Analyse
El País et la Révolution
bolivarienne au Venezuela
Salim Lamrani
Photo:
Operamundi
Lundi 17 mars 2014
El País
et la Révolution bolivarienne au
Venezuela
Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/...
Le
quotidien espagnol a abandonné la
rigueur journalistique au profit d’une
couverture partisane de la réalité
vénézuélienne.
Depuis le
triomphe de la Révolution bolivarienne
au Venezuela avec l’élection du
Président Hugo Chávez en 1998 (jusqu’à
2013) et la victoire de son successeur
Nicolás Maduro en 2013, El País,
principal quotidien espagnol et leader
d’opinion, a délaissé l’impartialité
dans le traitement de la réalité de ce
pays. Pis encore, le journal espagnol a
abandonné le journalisme équilibré et
nuancé au profit d’une critique
systématique et à sens unique du pouvoir
démocratiquement élu de Caracas.
Une démocratie ?
Dans une
tribune du 9 mars 2014, El País
expose son point de vue et déclare que
« le Venezuela n’est plus un pays
démocratique[1] ».
Peu importe qu’il y ait eu 19
consultations populaires depuis 1998 et
que les chavistes aient remporté 18 de
ces scrutins au cours d’élections
reconnues comme irréprochables et
transparentes par tous les organismes
internationaux, de l’Organisation des
Etats américains à l’Union européenne,
en passant par le Centre Carter. Mieux
encore, l’ancien président des
Etats-Unis, Jimmy Carter, qualifie le
système électoral vénézuélien comme
étant le « meilleur au monde[2] ».
La liberté de la
presse
Le
quotidien madrilène déplore « une
asphyxie systématique de la liberté
d’expression ». Là encore, l’affirmation
résiste difficilement à l’analyse. Selon
un rapport du Ministère de la
Communication et de l’Information de
2011, en 1998, il existait au Venezuela
587 radios et télévisions dont 92,5%
privées et 7,5% publiques. Aujourd’hui,
elles sont 938 dont 70% privées, 25%
communautaires et 5% publiques. La
Révolution bolivarienne a au contraire
multiplié le nombre de médias
télévisuels et radiophoniques et le
paysage médiatique est toujours dominé
par le secteur privé. Loin d’être
étouffés, les médias privés ont ainsi
augmenté de 28,7% en 12 ans[3].
La Révolution
bolivarienne, un échec ?
Un an après
la disparition d’Hugo Chávez, qui a
succombé à un cancer foudroyant le 5
mars 2013, El País dresse un
panorama assez sombre de la situation
vénézuélienne, par le biais de son
correspondant à… Miami : « Chávez a
légué une opportunité perdue, une
économie en faillite qui ne tient que
par l’endettement et la spéculation ».
Le quotidien ajoute que « durant la
dernière décennie de son gouvernement,
le revenu pétrolier du Venezuela a été
sept fois plus important qu’en 1998
quand il a assumé le pouvoir ».
Cependant, « l’inflation et les
pénuries, dont a souffert le pays de
façon cyclique durant la dernière
décennie, ont atteint des pics alarmants
parmi les secteurs les plus pauvres[4] ».
A la
lecture de ce bilan, on en conclut que
la Révolution bolivarienne a été un
échec. Mais en fait, El País
occulte la réalité factuelle. D’abord,
le quotidien madrilène omet de souligner
que si le prix du pétrole a presque été
multiplié par dix, c’est avant tout
grâce à Hugo Chávez qui a réussi à
réactiver une OPEP moribonde en limitant
la production de pétrole et faisant
passer le prix du baril de 16 dollars en
1998 à plus de 100 dollars aujourd’hui.
Ensuite, le
journal évoque la situation des
« secteurs les plus pauvres » sans
fournir de chiffres et présente
« l’inflation et la pénurie » comme des
conséquences de la politique chaviste.
En réalité, l’inflation a caractérisé
l’économie vénézuélienne depuis au moins
70 ans et les statistiques disponibles
sur la réalité sociale du pays apportent
un démenti implacable au point de vue de
El País.
