Lecture
Manifeste du Parti ouvrier (9)
Robert Bibeau
Mercredi 5 août 2014
Nous
terminons la publication d’une série
de neuf (9) articles portant sur quatre
questions fondamentales pour la gauche
internationale : Les premiers textes
sont ici »»
http://www.les7duquebec.com/author/robertbibeau/
Chapitre
4 : APPRENDRE DE LA RÉVOLUTION
D’OCTOBRE (suite et fin)
La quatrième leçon – l’impossible
contournement historique
La quatrième leçon
historique concerne l’impossibilité
absolue de contourner l’histoire et le
nécessaire développement complet du mode
et des rapports de production
capitalistes avant d’aboutir un jour aux
conditions matérielles objectives
nécessaires à l’édification du mode de
production et des rapports de production
socialistes, menant au communisme.
Le
Parti bolchévique et les soviets se
trouvèrent piégés à la direction d’une
société semi-féodale, constituée d’une
immense majorité de paysans
analphabètes, agraires, ruraux,
préindustriels et précapitalistes (25
millions de paysans pauvres). Des
moujiks et des koulaks avides de devenir
propriétaires terriens de leurs lopins
et de vendre leurs surplus agricoles sur
le marché «libre» formaient une masse
paysanne absolument incapable de faire
émerger un nouveau mode de production et
de nouveaux rapports de production
socialistes.
Il est aujourd’hui
aisé de constater qu’aucune société ne
peut faire l’économie d’une étape
historique dans son développement
économique, politique, idéologique et
sociale. La société soviétique – l’État
soviétique – l’économie soviétique
devait d’abord développée les forces
productives, les moyens de production et
les rapports de production capitalistes
jusqu’à leur pleine capacité et leur
ultime épanouissement – jusqu’au moment
de leur implosion impérialiste qu’ils
ont aujourd’hui atteinte dans l’ancienne
URSS, dans l’ancienne Russie, dans
l’ancien «camp socialiste» comme dans le
reste du monde entier. En 1917, la
Russie agraire, arriérée, semi-féodale,
soumise au
servage d’une portion de sa
population, ne pouvait faire émerger une
société hyper industrialisée,
prolétarienne et socialiste. Le moujik
et le koulak sont de mauvais vecteurs de
la révolution collectiviste socialiste.
Le socialisme n’est pas une société
misérabiliste de partage de la pauvreté,
mais une société de gestion et de
répartition de l’abondance.
Cette illusion de
la possible construction du socialisme
dans un seul ou dans quelques pays
arriérés passant de la semi-féodalité
paysanne analphabète et agraire au
socialisme, sans transition, en route
vers le communisme, sans passer par le
capitalisme bourgeois jusqu’à sa phase
impérialiste décadente se reproduira
plus tard, après 1917, dans la Chine de
Mao, le Cuba de Castro, le Vietnam de
Ho, la Corée du Nord de Kim, l’Albanie
de Henver, La Yougoslavie de Tito, et
même récemment dans le Népal maoïste.
Partout, ce furent des échecs
retentissants. Selon la théorie marxiste
du matérialisme historique et
dialectique, ces échecs ne s’expliquent
pas par la trahison des clercs et de
quelques «chefs» renégats bourgeois
dissimulés dans la hiérarchie des partis
communistes au pouvoir et dans les
appareils monopolistes de l’État de ces
différents pays. Le fait que la
Révolution bolchévique se soit retrouvée
isolée après la défaite des soulèvements
hongrois, autrichien et allemand
(1919-1923) fut de nature à isoler et à
entraver la réalisation du socialisme en
Russie, mais ces facteurs extérieur ne
suffisent pas à expliquer la
dégénérescence de la Révolution
bolchévique. La cause la plus
fondamentale de l’échec est interne à la
société russe.
La
Nouvelle économie Politique (NEP) de
Lénine n’était rien d’autre que l’aveu
de l’impossibilité de transformer une
société arriérée, semi-féodale, à la
paysannerie illettrée, majoritairement
rurale et agraire, au prolétariat faible
et inexpérimenté (7 millions d’individus
environ), aux forces productives
sous-développées, aux moyens de
production déliquescents, aux rapports
de production à peine sortie de la
féodalité, en une société socialiste
épanouie, en marche vers le communisme.
