Les 7 du Québec
Les Gilets jaunes contre l’«urgence
climatique»
et la «transition énergétique»
Robert Bibeau
Mercredi 20 mars 2018
Deux classes sociales – deux visions
diaphasiques
Le petit-bourgeois
se préoccupe de la « fin du monde
», le prolétaire se préoccupe de la
« fin du mois ».
L’expression, employée par un gilet
jaune, a fait florès: comment concilier
les exigences du pouvoir d’achat,
et les impératifs écologiques et
climatiques ? La formule a été reprise
par Emmanuel Macron dans son
discours sur la transition énergétique :
« On l’entend, a-t-il expliqué,
Ils évoquent la fin du monde, nous on
parle de la fin du mois. Nous allons
traiter les deux a-t-il promis. »
La question étant évidemment comment
seront-ils traités, et dans l’intérêt de
qui ?
L’urgence
environnementale, énergétique et
climatique
Abordons le
problème environnemental à la racine. En
tant qu’élément constituant de
l’environnement terrestre, la mission
d’une société humaine est de se
reproduire. Ce qui entraine que
l’essentiel de l’existence d’une ou d’un
individu est occupé à se reproduire.
Ceci étant, la question environnementale
– écologique – climatique doit être
abordée sous l’angle de cette prémisse
qui entraine la question suivante :
comment assurer la reproduction sociale
élargie dans des conditions
environnementales contingentes et
évolutives ? Les sociétés humaines y ont
répondu en concevant divers modes de
production, dont le plus récent : le
mode de production capitaliste
industriel et ses rapports de production
sociaux spécifiques. Soit, un ensemble
de procédés et de processus par lequel
la société humaine contemporaine
parvient à se reproduire en exploitant
deux ressources fondamentales : – la
nature (minerais, eau potable,
énergie, terre arabe, océan, atmosphère,
faune et flore, etc.) – l’être humain
– spécifiquement, la force de travail et
l’intelligence humaine. La seconde
ressource métamorphose la première pour
la transformer en marchandises
commercialisables et consommables. Sous
le mode de production capitaliste, tout
facteur de production représente un
cout (une dépense en capital) qui
devra être assumé par les revenus de
production dont l’unique source est la
force de travail, qui par son
activité fait fructifier le capital. Et
le cycle de la valorisation-accumulation
se poursuit.
Étrange façon
direz-vous d’aborder « l’urgence
environnementale, énergétique et
climatique »! Pourtant, nous sommes
bien au cœur du sujet. Depuis la nuit
des temps l’homme, par son travail,
puise des ressources dans la nature pour
les transformer en produits consommables
afin d’assurer la reproduction de
l’espèce. L’homme – la société humaine
dirons-nous – par ses activités exploite
la nature, la transforme, la pollue, il
produit des déchets et il modifie
l’environnement, laissant une empreinte
écologique d’autant plus marquante qu’il
se multiplie et multipli ses besoins
sociaux. Qu’y a-t-il de différent en ce
XXIe siècle ?
Les vecteurs
économiques de la déshérence
L’économie
est la science qui étudie les modes de
production et leurs évolutions. Deux
vecteurs économiques sont aujourd’hui
différents de l’ancien temps. Le
premier vecteur concerne la quantité
de déchets et de résidus à détruire, à
enfouir, à neutraliser (gaz à effet de
serre), à endiguer (déversements
polluants), ou à recycler. Ce problème
est à la mesure des immenses capacités
de production industrialisée, robotisée,
numérisée des sociétés modernes
urbanisées dont les moyens médicaux ont
prolongé l’espérance de vie, si bien que
8 milliards d’humains travaillent
aujourd’hui à se reproduire en puisant
dans les ressources encore immenses de
la planète. En effet. Nous sommes encore
très loin d’avoir épuiser les ressources
planétaires et l’intelligence humaine –
une partie de la force de travail
salarié – imagine chaque jour de
nouveaux procédés, méthodes et
techniques de dépollution et de
recyclage, d’économie d’énergie, de
remédiation aux cataclysmes écologiques.
Quel est le problème environnemental
alors ?
