Libye-Dossier
spécial 4/4
Libye An III post Kadhafi, Epilogue
Les lauréats du printemps arabe
René Naba
Photo:
D.R.
Vendredi 25 avril 2014
Libye-Dossier spécial
4/4 : Libye, An III post Kadhafi,
Epilogue: Les lauréats du printemps
arabe – Par René Naba, 25.04.14
Sans surprise pour
ceux qui ont suivi ce récit, Rached
Ghannouchi, Waddah Khanfar, Waël Al-Ghoneim,
Bernard Henry Lévy et Nicolas Sarkozy
ont été distingués en 2011 par la revue
«Foreign Policy» parmi les
«personnalités les plus influentes de
2011».
Des lauréats qui ne
manquent pas d’allure: Rached Ghannouchi,
le chef du parti islamiste tunisien An
Nahda, longtemps la bête noire des
Occidentaux, Waddah Khanfar, l’ancien
directeur islamiste de la chaine Al
Jazira, et interlocuteur des services de
renseignements américains ainsi que Waël
Al-Ghoneim, responsable pour l’Egypte du
moteur de recherche américain Google,
amplificateur du soulèvement populaire
égyptien place Tahrir.
Parmi les «100 plus
grands intellectuels» honorés cette
année-là, figuraient une brochette de
belliciste à tout crin: Dick Cheney,
ancien vice-président de George Bush jr,
un des artisans de l’invasion de l’Irak,
de même que Condoleezza Rice, secrétaire
d’Etat de George Bush, le sénateur John
Mac Cain, le président français Nicolas
Sarkozy, le couple Bill et Hilary
Clinton, le ministre de la défense de
Bush jr et de Barack Obama, Robert
Gates, le premier ministre turc Recep
Teyyeb Erdogan et l’incontournable
Bernard Henri Lévy.
Et sur le plan
arabe, outre les trois personnalités
précitées, ont figuré l’ancien Directeur
de l’agence atomique de Vienne Mohamed
Baradéï et le politologue palestinien
Moustapha Barghouti, que nous aurions
souhaité être distingué par un autre
aréopage que Freedom House ou Global
Voice Project.
Avec mention
spéciale pour Ghannouchi «l’un des plus
grands intellectuels de l’année 2011».
Rached Ghannouchi, il est vrai, avait
mis à profit son séjour aux Etats Unis
pour rendre visite au «Washington
Institute for Near East Policy», très
influent think tank fondé en 1985 par M.
Martin Indyk, auparavant chargé de
recherche à l’American Israel Public
Affairs Committee ou AIPAC, le lobby
israélien le plus puissant et le plus
influent aux Etats-Unis. Le chef
islamiste, longtemps couvé
médiatiquement par la Chaine Al Jazira,
a pris soin de rassurer le lobby
pro-israélien quant à l’article que
lui-même avait proposé d’inclure dans la
constitution tunisienne concernant le
refus du gouvernement de collaborer avec
Israël.
En trente ans
d’exil, cet ancien nassérien modulera sa
pensée politique en fonction de la
conjoncture, épousant l’ensemble du
spectre idéologique arabe au gré de la
fortune politique des dirigeants, optant
tour à tour, pour le nassérisme
égyptien, devenant par la suite adepte
de l’ayatollah Ruhollah Khomeiny (Iran),
puis de Hassan Al Tourabi (Soudan), pour
jeter ensuite son dévolu sur le turc
Reccep Tayeb Erdogan, avant de se
stabiliser sur le Qatar, soit sept
mutations, une moyenne d’une mutation
tous les quatre ans. Du grand art qui
justifie a posteriori le constat du
journaliste égyptien Mohamad Tohi3ma
«Les Frères Musulmans, des maitres dans
l’art du camouflage et du
contorsionnement mercuriel», article
paru dans le journal libanais «Al
Akhbar» en date du 1er octobre 2011
reprenant une tribune de Mohamad Tohima,
directeur du quotidien égyptien «Al
Hourriya». Du grand art. En attendant la
prochaine culbute. La prochaine chute?
Pour aller plus
loin sur la stratégie de Rached
Ghannouchi visant à masquer la faillite
du pouvoir islamiste en
Tunisie:http://mondafrique.com/lire/politique/2014/03/02/tunisie-guerre-de-religion-au-sein-du-mouvement-islamiste-ennadha
Quant au 2eme lauréat, Waddah Khanfar,
son parcours résume à lui seul la
confusion mentale arabe et la duplicité
du Qatar. Ancien journaliste de la
chaine gouvernementale américaine «Voice
of America», ce palestinien natif de
Djénine, en Cisjordanie occupée, était
parent par alliance de l’ancien premier
ministre jordanien Wasfi Tall, surnommé
le «boucher d’Amman» pour sa répression
des Palestiniens lors du septembre noir
jordanien (1970), dont il a épouse la
nièce. Cet Islamiste notoire était aussi
un interlocuteur des services de
renseignements de l’US Army. Une opacité
typique du comportement du Qatar.