En effet, de 1999
à 2011, le taux de pauvreté est passé de
42,8% à 26,5% et le taux de pauvreté
extrême de 16,6% à 7%. Le taux de
malnutrition infantile a été réduit de
près de 40% depuis 1999. Cinq millions
d’enfants reçoivent désormais une
alimentation gratuite à travers le
Programme d’alimentation scolaire. Ils
étaient 250 000 en 1999. Le taux de
malnutrition général est passé de 21% en
1998 à moins 3% en 2012. Selon la FAO,
le Venezuela est le pays d’Amérique
latine et de la Caraïbe le plus avancé
dans l’éradication de la faim[5].
Au classement de
l’Indice de développement humain (IDH)
du Programme des Nations unies pour le
développement (PNUD), le Venezuela est
passé du 83ème rang en 2000
(0,656) au 73ème rang en 2011
(0,735), intégrant ainsi la catégorie
des nations à l’IDH élevé. Le
coefficient de GINI, qui permet de
calculer les inégalités dans un pays,
est passé de 0,46 en 1999 à 0,39 en
2011. Selon le PNUD, le Venezuela, qui
dispose du coefficient de GINI le plus
bas d’Amérique latine, est le pays de la
région où il y a le moins d’inégalités[6].
En 1999,
82% de la population avait accès à l’eau
potable. Ils sont désormais 95%. Avant
1999, seules 387 000 personnes âgées
recevaient une pension de retraite.
Elles sont désormais 2,1 millions à en
bénéficier. Durant la présidence de
Chávez, les dépenses sociales ont
augmenté de 60,6%. Depuis 1999, 700 000
logements ont été construits au
Venezuela. Le taux de chômage est passé
de 15,2% en 1998 à 6,4% en 2012, avec la
création de plus de 4 millions d’emplois[7].
Depuis 1999, le
gouvernement a remis plus d’un million
d’hectares de terres aux peuples
aborigènes du pays. La réforme agraire a
permis à des dizaines de milliers
d’agriculteurs de posséder leurs terres.
Au total, plus de 3 millions d’hectares
de terres ont été distribués. En 1999,
le Venezuela produisait 51% des aliments
qu’il consommait. En 2012, la production
est de 71%, alors que la consommation
d’aliments a augmenté de 81% depuis
1999. Si la consommation de 2014 était
similaire à celle de 1999, le Venezuela
produirait 140% des aliments consommés
au niveau national. Depuis 1999, le taux
de calories consommées par les
Vénézuéliens a augmenté de 50% grâce à
la Mission Alimentation qui a créé une
chaîne de distribution de 22 000
magasins alimentaires (MERCAL, Casas de
Alimentación, Red PDVAL), où les
produits sont subventionnés à hauteur de
30%. La consommation de viande a
augmenté de 75% depuis 1999[8].
Le salaire
minimum est passé de 100 bolivars (16
dollars) en 1999 à 2047,52 bolivars (330
dollars) en 2012, soit une augmentation
de plus de 2000%. Il s’agit d’un des
salaires minimum en dollars les plus
élevés d’Amérique latine. En 1999, 65%
de la population active touchait le
salaire minimum. En 2012, seuls 21,1%
des travailleurs disposent de ce niveau
de salaire. Les adultes d’un certain âge
n’ayant jamais travaillé disposent d’un
revenu de protection équivalant à 60% du
salaire minimum. Les femmes seules et
les personnes handicapées
reçoivent une allocation équivalente à
80% du salaire minimum.
Le PIB par habitant est passé de 4 100
dollars en 1999 à 10 810 dollars en 2011[9].
Depuis 1998,
près de 1,5 millions de Vénézuéliens ont
appris à lire, écrire et compter grâce à
la campagne d’alphabétisation, nommée
Mission Robinson I.
