MADANIYA
Radioscopie-France : Plaidoyer pour
la grandeur de la France et non sa
mégalomanie 4/5
René Naba
Vendredi 20 septembre 2019
36 ans après, une visibilité accrue mais
marginale.
Trente-six ans
après «La Marche des Beurs», en 1983,
qui devait inaugurer l’entrée en scène,
au plan politique, de la 3me génération
issue de l’immigration, le fait arabe et
musulman a décuplé de sa visibilité en
France avec le foisonnement
d’individualités, mais cette visibilité
accrue dans les divers domaines du
sport, de l’art et des médias, demeure
marginale, en ce que cette présence se
situe hors du cercle décisionnaire du
pouvoir, hors champ du domaine
fondamental, comme entravée par un
plafond de verre infranchissable.
Les raisons de
cette marginalité sont multiples tenant
à des raisons endogènes propres à la
France et à son histoire; d’autres
exogènes en rapport, d’une part, avec la
projection politique de l’Islam, à tout
le moins les régimes politiques se
réclamant de cette religion ou de cette
idéologie et leurs répercussions en
France, et, d’autre part, au
comportement du leadership musulman en
France de même qu’à la stratégie
individualiste opportuniste de bon
nombre de ses membres.
Un débat cyclique
Le débat est
cyclique, comme une fuite en avant,
comme pour détourner l’attention sur les
graves problèmes structurels de la
France, le déficit abyssal de ses
finances publiques, la faillite et
l’impunité de ses élites, la
délitescence de son tissu social, la
docilité de sa presse, l’inconsistance
du débat public inter partisan, la
nécrose de ses circuits de décision,
comme en témoigne le déclassement de la
France au 6eme rang des puissances
économiques mondiales, en 2017,
désormais surpassée par l’Inde, une
ancienne colonie occidentale, un
dépassement survenu, symptomatiquement,
le jour de la victoire des «Bleus» au
Mundial de Russie en 2018.
Le débat est
cyclique sur une thématique unique dans
ses diverses déclinaisons, le voile, la
burqa, les minarets, le rôle positif de
la colonisation, comme une fuite en
avant, comme pour occulter l’essentiel,
la dette d’honneur de la France à
l’égard de ses immigrés, tant pour la
défense de son indépendance, –à deux
reprises au cours d’un même siècle,
durant les deux guerres mondiales, fait
rarissime dans l’histoire–, que pour
leur contribution au rayonnement de la
France à travers le Monde.
L’œuvre salutaire
qu’il est prioritaire d’initier est non
un travail d’exaltation chauvine propice
à tous les débordements, mais un travail
de «déconstruction» des mythes
fondateurs de la grandeur française, une
lecture fractale de l’histoire de
France, afin de fonder l’identité
nationale sur une connaissance concrète
et non sublimée de l’histoire de France
et de cimenter l’unité nationale par la
prise en compte des diverses composantes
de la population nationale et non sur la
stigmatisation du métèque.
Sauf à abdiquer
devant les tenants de l’anglo-sphère,
sauf à se draper dans un splendide
isolement, sauf à se voiler la face dans
un splendide aveuglement, le débat ne
saurait se réduire à un duel narcissique
entre la France et elle-même s’offrant
en spectacle au reste du monde, au nom
de l’exception française, mais à un
débat sur le positionnement de la France
au sein de son bassin naturel de
déploiement, la Francophonie, gage de
son rayonnement et justificatif de son
statut de grande puissance, membre
permanent du conseil de sécurité.
De l’Identité
française
L’identité
française, son honneur et sa grandeur se
vivent et se revendiquent dans le «rôle
positif» de la colonisation avec le
Docteur Albert Schweitzer de Lambaréné
(Gabon), et, dans les 955.491 soldats
coloniaux de l’outre-mer qui ont
combattu pour la France durant les deux
guerres mondiales (1914-1918,
1939-1945), dont 113.000 «indigènes de
la République» tombés sur le champ
d’honneur, abreuvant durablement les
sillons de France de leur «sang impur».
