Opinion
Unité au combat contre le patronat
Robert Bibeau
Samedi 25 octobre 2014
L’article de référence que nous
présentons et que nous analysons
ci-dessous semble défendre des positions
militantes. On y trouve les termes
convenus tels que : «solidarité»,
«unité», «droits syndicaux», «lutte
anti-austérité», «droit de négocier»,
«Front commun», «Front social»,
«combat», «opposition», «réformes»
(sic), etc.
Les auteurs de
cette missive voudraient mobiliser les
travailleurs, les étudiants et la
population «citoyenne» afin de défendre
les syndicats, les commissions
scolaires, les universités, les services
sociaux, les hôpitaux, les municipalités
et le droit de négocier la vente de
notre force de travail. La solution
consisterait selon eux à forger l’unité
de tous les citoyens-citoyennes contre
l’austérité et contre les coupures des
budgets gouvernementaux. L’unité serait
forgée en créant un Front Social
National et une Alliance anti-austérité
!
Pas un mot sur l’exercice de la
lutte gréviste ! Les auteurs admettent
toutefois que : «Inévitablement,
les différents combats ne pourront pas
tous être remportés. Toutefois, la
construction d’une riposte puissante et
efficace à l’austérité dépend des liens
de solidarité que les différentes
franges de la population seront capables
de tisser.» La bataille n’est pas
fortement engagée que déjà les auteurs
concèdent la victoire à l’ennemi de
classe. Pourquoi ont-ils raison
d’admettre que leur projet de Front
social et d’Alliance nationale ne peut
se terminer que
par
la défaite du mouvement ouvrier ?
Pour la raison que
l’unité dans la lutte ne se forge pas
sur l’effacement des différences, ni sur
le nationalisme ni sur la demande de
«réformes» à l’État, notre ennemi de
classe. À quoi ça mène de lancer le mot
d’ordre de «Combattre l’austérité»,
quand le gouvernement souhaite justement
défendre sur la place publique ses
politiques de restriction des dépenses
étatiques afin de justifier la réduction
du déficit public. Les auteurs
rassemblent alors les militants sous le
drapeau de l’État des riches sans moyens
de réplique aux arguments des riches,
surtout quand ils ont exclu par avance
tout rejet de l’appareil d’État et de la
dette contractée par et pour les
capitalistes.
La victoire dans le
combat sur le front économique de la
lutte de classe ne se fonde pas sur des
abstractions, des négations, des
illusions, des divagations, des
concoctions et des négociations entre
factions. La bataille qui s’engage à
l’initiative de la classe capitaliste,
secondée par l’État bourgeois à sa
solde, aura lieu, que les militants de
gauche le veuillent ou non. La question
ne se pose donc pas en terme d’engager
le combat; de proclamer la volonté
d’unifier les combattants; ou de
proposer des revendications de
substitution à ceux qui mèneront le
combat de front, sur les lignes de
piquetage, en soutien à leurs propres
revendications et pour la défense du
droit de grève en faisant la grève
générale illimitée.
La première
exigence qui se pose à tout militant
progressiste est de bien cerner les
forces en présence d’un côté comme de
l’autre de la barricade sociale. De bien
comprendre les intérêts en jeux et ce
pour quoi, d’une part, la classe
capitaliste et son État bourgeois
lancent des offensives contre toutes les
sections du prolétariat et des salariés
; et d’autre part,
pourquoi, et surtout comment, la
classe ouvrière et les autres salariés
doivent engager, sans plus tarder,
le combat gréviste directement sur le
front économique de la lutte de classe.
À présent, les troupes de choc du
mouvement ouvrier sont déjà engagées
dans le conflit qui pour l’heure se mène
sur le front idéologique de la lutte de
classe. Divers intervenants, comme
ceux publiant le trac ci-dessous,
proposent leur mot d’ordre, leur
stratégie, leur tactique, engagent des
manifestations et des actions
d’escarmouche histoire de tester le
terrain et de rallier les combattants
ouvriers, les militants étudiants et les
autres afin de les regroupés derrière
les syndicats, les municipalités, les
universités, les garderies, les écoles,
les associations et les ONG, le Front
commun intersyndical,
un Front Social à venir, et une Alliance
contre l'austérité sur le mot d’ordre,
souhaité par l’État, de quémander des
«réformes» des politiques d’austérité.
Tout ceci laisse
entendre que dès la première étape de la
lutte les forces ouvrières d'opposition
font diversion et s’égarent, sont
incapables de déterminer qui est
l’ennemi et qu’est-ce qu’il prépare
comme attaque contre nous, ni comment y
faire face.
Tout ceci est de mauvais augure pour la
suite du combat classe contre classe
entre le prolétariat et le patronat qui
s’engage.
Les troupes de choc
dans cet affrontement qui nous oppose à
la classe capitaliste en entier et à son
État affrété ce sont les travailleurs de
la fonction publique, particulièrement
les fonctionnaires, les manœuvres, les
concierges, les camionneurs, les
techniciens, les enseignants, les
paramédicaux auxiliaires et infirmières,
les employés des garderies et tous les
autres salariés. Ils sont peu organisés,
sous-payés, et ils comprennent
sommairement pourquoi l’État les
attaques par ses mesures de restriction
et d'austérité. Ils sont conscients
cependant que l’État a de moins en moins
d’argent pour payer et que si l’État
augmente les salaires et les conditions
de retraite ils seront taxés davantage
en tant que salariés. Ils sont dans
l’ensemble assez pessimistes sur leur
capacité de stopper l’État bourgeois
dans ses visées.