Comme d’autres après eux, le Parti
bolchevik et Staline se retrouvèrent à
la tête d’un mode de production à
compléter avant d’amorcer la
construction du
socialisme, un nouveau mode de
production que nous avons encore peine à
imaginer en ce 97e
anniversaire de la Révolution
prolétarienne d’Octobre. Nul n’aurait pu
ériger le socialisme sur la terre des
soviets paysans et agraires, pas plus
que la révolution des artisans de la
Commune de Paris ne pouvait
aboutir ailleurs que l’a où elle s'est
terminée.
Le
stalinisme ne fut pas la résultante
de manigances d’agents tsaristes
infiltrés dans le parti bolchevik, mais
bien plutôt la réponse historique
spécifique que forgea la société russe
arriérée, sous-industrialisée, sous
urbanisée, sous-développée, sous
scolarisée,
pour passer rapidement, à pas de
géant, de la semi-féodalité au
capitalisme avancé, puis à
l’impérialisme agressif – finalité
historique du capitalisme monopoliste
d’État, comme de toute autre forme de
capitalisme. Il est anti marxiste de
laisser penser que la classe des
capitalistes d’État khrouchtchéviens se
serait développée en secret dans les
placards du Kremlin, et qu’ils auraient
provoqué ou profité de la mort de
Staline pour surgir tout à coup en
classe bourgeoise hégémonique toute
construite afin de s’emparer de la
direction du Parti bolchevik toujours
marxiste (sic). De toute façon, si cela
avait été le cas, on est en droit de se
demander comment il se fait que de
simplement s’emparer de la direction du
Bureau Politique aura suffi pour assurer
aux comploteurs de la dernière heure
l’hégémonie sur le parti, sur
l’assemblée populaire et sur tout
l’appareil d’État «socialiste» de
«démocratie ouvrière». De quelle sorte
de démocratie ouvrière parlait-on dans
l’URSS stalinienne ?
Le stalinisme
fut la forme particulière de capitalisme
monopoliste d'État propre à la Russie et
que l'État des soviets (trahis et
soumis) imposa à tous les pays sous sa
domination. Le capitalisme monopoliste
d'État est un régime économique et
politique transitoire et temporaire qui
doit disparaitre dans sa forme
originelle dès que le retard du mode de
production et des rapports de production
a été comblé. Le capitalisme monopoliste
d'État stalinien constituait une entrave
à l'appropriation privé des moyens de
productions, d'échanges et de
communication. Hors, le capitalisme,
c’est par essence l'appropriation privé
du capital pour sa valorisation, son
accumulation et sa reproduction élargie.
L'effondrement de l'Union Soviétique en
1989-1991 marque la fin de l'époque du
capitalisme monopoliste d'État et le
commencement de la période impérialiste
classique de la Russie. La bourgeoisie
soviétique qui devait se contenter de
salaires élevés, de prébendes et
d'avantages multiples, pu enfin accéder
à la propriété privée des moyens de
production, d'échanges et de
communication. Les milliardaires
surgirent de toute part et les ouvriers
soviétiques connurent des années de
misère sans nom. Le maoïsme fut
une modalité quelque peu différente
(légalement et politiquement) de
capitalisme monopoliste d'État. Il ne
fut pas nécessaire de détruire la
structure de l'État impérialiste chinois
pour permettre à la bourgeoisie
bureaucratique chinoise de s'approprier
privément – individuellement – les
moyens de production et d'échanges en
Chine. L'État maoïste reste en place
sous la dictature de la bourgeoisie
d'État et les milliardaires pullulent
dans toute la Chine alors que des
centaines de milliers d’ouvriers
grèvent, manifestent et résistent à leur
exploitation éhontée.
L’histoire de la
lutte de classe lance ainsi des
incursions, des essais, des sondes, que
la classe révolutionnaire en devenir
doit saisir, même si les conditions ne
sont pas réunies, et dont la classe
ouvrière doit tirer le savoir qui lui
servira de leçons, demain – au moment
approprié – pour remplir sa mission
historique révolutionnaire (3).
Il est désormais
évident que la société
capitaliste-impérialiste grosse d’une
révolution
mondiale devait laisser le temps
à son accoucheur prolétarien
international de se développer en son
sein. Seul le prolétariat
internationalisé, expérimenté,
scolarisé, conscient, hégémonique, saura
imaginer et faire émerger la nouvelle
société socialiste des reins du
capitalisme en phase impérialiste
déchue, mais ayant atteint la pleine
maturité de ses contradictions
libératrices, comme la bourgeoisie à
maturité a su faire émerger le
capitalisme de la féodalité mûre et
décadente, pleine de ses contradictions
libératrices.