Cent treize mille
(113.000) indigènes morts pour la
France, soit autant que la population
conjuguée des villes de Dreux, de
Vitrolles et d’Orange, les trois anciens
fiefs du Front National, sans qu’il ait
été question alors de «seuil de
tolérance», encore moins de test ADN, ou
de charters de la honte, mais de sang à
verser à profusion.
L’identité
française se vit et se revendique dans
«le privilège de la terre de France»,
qui affranchissait tout esclave dès
l’instant qu’il foulait le sol de
France, la France terre d’asile et non
dans la France de la «Venus Hottentote»
et des «zoos humains». Dans la France de
Valmy et du Pont d’Arcole et non dans
celle du sabordage de la flotte
française de Toulon ou de l’expédition
punitive de Suez. Dans la «France Libre»
et non dans la France de Sétif
(Algérie), de Thiaroye (Sénégal) ou du
Haut Sanaga (Cameroun).
Dans la France des
convictions républicaines et non dans
celle des transfuges cosmopolites qui
déconsidèrent l’engagement politique.
Dans le Préfet Jean
Moulin et non le Préfet Maurice Papon,
dans les métèques du Groupe Manouchian,
ces parias de l’Affiche rouge, et non
dans la France vichyste, complice du
nazisme, dans Guy Môquet et non dans son
dénonciateur, le ministre de l’intérieur
de l’époque, et ses sbires de la police
française, pourvoyeurs de ses bourreaux
allemands.
Dans le général
Jacques Pâris de la Bollardière, la
conscience de l’armée française durant
la guerre d’Algérie (1956-1962) et non
dans les tortionnaire des maquisards
algériens. Dans le porteur de valise
Francis Jeanson, et, non dans le porteur
de sac de farine médiatique, Bernard
Kouchner, le soutien affairiste des
dictateurs africains et des équipées
sécessionnistes du pacte Atlantique du
Darfour au Kurdistan à la Libye et à la
Syrie.
Dans la France du
discours de Pnom Penh (Charles de
Gaulle) et de Cancun (François
Mitterrand) et non dans la France du
discours de Dakar sur l’homme africain
«pas encore entré dans l’histoire»
(Nicolas Sarkozy) et du discours de
Tunis fondateur de l’Union Pour la
Méditerranée sur la division raciale du
travail entre Français et arabes sur le
pourtour méditerranéen (Nicolas Sarkozy
ibidem).
Dans la France de
la belle langue révolutionnaire
française de Voltaire, d’Aimé Césaire,
de Franz Fanon, de Léopold Sedar Senghor
et de Kateb Yacine qui portent en eux le
rayonnement de la France et non dans
celle du «Casse-toi pauv’con», ce verlan
argotique si détesté du si détestable
Nicolas Sarkozy pour ses excès de
langage et de comportement.
Dans la France de
l’Abbé Pierre et non dans celle d’un
Brice Hortefeux, celle d’ «un auvergnat
ça va, mais quand il y en trop, bonjour
les dégâts», un Brice Hortefeux,
champion de la lutte contre
l’antisémitisme, un prix décerné par
l’organisation irrédentiste pro
israélienne «Union des Patrons Juifs de
France» (UPJF), illustration
pathétiquement caricaturale d’une grave
inversion des valeurs, indice patent
d’une grave confusion mentale.
Dans la France de
Yannick Noah (Roland Garros 1982) et de
Zinedine Zidane (Mundial 1998) et de
Kylan Mbappé Mundial 2018) de «l’équipe
de foot black, black, black, risée de
l’Europe» (Alain Finkielkraut), mais
néanmoins fierté de la France, dans la
France de l’acteur Omar Sy, le
personnage préféré des Français en
2016-2017 et non dans la France des
cités «pure white, blancos» de l’ancien
Maire d’Evry, ancien premier ministre
renégat du socialisme, Manuel Valls.
Dans la France du mathématicien insoumis
et supplicié Maurice Audin et non dans
celle du Général Paul Aussaresses, le
commando Zéro de sinistre mémoire.
Dans la France de
Claude Levy Strauss (Tristes Tropiques)
et non dans celle de Philippe Val,
artisan d’une sournoise tentative de
révisionnisme historique anti arabe.
