Opinion
La «démocratie bourgeoise»,
cause toujours, ou ferme ta g...
Robert Bibeau
Mercredi 15 octobre 2014
«La croissance
du mouvement révolutionnaire prolétarien
dans tous les pays suscite les efforts
convulsifs de la bourgeoisie et des
agents qu’elle possède dans les
organisations ouvrières pour découvrir
les arguments philosophico politiques
capables de servir à la défense de la
domination des exploiteurs. La
condamnation de la dictature et la
défense de la démocratie figurent au
nombre de ces arguments.»
(Lénine, 1919 [1])
La classe ouvrière opposée à la pseudo
démocratie
L’utilisation de
ces «arguments
philosophico-politiques» est très
répandue, surtout lorsque la censure, le
’black-out’ des luttes grévistes, et la
déformation des informations ne
réussissent plus à mystifier les
ouvriers. «La défense de la
démocratie» comme l’écrit Lénine,
c’est-à-dire l’idéologie démocratique
bourgeoise, accompagne les attaques
contre les conditions de vie du
prolétariat international et vise à
l’enchaîner derrière le convoi des
États-nations capitalistes. Dans un
premier temps, la bourgeoisie a réussi à
étouffer les luttes de résistance
grévistes, et maintenant elle cherche à
nous entraîner dans des guerres
impérialistes.
Aujourd’hui, ces «arguments
philosophico-politiques» se
concrétisent au travers des campagnes
antiterroristes (Al Quaida et EIL) et
sur les «dangers» de la montée des
partis d’extrêmes droites que la
bourgeoisie stipendie.
L’utilisation des
exactions et des menaces terroristes ne
sert pas uniquement à fournir des
prétextes pour renforcer la surveillance
et la mise en place de lois répressives
anti-ouvrières. Ces montages médiatiques
à propos des menaces terroristes
justifient et crédibilisent aux yeux de
la population les mesures policières
répressives, selon l’argument de la
défense et de la protection du peuple
que seul l’État démocratique (sic)
serait en mesure d’assurer alors même
que les actions terroristes sont
directement suscitées et manipulées,
voire organisées, par les services de
police de ces
États pseudos démocratiques [2].
Les activités terroristes sont le
résultat des manipulations et des
provocations des services spécialisés
des rivaux impérialistes qui se
disputent le contrôle des marchés et des
ressources. De même, la mise en
avant du danger fasciste et de l’extrême
droite – en Europe en particulier – vise
à renouveler la mystique démocratique
bourgeoise de l’antifascisme; celle-là
même qui a entraîné le prolétariat dans
la
Deuxième Guerre impérialiste mondiale et
promue la contre-révolution anti
ouvrière (1929-1945). Non seulement
on voit des partis d’extrême droite,
racistes et xénophobes, promus lors des
élections européennes (en France, en
Hongrie, en Grande-Bretagne, en
Belgique), mais on constate de quelle
façon la bourgeoisie grecque, conseillée
et dirigée par ses consœurs de l’Union
européenne, a fait «gonfler» le groupe
fasciste
Aube Dorée et avec lui le
faux antagonisme
démocratie bourgeoise versus
dictature capitaliste au moment même
où la lutte gréviste ouvrière montante
était liquidée par la gauche bourgeoise.
La mystique dichotomique «démocratie-dictature»
accentue le sentiment d’impuissance des
ouvriers en obviant le véritable et
fondamental antagonisme de classes entre
le capital et le travail, entre
capitalistes et prolétaires. La
mystification consiste à présenter une
faction de la bourgeoisie comme
démocratique et conciliatrice et une
autre faction comme dictatoriale et
hystérique, imposant à la classe
ouvrière de se ranger au service de la
faction pseudo démocratique pour un
moindre mal. La classe ouvrière ne doit
pas soutenir la dictature démocratique
bourgeoise contre la
dictature-hystérique-bourgeoise.
La classe ouvrière doit mener ses
propres luttes anticapitalistes non pas
pour obtenir des réformes et des
avantages éphémères mais pour résoudre
les contradictions insolubles du
capitalisme en le renversant.
Néanmoins, même si
le prolétariat international reste
globalement soumis à l’idéologie
démocratique bourgeoise, même si
les luttes ouvrières ne sont pas
conséquentes avec les attaques reçues et
ne font pas reculer le capital, même si
les partis de la gauche bourgeoise et
l’industrie du syndicalisme d’affaires
maintiennent leur contrôle sur les
luttes ouvrières et les sabotent, il
n’en reste pas moins qu’une fraction
significative de la classe résiste aux
pièges démocratiques bourgeois. Cette
résistance se manifeste au cours de
grèves, de mobilisations, par le refus
de céder aux sirènes appelant à faire
confiance à la démocratie bourgeoise, à
se ranger derrière l’État pseudo
démocratique et à abandonner le combat
de classe. Les ouvriers sont nombreux à
refuser de participer aux élections
bidon.
