MADANIYA
L’extrémisme religieux en Asie et en
Afrique
René Naba
Mercredi 16 septembre 2015
Texte d’une intervention
à la 28 ème session du Conseil des
droits de l’homme – Genève 11 Mars
2015 – Colloque organisé par l’ONG
RADDHO (Rencontre Africaine pour la
défense des Droits de l’Homme).
Colloque tenu sous
l’égide de Biro Diawara, président
du RADDHO et descendant de l’Almamy
Samory Touré fondateur de l’Empire
Wassoulou, chef du combat
nationaliste africain contre la
colonisation française en Afrique de
l’Ouest.
Une spécificité
africaine
Une indépendance tardive et
formelle
L’Afrique est le continent qui a le
plus tardivement accédé à
l’indépendance, particulièrement la zone
subsaharienne. Le Ghana, ancienne Gold
Coast, l’a été en 1957 et la
décolonisation de l’Afrique noire
francophone dans la décennie 1960, sans
la moindre guerre de libération
nationale. Les seules guerres de
libération menées ont été les guerres de
libération des places, les guerres
d’accaparement des palaces et des
limousines.
Nullement le fait de la générosité
française, l’indépendance octroyée d’un
trait aux 13 colonies de l’Afrique
occidentale et centrale française
(Sénégal, Mauritanie, Guinée, Mali, Côte
d’Ivoire, Niger, Gabon, Tchad, Cameroun,
Congo Brazzaville, Haute Volta, Dahomey,
République Centre Africaine) répondait à
des nécessités de survie démographique.
Contrairement à l’Afrique portugaise où
Samora Machel (Mozambique), Holden
Roberto et Augustino Neto (Angola) et
Amicar Cabral (Guinée Bissau) ont
durement croisé le fer contre leur
colonisateur pour accéder à
l’indépendance.
Bien que les statistiques ethniques
soient officiellement bannies en France,
elles n’en sont pas moins intégrées dans
l’ordre subliminal dans les prospectives
stratégiques de la nation. Les pertes de
l’armée française durant la II me guerre
Mondiale (1939-1945), de l’ordre de
100.000 soldats, surajoutées aux pertes
françaises lors de la défaite de Bien
Bien Phu, qui marqua la fin de la guerre
d’Indochine dix ans plus tard, de
l’ordre de 5.000 soldats, aux pertes
françaises dans la guerre d’Algérie, de
l’ordre de 15.000 soldats du contingent…
la blancheur immaculée de la population
française risquait de pâtir à terme de
la pigmentation de l’apport mélanoderme
résultant des besoins en main d’œuvre
d’un pays en phase de reconstruction.
Le lestage de l’empire français s’est
opéré sous couvert d’une Grande
Communauté Franco Africaine, permettant
à la France de concéder une indépendance
formelle à ses anciennes colonies, tout
en maintenant sous contrôle ses
anciennes possessions. Du beau travail
d’équilibriste.
Les figures
emblématiques : « Il y a quelqu’un de
pire qu’un bourreau, son valet »
Mirabeau.
Toutes les figures emblématiques du
combat pour l’indépendance ont été
limogées par leurs compatriotes, sous
traitants des anciens colonisateurs,
quand ce n’est par le colonisateur lui
même qui s’en est chargé, comme ce fut
le cas avec Félix Moumié, le dirigeant
nationaliste du Cameroun (UPC)
empoisonné par l’homme en charge du
dossier Afrique sous la présidence du
Général Charles de Gaulle (1959-1969)
Jacques Foccart en personne.
Il en a été été ainsi de Modibo Keita
(Mali) par le lieutenant Moussa Traoré,
de Thomas Sankara (Burkina Faso) par son
frère d’armes Blaise Compaoré, de
Patrice Lumumba par le sergent Joseph
Désiré Mobutu, agent de la CIA, d’Amadou
Aya Sanogo contre l’ordre républicain de
son pays, le Mali. Aucun putschiste n’a
payé son forfait et Dakar et Abidjan
tendent à devenir le lieu d’échouage des
anciens éléphants de la Franceafrique :
Hissène Habré (Tchad), Amadou Toumany
Touré (Mali), Blaise Compaoré (Abidjan).
Tous les potentats se sont assurés
une police de survie en alimentant la
classe politique française de djembés et
de mallettes de Félix Houphouet Boigny
(Côte d’Ivoire), à Omar Bongo (Gabon), à
Mobutu (Congo Kinshasa) à Denis Sassou
Nguesso (Congo Brazzaville); une
pratique qui perdure près de 60 ans
après l’indépendance, alors que
l’Afrique a fait l’objet de la pus forte
dépossession de l’histoire, de la plus
forte spoliation de l’Histoire.