Dans la France
d’Emile Zola (J’accuse) et non dans
celle d’Eric Zemmour, prompt à fustiger
la criminalité basanée (Noirs et Arabes)
mais muet comme une carpette à l’égard
de la criminalité en col blanc. Dans la
France d’André Malraux de l’escadrille «Espagna»
et non dans celle du philo mondain
Bernard Henry Lévy, propulseur de la
Charia en Libye dans son serment de
Toubrouk».
Pour aller plus
loin sur ce thème:
https://www.renenaba.com/philippe-val-ou-le-revisionnisme-anti-arabe-en-guise-de-fond-de-commerce/
Dans ce contexte,
la lecture publique de la lettre du
jeune résistant communiste fusillé Guy
Mocquet aurait pu avoir valeur
pédagogique et thérapeutique si cet
exercice s’était accompagné de la
dénonciation de ses bourreaux, en
l’occurrence la police française, la
police, c’est à dire, le socle du
pouvoir sécuritaire de l’ancien
président Sarkozy et de l’ancien premier
ministre Manuel Valls.
Une telle
dénonciation aurait été perçue comme un
acte de courage et de responsabilité et
non telle qu’elle s’est déroulée, comme
une opération de falsification de
l’histoire, un exercice de récupération
démagogique, un acte de détournement
mémoriel.
La notion
d’identité nationale apparaît dans cette
perspective comme une notion relative.
Pour sa pérennité, l’identité nationale
doit se fonder sur des valeurs
universelles, immuables et non variables
en fonction des considérations
électoralistes.
Le débat gagnerait
d’ailleurs en clarté si la confusion
n’était entretenue au plus haut niveau
de l’Etat par le premier magistrat de
France, en nommant un réserviste de
l’armée israélienne, Arno Klarsfeld, au
poste de conseiller en pleine guerre de
destruction israélienne du Liban
(Juillet 2006) ou en confiant à un
dirigeant de l’American Jewsih Committee,
Valérie Hoffenberg, la charge de suivre,
pour le compte de la France, les
négociations israélo-palestiniennes.
Un président qui
fantasme sur «les moutons que l’on
égorge dans les baignoires» qui quête
néanmoins régulièrement l’hospitalité
des baignoires des palais royaux arabes,
de Doha à Rabat, prenant l’initiative de
stigmatiser une composante de la
population pour des motifs inavoués
bassement électoralistes.
A ce titre “les
moutons que l’on égorge dans les
baignoires” (Nicolas Sarkozy), tout
comme «les bruits et les odeurs des
familles immigrées» génésiquement
prolifiques (Jacques Chirac) demeureront
une tache indélébile du discours
politique français et déshonorent leurs
auteurs. A n’y prendre garde, elles
ouvriraient la voie à des dérives
fascisantes du comportement politique
français.
Que l’on se
détrompe, n’en déplaise une fois de plus
aux scribouillards salonnards, les
basanés de France sont là et bien là,
durablement ancrés dans le paysage
politique et social français, eux dont
«le rôle positif» n’a jamais été célébré
avec solennité, sinon que d’une manière
incidente quand il n’a pas été plus
simplement nié ou controversé.
En France, non pas
leur pays d’accueil, mais leur pays
d’élection. Déterminés à défendre la
haute idée qu’ils ont de la France et
que la France veut donner d’elle-même au
Monde, déterminés à défendre la grandeur
de la France et non sa mégalomanie, sa
grandeur et non son nanisme politique.
A combattre tous
ceux qui fragilisent l’économie par une
gestion hasardeuse, tous ceux qui
discréditent la politique par une
connivence sulfureuse. Tous ceux qui
polluent l’image de la France, à coups
d’emplois fictifs et de responsabilité
fictive, d’ «évaporations de recettes»,
de rétro commissions et de frais de
bouche, de délits d’initiés et d’abus de
biens sociaux. Ces messieurs des
frégates de Taiwan, de Clearstream et d‘Angolagate.
Du Crédit Lyonnais et de la Compagnie
Générale des Eaux. D’Elf Aquitaine et
d’EADS, d’Executive Life et de Pechiney
American-Can. Des marchés d’Ile de
France et de HLM de Paris, de la MNEF et
d’Urba-Gracco. De Bygmalion et de la
Libyan connection de Paul Bismuth.
