Lecture
Manifeste du Parti ouvrier (3)
Robert Bibeau
Mercredi 25 juin 2014
Nous poursuivons la publication d’une
série de neuf (9) articles portant
spécifiquement sur quatre questions
fondamentales pour le mouvement ouvrier
mondial :
1.
D’abord, la question du sectarisme,
maladie sénile du gauchisme.
Paru ici
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/manifeste-du-parti-ouvrier-1/
et ici
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/manifeste-du-parti-ouvrier-2/
2.
ensuite, en prolongement du sujet
précédent – nous aborderons la question
de l’unité des forces de la
gauche ouvrière.
3.
Nous présenterons ensuite les trois
instances de la lutte de la classe
ouvrière : l’instance économique,
politique et idéologique.
4.
Enfin, à l’approche du 97e
anniversaire de la Révolution d’octobre,
nous partagerons cinq leçons de cette
révolution prolétarienne.
*********
CH 1 : LE SECTARISME MALADIE SÉNILE DU
GAUCHISME (suite et fin, 3)
Contre le dogmatisme
Une mauvaise nouvelle ne vient jamais
seule. Le sectarisme fait bon
ménage avec le dogmatisme dont il
est une composante implicite. Le
dogmatisme est le compagnon de route
du sectarisme et du gauchisme sénile.
Le corpus théorique communiste – le
matérialisme historique et dialectique –
la méthode marxiste et la méthode
léniniste sont des guides pour l’action
prolétarienne, tant dans l’instance de
la lutte économique, que politique et
idéologique.
Selon le dictionnaire, le dogmatisme est
la propension à donner à ses opinions et
à ses raisonnements un caractère
affirmatif, impérieux, péremptoire et
rigide n'admettant aucun déni,
aucune contrepartie. Pour nous,
marxiste, le dogmatisme est autre chose.
Le dogmatisme c’est la
sclérose de la pensée, l’interdiction
d’évoluer et d’actualiser les études
théoriques élaborées par les classiques,
toujours valables, mais demandant
parfois une mise à jour. Nous sommes
venus à cette conclusion après avoir
bien observé la société contemporaine et
nous n’y avons rien trouvé de
fondamentalement différent, dans les
grands principes économiques, politiques
et idéologiques, que ce que les
classiques ont décrit il y a cent ans et
même avant. L’apparition des
technologies de l’information a facilité
et accéléré les échanges financiers,
mais ils n’ont pas altéré la nature
inflationniste des processus
spéculatifs. Ces changements
quantitatifs et normatifs n’ont pas
entraîné de changements qualitatifs, des
changements dans la nature des
choses.
Une manifestation fréquente du
dogmatisme consiste à utiliser
l’extrait d’un texte classique d’une
égérie marxiste, tiré d’un capharnaüm et
visant à clore le débat et à ensevelir
les arguments de l’adversaire sous une
pierre tombale bancale. Citation n'est
pas démonstration et si la citation,
sortie de son contexte, prouve quelque
chose, c’est souvent l’ignorance et le
manque d’arguments scientifiques du
transcripteur.
Ainsi, faut-il introduire des termes
comme impérialisme moderne et
spéculation boursière, fraudes et
paradis fiscaux, inflation, dépression,
monnaie de singe (monkey money) et
pyramide de Ponzi, dans l’économie
politique marxiste alors que Marx n’a
peut-être jamais utilisé l’un ou l’autre
de ces termes ? Nous pensons que ces
concepts, parfois nouveaux, et qui
décrivent correctement des phénomènes
économiques récurrents doivent être
intégrés à l’économie politique
scientifique marxiste. Faire autrement
serait dogmatique (1).
Les cercles d’études marxistes
Nombre de militants prétendent qu’il
faut aujourd’hui se remettre à l’étude
des classiques marxistes et en
débattre en cellule d’usine, en unité de
travail ou en comité de quartier. Cet
exercice est gros du danger de
dogmatisme pédant et ronflant. Étudier
des extraits des classiques en dehors de
tout contexte de lutte de résistance
militante et d’une problématique de
lutte concrète et immédiate risque de
mener droit à l’intellectualisme
bourgeois. Marx expliquait que le temps
n’était plus à étudier le monde, mais à
le transformer, en l’étudiant bien
entendu, mais pour le comprendre et le
changer.
