Les 7 du Québec
Que se passe-t-il avec les régimes
et les caisses de retraite en France ?
(3)
Robert Bibeau

Mercredi 25 décembre 2019
Pas de trêve pour Noël
Il y a deux
semaines nous avons examiné : « La
bataille des régimes de retraite et des
fonds de pension (1) » du point
de vue des syndicats et des fonds de
gestion du capital. La semaine dernière
nous avons ausculté : « La
bataille des régimes et des caisses de
retraite (2) » du point de vue
de la lutte de classe. Cette semaine les
grèves syndicales contre la réforme des
retraites se sont étendues à toute la
France. Sept des huit raffineries du
pays sont en grève menaçant la
distribution du carburant,
les transports sont gravement
touchés et même le secteur de
l’éducation s’est mobilisé. Neuf
syndicats ont appelé à des actions et à
des grèves. Le soutien à la grève a été
plus fort que la semaine dernière, alors
que 57% des salariés s’opposent à la
réforme des retraites, soit une
augmentation de 8 points en une
semaine. Quels sont les enjeux de cette
bataille et à quoi jouent les
syndicats?
De fait, depuis un
mois des milliers de travailleurs
français font grève à l’instigation des
cheminots, des conducteurs de métro et
de TGV qui parviennent, ensemble, à
entraver l’économie française. Le
gouvernement Macron veut le bien des
salariés, et il va s’en emparer
clame-t-il (!) Tandis que les syndicats
se sentent menacés dans leur rôle de
portefaix du capital qui préfère la
gestion des fonds de pension
capitalisés spéculatifs à leur offre
de gestion paritaire de caisses de
retraite « solidaires » (!)
Habituellement,
plus le combat s’étend et perdure et
plus l’embrouille se répand et plus les
salariés enfumés se divisent. Cette
fois, les travailleurs ne se laissent
pas emberlificoter et maintiennent le
cap : « Pas de négociation du plan de
réforme. Retrait total de la réforme
Macron (!) ». Même la gauche est
soufflée par tant de perspicacité de la
part des ouvriers.
Pourtant, les
efforts du gouvernement pour brouiller
ses traces n’ont pas manqué. La loi
Pacte, adoptée quelques mois auparavant
avait préparer le terrain de la mainmise
étatique sur l’ensemble des 42
régimes de retraite afin d’en
simplifier la gestion, et d’assurer
l’équité des prestations dit-on rue
Bercy. (1) Ce à quoi répliquent les
salariés : « Assurer l’équité de la
pauvreté en nivelant les pensions vers
le bas ». «L’égalité, c’est la
mendicité pour tous, après des années de
points plombés cotisés». La
prestation de retraite sera assurée à
1000 euros par mois pavoise le premier
ministre. « C’est donc que des
milliers de salariés ne touchent pas
cette pitance de pitié !?… Pas de quoi
pavoiser avec cette retraite sous le
seuil de pauvreté ».
Le faux enjeu de la
bataille des retraites
Mais quel est donc
l’enjeu pour que l’État bourgeois étende
ses tentacules afin d’exproprier les
économies des salariés? L’État
répond que c’est pour assurer le
financement des caisses de retraite
chapardées et endettées. Mais,
s’inquiètent les prestataires et autres
bénéficiaires, chaque fois que l’État
gère des fonds publics c’est le déficit
assuré après que la main aveugle du
marché aura pillé les économies des
gagnes-petits.
Manipulation des
conditions de pension des travailleurs
par les médias

Source :
https://nuevocurso.org/que-esta-pasando-con-las-pensiones-en-francia/
Pour diviser la
classe ouvrière, les médias et le
gouvernement français insistent sur le
fait que la réforme apportera une plus
grande «justice sociale»,
car elle éliminerait les «privilèges» de
certains prolétaires. Selon l’ancien
haut-commissaire aux pensions
Delevoye (dit le faussaire) :
«Ma préoccupation
est la fragmentation actuelle. Imaginez
que nous conservions les 42 régimes
actuels. Si des ajustements doivent être
faits, chacun se battra pour sauvegarder
son statut. Notre réforme répond à une
demande d’égalité (sic)».
La péréquation
actuelle serait déficiente, disait-il
(sic). Voyons ce que disent les chiffres
:

Source :
https://nuevocurso.org/que-esta-pasando-con-las-pensiones-en-francia/
Près de 67% des
Français se disent favorables à la fin
des « régimes de retraite spéciaux« ,
sans comprendre que chaque régime de
retraite est spécial et unique et
correspond à l’historique des luttes
salariés-patronats dans chaque
entreprise et dans chaque secteur
d’activité économique. Par contre,
malgré l’intense propagande démagogique
du gouvernement, seuls 52% sont d’accord
avec le système de retraite à points
et le problème le plus épineux (selon la
bureaucratie syndicale) serait «l’âge
pivot» de la retraite (64 ans)
qui n’est soutenu que par 33% des
répondants. Il faut dire que les
exemples de retraite à points des
travailleurs belges et suédois ne
permettent pas à l’État de rassurer les
salariés.
Le gouvernement
utilise un langage trompeur pour
promettre le contraire de ce que la
réforme entrainera en termes de
retraite. Par exemple, de nos jours, les
infirmières et le personnel soignant des
hôpitaux français peuvent prendre leur
retraite à 57 ans en pension complète
selon les termes négociés. Le plan
gouvernemental propose au même personnel
de prendre sa retraite 2 ans avant « l’âge
pivot » (fixé à 64 ans) comme s’il
s’agissait d’une amélioration. Autrement
dit, le personnel pourra prendre sa
retraite en pension complète à 62 ans
(sous la réforme Macron) au lieu de 57
ans selon le régime de retraite négocié.