En décembre 2005, l’UNESCO a
décrété que l’illettrisme avait été
éradiqué au Venezuela. Le nombre
d’enfants scolarisés est passé de 6
millions en 1998 à 13 millions en 2011
et le taux de scolarité dans
l’enseignement primaire est désormais de
93,2%. La Mission Robinson II a
été lancée afin d’amener l’ensemble de
la population à atteindre le niveau du
collège. Ainsi, le taux de scolarité
dans l’enseignement secondaire est passé
de 53,6% en 2000 à 73,3% en 2011. Les
Missions Ribas et Sucre
ont permis à des centaines de milliers
de jeunes adultes d’entreprendre des
études universitaires. Ainsi, le
nombre d’étudiants est passé de 895 000
en 2000 à 2,3 millions en 2011, avec la
création de nouvelles universités[10].
Au niveau de la santé, le Système
national public de santé a été créé afin
de garantir l’accès gratuit aux soins à
tous les Vénézuéliens.
Entre 2005 et
2012, 7 873 centres médicaux ont été
créés au Venezuela. Le nombre de
médecins est passé de 20 pour 100 000
habitants en 1999 à 80 pour 100 000
habitants en 2010, soit une augmentation
de 300%.
La Mission Barrio Adentro I
a permis de réaliser 534 millions de
consultations médicales. Près de 17
millions de personnes ont ainsi pu être
soignées, alors qu’en 1998, moins de 3
millions de personnes avaient un accès
régulier aux soins. 1,7 millions de vies
ont ainsi été sauvées entre 2003 et
2011. Le taux de mortalité infantile est
passé de 19,1 pour mille en 1999 à 10
pour mille en 2012, soit une réduction
de 49%.
L’espérance de vie est passée de 72,2
ans en 1999 à 74,3 ans en 2011. Grâce à
l’Opération Milagro lancée en
2004, 1,5 millions de Vénézuéliens
atteints de cataractes et autres
maladies oculaires, ont retrouvé la vue[11].
Loin de
l’image apocalyptique présentée par
El País, la Révolution bolivarienne
a été une indéniable réussite sociale.
Ainsi, selon le rapport annuel World
Happiness de 2012, le Venezuela est
le second pays le plus heureux
d’Amérique latine, derrière le Costa
Rica, et le 19ème au niveau
mondial, devant l’Allemagne ou l’Espagne[12].
Le cas du
journal El País illustre
l’incapacité des médias occidentaux –
dont la plupart sont entre les mains de
conglomérats économiques et financiers –
à représenter de manière impartiale et
équilibrée la Révolution bolivarienne.
Il est une raison à cela : le processus
de transformation sociale initiée en
1999 a bouleversé l’ordre et les
structures établis, a remis en cause le
pouvoir des dominants et propose une
alternative sociétale où – malgré tous
ses défauts, ses imperfections et ses
contradictions qu’il convient de ne pas
minimiser – les puissances d’argent ne
règnent plus en maître, et où les
ressources sont destinées à la majorité
des citoyens et non à une minorité.
Docteur ès Etudes
Ibériques et Latino-américaines de
l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage
s’intitule Cuba. Les médias face au
défi de l’impartialité (Paris,
Editions Estrella, 2013) et comporte une
préface d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[1]
Mario Vargas Llosa, “La libertad
en las calles”, El País,
9 mars 2014.
[2]
Correo del
Orinoco,
« James Carter: Proceso
electoral de Venezuela es ‘el
mejor del mundo’ », 20 septembre
2012.
http://www.correodelorinoco.gob.ve/nacionales/james-carter-proceso-electoral-venezuela-es-%E2%80%9Cel-mejor-mundo%E2%80%9D/
[3]
Juan Carlos Figueroa, « Medios
públicos venezolanos casi se
triplicaron en 12 años », El
Tiempo, 12 août 2012.
http://eltiempo.com.ve/venezuela/politica/medios-publicos-venezolanos-casi-se-triplicaron-en-12-anos/61589
(site consulté le 10 mars 2014).
[4]
Maye Primera, « Un año sin el
‘comandante supremo’ », El
País, 5 mars 2014.
[5]
Salim Lamrani « 50 verdades
sobre Hugo Chávez y la
Revolución Bolivariana »,
Opera Mundi, mars 2013.
[6]
Ibid.
[7]
Ibid.
[8]
Ibid.
[9]
Ibid.
[10]
Ibid
[11]
Ibid.
[12]
Ibid.
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