Il est absolument nécessaire que ceux
qui entreprennent la lecture de textes
des classiques le fassent dans un
contexte de luttes présentes et
actualisées et que la lecture amène
l’écriture de textes contemporains sur
les problématiques présentes. Tout
militant doit se commettre et se
compromettre sur le front de la
propagande partisane. Au Canada, un
Centre Internationaliste d’études
marxiste interdit à ses conférenciers de
présenter de nouvelles idées et de
nouveaux textes marxistes, exigeant que
le célébrant psalmodie les textes
classiques hors contexte. Le résultat en
est que les thuriféraires qui se
soumettent à cet exercice dogmatique
connaissent peu ou prou la science
marxiste et présentent des travaux
ampoulés – pompeux – et creux, sans
intérêt pour faire avancer la lutte de
classe présente et pour transformer le
monde. Pire, nous avons observé que ceux
qui se contentent de réciter les textes
de l’anthologie marxiste, sans en
appliquer les principes et les concepts
à l’actualité, comprennent peu ou prou
ces abrégés tirés des anthologies.
Au Canada, depuis quelques années, un
débat fait rage à propos de la question
nationale québécoise et amérindienne. Le
prolétariat doit-il soutenir le combat
pour le droit de la nation québécoise à
disposer d’elle-même jusqu’à y incluant
la sécession ? D’une certaine façon ce
débat nationaliste chauvin au Québec
repose la question des luttes de
libération nationale dans les pays du
tiers-monde (2).
En société bourgeoise, c’est la
bourgeoisie qui détermine sur quel
terrain elle attaquera le prolétariat et
un militant de l’opposition de gauche
n’a pas la possibilité de s’éclipser. Si
les ouvriers sont interpellés sur ces
questions chauvines, xénophobes et
nationalistes réactionnaires, nous nous
devons de riposter sur ce terrain de
lutte. Toute autre attitude serait
sectaire. Le courant de la gauche ne
peut s’échapper de cet épineux problème
tout comme il ne peut esquiver cette
question sous un catalogue de citations
des classiques marxistes. Si la
bourgeoisie après un siècle de
mystification, continue à plastronner à
propos des luttes de libération
nationale bourgeoise et à les confondre
avec la lutte pour l’émancipation du
prolétariat mondial c’est qu’elle
perçoit qu’il y a là un terrain de
confusion pour notre classe et notre
devoir de militant est de l’y confronter
et de battre la bourgeoisie et ses
contingents gauchistes séniles sur ce
terrain théorique spécifique.
Voilà un exemple ou le dogmatisme guette
l’exégète. La lecture des classiques est
fort utile, mais se révèle insuffisante.
La plupart des textes classiques sur les
luttes de libération nationale
bourgeoise datent d’avant 1950, l’époque
du vaste mouvement de la pseudo
émancipation des nations colonisées,
passant les unes après les autres du
statut de colonie au statut de
néo-colonie, parfois même au statut de
pays capitaliste émergent sous le mode
de production impérialiste hégémonique.
Dans les pays du Sud notamment, la
fraction des capitalistes compradores
coloniale a été partout délogée du
pouvoir pour être remplacée par une
faction bourgeoise nationale sous la
botte des puissances impérialistes
anciennes ou nouvelles. En Afrique du
Sud, le prolétariat en fut quitte pour
retourner croupir dans les puits de
mine, et en 2012, après s’être rendu
compte de la supercherie de la
«décolonisation bourgeoise post
apartheid», les mineurs entrèrent en
grève illégale et 75 ouvriers furent
assassinés par les soldats à la solde
des Afrikaners et de leurs alliés
capitalistes noirs de l’ANC.
