Alahed
Syrie: une initiative russo-égyptienne
en gestation
Samer R. Zoughaib
Photo:
D.R.
Mardi 11 novembre 2014
Après des
mois de paralysie totale, au cours
desquels la loi des armes a pris le
dessus sur l’option politique en Syrie,
la diplomatie recommence à bouger.
L’envoyé international en Syrie, Staffan
De Mistura, se trouvait à Damas cette
semaine, où il a été reçu par le
président Bachar al-Assad, après avoir
visité précédemment Téhéran et Beyrouth.
Regain d’activité également à Moscou,
qui a accueilli l’ancien chef de la
«Coalition nationale syrienne», Moaz al-Khatib.
Le diplomate italien d’origine suédoise
travaille sur deux projets distincts,
selon des sources diplomatiques à
Beyrouth. Le premier, souhaité par la
France et la Turquie, consiste à «geler»
le conflit dans la ville d’Alep, où les
groupes extrémistes, qui contrôlent les
quartiers Est, sont en passe d’être
totalement encerclés par l’Armée arabe
syrienne, qui tient les quartiers ouest
et avance dans la campagne à l’Est de la
ville. La deuxième initiative, défendue
par la Russie et l’Egypte, prévoit la
tenue, à Moscou, d’une conférence de
dialogue inter-syrienne avec la
participation de représentants du
pouvoir et des personnalités de
l’opposition. Cette idée a été
longuement évoquée par les présidents
russe, Vladimir Poutine, et Egyptien,
Abdel Fattah el-Sissi, lors de la visite
de ce dernier à Moscou, le 12 août.
Des sources bien informées à Beyrouth
indiquent que l’initiative
russo-égyptienne prévoit de réunir
autour d’une même table, à Moscou, une
délégation du gouvernement syrien,
conduite par le ministre des Affaires
étrangères, Walid Moallem, et certains
opposants, qui n’ont pas de relations
avec les groupes extrémistes, comme Moaz
al-Khatib, Haitham Mannah, l’ancien
vice-premier ministre syrien, l’opposant
Kadri Jamil, le chef du Parti
démocratique kurde, Saleh Muslim, dont
les hommes combattent «Daech» à Aïn el-Arab,
ainsi que d’anciens membres de la
«Coalition nationale». Cette conférence,
appelée Moscou-1, serait préparée par la
Russie et l’Egypte mais aussi par les
Nations unies, via Staffan De Mistura.
Les deux délégations examineraient la
possibilité de former un gouvernement de
transition, doté de larges prérogatives,
mais toutes les questions relatives à
l’armée ou à la sécurité resteraient de
la compétence du président Assad. Le
gouvernement serait présidé par une
personnalité consensuelle.
L’Occident n’a plus d’initiative
Le quotidien libanais al-Akhbar écrit
dans son édition de mardi que le
gouvernement de transition aurait pour
tâche de former une constituante chargé
d’amender profondément la Constitution,
avant d’organiser, dans un délai de deux
ans, des élections législatives, puis
présidentielle. Bachar al-Assad pourrait
se représenter à ce scrutin.
Les sources précitées affirment que le
président Sissi, qui entretient
d’excellentes relations avec Riyad,
aurait convaincu l’Arabie saoudite de ne
pas mettre les bâtons dans les roues de
cette initiative, surtout que la
priorité devrait être de combattre le
terrorisme de «Daech» et consort
ainsi que les Frères musulmans. Or pour
Le Caire, la lutte anti-terroriste passe
impérativement par la préservation de
l’Armée arabe syrienne, seule force
capable d’infliger une défaite décisive
aux groupes extrémistes.
Sauvegarder l’institution militaire
syrienne et les services de sécurité est
pour le président Sissi une priorité,
car la Syrie et l’Egypte mènent un même
combat, surtout que le mouvement
terroriste «Moujahidi Beit al-Makdess» a
prêté allégeance, dernièrement, à «Daech»
et à son chef, Abou Bakr al-Baghdadi.