Attention, l'État bourgeois aime les
syndicats bourgeois et les négociations
avec ses parangons.
Les ouvriers et les salariés ont contre
eux leur propre bureaucratie syndicale
qui a pris les devants cette année en
construisant une lourde structure
pyramidale de «Front commun» avec de
lourdes contraintes bureaucratiques qui
permettront d’étouffer toute initiative
de combat d’un secteur, d'une région, ou
d’une unité revendicatrice sous
prétexte de maintenir «l’unité de tous
les syndiqués». «Personne ne bouge avant
que tout le monde ne soit prêt à
bouger». «On ne peut faire la grève, car
la majorité n’est pas assurée, et la loi
spéciale nous pend au bout du nez»,
etc., etc.
Bref, la structure de pseudo
«unité» servira, comme par le passé, à
détruire l’unité et à paralyser l’action
gréviste militante.
Devant eux les
salariés ont aussi les médias qui
tenteront de soulever «l’opinion
publique» contre les militants et les
unités engagés dans l’action gréviste,
le tout relayé par les bureaucrates
syndicaux qui dénonceront toute action
vindicative des salariés de l’État. Dès
à présent nous devons contrer cette
propagande. Les autres salariés sont de
notre côté et ils le seront d’autant
plus hardiment que la lutte de classe
sera farouche, courageuse, résolue,
comme celle des étudiants en 2012.
Devant les
salariés, l’État a déployé toutes ses
forces de combat, policiers, cours de
«justice» (sic), propagandistes,
économistes patentés, Assemblée
nationale, lois spéciales, sous-fifres
des municipalités, affidés des
universités, des commissions scolaires,
des ministères, des conseils
d’administration. Il chaud peu à l’État
des riches que les gens manifestent avec
des casseroles le soir et les fins de
semaine pourvu que l’appareil productif
des profits et les services étatiques de
soutien à la reproduction de la force de
travail fonctionnent.
Car le problème majeur auquel fait face
l’État employeur et législateur est de
soutenir, en ces temps de crise
systémique, la valorisation du capital
et la reproduction des profits élargies.
C’est donc là que nous devons le
frapper.
Ce ne sont pas les
services sociaux ou les organismes de
services, les ministères, les
municipalités ou les garderies que les
employés et les salariés du public et du
para public doivent défendre. Les
salariés n’ont pas à combattre
l’austérité dans le flou artistique. Ce
sont leurs salaires, leur pouvoir
d’achat, leur sécurité d’emploi, leurs
fonds de pension, leurs conditions de
travail que les salariés doivent
défendre (comme les étudiants de 2012
ont «Stoppé la hausse») et ce faisant,
la classe ouvrière défendra les services
publics et les conditions de
reproduction de sa force de travail.
L’unité ne sera pas forgée dans
l’abstrait par des appels à se regrouper
en Alliance contre l’austérité. L’unité
des salariés ne peut se forger que dans
le combat contre l’État, contre la
désunion à propos des revendications
sociales (sic); contre les analyses
alambiquées qui font l’impasse sur les
véritables enjeux de cette lutte de
classe; contre les divisions et les faux
jetons. L’unité sera forgée autour des
revendications que les employés
appuieront et pour lesquelles ils
engageront la lutte gréviste au plus
vite. Dans le cours même de la lutte
gréviste concrète, il nous appartiendra
de démontrer aux salariés pourquoi de
telles guerres de tranchés pour sauver
nos emplois, pour sauvegarder notre
pouvoir d’achat, pour assurer nos
régimes de retraite sont inévitables et
toujours à recommencer sous le
capitalisme monopoliste d’État,
portant ainsi le combat sur le front
politique de la lutte de classe, ce
qui constitue notre responsabilité.
À LIRE EN COMPLÉMENT POUR L’ORGANISATION
OUVRIÈRE :
http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782924312520
Article
de référence :
POUR UNE ALLIANCE NATIONALE CONTRE
L’AUSTÉRITÉ
Julien
Daigneault
Octobre 2014
En écho aux
positions anti-austérité adoptées lors
des assemblées générales de l’AFESH, de
l’AFESPED et de l’AFELC en septembre
2014, des militant-e-s ont mis sur pied
des comités visant à lancer une campagne
contre l’austérité et les attaques sur
les droits syndicaux. Cette campagne
fait la promotion d’un « Front social »
devant culminer par une grève illimitée
au printemps 2015.
Cette période de l’année sera
ponctuée par le dépôt d’un budget
d’austérité (qui risque de déchaîner les
mouvements sociaux) ainsi que par le
début des négociations entre le
gouvernement du Québec et le Front
commun intersyndical des employé-e-s du
secteur public et parapublic (près de
400 000 salarié-e-s).
La suite de
l’article :
http://esuqam.com/rs1/
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