Lecture
Manifeste du Parti ouvrier (8)
Robert Bibeau
Mercredi 30 juillet 2014
Nous poursuivons la
publication d’une série de neuf (9)
articles portant sur quatre questions
fondamentales pour la gauche
internationale :
1)
Nous avons traité des questions de
sectarisme, d’entrisme et de dogmatisme
2)
Nous avons abordé la question de l’unité
des forces de la gauche.
3)
Nous avons présenté la lutte de classe
telle qu’elle se mène dans trois
instances.
Les textes sont »
http://www.les7duquebec.com/author/robertbibeau/
4)
Enfin, à l’approche du 97e
anniversaire de la Révolution d’Octobre
1917, nous présentons aujourd’hui six
leçons acquises de la Révolution
bolchévique.
*********
CHAPITRE 4 :
APPRENDRE DE LA RÉVOLUTION D’OCTOBRE
Depuis la
Révolution d'Octobre 1917
En octobre 1917
c'est l'annonce des grèves et des
mutineries, en Russie notamment, qui
contribua à la fin de la
Première Grande Guerre
mondiale, la première boucherie
impérialiste mondiale de l’ère moderne.
La Révolution d'Octobre fut un événement
majeur dans l’histoire de la classe
ouvrière, une tempête de classe qui
reste largement inconnue et incomprise.
Presqu’un siècle
depuis la Révolution d’Octobre
Lorsque l’URSS et
le supposé camp-socialiste
s’effondrèrent en 1989, la bourgeoisie
internationale entonna le requiem du
socialisme et surtout du communisme.
L’oraison funèbre servit à démontrer
comment la faillite de l’Union
Soviétique, prétendument communiste,
prouvait que, hors du capitalisme,
aucune autre forme d’organisation
sociale ne pouvait ni ne pourrait jamais
exister.
LA SUITE DE
L’ARTICLE »»»
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/manifeste-du-parti-ouvrier-8-2/
Le mode de
production et les rapports de production
et d’échanges capitalistes seraient la
seule forme possible d’existence
économique et sociale dans le monde
entier pour le reste de l’éternité. Tout
le reste ne serait, au mieux, qu’utopie,
et au pire, le «réalisme socialiste
inhumain» qui n’aura apporté que misère
et oppression aux prolétaires qui s’y
aventurèrent.
L’expérience
bolchevik
L’expérience
bolchevik a fait faillite bien avant
1989 et l’effondrement du social
impérialisme russe. Le Parti Bolchevik
dirigé par Staline a présenté la
construction du
capitalisme monopoliste d’État comme
étant la construction du socialisme en
URSS, ce qui a ouvert une époque de
confusion idéologique et politique sans
précédent pour des millions de
prolétaires à travers le monde. La
conséquence tragique de cette confusion
fut la plus importante défaite
idéologique qui n’ait jamais marqué le
mouvement ouvrier. Presqu’un siècle
après cette révolution il est temps de
mettre fin à cette confusion. La gauche
communiste et les communistes
révolutionnaires, ont l’obligation de
tirer des leçons à partir des nombreux
enseignements de cette expérience
ouvrière.
Une première leçon historique – les
soviets
La
première leçon que la
Révolution d’Octobre nous a léguée
concerne l’organisation de la classe
ouvrière. À l’évidence, notre classe est
capable de faire et de marquer
l’histoire. Nonobstant un siècle de
cynisme à propos de l’incapacité
légendaire de la classe ouvrière (sic),
les travailleurs russes découvrirent la
forme par laquelle une société
capitaliste pouvait être renversée et
comment ils pouvaient s’organiser pour
tenter d’ériger une société nouvelle.
Dès 1905, les
soviets émergèrent de leur lutte collective gréviste contre
l’exploitation, la spoliation et
l’aliénation en tant que solution
organisationnelle pratique aux problèmes
de coordination des divers comités de
grève ouvrière, de résistance et de
défense populaire. En 1917, les
soviets (les conseils
ouvriers) furent recréés et firent la
preuve qu’ils constituaient la structure
organisationnelle et de pouvoir qui
structurait et représentait directement
la classe ouvrière en guerre contre la
bourgeoisie. Tandis que les syndicats
ouvriers intégrés à l’appareil d’État
tsariste furent plutôt des entraves au
déploiement de la révolution. Nous y
reviendrons.