Ceux qui
dévalorisent leur justice à coups
d’affaires d’Outreau, d’écoutes
téléphoniques illégales, de tri sélectif
et de «charters de la honte». Qui
dévalorisent leurs nationaux à coups de
bougnoule et de ratonnades, de racaille
et de Karcher.
Contre la «France
d’en bas» qui gouverne le pays, la
France des basses manœuvres et des bas
calculs, des «zones de non droit et de
passe-droits», des nominations de
complaisance, des appartements de
fonction et des «frais de bouche». La
France qui refuse de donner un coup de
pouce au SMIC, mais qui exacerbe
l’antagonisme social en confortant dans
leurs richesses les plus nantis les
dotant d’un «bouclier fiscal» en pleine
tourmente bancaire.
La France qui
«cristallise» à sa portion congrue, les
retraites des anciens combattants
«basanés» de l’armée française. La
France qui gèle les pensions des
retraités français, pour gorger de
«stock-options et de parachutes dorés»
des patrons repus ou des gérants en
déconfiture.
Les entreprises du
CAC 40 ont distribué 106 milliards
d’euros à leur actionnaires en 2 ans, de
quoi réduire substantiellement la dette
publique française et alléger les
charges des futures générations. En
2016, 55,7 milliards de dividendes et de
rachats d’actions d’euros ont eté
enregistrés, et 50,9 milliards, en 2017.
Un mouvement qui témoigne de
l’amélioration de la santé financière
des pensionnaires du CAC 40, mais pas
nécessairement les conditions de vie des
chômeurs longue durée, ni des simples
travailleurs salariés.
La France qui
recycle la forfaiture dans
l’honorabilité, propulsant au Conseil
d’Etat, le temple de la vertu
républicaine, en guise de rétribution
pour services rendus dans la diversion
de la justice, tel ministre de la
justice, passé dans l’histoire comme le
plus célèbre intercepteur d’hélicoptères
des annales judiciaires internationales,
Jacques Toubon, désormais médiateur
assagi de la République.
Un capé de la
République à la juridiction suprême, le
Conseil Constitutionnel, pour avoir
cautionné le terrorisme islamique du «Jabhat
An Nosra», la filiale syrienne d’Al
Qaida, «qui fait du bon boulot en Syrie»
(Laurent Fabius).
En un mot contre
cette posture du mépris et de
l’irresponsabilité, la singulière
théorie du «fusible à la française» qui
exonère le responsable de toute
responsabilité en ce qu’il est
«responsable mais pas coupable» par une
sorte de privilège anti-démocratique
tirant sa justification dans une
idéologie proto fasciste inhérente à un
pan de la culture française.
Contre la
criminalisation du politique, cet état
de fait symptomatique de la France
contemporaine, comme en témoigne «Le
casier judiciaire de la République» au
bilan édifiant où l’on dénombrait rien
que pour la décennie 1990, neuf cent
(900) élus mis en examen soit pour
délinquance financière, soit pour
atteintes aux biens et aux personnes y
compris les crimes sexuels, alors que la
«tolérance zéro» à l’égard de la
criminalité en col blanc se devrait
d’être pourtant un impératif catégorique
de l’ordre républicain en vertu du
principe de l’exemplarité de l’Etat.
Un casier qui s’est
enrichi de prestigieuses contributions
du calibre de Dominique Strauss Khan,
ancien Directeur du Fonds Monétaire
International, et de Jérome Cahuzac, l’évadeur
fiscal émérite, deux représentants non
de la quintessence du socialisme mais de
sa déliquescence, co-fossoyeurs du Parti
de Jean Jaurès, au même titre que le
socialo motoriste François Hollande et
le renégat Manuel Valls.