Source :
https://nuevocurso.org/que-esta-pasando-con-las-pensiones-en-francia/
La stratégie
syndicale
Plusieurs voix ont
alerté à propos du jeu syndical visant à
apaiser les travailleurs tout en
préservant les intérêts syndicaux
corporatifs. Le gouvernement a présenté
l »âge pivot » de 64 ans, en dessous
duquel ceux qui prendront leur retraite
subiront une coupure (malus) de leurs
pensions. Plusieurs syndicats, dont la
CFDT, se sont mobilisés spécifiquement
contre cet âge pivot pour lequel elle
sait le gouvernement indifférent. La
CFDT salue la « volonté de discuter »
du gouvernement sur de nombreux sujets à
l’exception de l’âge pivot (sic). Mais
la réalité est que ce n’est pas une
mesure centrale pour le gouvernement
français, comme le disent les
parlementaires :
«Tout le monde
prétend que la question de l’âge
d’équilibre à 64 ans est quelque chose
de déterminé et de fixe, ce n’est pas
vrai. La question de l’âge pivot, de
l’âge d’équilibre, n’est en aucun cas
tranchée.»
Le gouvernement est
intervenu, annonçant qu’il pourrait
« améliorer » les conditions de l’âge
pivot. Le syndicat Unas
avait déjà annoncé qu’il s’apprêtait à
négocier, car il y avait « des
ouvertures sur plusieurs points de la
réforme« , sans exclure une menace
de nouvelles mobilisations en
janvier. La CGT pour sa
part a refusé de discuter avec le
gouvernement avant Noël, mais Philippe
Martinez, patron de la CGT, a
baissé le masque quand il a admis que le
syndicat n’était pas aussi opposé à la
réforme des retraites que proclamé
publiquement :
« CGT: Parfois,
il y a des caricatures sur la position
de la GCT, comme maintenant « retrait,
retrait, retrait [du plan Macron] »
Interlocuteur: Mais vous n’envisagez que
le retrait, n’est-ce pas?
CGT: Non non non
Interlocuteur: C’est intéressant ce que
vous dites. »
Le pire dans cette
saga de l’âge pivot, c’est que déjà la
plupart des salariés français partent à
la retraite à 64 ans ou davantage. Plus
le salaire est médiocre et moins le
salarié est disposé à « retraité », ou
alors il « retraite » et continue à
courir les petits boulots mal payés
simplement pour boucler les fins de
mois. Comme nous le soulignons
précédemment, l’État des riches a
l’effronterie de promettre la «récompense
du SMIC» comme pension pour les
salariés retraités paupérisés.
Le gouvernement et
les syndicats tenteront de se concerter
sur une « négociation » bidon où le
gouvernement accepte de se débarrasser
d’une mesure qui ne l’intéresse pas –
l’âge pivot – en échange du retrait
des syndicats de la gestion des caisses
de pension, le véritable enjeu de la
bataille des retraites. En
contrepartie, l’État au service du
capital devra pourvoir quelques
sinécures bien payées sur les conseils
d’administration des fonds de pension à
quelques bonzes syndicaux.
Le véritable
enjeu de la réforme des retraites
Chacun doit
comprendre qu’un régime de retraite
c’est essentiellement une caisse de
retraite, c’est-à-dire des milliards
d’euros économisés des revenus des
salariés. Les 42 caisses de retraite
fusionnées dans un immense Fonds de
pension, client forcé des obligations
d’emprunt du gouvernement, voilà l’enjeu
de cette réforme bidon qui vise à
mettre ce capital à la discrétion du
ministre des Finances qui pourra
continuer d’endetter la France (comme le
fait chaque ministre des Finances de
l’Union) jusqu’à ce que l’euro s’écroule
et dévalue, emportant l’endettement
gouvernemental et les prestations de
retraite dans le néant (on efface
l’ardoise et on recommence). À ceux qui
dénonceront l’Union européenne pour ces
malversations, disons que le
Royaume-Uni, la Suisse, l’Islande et la
Norvège subiront le même sort que
les pays de l’Union. Le fautif, c’est le
mode de production capitaliste.
Tout est-il perdu
pour le prolétariat français toujours
sur la brèche? Pas du tout. Dans les
assemblées et les manifestations, les
voix se multiplient appelant à « l’indépendance
des syndicats » (sic) ou alors à
l’indépendance de la résistance suivant
l’exemple illustre des
Gilets jaunes dont cette
bataille pour la défense des conditions
de vie et de travail est le
prolongement. (2) Tout dépendra
désormais de la capacité des employés
d’avant-garde à travailler à la
mobilisation et surtout à la
conscientisation des travailleurs
salariés afin de préparer le prochain
chapitre de cette guerre de classe à
finir.

NOTES
- La loi Pacte :
http://www.alterinfo.net/La-plus-riche-societe-du-monde-soupconnee-de-vouloir-profiter-des-retraites-des-Francais_a151771.html
-
AUTOPSIE DU MOUVEMENT DES GILETS
JAUNES – AUTOPSY
Par Robert Bibeau et
Khider Mesloub. L’Harmattan.
Paris. Septembre 2019, 188 pages.
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