Lénine disait que «
L’écurie du parlementarisme bourgeois
» est la démocratie pour les riches,
rejetant ainsi le crétinisme
parlementaire. Les représentants
bourgeois sont élus grâce à l’argent et
aux médias des riches pour des mandats
de plusieurs années. Ils peuvent ignorer
les revendications de leurs électeurs
tandis qu’ils font des courbettes devant
les intérêts du capital. C’est ce chemin
notamment qui mena à la corruption de la
social-démocratie en Allemagne avant la
première guerre mondiale.
Le
soviet, tout comme la
Commune de Paris de 1871, fut
un organe à la fois exécutif et
délibératif (législatif). Ses membres
étaient délégués par leurs électeurs et
pouvaient être révoqués à tout moment
s’ils ne respectaient pas leur mandat
(limité dans le temps et non
renouvelable). En clair, les
travailleurs de Russie ont donné au
monde la forme politique qui devrait
être la base de la société sans classes
de « travailleurs librement associés »
(Marx).
Les
soviets ont décliné au fur et
à mesure que les travailleurs
révolutionnaires périrent au cours de la
guerre civile contre l’impérialisme
mondial et ses « Gardes blancs »
envahissant. À mesure aussi que le
pouvoir d’État soviétique, accaparé par
le parti bolchevik, s’empara des leviers
du pouvoir pour en évincer les soviets.
Les
soviets constituèrent la forme
politique du pouvoir collectif ouvrier,
de la
dictature du prolétariat sur les reliquats de la bourgeoise
ancienne, toujours présents dans la
société soviétique pluriethnique et
multinationale. Cependant, les
soviets n’ont pas su
constitué le modèle de pouvoir
économique collectif prolétarien pour
l’édification d’une économie et d’une
société socialiste en marche vers le
communisme. C’est l’appareil d’État
soviétique qui constitua ce pouvoir et
cette gouvernance économique sous
laquelle se constitua une caste
d’apparatchiks divisée en factions
querelleuses, caste qui à partir des
privilèges acquis se transforma en une
nouvelle bourgeoisie, celle qui mena une
première escarmouche pour le partage du
pouvoir en 1953, à la mort de Staline,
celle qui mena une second grand combat
de partage à la mort de Brejnev et celle
dont le pouvoir politique s’effondra
définitivement en 1989-1991, pour mieux
se constituer en classe capitaliste
monopoliste formée de propriétaires
privés des moyens de production,
d’échanges et de communications dans
l’ex-URSS devenu la Russie et la
Communauté des États Indépendants
(CEI).
La deuxième leçon concerne les
conditions de la révolution
prolétarienne
La deuxième leçon
nous indique que la révolution est un
événement exceptionnel, qui requiert
pour survenir le genre de conditions
singulières existant dans la Russie en
guerre. La condition nécessaire et
indispensable qui détermine le mouvement
des contingents de travailleurs tient
essentiellement aux conditions
économiques dans l’approfondissement de
la crise du capitalisme à l’étape de
l’impérialisme. Il n’y a point
d’acte de volonté (volontarisme et
manipulation dans le déclanchement de
l’insurrection sont bannis), ni
d’inspiration géniale, ni aucune autre
force déterminante qui peut remplacer
l’impulsion des conditions matérielles
objectives et concrètes, quand la
bourgeoisie elle-même en tant que classe
hégémonique ne maîtrise plus ses
différentes factions ni ne maîtrise plus
totalement l’appareil d’État, ni la
conjoncture
économique et sociale.
En Russie, la crise
économique qui avait abouti au premier
conflit mondial, aux destructions
physiques massives et à une société
affamée soulevèrent des millions de
paysans (25 millions) et des millions de
prolétaires (7 millions) contre la
guerre et enclencha la lutte frontale
contre ceux qui en étaient responsables.
Comme Lénine l’a souligné, la guerre
mondiale fut la force motrice, le grand
accélérateur qui propulsa les masses
russes
(même si le prolétariat était
minoritaire) sur la scène de l’histoire,
dans le premier acte de ce qui aurait dû
être une explosion de lutte des classes
à l’échelle internationale… mais ne le
fut pas car la société capitaliste
recélait encore des capacités
productives inexploitées, des forces de
production et d’échanges, des capacités
de tempérer ses contradictions qu’elle
n’avait pas encore épuisée dans tous les
pays et sur tous les continents.
Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. La
société impérialiste a atteint la limite
de ses capacités. Pour paraphraser Marx,
l’impérialisme a développé toutes les
forces productives que ses rapports de
production obtus et obsolètes sont assez
large pour contenir et de nos jours
l’impérialisme a tendance à tituber,
sans s’arrêter, dans le monde entier
(1). Cependant, l’accoucheur social – le
prolétariat – devra lui asséner le coup
de grâce sans quoi l’impérialisme
décadent nous entraînera vers une guerre
nucléaire mortifère. Et surtout, que nul
n’argumente que les capitalistes ne
pourront jamais se résigner ni nous
astreindre à cette extrémité. À ceux-là
nous répondrons « Rappelez-vous
Hiroshima et Nagasaki ».
