Opinion
L'économie toujours moins compliquée (3)
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 28 mai 2014
La semaine dernière nous avons traité du
rôle des banques, de la loi de la valeur
et de son
reflet bancaire et boursier. Il a
été question du reflet monétaire de
l’activité économique, ce terme étant
général puisqu’il englobe toute forme de
monnaie et de crédit (1).
Cette semaine nous allons lever
le voile sur la différence entre les
notions de «prix»
et de «valeur»
des marchandises.
Nous allons lever le voile
également sur le phénomène de la
concurrence en phase d’économie
monopoliste globalisée et non
concurrentielle (sic) !
Socialisé et socialiste, à ne pas
confondre
Quelques correspondants éprouvent
des difficultés à comprendre la loi de
la valeur, et la loi de la concurrence
«parfaite», surtout depuis que
l’économie impérialiste est globalisée,
mondialisée et contrôlée par d’immenses
trusts et de grandes multinationales.
Certains correspondants suggèrent que
depuis l’avènement de l’impérialisme
planétaire les lois économiques du
capitalisme ont été chamboulées et donc
que Marx est désavoué (!)
Un correspondant
écrit : «Ce que j’avance
à titre de
thèse, c’est qu’au
stade monopoliste avancé, la production
industrielle et le marché des
marchandises constituent une sphère qui
se trouve subordonnée à celle d’une
production déjà hautement socialisée,
sinon déjà socialiste, celle des trusts».
Méprise entre le
mot «socialisé»
et le terme «socialiste»
que nous ne pouvons laisser passer. «Socialisé»
- signifie ici de collectiviser la
production en série – à la chaîne -
fordiste et tayloriste.
Ce n’est pas le sens du mot
«socialiste»
puisque le pouvoir d’État – politique,
économique – n’a jamais été accaparé par
le prolétariat et tous les moyens de
production, d’échanges et de
communication n’ont jamais été
expropriés, sans compensation, des mains
des capitalistes pour être remis au
pouvoir des soviets ouvriers.
Donc, aucun
socialisme qui tienne sous
l’impérialisme.
Ces deux modes de production sont
incompatibles et ne peuvent coexister.
L’hégémonie de l’un entraine la
disparition de l’autre et vice versa,
comme nous avons pu l’observer en URSS,
devenue la Russie impérialiste.
Monopole et concurrence
Notre correspondant
poursuit : «Dans cette sphère
dominante,
la situation du monopole le soustrait
à la
loi de formation de la valeur par le
temps de travail, et le produit
n’est plus à proprement parler une
marchandise au sens classique,
puisqu’il
n’a plus à affronter le marché pour
trouver son prix. La valeur
classique cède le pas à la valeur fixée
par les lois du marché des capitaux (et
non plus des marchandises) détachés de
sa base concrète (le temps de travail).
Le monopole pompe ainsi (…)
la plus-value extraite qui existe
toujours au sens classique d’une part,
et d’autre part
impose des prix qui n’ont plus de
rapport avec la valeur réelle, que
l’on ne sait plus trop où chercher, ce
qui lui assure l’équivalent d’une rente»
(2).
Notre interlocuteur
nous amène au cœur de la nouvelle école
dilettante bourgeoise «marxisante» dont
Monsieur Piketty est un des
auteurs à succès auprès des
impérialistes étatsuniens… la
bourgeoisie sait reconnaitre les siens
(3).
Disons d’abord que
sous le mode de production capitaliste
en phase impérialiste, toute chose est
susceptible de devenir
marchandise, un enfant en adoption,
une jeune fille kidnappée, une
prostituée, l’eau, une plage de sable
blond et la Terre mère, tout et
n’importe quoi est marchandise
commercialisable. Autre caractéristique
importante soulignée par Marx, une
marchandise a tendance à se vendre à son
prix et à sa valeur sociale moyenne,
certains produits bénéficiant
temporairement d’une plus-value extra
alors que d’autres marchandises se
vendent sous leur prix de revient et
sous leur valeur sociale moyenne,
jusqu’à disparaître du marché.
