Opinion
Spéculation sur les devises
Le dollar canadien en mauvaise posture
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 12 février 2014
Dévaluation du
dollar canadien
La Banque Toronto Dominion du Canada,
l’une des six grandes banques
canadiennes «too big to fail»
comme disent les capitalistes financiers
et leurs plumitifs économistes – vient
de prophétiser que le dollar ne vaudra
plus que 0,85 $ US en août 2014. Le
huard canadien s’échange présentement à
0,90 $ US. Il a perdu 6% de sa valeur en
2013 et 4% supplémentaire depuis
le 1er janvier 2014
(1).
Pourquoi, comment et quelles
conséquences pour les salariés canadiens
entraînent ces variations de la valeur
de la devise canadienne? Variation
sur laquelle la classe ouvrière n’a
aucune prise, aucune influence, aucun
moyen d’interférer? La classe ouvrière
est ici une victime impuissante et ne
peut que subir ce drame dont on voudrait
lui faire porter les conséquences?
L’Euro soutenu par l’économie
impérialiste allemande
La monnaie d’un État fournit un indice
de la santé de l’économie de ce pays.
Tous conviendront que si l’Euro
(principale monnaie en circulation dans
le monde ayant déclassé le dollar à ce
titre) ne s’est pas encore effondré
c’est que l’Économie allemande est
suffisamment puissante pour empêcher
l’écroulement de l’Euro (pour le moment
du moins). Il en sera autrement dans
quelques temps mais pour l’instant que
les spéculateurs respirent, l’Allemagne
maintien le train de vie de l’Europe des
dix-huit en spoliant de grandes sections
des ouvriers d’Europe. C’est que
l’Allemagne produit, pas toujours sur
son territoire national, de nombreuses
marchandises de grande valeur ajoutée
(machines-outils, armements, appareils
électriques et électroniques,
équipements de transports, éoliennes,
etc.) et elle en exporte une forte
quantité dans le monde entier, si bien
que sa balance commerciale (ce qu’elle
vend moins ce qu’elle achète) est
excédentaire et sa balance des paiements
(ce qu’elle débourse moins ce qu’elle
rapatrie en profits) est encore plus
avantageuse.
L’économie impérialiste moderne est
chaque jour plus dépendante des
exportations et de la conquête des
marchés étrangers. Sur ce point
l’Allemagne impérialiste performe bien.
Si ce n’était que de l’économie
allemande l’euro vaudrait davantage que
1,35 $ US ou 1,50 $ CAD. Vous aurez
compris que le dollar étatsunien qui
sert d’étalon de comparaison révèle de
facto que l’économie américaine performe
moins bien que les économies européennes
prises globalement.
Le dollar canadien attaqué-spéculé de
tous côtés
Si le dollar canadien est en «berne» ce
doit être que l’économie canadienne ne
se porte pas très bien? En effet, Le
Canada est d’abord un exportateur de
matières premières et de produits
agricoles en vrac – sans grande valeur
ajoutée (pétrole, minerais, céréales =
50% des exportations), ou de produits
semi-ouvrés et transformés (fer, acier,
titane, aluminium, produits chimiques,
machinerie et équipements de transport =
50% des exportations). L’économie
mondiale en crise réduit ses commandes
de matières premières. À preuve la
balance commerciale du Canada (biens et
services) est déficitaire depuis des
années et ne va pas s’améliorer (2).
Contrairement à ce que prétendent les
économistes utopistes ceci n’explique
pas cela. Toutes les économies
nationales sont interdépendantes et en
baisse d’activité économique globale. La
crise systémique est mondiale. Cent
ballons qui dégonflent à l’unisson
conservent habituellement les mêmes
proportions (3). La situation est
semblable pour les devises de pays
émergent exportateurs de matières
premières dont les banques centrales ont
récemment et soudainement haussées le
taux directeurs à 10 et à 12% (4). Tout
comme ces monnaies «émergentes» la
devise canadienne subit des assauts
répétés depuis plus d’une année.
Pourquoi et comment?
C’est que le président de la Banque du
Canada, un riche oligarque au service
des capitalistes monopolistes canadiens,
orchestre la charge contre le dollar
canadien afin de soutenir ses patrons.