L’exemple de la lutte ouvrière en Grèce
et au Brésil
Ce fut le cas en
Grèce lors des mobilisations de
2008-2012, lorsque des manifestants
ouvriers tentaient d’encercler et
d’envahir le Parlement afin d’interdire
aux parlementaires bourgeois d’adopter
des mesures d’austérité contre les
ouvriers. La milice du PC stalinien grec
vint à la rescousse de l’État bourgeois
malmené car ce n’est pas l’extrême
droite «Aube
Doré» qui en aurait été capable
[3]. Ce fut aussi le cas au
Brésil en 2013-2014 à l’occasion de
l’organisation de la Coupe du monde de
football, véritable mythe nationaliste
réactionnaire. Au moment où la classe
ouvrière du Brésil était soumise à une
propagande permanente à propos de
la fierté de l’organisation de la
Coupe, ce dernier a tenu à résister à
ces frauduleux appels à l’unité
nationale (sic) et ce fut dans la plus
grande confusion que la compétition
sportive a débuté. Assistée par
l’ensemble de la bourgeoisie
internationale (interventions de la
Fédération internationale de football [4]),
la classe capitaliste impérialiste
brésilienne, dirigée par le Parti des
Travailleurs (sic), a utilisé la
répression violente pour éviter le
déploiement de la révolte ouvrière ; en
particulier, lorsque les travailleurs du
métro de Sao Paolo se sont mis en grève
à peine quelques jours avant l’ouverture
de la Coupe du monde. Cette grève aurait
pu paralyser la tenue des matchs et
amorcer une grève générale dans
l’ensemble du pays.
Dans plusieurs
autres pays, l’idéologie démocratique
bourgeoise a détourné la colère ouvrière
vers la défense de la dictature
démocratique capitaliste, lors du «Printemps
arabe» par exemple. Il se joue
en ce moment un combat idéologique
extrêmement important aux conséquences
historiques.
La mystification démocratique bourgeoise
ne se limite pas à l’obéissance à l’État
capitaliste ;
ni au respect de la démocratie politique
bourgeoise formelle (élections,
parlementarisme, etc.); ni à nier la
réalité de la lutte des classes.
L’idéologie démocratique bourgeoise
individualiste et narcissique tend à
imprégner tous les instants et tous les
espaces de la vie sociale au détriment
de la vision et de l’action collectives
de la classe
prolétarienne.
Les médias sociaux égalitaristes,
démocratiques et participatifs (sic)
L’accélération et
l’extension de la circulation du capital
financier et des marchandises; le
développement des nouveaux médias
(télévision numérique, Internet et
réseaux sociaux), ont permis de relancer
les valeurs individualistes et
démocratiques bourgeoises sous le slogan
«un
homme, une voix» selon l’utopie que
chacun avait désormais accès à une
information objective, non manipulée,
sans censure et en temps réel, et le
rêve que chacun pouvait désormais
s’exprimer comme il le voulait, sans
entrave, grâce aux médias numériques et
aux «réseaux
sociaux». Enfin, grâce aux
nouvelles technologies de communication
et de l’Internet la démocratie
bourgeoise, participative, citoyenne,
égalitaire serait advenue ! Tout ceci
n’est que fumisterie. Un milliardaire,
propriétaire de 40% des médias, aura
toujours une voix et une voie
prépondérante par rapport à celle d’un
ouvrier d’usine, du moins tant que ce
dernier restera esseulé. Toutefois, les
communistes révolutionnaires doivent
maîtriser ces médias et ces technologies
numériques afin de les utiliser au
bénéfice de l’insurrection.
À tous les niveaux
de la vie sociale l’offensive
idéologique bourgeoise se déchaîne.
L’idéologie démocratique bourgeoise est
adaptée pour contrer le développement
des luttes de la classe ouvrière contre
la bourgeoisie et son État (Front uni
antifasciste comme dans les années 1930,
combat antiterroriste, défense de la
démocratie bourgeoise, etc.)
Le danger de cette offensive généralisée
apparaît lorsque des groupes de la
Gauche communiste se font les
apologistes de mouvements tels que les
«indignés» et «Occupy» et servent de
relais à la propagande sur
«l’autogestion», et sur le primat de
l’expression individuelle sur
l’expression collective de classe.
