Amérique latine
25 vérités de Robert Kennedy Jr. sur les
négociations secrètes entre Fidel Castro
et le Président Kennedy
Salim Lamrani
Photo:
D.R.
Mardi 2 juin 2015
Al Mayadeen
http://espanol.almayadeen.net/...
Il y a
plus d’un demi-siècle, Fidel Castro et
John F. Kennedy ont mené des
négociations secrètes en vue de
normaliser les relations. Robert Kennedy
Jr., neveu du Président assassiné,
raconte cette histoire et salue la
politique de rapprochement d’Obama, qui
a fait du « rêve » de son oncle une
« réalité[1] ».
-
Après la crise des
missiles d’octobre 1962, qui a failli
déboucher sur un cataclysme nucléaire,
et la résolution du conflit avec le
retrait des missiles soviétiques de Cuba
et des missiles étasuniens de Turquie,
le Président John F. Kennedy a décidé
d’entreprendre un processus de
normalisation des relations avec Cuba.
-
Lors de son voyage
en Union Soviétique en 1962, Fidel
Castro s’est longuement entretenu avec
Nikita Khrouchtchev au sujet de Kennedy.
Selon le neveu de l’ancien président,
« Castro est rentré à Cuba déterminé à
trouver une voie vers le rapprochement »
avec les Etats-Unis.
-
En 1962, Kennedy a
missionné James Donovan, avocat
new-yorkais, et John Dolan, conseiller
du ministre de la Justice Robert
Kennedy, afin de négocier la libération
des 1 500 envahisseurs de la Baie des
Cochons. Lors de sa rencontre avec les
émissaires de Washington, Fidel Castro a
fait part de sa disposition à normaliser
les relations avec les Etats-Unis et à
entretenir des liens basés sur l’égalité
souveraine, la réciprocité et la
non-ingérence dans les affaires
internes. « Mon père Robert et JFK
étaient extrêmement curieux au sujet de
Castro et ont demandé à Donovan et Dolan
des descriptions détaillées, hautement
personnelles, du leader cubain. La
presse étasunienne avait caricaturé à
plusieurs reprises Fidel en tant
qu’alcoolique, obscène, erratique,
violent et indiscipliné. Cependant,
Nolan leur a dit la chose suivante :
‘Notre impression diverge de l’image
généralement transmise. Castra n’a
jamais été irritable, ivre ou sale’.
Lui et Donovan ont décrit le
leader Cubain comme étant une personne
équilibrée, drôle, curieuse, bien
informée, très soignée, et un débatteur
éloquent ».
-
Les deux visiteurs
ont également été impressionnés par le
soutien populaire dont bénéficiait le
gouvernement révolutionnaire : « Ils ont
confirmé les rapports internes de la CIA
au sujet de l’irrésistible popularité de
Castro auprès du peuple cubain suite à
leurs nombreux déplacements avec Castro
[à travers le pays] et après avoir été
témoins des ovations spontanées qu’il a
reçues lorsqu’il entrait dans les stades
de base-ball ».
-
John F. Kennedy
était conscient des aspirations des
Cubains à l’indépendance et à la dignité
et « avait compris la source du
ressentiment répandu contre les
Etats-Unis ».
-
Lors de sa
rencontre avec la journaliste
étasunienne Lisa Howard, Fidel Castro a
fait part de son « souhait » d’arriver à
une entente cordiale avec les
Etats-Unis.
-
De son côté, « JFK
a commencé à songer de manière sérieuse
à la reprise des relations avec Castro.
Cette initiative l’a amené à naviguer en
eaux troubles. La simple mention de
détente avec Fidel faisait l’effet d’une
bombe politique alors qu’approchaient
les élections présidentielles de 1964 ».
-
En septembre 1963,
Kennedy a chargé William Attwood, ancien
journaliste et diplomate étasunien
auprès des Nations unies, « d’ouvrir des
négociations secrètes avec Castro ».
-
Le même mois, le
Président Kennedy a mis en place « un
autre canal secret de communication avec
Castro à travers le journaliste français
Jean Daniel ». Avant de se rendre à Cuba
pour interviewer le Premier Ministre
cubain, Daniel s’est réuni avec JFK à la
Maison-Blanche, lequel l’a chargé de
transmettre un message à Castro.
-
« Je pense que
Kennedy est sincère. Je pense aussi que
cette expression de sincérité pourrait
avoir aujourd’hui une signification
politique », aurait répondu Fidel Castro
à Jean Daniel. « Il a encore la
possibilité de devenir, aux yeux de
l’histoire, le plus grand Président des
Etats-Unis, le leader qui peut enfin
comprendre qu’il peut y avoir une
coexistence entre capitalistes et
socialistes, y compris sur le continent
américain. Il serait alors un Président
encore plus grand que Lincoln ».