Jamais pays n’a
paru plus soucieux de magnifier son
passé. Toutes les déclinaisons du
calendrier défilent en commémoration:
Bimillénaire du baptême de Clovis
(1996), qui marque le ralliement de la
France à la Chrétienté, 1500 me
anniversaire de la proclamation de
l’Édit de Nantes (1598), qui a mis fin à
la guerre religieuse entre Catholiques
et Protestants, Bicentenaire de la
Révolution Française (1989), cent
cinquantième anniversaire de l’abolition
de l’esclavage (Mai 1998), Centenaire du
manifeste accusateur d’Émile Zola contre
la ségrégation politico religieuse
(«J’accuse», Janvier 1998), soixantième
anniversaire de la libération de la
France, cinquantenaire anniversaire de
la V me République, enfin quarantième
anniversaire de la révolte étudiante de
Mai 1968…
Comme si la France
voulait compenser son repli frileux sur
elle-même en puisant dans sa gloire
passée l’espérance de son avenir.
Loin de participer
d’une hypermnésie culpabilisante, le
débat s’impose tant sur la contribution
des «peuples basanés» à la libération du
sol français, que sur leur apport au
rayonnement de leur pays d’accueil, en
guise de mesure de prophylaxie sociale
sur les malfaisances coloniales et
postcoloniales dont l’occultation
pourrait éclairer les dérives
répétitives de la France, telles que
-simple hypothèse d’école ?- la
correspondance entre la trop longue
amnésie sur les «crimes de bureau» de
1940-1944 et l’impunité régalienne de la
classe politico administrative sur les
scandales financiers de la fin du XX me
siècle, ou la corrélation entre la
déroute de l’élite bureaucratique de
1940 et la déconfiture de l’énarchie
contemporaine.
«Si une France de
45 millions d’habitants s’ouvrait
largement, sur la base de l’égalité des
droits, pour admettre 25 millions de
citoyens musulmans, même en grande
proportion illettrés, elle
n’entreprendrait pas une démarche plus
audacieuse que celle à quoi l’Amérique
dut de ne pas rester une petite province
du monde anglo-saxon», prophétisait,
déjà, en 1955, Claude Lévi-Strauss en un
saisissant résumé de la problématique
postcoloniale dans laquelle se débat la
société française depuis un demi-siècle
(Claude Lévy Strauss «Tristes
Tropiques»).
La rationalité
cartésienne, transcendance symbiotique
de l’intelligence athénienne et de
l’ordre romain, quintessence de l’esprit
critique, aura ainsi engendré des
monstruosités dans ses moments
d’assoupissement. Nul pays n’est à
l’abri de telles dérives devant les
grands bouleversements de l’histoire et
l’ingratitude passe pour être une loi
cardinale des peuples pour leur survie.
Mais l’exception
française si hautement revendiquée d’une
nation qui se réclame de la grandeur est
toutefois antinomique d’une culture de
l’impunité et de l’amnésie, une culture
érigée en un dogme de gouvernement et, à
ce titre, incompatible avec la
déontologie du commandement et les
impératifs de l’exemplarité.
N’y voyons aucune
interférence partisane ou électoraliste,
mais quiconque soucieux du rang de la
France, -Français de souche ou Français
de choix-, se doit de se livrer à une
telle introspection, une mesure de
salubrité publique, tant il est vrai que
l’histoire d’aujourd’hui est la mémoire
de demain et qu’il importe d’être
vigoureux dans la dénonciation des
dérives contemporaines pour prévenir de
douloureuses réminiscences de la mémoire
future.
Les explications
culturalistes masquent mal une
survivance d’une forme d’ethno-graphisme
colonial, qui explique la sur-réaction
psychologique des faits arabes et
musulmans dans l’opinion occidentale,
particulièrement française, au-delà de
la prégnance d’un comportement
néocolonialiste dans l‘approche des
problèmes du Monde arabo africain,
particulièrement en France.
Précurseur de la
laïcité avec la prescription du calife
Omar «Ad Dine Lil lah Wal Watan Lil
Jamih» – «La religion relève de Dieu et
la Patrie appartient à tous ses
citoyens»-, la gouvernance musulmane
s’est laissée subvertir par une rigidité
doctrinale sous tendue par une forme de
religiosité biaisée au point de se
laisser dépouiller de ce privilège par
la France. Mais un siècle après
l’instauration de la laïcité en France,
le concept vieillit mal et montre ses
limites, qu’il importe de régénérer.