Sur le plan de
l’Islam : Rationalité cartésienne ou
incohérence mentale ?
À l’ère coloniale, le pouvoir
colonial a combattu les représentants de
l’Islam national, Almamy Samoury Touré
(Guinée/1830-1900) et Ahmadou Bamba
(Sénégal), exilés au Gabon, quand il ne
s’est pas chargé de les soudoyer au
service de sa politique coloniale.
La laicité n’est qu’apparence, un
paravent pour masquer la duplicité de la
politique française. Ainsi, au mépris de
la loi sur la séparation de l’église et
de l’état, la France a institutionnalisé
et instrumentalisé le confessionnalisme
politique au Liban, -système qui prévoit
une répartition des pouvoirs selon les
communautés religieuses-,
institutionnalisé et instrumentalisé le
tribalisme au Cameroun, concluant, en
1905, un arrangement avec la Confrérie
Mouride du Sénégal, autorisant cette
instance représentative d’une fraction
de l’Islam sénégalais à faire le
commerce des arachides en contrepartie
de son soutien à la politique coloniale
française en Afrique, devenant le
principal pourvoyeur en « chair à canon
» des troupes coloniales durant les deux
Guerres mondiales (1914-1918,1939-1945).
À l’indépendance, le pouvoir post
colonial, sur l’incitation de son ancien
tuteur français, a favorisé un
rapprochement avec les pétromonarchies
du golfe pour faire barrage au marxisme
à l’apogée de la guerre froide
soviéto-américaine. Une politique
amorcée dans la foulée de la 3eme guerre
israélo-arabe d’octobre 1973, dans le
prolongement du boom pétrolier et de la
rupture collective des relations entre
l’Afrique et Israël.
Sous l’effet du mirage pétrolier et
des conseils de la firme pétrolière
française ELF, Bernard Albert Bongo est
ainsi devenu Omar Bongo et le Gabon
francophone s’est mué en grande oreille
de la France au sein de l’OPEP, le
cartel anglophone des pays producteurs
de pétrole, (Organisation des Pays
Exportateurs de Pétrole). À son tour, la
Finance islamique fait son apparition
sur le marché africain pour suppléer la
France en phase de chômage structurel et
de « charter de la honte », avec son
cortège de Madrassas, de banques
islamiques et de prosélytisme religieux,
selon le rite wahhabite.
Cinquante trois millions de Coran ont
été distribués gracieusement par
l’Arabie saoudite en Asie, en Afrique et
en Europe dans la décennie 1970-1980, au
plus fort du djihad afghan. Un vingtaine
de dirigeants de la Confrérie des Frères
Musulmans, dont Ayman al Zawahiri, le
successeur d’Oussama Ben Laden, à la
tête d’Al Qaida, bénéficiaient à cette
époque d’un droit de cité dans les
principales villes européennes.
La ré-islamisation des communautés
immigrées d’Europe occidentale,
-politique connue sous le nom pudique de
« réappropriation de la culture
d’origine »-, a été menée directement
par l’Arabie saoudite, de concert avec
le pacte atlantiste, afin de faire
barrage à la propagation du communisme
dans les franges immigrées de la
population expatriée, de l’ordre de 12
millions de personnes à l’époque, et de
freiner leur insertion dans les partis
et mouvements syndicaux contestataires
de l’ordre capitaliste et atlantiste
(Parti communiste, CGT).
La décapitation des dirigeants
emblématiques du continent, la
neutralisation des représentants
authentiques de l’islam noir a privé
l’Afrique d’anti-corps en mesure de
doter le continent d’un système
immunitaire efficace face à la
subversion téléguidée à distance et
attisée par la gangrène locale.
Un interminable
cauchemar
L’indépendance des pays africains
dans la décennie 1960 avait été saluée
comme la fin d’une longue nuit
d’oppression, fondatrice d’un
comportement d’exemplarité, la sanction
de l’échec du système des valeurs
occidentales et de l’humanisme blanc.
Quel interminable cauchemar. 79 coups
d’états en Afrique entre 1960 à 1990,
les trente premières années de son
indépendance, 79 coups de force au cours
desquels 82 dirigeants ont été tués ou
renversés, selon le recensement établi
par Antoine Glaser et Stephen Smith dans
leur ouvrage « Comment la France a perdu
l’Afrique » Éditions Calmann-Lévy 2005.
