Alahed
Expert US: En cas de guerre,
l’Amérique serait défaite par l’Iran
Samer R. Zoughaib
Vendredi 3 juillet 2015
Alors que
les pourparlers sur le dossier nucléaire
iranien se déroulent depuis 18 mois, les
Etats-Unis poursuivent leurs pressions,
dans une tentative de faire plier les
négociateurs iraniens ou obtenir
davantage de concessions. De temps à
autre, Washington remet sur la table
l'option militaire, mais un expert
américain affirme qu'en cas de guerre,
l'Amérique serait défaite par la
République islamique.
Dans le cadre des pressions accompagnant
la dernière ligne droite des pourparlers
entre l'Iran et les grandes puissances
sur le dossier du nucléaire, le
président américain a prévenu, mardi,
qu'il quittera les négociations si elles
ne débouchent pas sur un accord solide
qui repose sur des inspections
régulières et rigoureuses. «J'ai dit dès
le départ que je quitterais les
négociations si elles risquaient de
déboucher sur un mauvais accord», a-t-il
déclaré.
Le 7 mai, le secrétaire d’Etat John
Kerry avait de nouveau évoqué l'option
militaire. Il a déclaré, dans une
interview à la Dixième chaîne de
télévision israélienne, que l’Amérique a
les moyens d’affronter Téhéran, même si
cela impliquait une action militaire
préventive. «Les Israéliens doivent
avoir une certaine confiance en une
administration qui a conçu et déployé
une arme ayant la capacité de contrer le
programme nucléaire iranien», a indiqué
le chef de la diplomatie américaine.
L’arme à laquelle il faisait allusion
est la «Massive Ordnance Penetrator», ou
MOP, une bombe de 13600 kg devenue
opérationnelle en 2011, et qui a
récemment été repensée en termes
d’orientation et de pénétration.
Mais les dirigeants iraniens ne se
laissent pas impressionner. Quelques
jours plus tard, le leader de la
Révolution islamique, l'ayatollah Ali
Khamenei, affirmait que l’Iran ne
participera pas à des négociations si
son pays et son programme nucléaire sont
menacés par une action militaire. «La
tenue des pourparlers nucléaires sous
l’ombre de la menace est inacceptable
pour l’Iran. Notre nation ne l’acceptera
pas, les menaces militaires ne vont pas
aider les pourparlers», a-t-il dit.
Quelques semaines plus tôt, le
commandant-adjoint de l'état-major des
forces interarmées iraniennes, le
général Massoud Al-Jazaïri, déclarait
qu'«en cas de la moindre action
militaire insensée de la part des
Etats-Unis contre l'Iran, nous
montrerons aux Américains la véritable
puissance de la République islamique. Le
secrétaire d'Etat américain s'imagine
que les menaces militaires pourraient
dissuader l'Iran d'accéder à ses
intérêts indiscutables».
Le chef du comité de la propagande
défensive de l'Iran avait pour sa part
affirmé qu'en cas de conflit, l'Iran
obligerait les Américains à se retirer
de la zone stratégique de l'Asie de
l'Ouest.
L'invasion de l'Iran est
impossible
Les propos des dirigeants militaires
iraniens sont confirmés par des experts
américains, qui assurent qu'en cas de
conflit, l'Iran serait capable
d'infliger aux Etats-Unis une défaite
stratégique.
Dans une étude publiée le 20 juin
dernier, Zachary Keck, directeur de la
rédaction de la revue National Interest,
abonde dans ce sens. Le spécialiste des
questions iraniennes assure que «des
frappes aériennes contre les
installations nucléaires de l'Iran
n'auraient qu'un impact limité». Elles
serviraient, tout au plus, à retarder le
programme nucléaire iranien. La
République islamique serait en mesure de
reconstruire ses installations. La seule
action militaire qui pourrait vraiment
empêcher l'Iran d'acquérir une arme
nucléaire, serait, alors, une invasion
de l'Iran par les États-Unis et
l'occupation du pays, afin d'y installer
un régime pro-américain.