Aujourd’hui, le
mode de production impérialiste, les
rapports de production impérialiste sont
totalement développés à leur pleine
capacité et ils ont atteint leur limite
absolue d’expansion. Le mode de
production capitaliste ne peut plus
contenir, générer et reproduire plus de
forces productives et de moyens de
production qu’il n’en contient déjà,
plus de capital qu’il n’en contient
déjà.
C’est la raison pour laquelle le mode de
production capitaliste déplace –
délocalise – remplace – détruit ici et
rebâti là-bas des moyens de production à
la poursuite de nouvelles forces
productives moins dispendieuses à
exploiter
et à exproprier pour accumuler. Mais
ce faisant, le mode de production
impérialiste abandonne – détruit – des
forces productives dans les pays
soi-disant «développés» pour en créer
dans les pays sous-développés. Il a
atteint le maximum des capacités de
production qu’il peut engendrer. Si bien
que lorsque ces déplacements –
relocalisations – ne suffisent pas le
système est amené à détruire de grandes
quantités de moyens de production et de
forces productives (ouvriers). Ce sont
les guerres locales, régionales,
mondiales qui se succèdent à répétition,
sans interruption, depuis près d’un
siècle.
C’est la raison
pour laquelle nous affirmons qu’à
l’occasion de la prochaine révolution
prolétarienne toutes les conditions
objectives économiques et politiques
seront enfin réunies et développées à
leur pleine maturité. Cependant, les
conditions subjectives (politiques et
idéologiques), à commencer par la
maturité d’un Parti révolutionnaire
ouvrier mondial et la conscience
révolutionnaire de la classe ouvrière
mondiale risquent, au vu de ce que nous
pouvons observer aujourd’hui, d’être
largement en de ça des nécessités de
l’évolution-révolution, ce qui pourra
expliquer que la prochaine ne soit pas
encore la bonne. N’ayez crainte
toutefois, l’histoire se reprendra.
De la nécessité de renverser le
syndicalisme capitaliste
La
cinquième leçon de la révolution
bolchevik tient à l’inadéquation de
l’organisation syndicale pour organiser
la lutte révolutionnaire de la classe
ouvrière. Pire, l’organisation syndicale
s’avère un frein et une force
contre-révolutionnaire que le
prolétariat devra renverser et détruire
dans le cours même de son soulèvement au
même titre que l’État bourgeois dont le
syndicat est devenu une courroie de
transmission, un organe de marchandage
dans la vente normée et structurée de la
force de travail des ouvriers. Les
conseils ouvriers se sont avérés la
nouvelle forme d’organisation apte à
soutenir les visées révolutionnaires du
mouvement ouvrier.
Un syndicat
combatif, militant, gauchiste même, ne
peut que devenir un organe supplétif de
la classe des patrons dès qu’il
s’installe dans ses bureaux, qu’il
comptabilise ses cotisations, qu’il
cristallise ses structures
organisationnelles légales, enregistrées
et acceptées par la machine d’État
bourgeois. Dès qu’il peaufine ses
règlements de fonctionnement dont dépend
la bureaucratie syndicale pour sa
survie. Les syndicats européens
démonstratifs, agités, exubérants,
infiltrés de pseudo communistes et de
collabos socialistes ont donné le
change un certain temps et les
gauchistes ont longtemps fait croire
qu’on pouvait transformer un syndicat
d’affaires, de collaboration de classe,
en un syndicat de combat. C’est pourtant
impossible. Un communiste qui devient
permanent syndical de combat se
transformera plus tard en syndicaliste
d’affaires, négociateur bien payé de
conventions collectives pour ouvriers
sous-payés. Il ne peut en être
autrement sous l’hégémonie de la classe
capitaliste. Deux cents ans d’histoire
du mouvement ouvrier mondial nous l’ont
enseigné. C’est au moment de
l’insurrection que la classe ouvrière
réglera ses comptes avec les
apparatchiks de l’industrie du
syndicalisme. Il est aussi illusoire
de croire à un syndicalisme de combat, à
un syndicalisme de gauche, que de rêver
à un capitalisme humaniste et
progressiste, ou d’idéaliser un
parlement bourgeois prolétarien.