Afin de réduire le prix de revient des
marchandises fabriquées au Canada il
existe au moins deux méthodes :
a)
La première consiste à augmenter la
productivité du travail salarié afin
qu’une plus petite portion du temps de
travail de l’ouvrier soit consacrée à
rembourser son salaire tout en
maintenant à bon niveau la valeur du
surtravail – de la plus-value et des
profits – tout en permettant une
réduction du prix à l’unité pour chaque
marchandise écoulée. Cette performance
est difficile à réaliser car dans la
plupart des pays concurrents du Canada
les capitalistes locaux en font autant
et ils pressurent suffisamment leurs
travailleurs pour maintenir leurs
dividendes à la hauteur. Pour gagner
cette course à la
productivité-profitabilité (lire à la
surexploitation du travail salarié) les
patrons canadiens doivent accélérer les
cadences et mécaniser davantage. Il
faudrait soit déqualifier les
travailleurs canadiens, comme les
capitalistes américains sont parvenus à
le faire chez-eux; soit oppresser
davantage les ouvriers canadiens qui,
plus syndiqués que dans les pays
étrangers, résistent mieux à ce type de
déqualification et à ce type
d’oppression.
b) Le grand capital
monopoliste canadien s’est donc tourné
vers la seule alternative envisageable
dans les circonstances, soit de dévaluer
le dollar canadien par rapport aux
devises de ses concurrents qui exportent
sur le marché canadien et sur les
différents marchés étrangers convoités.
Ainsi, les économistes le font
remarquer, les produits canadiens
coûteront moins chers que ceux des
concurrents. Cette dévaluation
internationale du huard a le même effet
que de hausser le prix des produits
offert aux canadiens – réduisant le
salaire réel des travailleurs (une
valeur fixe et inélastique) en diminuant
la valeur de chaque dollar reçu en
salaire par l’ouvrier canadien.
Conséquemment, soit que le
salarié cessera d’acheter les biens
importés à prix surélevés; soit que le
salarié consacrera une plus forte
portion de son revenu pour sa
subsistance, réduisant ses dépenses pour
des produits et des services moins
essentiels. Ce faisant le salarié
réduira sa consommation globale,
comprimant d’autant le marché canadien
mais pas les dividendes des marchands
qui maintiendront pour un temps leur
taux de profit… jusqu’à ce que le marché
s’effondre complètement.
Le président de la Banque supervise
la crise contre la devise
De quelle façon le Président de la
Banque du Canada parvient-il à
orchestrer l’assaut des «banksters»
canadiens et internationaux contre la
devise canadienne direz-vous? Le
pseudo-économiste nous le révèle dans
son article. Il écrit : «le ton
conciliant de la Banque du Canada a été
perçu comme un feu vert sur les marchés
pour faire plonger le dollar canadien».
Le coolie-économiste de service rapporte
également, à l’intention de ses lecteurs
argentés : «En décembre dernier, les
autorités américaines rapportaient que
les paris contre le huard explosaient».
Le scribouilleur souligne même que les
banques canadiennes sont de la partie
dans l’assaut contre le vaisseau
canadien. Il ajoute «Cette
observation arrivait après plusieurs
prévisions pessimistes de grosses
banques à l’égard de la monnaie du pays.
Parmi les moins optimistes figurait la
banque Goldman Sachs qui
ciblait un huard à 88 cents US. (…) Pour
sa part, l’OCDE évalue la juste valeur
du dollar canadien à 81 cents US, selon
son indice de parité du pouvoir d’achat»
(5). Si un spéculateur n’a pas
compris ce qu’il doit faire c’est qu’il
ne mérite pas de participer à la curée.
Ajoutez à cela que les travailleurs
canadiens croulent sous les dettes
personnelles et hypothécaires
et, disent les cambistes, leur
résidence est surévaluée de 30 à 60% ce
qui plus tard amènera les banques à
charte à hausser les taux d’intérêts sur
les prêts de façon à tondre le mouton
deux fois. C’est exactement ce que font
présentement en urgence les banques
centrales de cinq pays émergents
(Afrique du Sud, Inde, Turquie,
Indonésie, Brésil). Vous aurez compris
que la dévaluation du huard aura des
effets catastrophiques pour les ouvriers
alors que les spéculateurs
transformeront leurs dollars canadiens
en devises étrangères s’échappant de la
galère
dans laquelle les salariés et
leur famille resteront prisonniers (6).
INFORMATION :
http://www.robertbibeau.ca/Palestine.html
1.
http://www.lesaffaires.com/bourse/nouvelles-economiques/le-huard-a-85-cents-dans-six-mois-dit-la-td/565832
2.
http://affaires.lapresse.ca/economie/macro-economie/201401/07/01-4726288-canada-la-balance-commerciale-fortement-deficitaire.php
3.
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/crise-economique-et-austerite-2e-partie/
4.
http://www.les7duquebec.com/actualites-des-7/attention-cyclone-financier-a-lhorizon/
5.
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMImportExportPays?codePays=CAN
6.
http://www.lesaffaires.com/bourse/nouvelles-economiques/le-huard-a-85-cents-dans-six-mois-dit-la-td/565832
et
http://www.lesaffaires.com/secteurs-d-activite/immobilier/l-immobilier-n-est-surevalue-que-de-10-disent-le-fmi-et-la-td/565903
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