MADANIYA
Abou Dhabi Leaks 2/2 : Arabie
saoudite-Canada; Le Canada, premier
pays occidental à avoir brisé le tabou
de la règle d’or saoudienne «Le mutisme
contre l‘argent »
René Naba
Lundi 24 juin 2019 La diplomatie
éthique du Canada
Face aux abus du
pouvoir saoudien, le Canada a été le
premier pays occidental à briser le
tabou de la règle d’or wahhabite «le
mutisme contre l’argent».
Une équation qui
pourrait se traduire par l’arrangement
suivant: Fermer l’œil sur tous mes
excès, en échange de commandes
exorbitantes à l’effet d’impulser une
dynamique aux économies occidentales
souvent défaillantes et de lubrifier le
train de vie de leurs décideurs avec
leurs inhérentes rétro-commissions.
Bravant les foudres
saoudiennes devant les abus répétés de
Riyad, notamment la capture de 150
princes de la famille royale et la
démission forcée de son homme lige au
Liban, le premier ministre Saad Hariri,
le Canada a décidé de préconiser à
l’égard du Royaume saoudien et des
autres régimes autocratiques, une
«diplomatie éthique»: Encourager la
commercialisation du pétrole produit par
des pays démocratiques au détriment du
pétrole produit par des pays non
démocratiques.
L’étincelle
proviendra de Mme Chrystia Freeland,
ministre des Affaires étrangères
canadienne, qui s’inquiétera
publiquement du sort de deux saoudiens,
l’activiste Raef Al-Badawi, détenu
depuis 2012 en raison de propos tenus
critiques tenus sur son blog, et sa sœur
Samar, également emprisonnée pour avoir
pris sa défense de son frère blogueur.
Contestant la
tutelle imposée aux femmes saoudiennes,
Samar Al Badawi a dénoncé, en 2010, son
père de l’avoir empêché de se marier
avec l’homme de son choix. Pour sa
désobéissance, elle a été incarcérée
mais sa tutelle a été transférée à l’un
de ses oncles. L’organisation
saoudienne, Human
Rights First Society, avait qualifié
alors l’enfermement de Samar de
«détention illégale scandaleuse». En
2012, elle a été lauréate du « Prix
International de la Femme de Courage» pour
sa lutte pour les droits des femmes dans
son pays.
Considérant qu’il
s’agit d’une ingérence intolérable dans
ses affaires intérieures, l’Arabie
saoudite ripostera le lendemain, le 5
aout 2018, par l’expulsion de
l’Ambassadeur du Canada à Riyad, le
dégagement sans ménagements de quelques
5.000 étudiants saoudiens inscrits dans
les universités canadiennes et la
rupture des relations commerciales entre
les deux pays.
Disproportionnée,
la riposte saoudienne se voulait un
message de fermeté à l’égard des
Occidentaux pour tenter de les dissuader
d’emboiter le pays au Canada. Elle sera
perçue comme tel par les Occidentaux,
trop heureux de se débarrasser d’un
concurrent encombrant, en dépit de son
appartenance à l’Otan et sa
participation à l’effort des alliés
durant les 2 guerres mondiales
(1914-1918; 1939-1945).
Mieux, le coup de
sang saoudien a paru servir les desseins
de Washington à l’époque en pleine
épreuve de force avec Ottawa à propos de
l’ALENA, la zone de libre-échange de
l’Amérique du Nord (Canada, Etats Unis,
Mexique).
Certes, la
«diplomatie éthique» du Canada lui a
permis de se dédouaner de la vente de
blindés à l’Arabie saoudite, des
véhicules vendus par le Canada en avril
2016 et dont le royaume n’aurait pas eu
besoin, mais qui auraient été achetés
dans le but de réchauffer les relations
commerciales. Un contrat d’un montant de
15 milliards de dollars, conclu en 2014.
Plein de morgue et
de suffisance, surestimant son pouvoir,
le ministre saoudien des Affaires
étrangères, Adel Joubeyr, rejettera une
offre de réconciliation faite par son
homologue canadienne, Chrysta Freeland,
faite en septembre en marge des travaux
de l’Assemblée Générale des Nations
Unies: «Que diriez-vous si l’Arabie
saoudite préconisait l’Indépendance du
Québec», a rétorqué le ministre
saoudien, coupant court à l‘entretien.
Mal lui en prit: La
terrifiante disparition du journaliste
saoudien Jamal Khashoggi, deux mois
après la crise diplomatique Riyad
Ottawa, le 2 octobre 2018, au consulat
saoudien à Istanbul donnera raison au
Canada en l’accréditant d’un «rôle
pionnier».
Savourant son
triomphe moral, le Canada confirmera
publiquement, en Novembre 2018 , être en
possession d’une copie des
enregistrements recueillis par les
services turcs lors du funeste entretien
de Jamal Kashoggi avec ses futurs
tortionnaires , neutralisant ainsi la
manœuvre de la France visant à mettre en
question les affirmations turques.
2- Les
ingérences saoudiennes dans les affaires
intérieures du Canada
Chatouilleux, voire
sourcilleux sur sa souveraineté,
l’Arabie saoudite ne s’en prive pas pour
autant de s’ingérer abusivement dans les
affaires intérieures des autres pays, à
coup de pétrodollars, notamment en
direction des communautés musulmanes
qu’elles abritent en leur sein qu’elle
utilise comme un traditionnel levier
d’influence. Pour une poignée de
dollars, l’Europe a d’ailleurs vendu son
âme.