Le deuxième
vecteur qui différencie nos sociétés
contemporaines tient au fait que
l’économie capitaliste est en crise de
surproduction permanente alors que le
taux de profit réel moyen est en baisse.
Or, pour le capital en crise, les
cataclysmes naturels, les déchets
commerciaux, les résidus miniers, les
émanations industrielles, les déjections
agricoles, les déversements dans
l’environnement, à enfouir, à détruire,
à neutraliser, à endiguer, ou encore les
études et les précautions
environnementales à assurer, avant et
après avoir exploité les ressources,
sont autant de couts – de facteurs de
production débilitants – qui amenuisent
les profits des entreprises.
Sous le mode de
production capitaliste, rien ne se perd,
rien ne se crée, tout se transforme en
cout de production (capital constant –
matières premières – énergie –
machineries – capital variable – charges
– salaires) ou en profit. Réduire ou
effacer l’empreinte écologique d’une
installation de production, de transport
ou de commercialisation entraine des
couts que l’entreprise ne peut assumer
si son taux de profit est en baisse,
particulièrement si son concurrent ne se
voit pas imposé les mêmes règles
environnementales contraignantes, ou
encore, si son concurrent reçoit des
aides gouvernementales pour dépolluer,
enfouir, éradiquer, éliminer, endiguer
ou recycler ses déchets, émanations,
résidus et contaminants.
L’assistance de
l’État pour maintenir le taux de profit
corporatif
Évidemment, les
déficits gouvernementaux à répétition et
le surendettement des États ne
permettent pas à la fois de hausser les
subventions aux entreprises polluantes
et d’augmenter les services publics à la
population précarisée. Des choix sont
requis, et si l’État taxe le pollueur
payeur institutionnel, entrepreneurial,
ou commercial, il provoquera du chômage
et une baisse de ses revenus en taxes et
en impôts compliquant encore davantage
l’équilibre budgétaire illusoire. Si
l’État taxe le salariat pour soutenir
les entreprises « vertes » (sic) et les
programmes écologiques de transition
énergétique (sic) il réduit le pouvoir
d’achat du prolétariat et donc la
consommation, réduisant les débouchés
des entreprises en surcapacité de
production, abaissant d’autant leur
marge de profit et leur capacité
d’investir pour réduire leur empreinte
écologique et dépolluer (!) Comme on le
constate, le cercle capitaliste est
impossible à équarrir.
Les jeunes mobilisés
pour sauver la planète savent-ils cela ?
Les jeunes qui
manifestent dans les rues des pays
occidentaux aux cris d’« urgence
climatique » se trompent de cible
quand ils condamnent tout un chacun –
les prolétaires et la populace – pour
les saccages environnementaux, les
émissions de gaz à effet de serre, les
déversements de polluants et autres
sévices écologiques. Les pauvres gens
n’ont aucun pouvoir de décision sur les
facteurs de production, sur les
pollueurs non payeurs, sur les
entreprises polluantes qui doivent
d’abord verser des dividendes à leurs
actionnaires et pousser leurs actifs aux
enchères boursières avant de débourser
pour l’environnement. Les travailleurs
et les pecnots n’ont aucune emprise sur
les fonctionnaires gouvernementaux du
capital qui ne daignent même pas les
écouter quand ils manifestent par
centaines de milliers, en gilets jaunes,
pour maintenir leur pouvoir d’achat,
alors que ces larbins politiciens
portent aux nues les étudiants qui
proposent de faire payer le salariat,
incapable de boucler ses fins de mois,
afin que les entreprises milliardaires
ne polluent pas.
Le mythe
démocratique de « l’opinion publique »
Mobilisons la
puissante « opinion publique
citoyenne » fredaine le fort en
thème. L’opinion publique est un
construit, le fruit d’un travail de
fabrication de l’opinion. L’opinion
publique est le produit de l’activité
des médias qui conditionnent les pensées
et les mentalités sans s’arrêter, tant
et si bien que celui qui veut développer
sa compréhension des évènements doit
sérieusement sélectionner les sources
consultées. Ainsi, de plus en plus de
gens ne font plus confiance aux médias
mainstream et se tournent vers les
médias numériques alternatifs. Les
jeunes écologistes qui manifestent
prétendent qu’à force de s’agiter ils
parviendront à gagner « l’opinion
publique citoyenne » à leur idée
et que cette dernière obligera l’État
des riches à légiférer pour sauver la
planète des riches (sic). Mais c’est
justement ce qu’il souhaite l’État des
riches, qu’on le contraigne (sic)
à taxer le prolétariat pour
subventionner le patronat. Mais cela ne
fonctionnera pas, car tout ce que l’on
retire en pouvoir d’achat réduit les
revenus du patronat.