Toute négociation
d’une convention collective, toute lutte
défensive sur le front économique de la
lutte de classe, est par nature un
compromis réformiste, une lutte de
défensive de résistance. Du moment
qu’un travailleur vend sa force de
travail contre salaire, il consent qu’en
vertu du droit bourgeois son surtravail
lui soit confisqué et dès lors il
accepte son sort d’esclave salarié
spolié. Le fait que l’employé
demande et négocie une augmentation de
salaire pour son travail nécessaire,
seul ou regroupé en syndicat, ne remet
nullement en cause sa soumission à son
patron qui l’achète contre rémunération.
Il n’y a là rien de révolutionnaire.
Spontanément, et sans l’idéologie et la
théorie marxiste révolutionnaire, la
lutte réformiste syndicale est le plus
loin que puisse s’aventurer la lutte de
la classe ouvrière «en soi». D’instinct,
l’ouvrier reconnaît qu’il est plus
avantageux de vendre collectivement sa
force de travail en étant organisé en
syndicat pour marchander plutôt que de
se vendre à la criée, isolé. Si aussi
peu que 10% des travailleurs américains
sont aujourd’hui syndiqués, c’est que
l’État policier étatsunien compense la
désyndicalisation par des prestations
sociales et des services sociaux pour
une partie du manque à gagner des
non-syndiqués. Sans compter qu’une
partie des patrons étatsuniens ajustent
les salaires en fonction de ce qui est
consenti par les grandes entreprises
syndiquées. Là-bas en Amérique, les
syndicats ne se dissimulent pas, ils
s’appellent des syndicats d’affaires et
se maraudent mutuellement pour
recueillir la «taxe-cotisation»
syndicale en faisant valoir les services
qu’ils vendent contre ces cotisations
substantielles. Nombre de travailleurs
ne voyant aucun intérêt à débourser
cette taxe syndicale à l’industrie du
syndicalisme, pour d’aussi piètres
avantages, refusent de se syndiquer. En
Amérique, certaines centrales syndicales
ont mis sur pied des fonds de gestion de
capitaux spéculatifs avec les
cotisations de leurs membres et
contribuent ainsi à ce que leurs amis
spéculateurs et «banksters»
appellent la «relance» économique
capitaliste à la bourse.
En 1917, Le Parti
bolchevik, dirigeant de la lutte
révolutionnaire de la classe ouvrière
russe, encore faible, peu nombreuse et
sans grande expérience de lutte
syndicale, ne pouvait savoir ces choses
à propos des syndicats professionnels et
d’entreprises, ce que les camarades de
l’opposition communiste de Gauche en
Europe occidentale étaient en mesure de
leur enseigner. Lisons ce qu’écrivait en
1920 le camarade Pannekoek de la gauche
hollandaise :
«De même que le
parlementarisme exprime le pouvoir
intellectuel des chefs sur les masses
ouvrières, le mouvement syndical incarne
leur domination matérielle. Les
syndicats constituent, sous le
capitalisme, les organisations
naturelles pour l'unification du
prolétariat, et à ce titre Marx, déjà de
très bonne heure, a fait ressortir leur
importance.
Dans le capitalisme développé et plus
encore à l'époque impérialiste, les
syndicats sont devenus toujours
davantage des associations géantes, qui
montrent la même tendance de
développement qu'en d'autres temps,
l'appareil d'État bourgeois lui-même.
Dans ce dernier s'est formée une classe
d'employés, une bureaucratie qui dispose
de tous les moyens de gouvernement de
l'organisation, l'argent, la presse, la
nomination des sous-ordres ; souvent
les prérogatives des fonctionnaires
s'étendent encore plus loin, de sorte
que, de serviteurs de la collectivité,
ils deviennent ses maîtres, et
s'identifient eux-mêmes avec
l'organisation. Les syndicats convergent
aussi avec l'État et sa bureaucratie en
ce que, malgré la démocratie qui est
censée y régner, les membres ne sont pas
en situation de faire prévaloir leur
volonté contre le fonctionnarisme ; sur
l'appareil artistement édifié des
règlements et des statuts toute révolte
se brise avant qu'elle puisse ébranler
les hautes sphères.