Pour aller plus
loin sur ce sujet, cf:
https://www.madaniya.info/2018/02/02/europe-islam-djihad-pour-une-poignee-de-petrodollars-l-europe-a-vendu-son-ame-1-2/
Le journal libanais
Al Akhbar a consacré un long article sur
les ingérences saoudiennes dans les
affaires canadiennes, dont voici les
principaux extraits:
Le Centre de
recherche sur la Mondialisation et la
firme Navigator.
Une des «bêtes
noires» de l’Arabie saoudite est le
« Centre de recherche sur la
Mondialisation», qui mène une «activité
hostile envers l’Arabie saoudite».
Un câble portant
référence N° 7000097 38 72, en date du
20 Février 2011 préconise de prendre
contact avec les membres du gouvernement
canadien et des cabinets d’avocats et de
communicants pour faire face à la
campagne de boycottage des produits
saoudiens.
Un 2me câble
portant référence N° 4651 en date du 16
février 20213 recommande de prendre
contact avec la firme NAVIGATOR en vue
d’envisager une opération de relations
publiques, afin d’améliorer l’image du
Royaume, de développer les relations
commerciales avec les firmes canadiennes
et de contrer ainsi la propagande
hostile à l’Arabie saoudite.
Ce document
préconise les mesures suivantes:
Afin de faire face
à la campagne médiatique du Journal
canadien «AL HAYAT AL ARABIYA–La vie
arabe», animée par des chiites
extrémistes, partisans des Houthistes
yéménites, le document préconise de
soutenir deux publications:
«AL BILAD (le pays)
et AL MOUHAJYR AL ARABI (L’Immigré
arabe), de même qu’un soutien discret à
SAOUT KANADA (la Voix du Canada) en vue
d’ «améliorer l‘image de l’Islam sur le
continent américain».
Il suggère la
constitution d‘un lobby en vue de
neutraliser les effets de la campagne
visant à modifier les châtiments
corporels en vigueur dans le monde
musulman, notamment la lapidation, la
décapitation et le flagellation afin de
leur opposer de contre-mesures;
Soutenir
l’ASSOCIATION ISLAMIQUE du CANADA, la
plus grande instance musulmane du
Canada, qui dispose de 33 branches à
travers le pays, en lui allouant une
subvention de 500.000 riayls saoudiens,
ainsi qu’ à l’ASSOCIATON DES SUNNITES,
une subvention de 3,5 millions de rias
saoudiens.
Pour le locuteur
arabophone, ci-joint le texte de
l’article d’Al Akhbar, intitulé «Comment
l’Arabie a infiltré le Canada ».
https://www.al-akhbar.com/Arab_Island/256375/%D9%88%D9%8A%D9%83%D9%8A%D9%84%D9%8A%D9%83%D8%B3-%D9%87%D9%83%D8%B0%D8%A7-%D8%AE%D8%B7-%D8%B7%D8%AA-%D8%A7%D9%84%D8%B3%D8%B9%D9%88%D8%AF%D9%8A%D8%A9-%D9%84%D8%A7%D8%AE%D8%AA%D8%B1%D8%A7%D9%82-%D9%83%D9%86%D8%AF
Le Canada n’a pas
varié d’un pouce son attitude à l’égard
du Royaume saoudien. Un défi tranquille,
sans concession.
La ministre des
Affaires étrangères, Chrystia Freeland,
s’est déplacée symboliquement à
l’aéroport de Toronto pour y accueillir,
le 12 Janvier 2019, Rahaf al-Qunun, la
jeune réfugiée saoudienne dont la
demande d’asile avait été rejetée par
l’Australie.
Toutefois la
«diplomatie éthique» du Canada a été
mise à mal par le scandale SNC Lavalin.
Justin Trudeau a en été accusé
d’ingérence dans une procédure
judiciaire.
Déjà en pleine
tourmente diplomatique à la suite de la
décision d’Ottawa d’extrader vers les
Etats-Unis la directrice financière de
Huawei, arrêtée en décembre 2018
par la police canadienne, le Premier
ministre fait désormais face à la pire
crise politique depuis son début de
mandat, en novembre 2015.
Sa ministre du
Budget, Jane Philpott, a annoncé lundi
4 mars sa démission du gouvernement, en
solidarité avec sa collègue, Jody Wilson
Raybould. L’ancienne ministre de la
Justice avait quitté son poste en
février en signe de protestation contre
l‘entourage de Justin Trudeau pour leurs
«pressions constantes et soutenues» et
même de «menaces voilées», destinées à
protéger un géant du BTP SNC-Lavalin
accusé de corruption.
L’entreprise, qui
emploie quelque 50 000 personnes à
travers le monde, dont 9 000 au Canada,
est sous le coup depuis 2015 d’une
accusation de « corruption d’agents
publics étrangers » et de« fraude » en
Libye, à l’époque du dictateur Mouammar
Kadhafi. La société est accusée d’avoir
versé 48 millions de dollars canadiens
(32 millions d’euros) de pots-de-vin à
des responsables libyens en échange de
contrats entre 2001 et 2011.
À huit mois des
élections fédérales au Canada,
l’accusation tombe mal pour Justin
Trudeau.
Pour sa crédibilité
«la diplomatie éthique» ne saurait
souffrir des entorses.
Illustration
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:London_protest_against_Saudi_Arabia%27s_detention_of_prisoner_of_conscience_Raif_Badawi.jpg
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