Amérique latine
Condamnation unanime des sanctions
économiques
des Etats-Unis contre Cuba
Salim Lamrani
© Salim
Lamrani
Lundi 31 octobre 2016
Salim Lamrani
Université de La Réunion
Une nouvelle fois, la communauté
internationale a rejeté les sanctions
économiques qui étranglent le peuple
cubain.
Pour la vingt-cinquième année
consécutive, l’Assemblée générale des
Nations unies a exprimé sa condamnation
du blocus économique, commercial et
financier imposé par Washington à Cuba
depuis plus d’un demi-siècle. Les
sanctions obsolètes – elles remontent à
la Guerre froide –, immorales – elles
affectent les catégories les plus
vulnérables de la population civile –,
et illégales – en raison de leur portée
rétroactive et extraterritoriale –,
constituent le principal obstacle au
développement de l’île[1].
Sur les 193
pays présents lors de la rencontre
annuelle, 191 ont exhorté les Etats-Unis
à mettre un terme au châtiment infligé à
la population cubaine, qui impacte tous
les secteurs de la société. Pour la
première fois depuis 1992, année de la
présentation initiale par Cuba de la
résolution exigeant l’élimination des
mesures de rétorsion économique imposées
depuis 1960, Washington a décidé de
s’abstenir lors du vote, reconnaissant
ainsi l’échec de sa politique
d’hostilité à l’égard des Cubains ainsi
que la réalité de son isolement sur la
scène internationale. Israël, qui a
toujours suivi le vote des Etats-Unis, a
également choisi l’abstention[2].
Samantha
Power, représentante des Etats-Unis aux
Nations Unies, avait annoncé lors de son
allocution la décision de la
Maison-Blanche de ne pas rejeter le
texte de résolution comme les années
précédentes :
« Depuis plus
de 50 ans, les Etats-Unis ont appliqué
une politique destinée à isoler le
gouvernement de Cuba. Depuis un quart de
siècle, les membres des Nations unies
ont voté de manière unanime en faveur de
la résolution […] qui condamne l’embargo
des Etats-Unis. […] Au lieu d’isoler
Cuba, […] notre politique a isolé les
Etats-Unis, y compris au sein des
Nations unies. Aujourd’hui, les
Etats-Unis opteront pour l’abstention.
C’est un autre pas modeste et nous
espérons qu’il y en aura encore beaucoup
d’autres afin de mettre fin à l’embargo
américain une fois pour toutes[3] ».
Ce vote historique s’inscrit dans la
continuité des mesures adoptées par
Barack Obama depuis le rétablissement du
dialogue avec La Havane le 17 décembre
2014. Depuis cette date, la
Maison-Blanche a procédé à la libération
de trois prisonniers politiques cubains
et a retiré Cuba de la liste des pays
soutenant le terrorisme. Elle a
également annoncé à plusieurs reprises –
six au total – des allègements
parcimonieux des sanctions économiques,
même si leur portée reste très limitée.
Ainsi, depuis deux ans, l’administration
démocrate a renoué les relations
diplomatiques avec Cuba, procédé à la
réouverture d’une ambassade à La Havane,
rétabli les vols commerciaux directs
entre les deux pays, élargi les
catégories (12 au total) de citoyens
étasuniens autorisés à se rendre à Cuba
et donné son accord pour certains
investissements étasuniens dans l’île,
notamment dans le domaine des
télécommunications. La visite historique
de Barack Obama à Cuba en mars 2016 a
consacré cette nouvelle ère pour les
relations entre Cuba et les Etats-Unis.
Les dernières mesures ont été annoncées
le 14 octobre 2016, soit deux semaines
avant le vote aux Nations unies, et
permettent, entre autres, aux citoyens
étasuniens autorisés à voyager à Cuba de
ramener du rhum et du tabac cubains sans
limite de quantité. Néanmoins,
Washington interdit toujours
l’importation classique de ces mêmes
produits sur le marché étasunien. De la
même manière, Barack Obama avait annoncé
en mars 2016 que Cuba pourrait
dorénavant utiliser le dollar pour ses
transactions internationales. Plus de
six mois après cette annonce, La Havane
n’a toujours pas pu réaliser d’échanges
en monnaie étasunienne, en raison de la
crainte des banques internationales
d’être sanctionnées par le Département
du Trésor étasunien[4].
Le gouvernement cubain, par la voix de
Bruno Rodríguez, Ministre des Affaires
étrangères, a salué le geste de Barack
Obama. Néanmoins, il a tenu à rappeler
que les sanctions économiques étaient
toujours en vigueur :
« Le blocus
économique, commercial et financier
persiste, provoque des dommages au
peuple cubain et constitue un obstacle
au développement du pays. […] Il n’y a
pas de famille cubaine ni de secteur
dans le pays qui n’ait pas souffert de
ses effets : au niveau de la santé, de
l’alimentation, des services, des prix
des produits, des salaires et des
retraites. […] En raison de son
caractère résolument extraterritorial,
il affecte aussi directement tous les
Etats membres des Nations unies[5] ».
Aucune
administration n’aura été aussi loin
dans la normalisation des relations avec
Cuba que celle de Barack Obama.
Cependant, alors que son dernier mandat
touche à sa fin, le Président des
Etats-Unis n’a pas fait usage de ses
prérogatives en tant que chef du pouvoir
exécutif pour démanteler le réseau de
sanctions économiques contre Cuba. En
effet, la Maison-Blanche pourrait par
exemple rétablir le commerce bilatéral
entre les entreprises étasuniennes et
cubaines, autoriser les investissements
étasuniens à Cuba et autoriser Cuba à
acquérir des produits non alimentaires à
crédit sur le marché des Etats-Unis. Les
domaines relevant d’une décision du
Congrès sont relativement restreints et
peuvent être contournés par le pouvoir
exécutif.
Depuis leur
imposition il y a plus d’un demi-siècle,
les sanctions économiques ont coûté 125
milliards de dollars à l’économie
cubaine et constituent le principal
obstacle au développement de l’île.
Elles constituent une violation grave du
droit international et suscitent
l’opprobre de la communauté
internationale qui a une nouvelle fois
exprimé son opposition aux mesures de
coercition imposées à la population.
Leur levée est indispensable à la
normalisation des relations entre Cuba
et les Etats-Unis.
Docteur ès
Etudes Ibériques et Latino-américaines
de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel
Castro, héros des déshérités, Paris,
Editions Estrella, 2016. Préface
d’Ignacio Ramonet.
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[3]
Samatha Power, « Remarks at a UN
General Assembly Meeting on the
Cuba Embargo », United States
Mission to the United Nations,
26 octobre 2016.
https://usun.state.gov/remarks/7510
(site consulté le 29 octobre
2016).
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