverture que les événements actuels en
Ukraine reçoivent dans la presse
occidentale, ce qui le laisse stupéfait.
Le peuple russe ne peut tout simplement
pas comprendre comment cela est possible
dans une société qui semble
extérieurement avoir toutes les
caractéristiques d’une société libre et
pluraliste. Dans les mauvais jours de
l’URSS, c’était tout simple: il y avait
la censure d’Etat. Mais il n’y a pas de
censure d’Etat à l’Ouest, il n’y a pas
de
Glavlit ni de
Goskomizdat, et pourtant la
presse occidentale est beaucoup plus
monolithique et malhonnête que la presse
de parti officielle de l’URSS elle-même.
‘‘Personne n’est
plus désespérément asservi que ceux qui
croient faussement qu’ils sont libres.’’
Goethe
Cela n’est certes
pas une nouveauté : qu’il s’agisse de
l’Irak, de la Bosnie, de la Serbie – qui
fête actuellement les 15 ans de
l’agression de l’OTAN – de la Libye ou
de la Syrie, les médias « mainstream »
ont toujours fait résonner le seul son
de cloche officiel, de manière éhontée,
ignorant purement et simplement les
réalités les plus aveuglantes. Car bien
que les analyses susmentionnées
concernent le monde anglo-saxon, la
situation de la France est bien pire
encore – que ce soit au niveau de
l’incompétence et l’amateurisme
homériques des élites ou de la
propagande médiatique –,
comme le remarquait avec humour Norman
Finkelstein au sujet de la loi
Gayssot, « impensable » aux Etats-Unis :
« Les Français
ne sont pas normaux sur ces questions-là
[politique, sionisme, etc.]. On ne peut
pas en parler de manière rationnelle.
[…] Beaucoup de choses sont affreuses
aux Etats-Unis, mais en ce qui concerne
la liberté d’expression… il ne serait
même pas concevable d’emprisonner
quelqu’un pour négationnisme de
l’Holocauste. C’est inconcevable aux
Etats-Unis. C’est une loi insensée.
Beaucoup de choses en France sont
vraiment étranges. Le niveau
ambiant de lâcheté et d’hypocrisie [en
France] est tout simplement
époustouflant. Que dire d’un pays qui
considère BHL [Bernard Henri-Lévy] comme
un philosophe ? Allez, franchement, ce
n’est pas sérieux. Aux Etats-Unis, au
moins, on ne prétend pas avoir de
philosophes... Cette loi est ridicule.
Chacun devrait avoir le droit de
s’exprimer, et s’ils se trompent,
montrez-leur en quoi ils se trompent
mais l’Etat ne devrait pas décider de ce
qui est vrai, cela devrait être du
ressort de chaque individu. »
(Source)
On peut, entre
mille autres exemples, se référer à
cet article du Monde, qui peut
rentrer dans les annales de la
désinformation et de la partialité (cf.
par exemple deux contre-analyses
ici et
ici) : au-delà du recours à
l’antienne clintonienne du « viagra
comme arme de guerre » malgré les
objections du bon sens le plus
élémentaire, il réussit en effet un tour
de force exceptionnel, à savoir parler
des atrocités du conflit syrien sans la
moindre référence aux exactions des
terroristes anti-Assad de
l’internationale atlanto-wahhabite, qui
sont pourtant revendiquées & documentées
par des analyses et documents autrement
plus convaincants que des témoignages
anonymes invérifiables. De fait, le
traitement réservé au conflit en Syrie,
fermant les yeux sur la barbarie
terroriste sectaire contre les
Alaouites, Chiites et Chrétiens – et
contre le peuple et les soldats syriens,
très majoritairement sunnites et
pro-Bachar –, ou aux événements de
Crimée, présentant Bachar ou Poutine
comme de nouveaux Hitler, confine
parfois à la complicité & à l’apologie
de crimes de guerres, jouant peut-être
même
un rôle actif dans le déclenchement
d’une nouvelle guerre mondiale, qui
nécessiterait une certaine adhésion de
l’opinion publique, et on pourrait
souhaiter que les médias aient à rendre
des comptes. Mais ce qui est nouveau,
c’est que le public lui-même est de plus
en plus incrédule face aux médias
dominants, comme le montre le déclin des
médias traditionnels (L’Humanité
et Libération sauvés de la
banqueroute par un Etat capitaliste,
cela est ironique à plus d’un titre,
démontrant que ces journaux ont autant
respecté l’héritage de Jaurès et Sartre
que la France celui de De Gaulle), la
montée en puissance des sites
d’information alternatifs et même les
nombreux commentaires désabusés des
« proxénètes » qui fréquentent encore,
en toute connaissance de cause, les « presstituées »
dont parlait Paul Craig Roberts – malgré
toute une armée de trolls &
cyber-soldats de l’Empire qui pullulent
sous diverses formes, tantôt
transparentes, tantôt un peu plus
subtiles. En lisant ces commentaires qui
restent malgré tout très majoritairement
favorables à Poutine, et qui comparent
son patriotisme et son charisme avec
ceux de notre Flamby national (qui,
selon une rumeur non étayée, aurait
menacé de se rendre personnellement à la
station de métro parisienne Crimée voire
de la fermer sine die si la
Russie ne se retirait pas immédiatement
de l’ex-territoire ukrainien… ), on peut
même se demander si François Hollande,
avec ses 16% d’opinion favorable en
France, pourrait y être élu face à une
hypothétique candidature du Président
russe... Le Saqr, commentant un
sondage du journal britannique The
Independent qui pose la question
« Quel est votre leader favori à
l’échelle mondiale ? » avec une teneur
anti-russe manifeste, et dont le
classement est tout de même sans appel
(Poutine 82%, Merkel 8%, Obama 4%,
Cameron 2%, Hollande 1%, Shinzo Abe 1%),
conclut :
« Je deviens
convaincu que la majorité de la
population mondiale, épuisée et dégoûtée
de son état d’asservissement à l'Empire
Anglo-Sioniste, comprend aussi que la
Russie est aujourd’hui le leader mondial
de l’Axe de la Résistance à l’Empire
(qui comprend, entre autres et sans
ordre particulier, Xi Jinping, Ali
Khamenei, Hassan Nasrallah, Evo Morales,
Nicolas Maduro, Daniel Ortega, Bachar
al-Assad, Rafael Correa, Alexandre
Loukachenko, Serge Sarkissian, Raul
Castro et Nursultan Nazarbayev…) et que
s'il était possible d'organiser un
sondage juste et objectif dans le monde
entier, Poutine serait désigné comme le
dirigeant le plus populaire au monde,
avec une très grande marge… »
Sayed 7asan
A venir :
4. Les arènes
émergentes du refus du nouvel ordre
mondial
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