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Actualité

Le mouvement des « Gilets jaunes » en France
Une revendication de justice sociale et fiscale

Salim Lamrani


Salim Lamrani

Mercredi 26 décembre 2018

L’Humanité
https://www.humanite.fr/le-mouvement-des-gilets-jaunes-en-france-une-revendication-de-justice-sociale-et-fiscale-665488

            Depuis son arrivée au pouvoir il y a 18 mois, le Président Emmanuel Macron a multiplié les mesures antisociales, tout en adoptant des décisions favorisant les plus fortunés, suscitant un vaste mouvement de protestation populaire.

            En 2017, au premier tour des élections présidentielles, le candidat Emmanuel Macron n’avait recueilli le suffrage que de 18,19% des inscrits. Ainsi, 81,81% des électeurs avaient exprimé un autre choix politique. Au second tour, dans un contexte de Front républicain destiné à faire barrage à l’extrême droite et à sa candidate Marine Le Pen, l’ancien banquier de Rothschild, est élu avec le suffrage d’à peine 43,26% des inscrits, illustrant ainsi la crise du système démocratique français[1].
            Pourtant, le candidat des puissances d’argent avait bénéficié d’une campagne médiatique sans précédent dans l’histoire de la Ve République. En effet, en France, dix milliardaires contrôlent les principales chaînes privées (Canal +, TF1), les chaînes d’information (LCI, BFM-TV, CNEWS), les principaux quotidiens nationaux (Le Monde, Libération, Le Figaro) et les hebdomadaires les plus diffusés (Le Point, L’Express, Le Nouvel Obs). Ils avaient mis à la disposition du candidat Macron leurs ressources humaines, matérielles et financières.

Des mesures favorables aux privilégiés

            Une fois élu, la première mesure prise par le nouveau Président a été de supprimer l’impôt sur la fortune. Ainsi, en moyenne, les 100 plus gros patrimoines de France se sont vu rembourser la somme de 1,5 millions d’euros chacun. De la même manière, le gouvernement Macron a décidé de baisser la flat tax – prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital – de 50% à 30%. Au total, ces deux décisions privent les finances publiques d’au moins 4,5 milliards d’euros chaque année[2].
            Dans le même temps, Emmanuel Macron a décidé de transformer le Crédit d’impôts pour la compétitivité et l’emploi (CICE), censé favoriser l’emploi, mais qui bénéficie presque exclusivement aux très grandes entreprises françaises, en baisse de cotisations sociales sur les salaires inférieurs à 2,5 fois le Smic. Cette mesure prive le budget de l’Etat de 42 milliards d’euros chaque année et porte un coup sans précédent au système de sécurité sociale hérité de la Libération[3].

Diminution des aides sociales et augmentation des prélèvements pour les plus modestes