«C'est seulement
par une longue persévérance à toute
épreuve qu'une organisation parvient
quelquefois, après des années, à un
succès relatif qui ressort généralement
à un changement de personnes. Dans ces
dernières années, avant la guerre et
après, on en est arrivé ainsi - en
Angleterre, en Allemagne, en Amérique -
à des révoltes de militants faisant la
grève pour leur propre compte, contre la
volonté des chefs ou les résolutions de
l'association elle-même. Que cela puisse
arriver comme quelque chose de naturel,
et être envisagé comme tel, manifeste
que l'organisation, loin d'être la
collectivité des membres, se présente
comme un être qui lui est en quelque
sorte étranger. Les ouvriers ne sont
pas souverains dans leur association,
mais elle les domine comme une force
extérieure contre laquelle ils peuvent
se révolter, bien que cette force soit
cependant sortie d'eux-mêmes. Encore un
point de commun avec l'État. Puis,
lorsque la révolte s'apaise, l'ancienne
direction se réinstalle et sait se
maintenir malgré la haine et l'amertume
impuissante dans les masses, parce
qu'elle s'appuie sur l'indifférence et
le manque de clairvoyance, de volonté
homogène et persévérante de ces masses
et parce qu'elle repose sur la
nécessité interne du syndicat comme seul
moyen pour les ouvriers de trouver, dans
l'unification, des forces contre le
capital.
«En luttant
contre le capital, contre les tendances
du capital absolutistes et génératrices
de misère, en limitant ces tendances et
en rendant de ce fait l'existence
possible à la classe ouvrière,
le mouvement syndical s'est mis à
remplir un rôle dans le capitalisme et
il est devenu lui-même de cette manière
un membre de la société capitaliste.
Mais du moment où la révolution
commence, en tant que le prolétariat, de
membre de la société capitaliste, se mue
en son destructeur, il rencontre devant
lui le syndicat comme un obstacle.
«Ce que Marx et
Lénine ont fait ressortir à propos de
l'État : à savoir que son organisation,
malgré ce qu'elle contient de démocratie
formelle, le rend impropre à servir
d'instrument pour la révolution
prolétarienne, vaut donc aussi pour les
organisations syndicales. Leur puissance
contre-révolutionnaire ne peut être ni
anéantie ni atténuée par un changement
de personnes, par le remplacement des
chefs réactionnaires par des hommes de
gauche ou des révolutionnaires.
«C'est la forme
organisatoire elle-même qui rend les
masses à peu près impuissantes et qui
les empêche de faire du syndicat
l'instrument de leur volonté. La
révolution ne peut vaincre qu'en
détruisant cet organisme, en
bouleversant de fond en comble cette
forme organisatoire afin qu'il en sorte
quelque chose de tout à fait autre.»
(1) Ce texte aurait pu être écrit par un
communiste contemporain militant dans un
syndicat d’affaires ou dans un syndicat
soi-disant de combat.
Mais alors, que
font les
communistes dans cette galère
«syndicaliste réformiste» ?
Nous communistes venons engranger de
l’expérience de lutte par la lutte et à
travers les luttes grévistes (syndiquées
et non syndiquées). Nous venons
clarifier les enjeux et stigmatisé les
compromis, identifier les parties et
leurs intérêts respectifs et faire
comprendre à notre classe que ce jeu des
négociations-marchandages de leurs
conditions de survie n’aura jamais de
cesse et que globalement la partie est
au bout du compte perdue d’avance.
Les lois de
l’économie capitaliste forceront les
patrons à céder de moins en moins de
salaires et à réclamer de plus en plus
de surtravail non payé. Pire, tous
les efforts réclamés à la classe
ouvrière pour augmenter la
productivité et rétablir la
profitabilité de l’entreprise seront
vains, car le système économique
capitaliste ne peut se perpétuer, sinon,
en détruisant d’immenses moyens de
production et en éliminant immensément
de forces productives (les guerres).
Le syndicat d’affaires et le
syndicat
soi-disant de combat, pour sa
survie en tant qu’organisme parasitaire,
ne peut que contribuer à cette
rationalisation de l’emploi, du profit,
des forces productives et de la
productivité.
Nous allons parmi
les salariés, syndiqués et non
syndiqués, associés ou non en Front
commun syndical (cette question n’est
pas cruciale, l’unité ouvrière naîtra
dans la lutte et par la lutte et non pas
des résolutions des assemblées de
bureaucrates), expliquer à notre classe
qu’il lui faudra un jour se résigner à
dépasser les luttes de classe «en soi»,
pour sauver son pouvoir d’achat et pour
survivre, et elle devra entreprendre la
lutte de classe «pour soi», pour la
conquête du pouvoir d’État,
l’expropriation sans compensation des
moyens de production, d’échanges et de
communication, l’établissement de la
dictature du prolétariat via le pouvoir
des soviets et pour l’édification du
mode de production socialiste en marche
vers le communisme. Au moment de
l’insurrection, la question de la
direction des syndicats d’affaires ou de
combat (sic) et de collaboration de
classe se réglera d’emblée. Nous
communistes sommes la mémoire des luttes
et l’état-major au service de notre
classe et nous venons soutenir la lutte
gréviste de notre classe.