Les puissances occidentales, qui sont à
court de moyens et d’idées pour ce qui
est de la Syrie, ont posé une condition
pour ne pas saboter l’initiative
russo-égyptienne: le «gel» de la
bataille d’Alep. C’est la France qui a
été chargée, comme d’habitude, des sales
besognes. Dans une tribune parue dans
plusieurs journaux -Le Figaro, le
Washington Post et al-Hayat-, le 4
novembre, le ministre français des
Affaires étrangères, Laurent Fabius,
écrit: «Alep fait face aujourd’hui à la
menace d’être prise en tenaille entre
les barils d’explosifs du régime et les
égorgeurs de Daech. L’encerclement est
déjà presque total. La ville n’est plus
reliée à l’extérieur que par une seule
route menant à la Turquie. Fidèle à sa
politique de famine, le régime cherche à
tuer la résistance par la faim et par le
froid (…)».
Ce cri d’alarme est dû au fait que
l’Occident est désormais parfaitement
conscient que les groupes extrémistes
qu’il a créés, financés, entrainés et
armés pour renverser le pouvoir en Syrie
sont incapables de mener à bien leur
mission. Sur tous les fronts, l’armée
syrienne a repris l’initiative et les
quelques percée enregistrées ici et là
par les extrémistes et relayées à grand
tapage médiatique -comme à Nawa-Deraa,
en fin de semaine dernière- ne
changeront rien aux rapports de force
réels.
L’armée a repris l’initiative
Car depuis mi-2013, l’armée syrienne et
ses alliés ont repris l’initiative et
son passés à l’offensive, enregistrant
des succès sur les fronts suivants:
-Dans la Ghouta orientale de Damas,
encerclée par l’armée, les extrémistes
ont perdu la plupart de leurs bastions (Mliha,
Oteibé, Adra etc…). Ils sont partout sur
la défensive et ne sont plus en mesure
de menacer la capitale.
-L’armée et ses alliés ont repris toutes
les villes et villages du Qalamoun, à la
frontière libano-syrienne. Les
terroristes, retranchés dans les
montagnes, ne parviennent pas à
reprendre pied dans une seule localité.
Leurs lignes d’approvisionnement sont
coupées et leur combat est désespéré.
-Dans le vieux Homs, ils ont été
contraints à la reddition et ne sont
plus présents que dans le quartier d’al-Waher,
totalement encerclé par l’armée. Leur
tentative de s’emparer des puits de
gaz et de pétrole dans la campagne à
l’est de Homs sont vouées à l’échec. Ils
ne parviennent pas à garder les
positions qu’ils prennent par surprise à
l’armée et d’où ils sont délogés
quelques jours plus tard.
-Dans la province de Hama, l’armée a
repoussé de 35 kilomètres les lignes de
front et a pris Helfaya et Morek, deux
bastions terroristes.
-A Alep, l’armée a désenclavé la prison
centrale de la ville et poursuit sa
progression à l’est et au sud-est.
-Sur le front sud, l’armée mène un
combat défensif, visant à empêcher les
extrémiste d’atteindre leur objectif
d’instaurer une ceinture de sécurité le
long du Golan occupé. Elle a reporté sa
grande offensive pour reprendre le
terrain perdu, en attendant la fin de la
bataille de la Ghouta orientale.
On le voit bien, le rêve de renverser le
régime militairement ne se concrétisera
jamais. Et c’est pour sauver ce qui peut
encore l’être que l’Occident réclame le
«gel» du front d’Alep. Le président
Assad a informé De Mistura qu’il était
prêt à examiner une telle option, qui
passe, forcément, par l’arrêt de
l’armement des terroristes. Mais le
commandement syrien sait très bien que
la Turquie n’acceptera pas de mettre un
terme à l’afflux d’armes et de
combattants via son territoire. Et c’est
Ankara qui torpillera ce plan, et
creusera davantage le fossé entre lui et
ses alliés occidentaux… un nouveau
contentieux qui s’ajoutera à celui
provoqué par l’attitude ambigüe de la
Turquie vis-à-vis de Daech dans la
bataille d’Aïn al-Arab.
Source: french.alahednews
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