            Pour compenser les pertes budgétaires liées aux cadeaux fiscaux effectués aux grandes entreprises et aux couches les plus aisées, le gouvernement a décidé de réduire les aides sociales. Ainsi, les contrats aidés qui permettaient aux jeunes victimes du chômage d’obtenir un emploi ont été en partie supprimés, alors que le taux de chômage chez les jeunes de moins de 25 ans dépasse les 22%[4]. De la même manière, l’aide au logement (APL) destinée aux étudiants a également été réduite, alors que 20% des étudiants vivent en-dessous du seuil de pauvreté en France[5]. A un jeune chômeur qui exprimait son désarroi face aux difficultés rencontrées pour trouver du travail, le Président Macron avait répondu par le mépris : « Je traverse la rue, je vous trouve un emploi[6]. » Cette scène filmée, humiliante pour le jeune homme, a fait le tour du pays, donnant l’image d’un dirigeant insensible aux souffrances de la jeunesse.
            Le gouvernement Macron a également décidé d’augmenter certains impôts, comme la Contribution sociale généralisée (CSG), qui est passée de 6,6% à 8,3%. Les retraités, dont la pension moyenne est de 1283 euros par mois, ont ainsi subi une diminution sensible de leur revenu. Lors d’une visite à Colombey-les-Deux-Eglises, où repose Charles de Gaulle, le Président Macron a été interpellé par une retraitée qui lui expliquait qu’elle survivait au quotidien avec une misérable pension de 500 euros par mois. Sans montrer d’empathie pour la vénérable dame, le Président avait indigné le pays par sa réponse : « Vous pouvez parler très librement ; la seule chose qu’on n’a pas le droit de faire, c’est de se plaindre[7]. »
            Alors que le gouvernement Macron a multiplié les cadeaux aux plus fortunés appauvrissant sensiblement l’Etat, il a dans le même temps mené une guerre implacable contre les services publics en diminuant le nombre de fonctionnaires, dans des secteurs qui souffrent déjà cruellement de la pénurie de personnels tels que l’Education nationale et la Santé. Dès la première année, le gouvernement a supprimé 5.000 postes de fonctionnaires et s’est engagé à en supprimer 10.000 en 2020. L’objectif déclaré est de réduire le nombre de fonctionnaires de 50.000 à l’horizon 2022, c’est-à-dire à la fin du quinquennat, contre l’avis majoritaire de la population qui reste très attachée au service public et au principe de solidarité[8].

L’élément déclencheur : la hausse de la taxe sur le carburant 

            La situation sociale de la France – qui compte près de 9 millions de pauvres (sur une population totale de 65 millions d’habitants), plus de 3 millions de chômeurs, 2 millions d’illettrés, 200.000 sans-abris –, la politique antisociale du gouvernement qui préfère privilégier les plus fortunés, ainsi que le mépris et l’indifférence du pouvoir vis-à-vis des citoyens les plus modestes, ont été à l’origine un vaste mouvement de protestation populaire connu sous le nom des « Gilets jaunes ». Alors que la France est le pays d’Europe qui compte le plus grand nombre de millionnaires et que la nation n’a jamais été aussi riche de son histoire, une partie substantielle des habitants est quotidiennement confrontée à d’importantes difficultés matérielles.
L’élément déclencheur a été la décision d’augmenter la taxe sur le carburant (7 centimes par litre pour le gasoil et 4 centimes pour l’essence), taxe destinée à collecter 4,5 milliards d’euros par an, soit l’équivalent de la perte subie suite à la suppression de l’impôt sur la fortune et de la réduction de la flat tax[9]. Cette mesure a déclenché une vague d’indignation nationale non structurée, spontanée et plurielle, qui s’est traduite par une mobilisation populaire lancée à travers les réseaux sociaux pour protester contre le caractère inique de la taxe. Le socle commun de cette insurrection est le rejet du Président Macron, symbole de l’arrogance et du mépris d’une caste de possédants. Depuis le 17 novembre 2018, date de la première manifestation nationale, le mouvement n’a cessé de prendre de l’ampleur et a été rejoint par les lycéens et étudiants.