Deux reproches ont
pesé sur sa gestion de huit ans à la
tête d’Al Jazira (2003-2011): sa volonté
d’imposer un code vestimentaire ultra
strict aux présentatrices de la chaine,
en conformité avec l’orthodoxie
musulmane la plus rigoureuse, ce qui a
entrainé la démission de cinq
journalistes femmes, ainsi que sa
publication des documents confidentiels
sur les pourparlers israélo palestiniens
«The Palestine Paper», discréditant les
négociateurs palestiniens; ce qui a
conduit le chef des négociateurs
palestiniens, Saeb Oureikate, à réclamer
sa démission, de même que l’Arabie
saoudite effrayée par la crainte que la
large couverture des soulèvements arabes
par la chaîne du Qatar n’ait des
répercussions sur la stabilité des pétro
monarchies.
Propulsé à la direction de la chaîne Al
Jazira par son ami libyen, Mohammad
Jibril. Il sera remercié de la chaîne,
en 2011, au terme de l’épisode libyen,
mais gratifié de la distinction
américaine. Maigre consolation. L’homme
a quitté la scène publique, avec de
substantielles indemnités, sans bruits,
emportant avec lui ses secrets et sa
part d’ombre, les raisons de sa gloire
et de sa disgrâce.
Quant au 3 me larron
BHL
Sur la centaine de
pages des documents consultés, sauf
erreur ou omission, pas une seule fois
le nom du roman enquêteur, Bernard Henry
Lévy, n’a été mentionné. Ah les
mortifications de l’ego.
Echevelé, livide au milieu des tempêtes,
le touriste de guerre a poursuivi sa
quête incompressible du Graal,
sautillant de Benghazi à la Syrie au
secours de la liberté défendant le Monde
Arabe, brandissant ses méfaits qu’il
confondait avec des trophées,
réussissant le tour de force d’instaurer
la Chariah en Libye, provoquant la
talibanisation de la zone sahélienne par
l’implosion de la Libye.
Point n’est
pourtant besoin de boussole. Un arabe ou
un musulman, voire tout citoyen du monde
un tant soit peu patriote, doit se
ranger impérativement dans le camp
adverse à celui de Bernard Henry Lévy,
le fer de lance médiatique de la
stratégie israélo-atlantiste dans la
sphère arabo-musulmane. Songeons à la
guerre antisoviétique d’Afghanistan
(1980-1989) et à la mystification des
«combattants de la liberté» magnifiés
par BHL, qui aura opéré le plus grand
détournement du combat arabe de la
Palestine vers Kaboul avec les
désastreuses conséquences qui en
découlent encore de nos jours, au niveau
de son excroissance djihadique et de ses
dérives erratiques.
Cf; BHL ou comment
se rendre ridicule
http://www.marianne.net/elie-pense/BHL-ou-comment-se-rendre-ridicule-pour-la-posterite_a364.html
Ci-joint son
dernier exploit: Harangué les foules de
Kiev, sous cadrage des vétérans de
l’armée israélienne.
http://www.jta.org/2014/02/28/news-opinion/world/in-kiev-an-israeli-militia-commander-fights-in-the-streets-and-saves-lives
Selon le site
israélien alyaexpress-news.com, ce
groupe de 35 combattants armés et
cagoulés de la place Maidan, était
dirigé par 4 anciens officiers de
l’Armée israéliennes. Ces anciens
officiers ont dès le début des
événements rejoint le mouvement aux
côtés du parti de la Liberté (Svoboda),
bien que celui-ci ait la réputation
d’être violemment antisémite. La
présence d’unités israéliennes avait été
signalée dans des événements similaires
en Géorgie, aussi bien lors de la
«révolution des roses» (2003) que lors
de la guerre contre l’Ossétie du Sud
(2008), où, en parfait synchronisme, BHL
avait harangué les foules depuis son
hôtel de Tbilissi, à plusieurs kms du
champ de bataille.
Manque à l’appel un
lauréat: Hamad du Qatar: The Air and
Field Marshal de Libye
Sur ce lien le chainon manquant:
http://www.renenaba.com/lhomme-de-lannee-2011/
En trois ans, deux
des principaux libérateurs de la Libye,
Les Etats Unis et la France, ont été la
cible d’attentats de représailles, et,
sur fond de sanglants règlement de
compte entre factions rivales, de
pillages du gigantesque arsenal libyen,
le Sahel a muté en zone de non droit
absolu, fragilisant considérablement le
pré carré africain de la France, alors
que, parallèlement, les maîtres d’œuvre
de la contre révolution arabe sombraient
dans la guerre intestine, menaçant de
paralysie le Conseil de coopération du
Golfe, la seule instance de coopération
régionale arabe encore en activité.