-
Fidel Castro, en
réponse aux reproches de Kennedy qui
dénonçait l’alliance avec Moscou, a
rappelé que l’hostilité des Etats-Unis
avait débuté bien avant le rapprochement
de Cuba avec l’Union soviétique, « bien
avant qu’apparaisse le prétexte et
l’alibi du communisme ».
-
Néanmoins, la CIA
était résolument opposée à tout
changement de politique vis-à-vis de La
Havane. « Pour la CIA, la détente était
de la sédition perfide ». Adlai
Stevenson, alors ambassadeur des
Etats-Unis auprès des Nations unies,
avait mis en garde le Président
Kennedy : « Malheureusement, la CIA
s’occupe toujours de Cuba ». Selon lui,
l’agence « ne permettrait jamais une
normalisation des relations ».
-
« La CIA était au
courant des contacts secrets de JFK avec
Castro et s’est efforcée de saboter les
efforts de paix ».
-
Ainsi, en avril
1963, « des agents de la CIA ont
secrètement aspergé de poison mortel une
combinaison de plongée censée être
offerte à Castro par James Donovan et
John Dolan, les émissaires de JFK,
espérant ainsi l’assassiner, accuser JFK
du meurtre, et le discréditer totalement
ainsi que ses efforts de paix ».
-
Selon William
Atwood, « l’attitude de la CIA
consistait à envoyer au diable le
Président qu’elle avait juré servir ».
-
« De nombreux
leaders de l’exil cubain ont exprimé
leur dégoût vis-à-vis de la ‘trahison’
de la Maison-Blanche, en accusant JFK de
chercher une ‘coexistence’ avec Fidel
Castro […]. Un petit nombre de
fanatiques assassins anticastristes ont
dirigé leur haine vers JFK et il y a des
preuves crédibles que ces hommes et
leurs maîtres de la CIA pourraient être
impliqués dans des complots pour
l’assassiner ».
-
Le 18 avril 1963,
José Miró Cardona, ancien Premier
Ministre du gouvernement révolutionnaire
et alors leader du Conseil
révolutionnaire cubain créé par la CIA,
a accusé Kennedy de trahison et l’a
averti des conséquences : « Il ne reste
plus qu’un seul chemin à suivre et nous
le suivrons : la violence ».
-
« Santo
Trafficante, le boss de la mafia et le
tsar des casinos de La Havane qui avait
étroitement collaboré avec la CIA dans
divers complots pour assassiner Castro,
a informé ses associés cubains que JFK
était sur le point d’être liquidé ».
-
Le jour de
l’assassinat de John F. Kennedy, le 22
novembre 1963, Fidel Castro se trouvait
avec Jean Daniel, l’émissaire secret du
Président étasunien. En apprenant la
nouvelle, le leader cubain s’est
retourné vers le journaliste français :
« Voilà, c’est la fin de votre mission
de paix ».
-
« Après la mort de
JFK, Castro a demandé de manière
persistante à Lisa Howard, Adlai
Stevenson et William Attwood et d’autres
de demander à Lyndon Johnson, successeur
de Kennedy à la Maison-Blanche, de
reprendre le dialogue. Johnson a ignoré
les demandes et Castro a fini par
abandonner ».
-
Robert Kennedy,
alors Ministre de la Justice, a
également fait pression sur Johnson afin
de poursuivre les conversations avec La
Havane, sans succès.
-
Le frère du
président assassiné a également fustigé
l’interdiction faite aux citoyens
étasuniens de voyager à Cuba : « Les
actuelles restrictions au voyage sont
inconsistantes avec les libertés
américaines traditionnelles ».
-
Dean Rusk, alors
secrétaire d’Etat, a pris la décision
d’isoler Robert Kennedy, trop favorable
à une entente avec Cuba.
-
Selon William
Attwood, « s’il n’y avait pas eu
l’assassinat, nous aurions probablement
ouvert des négociations et normalisé les
relations avec Cuba ».
-
Fidel Castro a
rendu hommage à JFK : « Au moment où
Kennedy a été assassiné, il était en
train de modifier la politique vis-à-vis
de Cuba. Dans une certaine mesure, nous
étions honorés d’avoir un tel rival.
C’était un homme formidable ».
Docteur ès Etudes
Ibériques et Latino-américaines de
l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage
s’intitule Cuba. Les médias face au
défi de l’impartialité, Paris,
Editions Estrella, 2013 et comporte une
préface d’Eduardo Galeano.
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
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