Réponse gouvernementale : la répression

Le gouvernement a répondu aux revendications populaires par une répression qui a atteint des niveaux de violence inouïs. Une femme de 80 ans est décédée à Marseille après avoir été touchée par une grenade lacrymogène lancée par la police[10]. Plusieurs manifestants ont été gravement blessés par les forces de l’ordre. Certains – dont une jeune lycéenne de 16 ans – ont été défigurés par les tirs de flash-balls reçus en plein visage[11]. Une jeune étudiante de 20 ans a perdu un œil[12]. Un autre lycéen de 15 ans risque à 90% de perdre son œil gauche selon son avocat[13]. D’autres ont été mutilés aux mains par l’explosion de grenades assourdissantes. Un jeune homme de 26 ans a ainsi été amputé de la main droite, atteint par une grenade lancée par la police[14]. La France est ainsi le seul pays d’Europe à utiliser des grenades explosives contre les manifestants[15].
Les images des violences policières filmées par les journalistes et les citoyens ont eu en effet un impact désastreux sur le gouvernement. Même des journalistes ont été pris à partie par les forces de l’ordre. Plusieurs syndicats de presse ont dénoncé « les nombreux blessés parmi les journalistes de terrain, reporters et photographes » et condamné « les dérapages inadmissibles des forces de police ». « De nombreux photographes de presse, clairement identifiés comme tels, se sont fait confisquer leur équipement de protection individuel, parfois sous la menace d’une garde à vue. Ce qui a eu pour effet d’empêcher certains reporters de faire leur travail », soulignent les syndicats. « Il est totalement inacceptable, dans un pays démocratique et dans un état de droit, que les pouvoirs publics ne garantissent pas la liberté d’informer », concluent les représentants de la presse[16].
Face à la persistance du mouvement, le gouvernement s’est résolu à renoncer définitivement à la hausse de la taxe sur les carburants. Il a annoncé une aide de 80 euros par mois – non incluse dans le traitement mensuel et donc non prise en compte pour le calcul des indemnités-chômage et de la retraite – pour les salariés touchant le SMIC mais celle-ci restera à la charge exclusive de l’Etat, c’est-à-dire des contribuables, et non pas à la charge des entreprises. Le salaire différé (brut), c’est-à-dire les cotisations sociales pour la retraite, les indemnités chômage et la sécurité sociale, sera drastiquement diminué au profit d’une augmentation minimale du salaire net.
Le gouvernement a également décidé d’annuler l’augmentation de la CSG pour les retraités percevant une pension inférieure à 2000 euros par mois, mais seulement pour une année. Le Président Macron a annoncé la défiscalisation des heures supplémentaires à partir de 2019 à la fois pour les entreprises et les salariés. Il a enfin demandé aux entreprises « qui le peuvent » de remettre une prime de fin d’année aux salariés d’un montant de leur choix[17].
Toutes les décisions annoncées sont aux frais des contribuables et au détriment du service public où des économies seront réalisées pour compenser le coût de ces mesures. Aucun geste n’a été annoncé pour les chômeurs, les petites retraites, les personnes survivant aux minima sociaux ou les fonctionnaires, c’est-à-dire une partie substantielle de la population.

Une aspiration de justice sociale et fiscale

            A l’évidence, ces mesures ne répondent pas aux attentes des Français. Ceux-ci exigent un salaire minimum d’au moins 1500 euros nets (1188 euros à l’heure actuelle) et une revalorisation des petites retraites à 1200€ nets et leur indexation sur le niveau de l’inflation, ainsi que le retour de la retraite à taux plein à 60 ans.
Les citoyens souhaitent davantage de justice fiscale, avec un impôt plus progressif et qui ne repose pas uniquement sur cinq tranches. La classe moyenne se retrouve à assumer le poids des prélèvements fiscaux, alors que les grandes fortunes, par le biais des niches fiscales ou de l’évasion fiscale légale et illégale arrivent à se soustraire à leurs obligations tributaires. Ainsi, les 40 plus grandes entreprises françaises possèdent 1454 filiales dans les paradis fiscaux[18].
L’opinion publique exige également un grand plan contre la fraude fiscale qui coûte chaque année entre 80 et 100 milliards d’euros à l’Etat et qui prive le pays de nombreux investissements nécessaires. Elle revendique que les grandes entreprises n’évadent pas l’impôt par des subterfuges légaux qui leur permettent de transférer leurs profits dans d’autres pays et de faire en sorte que les activités soient artificiellement déficitaires en France. A titre d’exemple, Total, dont le bénéfice s’élève chaque année à plus de 10 milliards d’euros, ne paye pas un seul centime d’impôt en France. Cette injustice fiscale reste incompréhensible et insupportable pour la majorité des citoyens.