Plus d’une centaine de nouveaux pays
sont apparus, issus des luttes de
libération nationale chauvines, souvent
au prix d’immenses sacrifices ouvriers
(Corée, Vietnam, Algérie, Congo,
Albanie, etc.) et pourtant, pas un seul
de ces pays capitalistes néo-colonisés
n’est devenu un pays ouvrier socialiste.
Nul analyste classique n’a bénéficié de
cette immense expérience accumulée
pendant cette soi-disant «Ère de la
décolonisation tiers-mondiste des
non-alignés» des soixante dernières
années (1950 – 2010). La lecture des
classiques ne suffit pas, et il serait
dogmatique de prétendre le contraire.
L’Échec complet et systématique des
dizaines de mouvements de libération
nationalistes bourgeois dans autant de
pays néo-colonisés, jusqu’à la débandade
totale de la lutte de «Libération
nationale bourgeoise» du peuple
palestinien, embourbé dans une guerre
fratricide entre bandes rivales et par
de pseudo et ridicules négociations de
«paix» (sic) étriquées qui n’intéressent
que les personnalités alignées pour la
curée. Pendant 66 ans les ouvriers
palestiniens emmurés n’auront connu que
la misère, l’oppression, l’exploitation,
la spoliation et l’occupation coloniale
et on leur propose aujourd’hui
l’occupation néocoloniale avec des
garde-chiourmes choisis parmi l’écurie
des accrédités par les colonisateurs
impérialistes dont les sionistes
israéliens.
L’anti-dogmatisme
consiste à introduire les militants à
l’étude d’événements récents pour les
amener à réfléchir, à l’aide de textes
classiques notamment, sur les causes de
ces échecs répétés et la façon d’y
remédier dans l'intérêt de notre classe
ouvrière révolutionnaire.
Pour qui renie le sectarisme et le
dogmatisme, l’histoire enseigne
qu’aucune lutte de Libération d’une
nation n’a donné autre chose que la
«libération» de la bourgeoisie nationale
et le changement de la garde et n’a
jamais assuré l’émancipation du
prolétariat ni l’édification du
socialisme. L’émancipation de la classe
ouvrière internationale sera l’œuvre de
la classe ouvrière elle-même et surtout
pas l’œuvre de la bourgeoisie nationale
chauvine, xénophobe, raciste et
spoliatrice.
Chacun peut le constater dans les pays
européens où certaines factions des
bourgeoisies nationales en voie de
paupérisation tentent de mobiliser la
classe ouvrière pour qu’elle prenne
parti en faveur de leur fraction
nationaliste contre les plus grands
oligopoles menant ramage à
l’international. Le chômage et la peine
sous Marine Le Pen, ou encore le chômage
et la peine sous les grands monopoles
internationaux, quelle différence pour
l’ouvrier spolié et endetté ?
Les larbins de la gauche bourgeoise
l’admettent et le constatent : «Un peu
partout dans le monde, des oligarchies
de toutes sortes monopolisent le pouvoir
politique, la plupart du temps en
manipulant les exercices électoraux. Le
droit de vote devient une mauvaise joke
devant le fait que c’est le 1 % qui
contrôle tout. La caricature étant la
«démocratie» aux États-Unis, une foire
d’empoigne des millionnaires eux-mêmes
marionnettes des milliardaires».
Cet amer constat n’empêche pas les
sectes opportunistes-réformistes de
construire des châteaux en Espagne pour
les travailleurs désemparés pour le jour
où le grand capital (ce qu’ils appellent
le 1%) leur prêtera le pouvoir
politique, que les riches monopolisent,
admet le manant, en cachant pourtant que
ce pouvoir repose sur un pouvoir
économique immensément plus grand, dont
il est le fondement, et celui-là inutile
d’y penser, il faudra le leur arracher -
le leur exproprier. Le sectarisme
dogmatique consiste à refuser le débat
avec ceux qui refusent l’ode à la
démocratie bidon où les ouvriers pauvres
ne seront jamais que la chair à canon et
les pions pour les guichets de votation.
Dire le contraire serait sectaire
(3).
À SUIVRE…
VIENT DE PARAÎTRE
MANIFESTE DU PARTI OUVRIER
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