Un dialogue pour
être véritable ne s’instaure que par le
haut et non à coup de stigmatisations et
de «bas-coups». Plutôt que de souscrire
aux sommations, auquel il est convié à
chaque soubresaut terroriste, plutôt que
de battre sa coulpe pour des
comportements dont il n’est
personnellement nullement responsable,
voire totalement étranger en tant que
citoyen, le musulman, pour sa part, se
doit d’opérer une réadaptation de son
positionnement vis à vis du schéma
occidental afin de rendre accessible à
l’opinion occidentale ses motivations,
notamment ses objections à une politique
de mépris et de culpabilisation.
Epilogue : De la
Religion et des guerres de religion.
Espace de communion
et d’exclusion, la religion est un
espace concurrentiel.
L’instrumentalisation de la religion à
des fins politiques est une constante de
l’histoire. Toutes les religions y ont
eu recours, dans toutes leurs
déclinaisons, que cela soit la guerre de
conquête de la chrétienté en Amérique
latine ou les Croisades vers le Monde
arabe, ou bien à l’inverse, la conquête
arabe vers l’Asie, vers la rive
méridionale de la Méditerranée ou
l’Afrique.
Guerre de religion
au sein de l’espace occidental de la
chrétienté (entre Protestants et
Catholiques en France ou en Irlande du
Nord), ou guerre de religion au sein de
l’espace musulman (entre Sunnites et
Chiites), ou enfin le sionisme, la forme
la plus moderne de l’instrumentalisation
de la Bible à des fins politiques par la
mise en œuvre de la notion du retour à
Sion, sur les débris de la Palestine.
La religion n’est
pas condamnable en soi. Ses dérives si
en ce que la piété n’exclut ni
l’intelligence, ni le libre arbitre.
Elle n’interdit pas l’esprit critique.
Elle ne saurait, en tout état de cause,
se dévoyer dans des causes desservant
l’intérêt national.
Mais nul part
ailleurs qu’au sein du leadership
sunnite arabe, l’instrumentalisation de
la religion n’a autant dévié de son
objectif, desservant la cause arabe, au
bénéfice de ses commanditaires, les
États-Unis, le meilleur allié de leur
principal ennemi, Israël.*
Le djihadisme
erratique takfiriste a consolidé, par
ricochet, Israël, en ce qu‘il a
consolidé dans l’imaginaire occidental
l’idée d’une barbarie musulmane et
justifier, par ricochet, et
l’intransigeance israélienne et la
phagocytose de la Palestine et l’arabophobie
et l’islamophobie dans les pays
occidentaux.
Si La prophétie est
divine, son interprétation est humaine.
La chrétienté a purgé le passif des
guerres de religions et la
réconciliation s’est opérée entre
Catholiques, Orthodoxes et Protestants,
entre Juifs et chrétiens. Ne subsiste
que la guerre sunnite chiite qui
tétanise l’ensemble arabo musulman.
Le Monde arabe ne
constitue pas, loin s’en faut, un
groupement ethnique homogène: Machreq-Maghreb,
Arabes-Kabyles-Kurdes,
Chrétiens-Musulmans, Sunnites-Chiites
relèvent de la même géosphère culturelle
du Monde arabe, majoritairement
musulmane, majoritairement sunnite,
majoritairement arabophone.
Ce fait irréfutable
se doit d’être pris en compte par le
leadership sunnite et le conduire à
dépasser les clivages historiques pour
atteindre un «seuil critique» à l’effet
de peser sur les relations
internationales et de conduire le Monde
arabe vers sa renaissance et non de le
précipiter vers un déclin irrémédiable.
La constitution
d’une masse critique impulserait une
dynamique à l’effet d’induire une
structure paritaire dans ses rapports
avec l’Europe, et partant, des rapports
d‘égalité entre les deux rives de la
Méditerranée.
La caste
intellectuelle arabe et musulmane de la
diaspora occidentale pâtit lourdement
d’un phénomène de désorientation, la
marque typique de l’acculturation, sur
fond d’une décompression psychologique
et d’une déperdition intellectuelle
morale. Un naufrage humain.