Bâtir sur le collectif,
anti-individualiste, pour renforcer la
lutte de la classe ouvrière
Partir de
l’unité-individu pour en tirer
des déductions sociales et échafauder
des plans de société, ou même pour nier
la société, c’est partir d’un
présupposé irréel qui, même dans
ses formulations les plus modernes,
n’est au fond qu’une reproduction
modifiée des concepts de la révélation
religieuse, de la création, et de la vie
spirituelle indépendante des faits de la
vie naturelle et organique( ...)
Cette conception religieuse et idéaliste
n’est modifiée qu’en apparence dans la
doctrine du libéralisme démocratique ou
de l’individualisme libertaire :
l’âme en tant qu’étincelle de l’Être
suprême, la souveraineté subjective de
chaque électeur, ou l’autonomie
illimitée du citoyen de la
société sans lois sont autant de
sophismes qui, aux yeux de la critique
marxiste, pèchent par la même puérilité,
aussi résolument “matérialistes”
qu’aient pu être les premiers libéraux
bourgeois et les anarchistes.’ (Le
principe démocratique, Bordiga pour le
PC d’Italie, 1922).
La lutte théorique
et de propagande contre l’idéologie
démocratique bourgeoise est au centre
des leçons et de l’expérience du
mouvement ouvrier, de Marx à Lénine, de
celui-ci à la Gauche communiste
(Italienne en particulier). Cet héritage
et cette expérience théoriques et
politiques sont essentiels aux combats
historiques entre les classes
antagonistes. Selon que le prolétariat
restera soumis ou non à cette idéologie,
il réussira ou non à se sortir du
bourbier capitaliste et à dégager sa
propre perspective révolutionnaire.
Voilà pourquoi il lui appartient de ne
pas céder aux pseudo campagnes
antiterroristes et de Front populaire
antifasciste ou anti-extrême-droite. Le
terrorisme et le fascisme sont
sont d’abord les monstrueux enfants du
capitalisme et de sa «démocratie
bourgeoise». Pour contrer les menaces
terroriste et fasciste, le prolétariat
doit combattre le capitalisme et le
renverser
une fois pour toutes. Pour avoir nié
ce précepte marxiste, les Fronts unis et
les Fronts populaires antifascistes des
années 1930 ont mené directement à la
Deuxième Guerre mondiale. Guerre ou
Révolution voilà l’alternative.
À LIRE EN COMPLÉMENT POUR QUI VEUT
APPRENDRE LA POLITIQUE DE GAUCHE :
http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782924312520
(Inspiré d’un
article publié
sur http://igcl.org : 9 septembre
2014)
Notes:
[1]
. Thèses sur la démocratie bourgeoise et
la dictature prolétarienne, 1° congrès
de l’Internationale communiste, mars
1919.
[2]
. ’Le FBI a
« encouragé, poussé et parfois même payé
» des musulmans américains pour les
inciter à commettre des attentats, au
cours d’opérations de filature montées
de toutes pièces. C’est la conclusion
d’un rapport de l’ONG Human Rights Watch
publié lundi 21 juillet (…) « Dans
certains cas, le FBI pourrait avoir créé
des terroristes chez des individus
respectueux de la loi en leur suggérant
l’idée de commettre un acte terroriste
», résume l’ONG, estimant que la moitié
des condamnations résultent de coups
montés ou guet-apens. Dans 30 % des cas,
l’agent infiltré a joué un rôle actif
dans la tentative d’attentat.’
(Le Monde.fr avec
AFP , 21.07.2014)
[3].
Ce n’est pas une nouveauté : lors de la
Première Guerre mondiale, c’est au nom
de la défense de la France républicaine,
de la démocratie, que les ouvriers
furent appelés à partir en guerre contre
l’absolutisme dictatorial de l’Empereur
allemand Guillaume. En Allemagne, ce fut
au nom de la guerre contre l’absolutisme
du Tsar russe et de la défense de la
nation allemande civilisée
(démocratique).
[4]
. Platini, Président de la fédération
européenne de football :
« Il faut
absolument dire aux Brésiliens qu’ils
ont la Coupe du monde et qu’ils sont là
pour montrer les beautés de leur pays,
leur passion pour le football et que
s’ils peuvent attendre un mois avant de
faire des éclats un peu sociaux, bah ce
serait bien pour le Brésil et puis pour
la planète football, quoi. Mais bon,
après, après on ne maîtrise pas, quoi. »
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