Mais les conditions
matérielles ne sont pas suffisantes en
soi. Les crises économiques
dévastatrices, avec leur cortège de
guerres entraînant les masses paysannes
et ouvrières à l’action ne suffisent pas
à définir une situation révolutionnaire.
La présence d’un
parti révolutionnaire, qui concentre l’expérience de la classe et
sait comment lier la spontanéité fébrile
des masses et des luttes spontanéistes
sur le front économique au programme
politique révolutionnaire de classe, est
absolument nécessaire. Lorsque le
prolétariat se décide à agir, il le fait
en partant spontanément de
revendications économiques défensives et
de luttes de résistance revendicative.
Il peut se mobiliser instinctivement
contre la guerre et ses conséquences qui
tuent et affament. Il peut être attiré
par la perspective du changement social.
Il peut même renverser un régime
politique croupissant, mais il a surtout
besoin d’un programme politique fondé
sur les gains idéologiques et théoriques
de sa propre expérience historique. Le
porteur de ce programme révolutionnaire
de classe est le parti politique
révolutionnaire de classe du prolétariat
et nul autre. Sans cet état-major et
cette mémoire des luttes de classe, au
service de la classe révolutionnaire
unique et de ses objectifs,
l’insurrection mènera chaque fois au
remplacement d’une classe exploiteuse
par une
autre.
Il est totalement
erroné de croire que la lutte gréviste
pour des revendications, le combat
contre les effets de la crise économique
ou le refus de continuer la guerre
peuvent par elles-mêmes élever
spontanément le niveau de conscience
politique des masses prolétariennes
jusqu’au programme politique
révolutionnaire «pour soi» (c’est-à-dire
pour la conquête de tout le pouvoir
politique d’État et le pouvoir
économique et pour l’instauration de la
dictature du prolétariat). Les
prolétaires de Chine, de Corée, du
Vietnam, de l’Albanie, d’Afrique du Sud,
ceux d’Égypte et ceux du Népal pour ne
citer que quelques exemples relativement
récents ont fait la preuve qu’il ne peut
y avoir de dictature du «Front uni» des
paysans, des petits-bourgeois et du
prolétariat qui soit révolutionnaire et
salvateur. La Révolution bolchévique
nous enseigne que seule la dictature de
la classe authentiquement
révolutionnaire, jusqu’au bout, assure
le succès de l’insurrection mais quelle
n’assure pas pour autant le succès de
l’édification socialiste si les autres
conditions économiques et sociales ne
sont pas réunies et à maturité.
C’est plutôt le
contraire qui est vrai. Si, les masses
n’ont pas créée leur avant-garde –
le parti révolutionnaire ouvrier –
(2) lorsqu’elles se mettent en
mouvement, même la révolte ou
l’insurrection la plus pugnace et la
plus déterminée est destinée à l’échec.
En 1917, il n’y a qu’en Russie que s’est
effectuée la synthèse entre les
conditions objectives – qui menèrent les
prolétaires à se soulever – et les
conditions subjectives – représentées
par les masses elles-mêmes et par la
présence active du Parti bolchevik qui
guida politiquement le mouvement. Sans
ces deux conditions aucune révolution
prolétarienne n’aurait pu vaincre. Si
l’un de ces deux facteurs est absent, il
n’y a pas de perspective de dénouement
favorable de la révolution
prolétarienne. Si les conditions
nécessaires sont absentes, le
prolétariat ne se soulèvera pas; si le
parti est absent, tout indique que les
résultats de la lutte des classes seront
négatifs. Les nouvelles générations de
communistes ne peuvent absolument pas
négliger cette leçon de la Révolution
d’Octobre. Si elles le font, elles
risquent de s’orienter vers les théories
idéalistes qui font du spontanéisme, de
l’ouvriérisme, de l’économisme, du
réformisme, de l’anarchisme leurs cris
de ralliement.
Cependant, nous le
réitérons, conquérir le pouvoir
hégémonique et s’asseoir à la tête de
l’État prolétarien ne donne pas
l’assurance de l’édification de la
société socialiste si le mode de
production capitaliste-impérialiste n’a
pas atteint sa totale maturité et qu’il
n’a pas commencé à péricliter, ce qui
est aujourd’hui assuré pour l’ensemble
de la société impérialiste mondialisé et
globalisé.