            Le mouvement des Gilets Jaunes, soutenu par 80% de l’opinion publique, symbolise l’insurrection citoyenne des oubliés de la République, des « gens qui ne sont rien[19] » – pour reprendre les propos teintés de mépris du Président Macron vis-à-vis des plus humbles –, qui aspirent à une répartition plus équitable des richesses nationales. Les citoyens, attachés au Programme du Conseil national de la résistance, à savoir la sécurité sociale, l’éducation et la santé gratuites, les prestations sociales pour les catégories modestes, la retraite par répartition, le contrôle des secteurs stratégiques de l’économie par l’Etat, les services publics, exigent justice sociale et fiscale, une démocratie plus participative et le droit à vivre dans la dignité.  

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.
Son dernier ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016.
Préface d’Ignacio Ramonet.
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ; Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel

[1] Ministère de l’Intérieur, “Résultats de l’élection présidentielle 2017 », 23 avril et 7 mai 2017. https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Les-resultats/Presidentielles/elecresult__presidentielle-2017/(path)/presidentielle-2017/FE.html (site consulté le 9 décembre 2018).

[2] Ministère de l’Action et des comptes publics, « Suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) (loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, art. 31) », 11 octobre 2017. http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/11517-PGP (site consulté le 9 décembre 2018) ; Gabriel Zucman, « La ‘Flat Tax’ est une bombe à retardement pour les finances publiques’ », Le Monde, 25 octobre 2017 ; Lilian Alemagna, « Budget : les 100 plus riches gagneront 1,5 million d’euros par an chacun », Libération, 26 octobre 2017.

[3] France Info, « Le mot de l’éco. Le CICE : un coût pour les finances publiques mais peu d’effets sur l’emploi », 13 octobre 2018.

[4] Grégoire Normand, « Chômage des jeunes : une situation toujours préoccupante », La Tribune, 24 janvier 2018.

[5] Audrey Travère, « Précarité : près de 20% des étudiants vivent en dessous du seuil de pauvreté », Le Monde, 31 août 2017.

[6] LCI, « ‘Je traverse la rue, je vous trouve un emploi’. Macron fait la leçon à un jeune horticulteur au chômage », 16 septembre 2018.

[7] Europe 1, « Macron à une retraitée : ‘On ne se rend pas compte de la chance que l’on a’ », 4 octobre 2018.

[8] Clarisse Martin, « Fonctionnaires : Edouard Philippe annonce 15.000 postes supprimés à l’horizon 2020 », 26 août 2018.

[9] La Tribune, « La hausse des prix des carburants va se faire sentir dans le budget des ménages », 24 septembre 2018.

[10] Laurent d’Acona, « Marseille : décès d’une femme blessée par un tir de lacrymogène », La Provence, 4 décembre 2018.

[11] Le Parisien, « Une lycéenne blessée par un tir de flash-ball à Grenoble: ‘Ma fille est défigurée’”, 7 décembre 2018.

[12] Le Courrier Picard, « Une étudiante amiénoise perd l’œil gauche lors d’une manifestation parisienne », 10 décembre 2018.

[13] France Info, « Lyon :un lycéen gravement blessé à l’œil porte plainte contre la police pour ‘violences volontaires’ », 11 décembre 2018.

[14] France Info, « Gilets jaunes : ‘Je ramasse le truc, ma main explose’, raconte Antoine, amputé après la manifestation à Bordeaux », 10 décembre 2018.

[15] RMC, « La France est ainsi le seul pays d’Europe à utiliser des grenades explosives contre les manifestants », 22 novembre 2018.

[16] Le Monde, « Des ‘dérapages inadmissibles’ de la police dénoncés par des syndicats de journalistes », 10 décembre 2018.

[17] France Info, « Smic, heures supplémentaires, prime de fin d’année, CSG : les quatre annonces d’Emmanuel Macron pour calmer la colère des ‘gilets jaunes’ », 10 décembre 2018.

[18] France Info, « Grands patrons : Comment faire revenir leurs impôts en France », 11 décembre 2018.

[19] Le Figaro, « ‘Les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien’ : ce que révèle la petite phrase de Macron », 3 juillet 2017.

 

 

   

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Source : Salim Lamrani

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