Fait sans précédent
dans les annales pétro-monarchiques,
l’Arabie saoudite a en effet placé
vendredi 7 mars, les Frères Musulmans,
une organisation qu’elle a longtemps
couvé sur les listes des «organisations
terroristes»; une décision qui traduit
le degré de virulence de l’épreuve de
force engagée entre l’Arabie saoudite et
le Qatar à propos de la confrérie.
Dans ce qui apparait comme une grande
opération de blanchissement de ses
turpitudes et de dédouanement à son
soutien à la nébuleuse du djihadisme
erratique depuis son apparition dans la
décennie 1980 lors de la guerre anti
soviétique d’Afghanistan, l’Arabie a
associé à cette liste l’Etat islamique
en Irak et au Levant (EIIL), le Front
Al-Nusra, les rebelles chiites zaïdites
dits Houthis du Yémen et
naturellement……. le Hezbollah Libanais.
En pointe dans le
combat tant contre la Libye que contre
la Syrie, ce syndicat des
pétromonarchies du Golfe, sous haute
protection militaire occidentale, parait
devoir réduire sa voilure, non seulement
en raison de la guerre entre les frères
ennemis du wahhabisme, mais aussi du
fait du souci du 6eme membre, le
Sultanat d’Oman, de se maintenir à
l’écart de ce conflit fratricide,
cherchant auprès de l’Iran un
contrepoids à la prééminence du duo
saoudo qatariote au sein de cette
organisation.
Répudier la servilité à l’égard des
Etats-Unis, bannir le dogmatisme
régressif sous couvert de rigueur
exégétique, concilier Islam et
diversité, en un mot conjuguer Islam et
modernité …Tel était le formidable défi
que les Frères Musulmans se devaient de
relever à leur accession au pouvoir et
non de mener une politique revancharde
contreproductive, qui a conduit
directement en prison leur chef de file
égyptien et débouché sur la
désintégration morale du Hamas, unique
mouvement de libération national de
l’Islam sunnite, dans un retour
retentissant à la case départ.
La satisfaction
légitime de la chute d’un dictateur ne
saurait occulter le gâchis stratégique
provoqué par l’effondrement d’un pays à
la jonction du Machreq et du Maghreb et
son placement sous la coupe de l’OTAN,
le plus implacable adversaire des
aspirations nationales du Monde arabe.
Acte stratégique majeur comparable par
son ampleur à l’invasion américaine de
l’Irak, en 2003, le changement de régime
politique en Libye, sous les coups de
butoirs des occidentaux, était destiné
au premier chef à neutraliser les effets
positifs du «printemps arabe» en ce
qu’il devait accréditer l’idée que
l’alliance atlantique constituait le
gendarme absolu des revendications
démocratiques des peuples arabes.
Aucune intervention occidentale à
l’encontre du Monde arabe, même la plus
louable, n’est jamais totalement
innocente, tant perdurent les effets
corrosifs des actions passées et vivace
le souvenir de leurs méfaits. Et
l’intervention en Libye n’échappe pas à
la règle en ce qu’elle ne cible qu’un
régime républicain, à l’exclusion de
toute monarchie, les exonérant de leurs
turpitudes et de l’impérieuse nécessité
de changement.
L’histoire
retiendra que la révolution libyenne
aura été «la première révolution
assistée par ordinateur» et le meurtre
libératoire de l’ancien bourreau l’objet
d’une assistance à distance. La fin de
Kadhafi est la fin d’une longue
lévitation politique en même temps que
d’une illusion lyrique.
Les Libyens vont devoir purger le
cauchemar qui a peuplé leur subconscient
et leur inconscient et apporter la
démonstration qu’ils ne constituent pas
un peuple d’assistés permanents.
Le combat contre la dictature ne saurait
être sélectif. La démocratie du Tomahawk
a affranchi le djihadisme erratique et
projeté dans l’arène la foultitude des
paumés de l’islam takfiriste. Le sommeil
de la raison a engendré des monstres.
Références:
-
http://www.renenaba.com/lettre-ouverte-aux-djihadistes-de-tous-les-pays/
- Le lauréat
manquant en appel Hamad du Qatar:
The Air and Field Marshal de Libye
http://www.renenaba.com/lhomme-de-lannee-2011/
- Kadhafi: Le
fossoyeur de la cause nationale
arabe
http://www.renenaba.com/kadhafi-portrait-total-3/
- Bernard Henry
Lévy, Homme de son temps ou homme de
l’Otan
http://www.renenaba.com/bhl-l-homme-des-ides-de-mars/
- Le printemps
libyen
http://www.renenaba.com/libye-une-revolution-assistee-par-ordinateur/
- Le jeu de la
France en Libye
http://www.renenaba.com/libye-le-zele-de-la-france-en-suspicion/
-
http://www.renenaba.com/libyesarkozy-le-libertador-est-un-matamore/
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