L’internationalisme prolétarien
La
troisième leçon que nous enseigne
l’expérience de la Révolution d’Octobre
est que la révolution prolétarienne doit
être internationale ou elle est destinée
à l’échec, enfermée à l’intérieur des
frontières nationales dans lesquelles
elle est née. Toute la stratégie du
Parti bolchevik et de la Troisième
Internationale – avant son repli sur des
positions contrerévolutionnaires basées
sur la
théorie du socialisme dans un seul
pays – fut fondée sur la
nécessité qu’il y aurait d’autres
éruptions révolutionnaires
internationales ou plus exactement, que
le confinement de la Révolution à un
seul pays, la Russie, annoncerait sa
défaite inéluctable.
Pour la Russie
révolutionnaire, l’isolement politique
et économique auquel elle a été
condamnée par l’absence de révolutions
en Europe de l’Ouest notamment
signifiait que son sous-développement
économique et l’encerclement économique,
politique et militaire, par les pays
capitalistes qui considéraient le
bolchevisme comme l’ennemi à abattre,
quel qu’en soit le prix et par tous les
moyens, lui seraient fatales. Une des
causes déterminantes de la tragédie de
la Révolution d’Octobre est que l’un des
deux facteurs qui devaient donner une
dimension internationale au processus
révolutionnaire entrepris en Russie
était bancal.
Le premier facteur, objectif, – la
nécessaire condition de la crise
économique et/ou de la guerre
impérialiste – était présent férocement
et sans précédent et avait entraîné tous
les pays d’Europe et au-delà. Les masses
prolétariennes (dans certains pays de
l’Europe de l’Ouest du moins)
s’agitaient aussi, particulièrement en
Allemagne, aux Pays-Bas et en Italie.
Par contre,
le deuxième facteur, la présence concrète de partis communistes
expérimentés ne s’est pas manifestée à
temps. Bien sûr, des partis communistes
se sont formés mais ils avaient du
retard sur le développement des
événements. En retardant la rupture du
cordon ombilical, qui les liait aux
partis réformistes de la
Deuxième Internationale,
jusqu’au reflux de la lutte
prolétarienne, les futurs partis
révolutionnaires manquèrent leur
rendez-vous avec l’histoire et par
conséquent l’entreprise bolchevique se
retrouva isolée et plongée dans une
série de contradictions insolubles à la
fois à l’intérieur de son cadre
politique national, et à l’intérieur de
ses forces productives et de ses
rapports sociaux de production
archaïques, en partie préindustriels et
semi-féodaux. Le processus est long et
douloureux pour faire d’un amalgame de
millions de paysans analphabètes, des
prolétaires alphabétisés,
industrialisés, modernisés, formés et
urbanisés.
Ainsi, l’échec de
la Révolution d’Octobre, suite à l’échec
des autres expériences révolutionnaires
européennes, devint total dès la
première décennie d’existence de l’URSS,
et non pas trente années plus tard comme
le soutiennent les réformistes et les
révisionnistes de tout-acabit. Les
événements qui eurent lieu par la suite,
la brutale réaction politique, les
purges sanglantes au sein même du Parti
bolchevik, l’élimination physique de
toute opposition de gauche, les attaques
économiques contre le prolétariat qui
avait accompli la révolution, furent les
conséquences économiques et politiques
de cette défaite internationaliste mais
surtout de cette impossibilité
matérielle, systémique de forger le
socialisme à partir d’une société
paysanne-rurale-agraire-semi-féodale-illettrée-arriérée.
Trente années plus tard, la Chine
maoïste refera la preuve que l’on ne
peut édifier une société socialiste en
se reposant sur un « Front uni » de
bourgeois nationaux, de paysans pauvres
et de prolétaires inféodés aux premiers
et à partir d’une économie agraire et
semi-féodale.
De cette défaite
post-révolution, inéluctable, provient
la construction d’un
capitalisme monopoliste d’État
dans un seul pays que le régime
bolchévique, sous Staline, présenta
comme du socialisme d’État, une
illusion que les partis communistes de
la Troisième Internationale propagèrent
parmi les masses ouvrières du monde
entier et dont il nous faut aujourd’hui
nous extirper.
(1)
Karl Marx (1859) Préface à la
contribution de la critique de
l’économie politique.
(2)
Manifeste du Parti
ouvrier
(2014)
http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782924312520
Le sommaire de Robert Bibeau
Les dernières mises à jour
|