Cuba
Comment les
ambassades occidentales
limitent les voyages des Cubains
Salim Lamrani
Dimanche 17 novembre 2013
Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/...
Voyager à l’étranger relève du parcours
du combattant pour les Cubains. Mais pas
forcément pour les raisons que l’on
croit…
Comme tous les peuples, les
Cubains aspirent à voyager et découvrir
le monde, que ce soit en simple touriste
ou afin de réaliser un projet personnel
ou professionnel. Les obstacles sont
nombreux lorsqu’on est originaire d’un
pays du Tiers-monde, et davantage
lorsqu’on vient de l’île de la Caraïbe.
Mais, contrairement à ce que l’on
pourrait penser, ils ne sont pas
uniquement d’ordre financier ou
politique.
En effet, avant même la réforme
migratoire adoptée par le gouvernement
de Raúl Castro en janvier 2013 qui
permet aux Cubains de voyager sans
autorisation des autorités, l’immense
majorité des personnes qui sollicitaient
ce permis recevaient une réponse
positive de La Havane. Ainsi, entre 2000
et le 31 août 2012, sur un total de
941 953 demandes, 99,4% ont été
satisfaites. Seules 0,6% des personnes
se sont vu refuser un voyage.
Par ailleurs, l’immense majorité des
Cubains qui voyagent à l’étranger
choisissent de rentrer au pays. Ainsi,
sur les 941 953 personnes ayant quitté
le territoire national entre 2000 et
2012, seules 12,8% ont choisi de
s’établir à l’étranger, contre 87,2% qui
sont revenues à Cuba[1].
La suppression des démarches
administratives et bureaucratiques –
telles que l’autorisation de sortie du
territoire et la lettre d’invitation
souvent couteuse –, ainsi que
l’allongement de la durée du séjour de
11 mois à 24 mois, renouvelable
indéfiniment sur simple demande auprès
d’un consulat cubain à l’étranger, ont
été bénéfiques. Ainsi, de janvier à
octobre 2013, 226 877 Cubains ont voyagé
à l’étranger, soit une hausse de 35% par
rapport à l’année précédente[2].
Mais désormais, un autre défi attend les
Cubains : obtenir un visa. En effet,
l’obtention du précieux sésame relève
d’un véritable parcours du combattant et
constitue aujourd’hui la principale
barrière à un séjour à l’étranger.
Les
exigences sont draconiennes et les refus
très nombreux.
Ainsi, si un Cubain souhaite effectuer
un séjour en France, il doit prendre
rendez-vous au moins un mois avant la
date de son départ auprès du consulat de
France à La Havane et fournir une liste
de documents assez précise. Il faut « une
lettre de motivation de la personne qui
invite », une « attestation d’accueil de
la mairie ou la réservation d’hôtel avec
tous les frais payés », une « copie des
3 derniers bulletins de salaires du
répondant ou déclaration d’impôt
récente », « toute preuve du lien de
parenté avec l’hôte », une « copie de la
carte nationale d’identité ou du titre
de séjour en France de l’hébergeant »,
« l’assurance voyage valable pour toute
la durée du séjour », « la confirmation
de la réservation d’un voyage organisé
ou tout autre document approprié
indiquant le programme de voyage
envisagé », et 60 euros de frais de
dossier, c’est-à-dire l’équivalent de
trois mois de salaire à Cuba, non
remboursables.
Les autorités diplomatiques avertissent
d’emblée le voyageur potentiel :
« L’ambassade se réserve le droit
d’accorder ou non le visa et n’a, en
aucun cas et bien que le dossier soit
complet, d’obligation à octroyer un visa[3] ».
Les exigences sont similaires pour
voyager en Espagne. Il faut également
« une lettre d’invitation d’un
particulier enregistrée auprès du
commissariat de police local », le
billet d’avion retour, et démontrer que
l’on dispose des ressources financières
pour voyager d’au moins 64,53 euros par
jour et par personne, avec un minimum de
580,77 euros[4].
Pour les Etats-Unis, les restrictions
sont encore plus sévères. Le nombre de
visas accordés par rapport à la demande
est dérisoire. Néanmoins, il existe une
solution pour les recalés : l’émigration
illégale. En effet, la loi d’Ajustement
cubain de 1966 stipule que tout Cubain
qui entre légalement ou illégalement sur
le territoire national à partir du 1er
janvier 1959 obtient automatiquement le
statut de résident permanent au bout
d’un an et un jour.
Pendant des années, les puissances
occidentales ont critiqué les autorités
de La Havane, les accusant de freiner la
liberté de mouvement des Cubains. Or,
alors que Cuba a supprimé les obstacles
bureaucratiques tels que l’autorisation
de sortie et la lettre d’invitation afin
de faciliter les voyages de ses
citoyens, les ambassades étrangères
érigent de nouvelles barrières et
exigent désormais des Cubains, en plus
des documents habituels, ….une lettre
d’invitation.
Docteur ès Etudes Ibériques et
Latino-américaines de l’Université Paris
IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de
conférences à l’Université de La
Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba.
Les médias face au défi de
l’impartialité, Paris, Editions
Estrella, 2013 et comporte une préface
d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
Le sommaire de Salim Lamrani
Le dossier Amérique latine
Les dernières mises à jour
|