Il en est de la
bataille de la soi-disant « opinion
publique » comme des mascarades
électorales. À ce jeu, pour gagner,
il faut contrôler les médias et
contrôler le message et pour cela
disposer de beaucoup de capital – le
nerf de la guerre de l’opinion publique.
Les jeunes manifestants servent de chair
à manifester afin de duper les ouvriers
et leur faire accepter de payer pour des
crimes écologiques qu’ils subissent et
n’ont pas commis.
L’idéologie
écologiste
L’État capitaliste
en adoptant l’idéologie verte écologiste
cherche à faire face au problème social
qu’il nourrit par ailleurs. Il vise à
transformer le secteur de
l’environnement en une source de revenus
et d’emplois stables pour la petite
bourgeoisie paupérisée et précarisée.
Les petits-bourgeois scolarisés sont
embauchés à grands frais comme
fonctionnaires gouvernementaux et
institutionnels, comme chercheurs
universitaires, intellectuels ou
journalistes, en tant qu’administrateurs
d’ONG, techniciens, juristes et
gardiens des lois environnementales, ou
pour concocter des rapports sur les
impacts des investissements, des gros
œuvres jusqu’aux emballages en magasins;
projets et dossiers que leurs activités
ne font que ralentir sans jamais les
interdire et pour cause, ce n’est pas
pour cela qu’on les emploie. Et ce qui
n’est pas moins important : le
manifestant écologiste devient le
représentant de la nation enrégimentée –
la bourgeoisie d’État menant
efficacement l’ensemble du corps social
– le tout présentée comme un mouvement
mondial grâce auquel le grand capital
européen espère faire l’unité des
populations derrière l’Union et devant
l’euro, face aux concurrents américains
et chinois. On le comprend, c’est
l’urgence de la concurrence qui motive
ces sponsors de l’urgence climatique.
Le webmagazine
Nuevo Curso va plus loin et
subodore que : l’arrière-pensée de
ces mobilisations climato-écologistes
est encore plus sinistre … La passion
avec laquelle la chancelière Merkel
promeut l’extension en
Allemagne des mobilisations de jeunesses
écolo-verts devrait allumer une lumière
rouge. Que le journal « Le Monde »
demande en éditorial si « nous
pouvons sauver le climat en préservant
les libertés citoyennes » doit
être compris comme un énoncé
d’objectifs. Comme nous l’avons déjà vu
lors des élections bavaroises, la
bourgeoisie européenne a interprété la
montée des Verts non seulement
comme une issue à la crise allemande,
mais également comme la base d’une
bataille commune en faveur du grand
capital continental afin de canaliser la
rébellion de la petite bourgeoisie
aigrie. D’où les comparaisons
permanentes avec les «gilets jaunes», le
contrexemple qui effraie le grand
capital européen. Par ailleurs, le
dernier rapport du GIEC avait
déjà servi à ouvrir ce débat sur la
nécessité d’une « dictature
climatique mondiale », c’est-à-dire,
sur l’opportunité d’un nouveau discours
impérialiste universaliste (comme il
en fut de l’antifascisme en 1939 et de
l’anticommunisme jusqu’en 1990. NDLR).
Les changements climatiques
deviennent ainsi un drapeau utile pour
les impérialistes européens face aux
États-Unis et à la Chine. Et quoi de
mieux que de le concrétiser par des
jeunes ? » (2)
NOTES
-
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-2-2/quy-a-t-il-sous-le-mouvement-jeunesse-pour-le-climat/
-
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-2-2/quy-a-t-il-sous-le-mouvement-jeunesse-pour-le-climat/
Reçu de Robert Bibeau pour
publication le 14 mars
2019
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