La révolution
est la seule voie vers l’émancipation
prolétarienne
La
sixième leçon, irréfutable, qui
découle de l’expérience d’Octobre
1917, est que pour s’émanciper de
l’esclavage salarié, le prolétariat
international ne possède qu’une seule
solution, la révolution. Il n’y a pas de
raccourcis possibles, pas plus
qu’il n’existe de voies alternatives ou
de compromis. Toute autre option
est une fausse solution. Non seulement
une autre méthode tactique finirait par
affaiblir la lutte de la classe
ouvrière, mais elle dévaloriserait aussi
son contenu politique en mettant
de l’avant des objectifs qui ne sont pas
les siens, soit comme solution à des
problèmes secondaires ou pire, comme
objectif stratégique final filouté.
L’histoire du
mouvement ouvrier nous a démontré
trop souvent comment l’abandon de la
voie révolutionnaire au profit
d’alliances avec des sections de la
bourgeoisie nationale réformiste a mené
à des défaites sanglantes et tragiques
qui ont pesé lourdement sur les
tentatives suivantes pour ranimer la
lutte de classe.
Le
mouvement prolétaire, avec la
présence nécessaire d’un
parti révolutionnaire, doit avancer
de concert vers l’objectif
révolutionnaire. Tout autre choix ne
sert qu’à préserver l’ordre existant en
menant de défaite politico-économique en
défaite économico-politique. Cela
présuppose que le point de départ est la
lutte contre sa propre bourgeoisie
nationale, particulièrement si elle a
atteint le statut de puissance
impérialiste dominatrice. La lutte
ouvrière doit s’acharner contre toutes
manifestations de l’impérialisme, à
l’échelle nationale et internationale.
Cela veut aussi dire le rejet de toutes
les formes de nationalisme économique
et/ou politique, qu’elles soient
laïques, religieuses ou intégristes (qui
se présentent parfois sous les couleurs
d’un pseudo anti-impérialisme
invariablement opportuniste et toujours
réformiste) et donc de considérer la
révolution prolétarienne comme le seul
instrument de lutte contre le
capitalisme à son stade impérialiste de
dégénérescence.
Alors qu’au temps
de Lénine, les contradictions du mode de
production et d’échanges des
marchandises avaient pour la première
fois créé les conditions d’une crise
internationale sévère qui préfaça la
Première Guerre mondiale, le capitalisme
à son stade impérialiste avancé s’est
développé de telle façon que
l’exacerbation de ses contradictions a
donné naissance ces derniers temps à des
sociétés impérialistes véritablement
monstrueuses où, malgré une plus grande
capacité de production, un régime
politique policier d’appauvrissement
progressif des travailleurs,
d’instabilité et d’insécurité permanente
s’est imposé.
Le «Front
uni antifasciste» est un mythe. En
ces heures où le prolétariat est si
faible que l’on oublie son existence, la
bourgeoisie n’a nullement besoin de
faire renaître l’hydre fasciste pour
briser les capacités de résistance de la
classe ouvrière et pour l’embrigader
pour la guerre. Le fascisme classique
n’est pas à l’ordre du jour.
Aujourd’hui, c’est l’État policier qui
doit endiguer la classe et
l’enrégimenter en faveur de la guerre
«patriotique» pour la défense de la
patrie menacée. Menacée par
l’effondrement du capitalisme ont-ils
oubliés de dire aux prolétaires en
colère. En lieu et place les
capitalistes, et leurs sous-fifres
médiatiques, terrorisent les ouvriers et
leurs foyers avec les terroristes dont
ils sont eux-mêmes les commanditaires.
