Opinion
Les Etats-Unis, BNP-Paribas et
la souveraineté de la France
Salim Lamrani
Photo:
Opera Mundi
Vendredi 27 juin 2014
Opera Mundi
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Les Etats-Unis s’apprêtent à infliger
une amende record à la plus importante
banque française en raison de ses
relations commerciales avec Cuba et
d’autres pays sous embargo. Ceci, en
flagrante violation du droit
international et de la souveraineté de
la France.
Après avoir sanctionné la banque Crédit
Suisse d’une amende record de 2,6
milliards de dollars en mai 2014, les
Etats-Unis ont prévu de sanctionner la
banque française BNP Paribas d’une
amende de 10 milliards de dollars et
d’un retrait temporaire de sa licence
bancaire sur leur territoire. Washington
reproche à cette banque d’avoir réalisé
des transactions en dollars – monnaie
utilisée lors des échanges
internationaux – avec des pays sous
embargo, notamment Cuba, entre 2002 et
2009.
En effet, Cuba est victime d’un état de
siège économique depuis plus d’un
demi-siècle, lequel affecte tous les
secteurs de la société et les catégories
les plus vulnérables de la population, à
savoir les enfants, les femmes et les
personnes âgées. En plus d’interdire
tout commerce bilatéral (à de rares
exceptions près) entre l’île de la
Caraïbe et les Etats-Unis, les sanctions
économiques imposées en 1960 disposent
d’un caractère extraterritorial et
constituent un obstacle au développement
des relations commerciales et
financières de Cuba avec le reste du
monde.
Pourtant, selon le droit international,
il est strictement interdit d’appliquer
de manière extraterritoriale une
législation nationale. La loi française
ne peut s’appliquer en Allemagne et la
loi brésilienne ne peut s’appliquer en
Argentine. Or, la législation
étasunienne sur les sanctions
économiques contre Cuba (et d’autres
pays sous embargo) s’applique partout
dans le monde et affecte BNP Paribas.
Aux yeux de la législation
française et du droit international, BNP
Paribas n’a commis absolument aucune
irrégularité. L’établissement financier
étant une banque française, il n’est
aucunement soumis à la loi étasunienne,
au nom d’un principe fondamental du
droit international qui est la
non-extraterritorialité des lois. La
législation étasunienne ne peut
s’appliquer que sur le territoire
national et ne peut franchir les
frontières. Par ailleurs, les
transactions mises en cause par
Washington ont eu lieu à partir de
filiales de la BNP Paribas installées en
Europe et non pas aux Etats-Unis.
Christian Noyer, gouverneur de la Banque
de France, a été clair à ce sujet : « Nous
avons vérifié que toutes les
transactions incriminées étaient
conformes aux règles, lois,
réglementations, aux niveaux européen et
français ». Il n’y a « aucune
contravention à ces règles, ni
d’ailleurs aux règles édictées par les
Nations unies » de la part de BNP
Paribas[1].
BNP Paribas a d’ores et déjà été
contrainte de licencier plusieurs
responsables impliqués dans ses échanges
litigieux aux yeux des autorités
étasuniennes et envisage de négocier une
sanction moins lourde en utilisant le
procédé du « plaider coupable », même si
aucune faute n’a été commise.[2]
Sur ce sujet, la position officielle de
la France est extrêmement troublante. En
effet, au lieu de défendre les intérêts
d’une grande entreprise qui n’a commis
aucun délit aux yeux de la législation
nationale et du droit international, le
gouvernement du Président François
Hollande a accepté le point de vue
étasunien
en
reconnaissant « l’infraction commise »
et se contente seulement de dénoncer le
« caractère disproportionné des
sanctions envisagées ». Au lieu de
défendre la souveraineté nationale et de
condamner l’application
extraterritoriale et illégale de la loi
étasunienne contre les intérêts
fondamentaux de la nation, Paris se
limite à implorer un châtiment moins
sévère[3].
En se pliant aussi docilement aux
injonctions de Washington, la France
renonce à son indépendance et ternit
durablement son image sur la scène
internationale.
Docteur ès Etudes
Ibériques et Latino-américaines de
l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage
s’intitule Cuba. Les médias face au
défi de l’impartialité, Paris,
Editions Estrella, 2013 et comporte une
préface d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[1]
Les Echos,
« Les Etats-Unis font monter la
pression sur BNP Paribas », 29
mai 2014.
[3]
Le Monde,
« Sanctions contre BNP Paribas :
Paris met le traité de
libre-échange dans la balance »,
5 juin 2014.
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