Il lui incombe de
refuser de cautionner la démocratie
formelle représentée par la diplomatie
de la Ligue arabe en ce que le Monde
arabe est captif des pétromonarchies et
le Monde musulman, otage du wahhabisme;
un double handicap qui accentue la
servitude de l’ensemble arabo musulman à
l’ordre atlantiste et le marginalise
dans la gestion des affaires du Monde.
Les monarchies
arabes disposent d’une majorité de
blocage régentant de ce fait le Monde
arabe. Circonstance aggravante, les six
pétromonarchies sont adossées chacune à
une base militaire occidentale, alors
que la Jordanie et le Maroc sont deux
alliés souterrains d’Israël, Les
Comores, un confetti de l’empire
français et Djibouti abrite sur son sol
une base américaine et une base
française.
Ni les
pétromonarchies du Golfe, ni la
Jordanie, ni Djibouti ou les Comores
n’ont mené une guerre de libération dont
l’indépendance a été octroyée par leurs
colonisateurs. Un déséquilibre
structurel calamiteux pour la définition
d’une stratégie du Monde arabe. La quête
du savoir technologique et l’accession à
la modernisation économique ne sauraient
être compatibles avec un autoritarisme à
soubassement rigoriste.
De même la
personnalisation du pouvoir ne saurait,
à elle seule, servir de panacées à tous
les maux de la société arabo musulmane,
ni la déclamation tenir lieu de
substitut à l’impérieuse nécessité d’une
maîtrise de la complexité de la
modernité. Ce qui implique une
nécessaire mais salutaire remise en
cause de la «culture de gouvernement»
dans les pays arabes.
Ce qui présuppose
«une révolution dans la sphère
culturelle», au sens où l’entend Jacques
Berque, c’est à dire «l’action d’une
société quand elle se cherche un sens et
une expression».
Pour
l’intellectuel, un réinvestissement du
champ du débat par sa contribution à la
production des valeurs et au
développement de l’esprit critique. Pour
le citoyen, la conquête de nouveaux
espaces de liberté.
Pour le Monde arabo
musulman, la prise en compte de ses
diverses composantes, notamment ses
minorités culturelles et religieuses,
et, surtout, dernière et non la moindre
des conditions, le dépassement de ses
divisions
In fine, la
fonction d’un bi national n’est pas
d’être le porte-voix de son pays
d’accueil, ni son porte-serviette, mais
d’assumer avec vigueur la fonction
d’interface exigeant et critique. Un
garde-fou à des débordements
préjudiciables du pays d’origine et du
pays d’accueil.
Dans l’intérêt bien
compris des deux camps, le partenariat
bi national se doit de se faire, sur un
pied d’égalité et non sur un rapport de
subordination de l’ancien colonisé, le
faisant apparaître comme le supplétif de
son ancien colonisateur. L’alliance du
Faible au Fort tourne toujours à
l’avantage du Plus Fort.
De la même manière,
le devoir d’un intellectuel arabe et
musulman dans la société occidentale est
de faire conjuguer Islam et progressisme
et non de provoquer une abdication
intellectuelle devant un islamisme
basique, invariablement placé sous les
fourches caudines israélo-américaines.
La plus grande
erreur de l’Occident est d’avoir
toujours voulu coexister avec des
«Arabes domestiqués» dans la plus grande
tradition coloniale.
Trente-six ans
après la «Marche des Beurs pour
l’Egalité», une «Marche pour pour la
dignité a été organisée en France le 17
Mars 2018 pour réclamer une égalité de
traitement. Un éternel recommencement?
Le Monde arabe n’a
pas vocation à servir de défouloir à la
pathologie belliciste occidentale. Et la
communauté arabo musulmane de l’Europe
occidentale et des Etats Unis -en
contact quotidien, permanent et direct
avec la société occidentale-, se doit
d’être le levain et le levier d’une si
nécessaire renaissance du Monde arabe et
Musulman et non la force supplétive des
guerres d’autodestruction du Monde arabe
et de sa prédation économique par le
bloc atlantiste.
Le sommaire de René Naba
Le
dossier Monde
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