Confronté à des
taux de profits en déclin, le
capitalisme international a accru ses
attaques contre les salariés et contre
la force de travail en général. Il l’a
fait et continue à le faire sur tous les
fronts, autant contre les salaires que
contre les mesures sociales (les
programmes sociaux assurant la
reproduction de la force de travail). Le
résultat en est un pouvoir d’achat
diminué pour les ouvriers, des services
de santé, d’éducation et de loisir
réduits, le prolongement du temps de
travail et la réduction des allocations
de retraite (jusqu’à leur disparition
éventuelle). Les plus âgés travaillent
plus longtemps, les immigrants sont
surexploités, tandis que les plus jeunes
ont de la difficulté à trouver un
emploi. Les emplois sont de plus en plus
précaires, intermittents et mal payés :
six mois de travail, six mois de
chômage, avec toutes les conséquences
sociales que cela entraîne, alors que la
bourgeoisie raconte aux uns et aux
autres qu’ils sont eux-mêmes la source
de leurs peines, eux qui pourtant ne
décident de rien et ne contrôlent rien.
Il n’y a pas qu’au
Bangladesh et au Bénin que cela se
passe, des cathédrales historiques du
capitalisme comme l’Europe, le Canada et
les États-Unis d’Amérique sont touchés.
Dans les pays de la «périphérie» – mais
pas seulement dans ces cas extrêmes – le
pillage des ressources naturelles
continue et s’intensifie tout comme
l’expropriation forcée de millions de
paysans pauvres, pour la plupart
destinés à une vie misérable et qui
luttent pour la simple survie, alors que
les «chanceux» qui trouvent un emploi
dans les usines des pays «émergents –
ces nouvelles puissances impérialistes –
que d’aucuns qualifient de «miracles
économiques» revivent le drame des
conditions de travail précapitalistes
que les ouvriers d’Occident ont vécu au
dix-neuvième siècle. Cela est aussi la
base de la compétition qui fait rage au
sein de la force de travail mondial,
entraînant des réductions de salaire et
pas uniquement pour les moins qualifiés.
De plus, la planète entière est menacée
par le cauchemar des catastrophes
écologiques, un résultat direct du mode
de production dont la seule raison
d’être est la valorisation de l’argent
pour la reproduction élargie du capital
via la course à la plus-value et au
profit maximal.
Dans le domaine
strictement économique, le capital
s’engage dans des manœuvres spéculatives
de plus en plus risquées et illicites
dans sa quête agonisante de surprofits,
ce qu’il doit continuellement faire en
tentant de survivre à ses propres
contradictions insolubles. Et lorsque la
bulle spéculative éclate, éliminant des
milliards de dollars de capital fictif
en quelques heures, il tente d’en faire
payer les frais aux petits épargnants,
aux salariés (régimes de retraite
pillés, salaire en baisse, inflation en
hausse) et à certaines sections de la
bourgeoisie non monopoliste (ce qui crée
des contradictions dans leurs rangs),
tel un arnaqueur vendant ses produits
financiers pour des investissements
sécuritaires à haut rendement, alors
qu’il ne s’agit que de la pire des
camelotes déficitaires.
La spéculation et
le parasitisme sont les caractéristiques
de l’impérialisme étouffant et
sclérosant. Plus ces contradictions
s’exacerbent, plus il devient agressif.
Il n’y a pas un seul marché, du
commercial au financier, du monétaire au
commerce des matières premières, qui ne
soit pas troublé par la concurrence
monopolistique violente entre grands
monopoles multinationaux qui, très
souvent, se transforme en actes de
guerre et prend la forme du pillage
armé.
C’est l’unique motif des multiples
guerres locales et régionales que l’on
cherche à nous présenter comme des
guerres tribales, interreligieuses,
claniques, alors qu’elles sont fomentées
par les alliances impérialistes
concurrentes en se servant de la chair à
canon des populations du tiers-monde (ce
qui inclut la Palestine et Israël).
Le parasitisme
économique, la spéculation, les crises
économiques et financières, les
récessions et les dépressions, plus
d’exploitation et moins de sécurité pour
ceux qui travaillent et l’anxiété pour
ceux qui cherchent du travail, un état
de guerre permanent et la création de
couches toujours plus importantes de
salariés précaires : voilà le présent et
l’avenir qu’offre le capitalisme
corporatif. Depuis Octobre 1917, les
contradictions du capital se sont
développées et aujourd’hui ces
contradictions se sont énormément
amplifiées et sont à maturités. C’est
pourquoi l’expérience de la Révolution
d’Octobre – malgré sa défaite
subséquente – demeure le modèle dont
devra s’inspirer la révolution
prolétarienne moderne.
(1)
http://www.marxists.org/francais/pannekoek/index.htm
___________________________
À LIRE EN COMPLÉMENT :
http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782924312520
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