Ces
caractéristiques de fixation des prix
sont à la fois le résultat et ils
entraînent dialectiquement la
spéculation inflationniste sur les
marchés boursiers à l’aide d’une
monnaie de singe (le crédit) qui un jour
«s’évapore» comme disait un banquier
français (4). Si les prix fluctuent la
valeur elle ne change pas. La valeur
d’une marchandise est toujours
déterminée par le temps de la force de
travail employé à la fabriquer.
Les lois de la
valeur et de fixation du prix d’une
marchandise, expliquées par Marx, sont
valides pour toute l’époque du
mode de production capitaliste, y
compris pour sa phase impérialiste qui
n’est que son étape finale de
dégénérescence, même si cela prend 200
ans à survenir.
Le
phénomène de monopolisation que nous
constatons présentement ne signifie pas
que la concurrence ait disparue entre
les grands trusts contrôlant 50%,
parfois même 75% de la production
mondiale d’une marchandise quelconque.
Les chinois monopolisent 80% de la
production des terres rares mondiales et
pourtant ils ont des concurrents.
La cartellisation -
la monopolisation, qui permet à quelques
grandes entreprises de s’entendre pour
fixer les prix des produits, exacerbe la
concurrence entre elles. Chaque membre
du cartel mondial de l’aluminium, par
exemple, tente de mener une OPA
inamicale contre ses concurrents. Chaque
compagnie signataire de l’entente trahit
sa signature alors que l’encre n’est pas
encore sèche. Chacun tente de
s’accaparer les marchés et subit les
assauts des hausses de productivité de
ses alliés et concurrents. Malgré
l’entente de cartel, il n’y a jamais de
répit concurrentiel entre elles. Cette
guerre de classe inter-capitalistes est
menée à une échelle incommensurablement
plus grande qu’à l’époque du capitalisme
vagissant,
cela s’entend.
Accumuler le capital à travers la
conquête des marchés
Pire, la
concurrence, non pas pour l’accaparement
des marchés de l’aluminium (pour
reprendre notre exemple),
mais pour l’accaparement des profits
globaux et des capitaux généraux en
circulation dans l’économie. Cette
concurrence est exacerbée entre les
trusts, les cartels, les monopoles de
chaque secteur de production et entre
tous les secteurs de
production-commercialisation. Dans
notre exemple, la marchandise aluminium
n’est que le prétexte – l’objet – de la
fabrication de plus-value et de son
accaparement-accumulation, pour un
investissement
profitable et un nouveau cycle de
reproduction élargie.
Les salaires et les conditions de
travail et les conditions de vie
des fondeurs d’alumine ne font pas
partie des préoccupations de ceux qui
font circuler cet argent-capital pour la
reproduire, sinon pour en réduire
l’impact sur les profits.
Fondamentalement,
l’objectif de développement du
capitalisme n’est pas de produire des
biens à marchander, afin d’accumuler de
l’argent – d’accaparer des marchés et
d’être le plus grand producteur
d’aluminium, d’acier, de ciment ou
d’automobile à travers le monde. Tout
ceci n’est que l’apparence des choses.
L’objectif que
poursuit le mode de production
capitaliste-impérialiste, indépendamment
des acteurs capitalistes qui s’activent
à son chevet, est de se reproduire en
plus grand (la reproduction élargie).
Pour parvenir à se reproduire de manière
agrandie (élargie), le capitalisme a
développé deux modalités simples et
efficaces :
A)
Le travail salarié. Faire produire
de la plus-value et du salaire aux
ouvriers. Le premier étant accaparé par
le capitaliste et le second
étant laissé au salarié, que l’on
tentera de dépouiller plus tard sur le
marché de consommation par la pratique
des prix inflationnistes et la
dépréciation de son pouvoir d’achat.
B)
L’accaparement privé du capital - de
la richesse - de l’argent - de la
plus-value et des profits, qui de cette
façon, par phénomène d’induction,
s’accumulent à un
pôle de l’aimant capitaliste.