M. Keck estime toutefois que «(...)
l'armée américaine ne serait pas en
mesure de conquérir l'Iran rapidement et
à moindre coût, comme elle l'a fait en
Irak et en Afghanistan». En fait,
Téhéran serait en mesure d'infliger des
pertes insupportables à l'armée
américaine, avant même le début de
l'occupation du pays.
Selon l'expert américain, «la capacité
de l'Iran à se défendre contre une
invasion américaine commence par sa
géographie exceptionnelle». «Comme
l'explique Stratfor, une société
américaine privée de renseignement,
l'Iran est une forteresse», écrit M.
Keck avant de poursuivre: «Le pays est
entouré de trois côtés par des montagnes
et par l'océan sur le quatrième (...).
L'Iran est extrêmement difficile à
conquérir».
Selon lui, un débarquement de troupes
par voie maritime étant très difficile,
les Etats-Unis opteraient pour une
invasion de l'Iran à travers l'une de
ses frontières terrestres, tout comme il
l'ont fait quand ils ont envahi l'Irak,
en 2003.
«A première vue, une invasion à partir
de l'ouest de l'Afghanistan semblerait
l'option la plus plausible, étant donné
que l'armée américaine dispose déjà de
troupes stationnées dans ce pays. Hélas,
cette option n'en est pas une», souligne
M. Keck.
L'option afghane inopérante
Les difficultés empêchant une telle
opération sont surtout d'ordre
logistique. En effet, «la construction
d'une grande force d'invasion dans
l'ouest de l'Afghanistan serait un
cauchemar, surtout que les relations
entre l'Amérique et la Russie se sont
considérablement détériorées». Mais
l'obstacle le plus important est la
géographie de la région frontalière.
«Tout d'abord, il y a quelques petites
chaînes de montagnes le long de la
frontière. Le plus difficile serait,
cependant, que pour aller de la
frontière afghane à la plupart des
principales villes iraniennes, il
faudrait traverser deux grandes régions
désertiques: Dasht-e Lut et Dasht-e
Kavir». Et l'article de National
Interest de poursuivre: «Dasht-e Kavir
est particulièrement redoutable, car il
est semblable à des sables mouvants.
Comme le note Stratfor, le Dasht-e Kavir
est composé d'une couche de sel
recouvrant une boue épaisse, qui peut
céder facilement. Cette géographie
limiterait sérieusement les capacités
américaines à utiliser l'infanterie
mécanisée et motorisé dans le plan
d'invasion».
Les frontières occidentales de l'Iran ne
sont pas plus accueillantes. Le
nord-ouest est certes bordé par la
Turquie, un allié de l'Otan. Mais Ankara
a refusé d'accorder la permission aux
États-Unis d'utiliser son territoire
pour l'invasion de l'Irak, en 2003. De
plus, les monts Zagros, qui délimitent
les frontières de l'Iran avec la Turquie
et la plupart de l'Irak, constituent une
barrière presque infranchissable pour
une grande force d'invasion.
La seule exception sur les frontières
occidentales de l'Iran est
l'extrême-sud, où le Tigre et l'Euphrate
se rejoignent pour former le Chatt al-Arab.
Cette voie fut utilisée par Saddam
Hussein dans les années 1980.
Malheureusement, comme Saddam l'a
découvert, ce territoire est marécageux
et facile à défendre. En outre, peu de
temps après avoir pénétré en territoire
iranien, toute force d'invasion devrait
passer par les montagnes du Zagros.
Reste le littoral du sud, qui s'étend
sur environ 1500 kilomètres, partagés
entre le Golfe persique et le Golfe
d'Oman. Mais selon M. Keck, l'Iran se
prépare depuis un quart de siècle à une
telle éventualité. Il a construit une
force militaire impressionnante,
comportant un grand nombre de missiles à
guidage de précision, des vedettes
rapides, des drones, des sous-marins et
des mines.
Dans ce contexte, on comprend que les
menaces américaines de recourir à
l'option militaire sont plus du bluff
qu'un choix sérieux. C'est d'ailleurs
parce que les Etats-Unis sont conscients
des limites de leurs capacités
militaires contre l'Iran qu'ils se sont
enfin résignés à s'asseoir à la table
des négociations.
Source: french.alahednews
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