Sans ce principe simple tout
l’échafaudage s’écroule. C’est
l’appropriation privée (y compris par
l’entremise de l’État des riches) qui
permet l’accumulation et le
réinvestissement et la valorisation et
la reproduction élargie du capital,
vulgairement appelée croissance de
«l’économie» et hausse du PIB.
Une immense
entreprise de production d’aluminium
(pour poursuivre notre exemple)
ne cherche pas tant à devenir le plus
grand producteur d’aluminium sur terre
mais bien plutôt à devenir la plus
grosse anode d’attraction du capital au
monde. En cela, chaque entreprise
monopoliste, quel que soit son domaine
d’activité, est en concurrence acharnée
avec tous les autres monopoles de
l’aluminium mais aussi contre ceux de
l’acier, de la construction de navires,
de la construction d’avions, de la
production d’automobiles, pour
l’accumulation de capital à valoriser et
à faire fructifier en nouveau capital
concentré. Une loi du capitalisme exige
– réclame – induit la concentration.
Alors quand «l’économiste»
Piketty s’offusque et pleurniche à
propos de l’inéquitable répartition de
la richesse sociale
il
expose ainsi sa totale ignorance de
l’économie globale.
C’est la raison
pour laquelle nous disons que
l’impérialisme c’est le règne du capital
roi et de la concurrence exacerbée.
C’est la guerre économique totale et
permanente entre les oligopoles de
toutes provenances et pour toute
marchandise (qui n’est que de la valeur
d’usage transformée en valeur d’échange
monétarisée).
De la nécessité de la concurrence pour
assurer l’attractivité
Revenons aux
allégations de notre interlocuteur qui
prétend que
le règne des monopoles leurs
permettraient de fixer les prix des
marchandises au niveau qui leur
plaît, ce qui rendrait obsolète la loi
de la valeur élaborée par Marx.
Un monopole qui
fixerait ses prix sans tenir compte de
quiconque – en ignorant
ses concurrents – c’est-à-dire
sans tenir compte de tous les autres
producteurs de tous les autres produits
disponibles sur le marché mondialisé –
ferait faillite ou serait absorbé (OPA)
par l’un ou l’autre de ses concurrents,
car il chasserait de la sorte tout le
capital qu’il cherche pourtant à attirer
vers son électrode. Ses ventes
s’amenuiseraient comme peau de chagrin,
ses prix trop élevés amenant ses clients
à se passer de son produit, ou à trouver
un substitut. Exemple, l’aluminium est
en concurrence avec l’acier et avec les
produits composites pour la fabrication
des voitures.
Conclusion: le
système d’économie politique capitaliste
est dans l’impasse, non pas parce qu’il
aurait changé sa manière de fonctionner
; non pas parce qu’il obvie ses lois de
développement nécessaires ; mais
simplement parce qu’il y obéit
aveuglément.
Contrairement aux réformistes,
nous disons qu’il ne peut en être
autrement. Ce mode de production est
caduc. Il a complété sa vie utile et il
doit être remplacé par le mode de
production socialiste planifié qui sera
beaucoup plus performant et respectueux
de l’environnement.
VOLUME
D’ÉCONOMIE GRATUIT. Téléchargez :
http://www.robertbibeau.ca/VolumeDeclin.html
(1)
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/189621/
et
aussi
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/leconomie-ce-nest-toujours-pas-compliquee/
(2)
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-economie-ce-n-est-toujours-pas-151899
(3)
Piketty, économiste à la
solde qui publie de grosses briques de
650 pages. Superstar de l’économie
capitaliste, mais comme ses comparses,
incapable de régler le moindre problème
du système qu’il conspue :
http://plus.lapresse.ca/screens/4ee1-9d6c-535a8662-bd65-329aac1c606d%7C_0.html
(4)
http://www.robertbibeau.ca/VolumeDeclin.html
Pour s’informer,
le webzine :
http://www.les7duquebec.com/
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