Des dirigeants caricaturaux ancrant
dans l’imaginaire du Monde les pires
poncifs sur les « Nègres » : Un caporal
de police, John Gideon Okello,
autopropulsé Maréchal de son pays,
sabrant au passage près de 20.000 arabes
de son royaume du Zanzibar avant de se
faire absorber par le Tanganyika pour
constituer la Tanzanie ; un ancien
sergent de l’armée britannique, Idi
Amine Dada, autoproclamé Maréchal de
l’Ouganda, avant de sombrer dans le
ridicule de ses frasques ; un
sous-officier de l’armée française, Jean
Bedel Bokassa, s’intronisant Empereur
dans une cérémonie aux fastes
désuètement coûteux ; un autre sergent,
Joseph Désiré Mobutu, sous-traitant de
la CIA, fossoyeur de Patrice Lumumba,
amassant une fortune de près de 40
milliards de dollars, équivalente à la
dette publique de son pays, la
République Démocratique du Congo,
interdit de séjour, en fin de vie,
suprême infamie, en France, par une
classe politique, qu’il a nourrie
pendant ses 40 ans de règne.
Un « indic patenté » Charles Taylor,
espionnant ses pairs africains pour le
compte des services américains,
instrumentalisant des enfants
combattants pour le pillage des diamants
de son sous-sol ; un présumé « sage de
l’Afrique », ancien compagnon de routes
des communistes, entretenant à grand
frais ses anciens colonisateurs, ruinant
son pays dans de pharaoniques projets,
édifiant sur place la copie conforme de
la basilique Saint Pierre de Rome, le
siège du Souverain Pontife, plutôt que
de valoriser l’architecture africaine
dans son génie créateur ; le lieutenant
Moussa Traoré, écumant d’ambition au
point de déboulonner de sa haute stature
morale le père de l’indépendance
malienne, Modibo Keita.
Un ancien économiste marxisant, le
sénégalais Abdoulaye Wade, transformé en
chantre de l’ultra libéralisme prédateur
; un président off shore, Paul Biya,
gouvernant son pays à distance, neuf
mois par an, préférant à la chaleur de
son Cameroun natal, le froid glacial des
cimes enneigés de la Suisse, des
dynasties républicaines maintenues au
forceps par la France ; au Gabon, où Ali
Bongo succède à Omar, malgré le verdict
des urnes, au Congo Kinshasa, où Joseph
Kabila succède à Laurent, sans autre
forme de procès.
Une foire de cocagne : des châteaux
en Espagne, des parcs de limousines
rutilantes en France. Une foire
d’empoigne : des guerres interethniques
et des assassinats inter-tribaux. 18
coups d’état en 30 ans sur fond
d’évaporation de recettes, de fonds
vautour et de profond mépris du peuple.
Entrer dans l’Histoire, selon le schéma
français ? Trop peu pour l’Afrique qui
mérite mieux et plus. Quelle abomination
et quelle honte à l’Afrique de nourrir
ses anciens bourreaux ! Cinq siècles
d’esclavage pour un tel résultat.
Pour continuer à entretenir à grands
frais l’un de ses colonisateurs les plus
implacables, la France, l’un de ses
tortionnaires les plus effrontés, Jean
Marie Le Pen. Sans la moindre pudeur
pour les victimes de la traité négrière,
de l’esclavage, des zoos ethnologiques…
les bougnoules, les dogues noirs de la
République ? Gabon, Congo, Côte
d’Ivoire, Sénégal, Guinée équatoriale.
Drôle de riposte que de cracher au
bassinet lorsqu’on vous crache sur la
gueule. Qu’il est loin le temps béni des
Mau Mau du Kenya. À vomir ces rois
fainéants, dictateurs de pacotille de
pays de cocagne.
La honte ! Vénalité française et
corruption africaine, combinaison
corrosive, dégradante pour le donateur,
avilissante pour le bénéficiaire. 400
milliards évaporés en 35 ans du
continent africain vers des lieux
paradisiaques, de 1970 à 2005, en
superposition aux 50 milliards de
dollars au titre des intérêts de la
dette, des Djembés et des mallettes,
selon les estimations de la CNUCED.
Jamais la Françafrique, le plus
extraordinaire pacte de corruption des
élites françaises et africaines à
l’échelle continentale, n’a autant
mérité son nom de « France à fric », une
structure ad hoc pour pomper le fric par
la vampirisation des Africains pour la
satisfaction de la veulerie française.
Aberrant et Odieux.
Qu’attendent donc les Africains pour
dégager leurs dirigeants fantoches,
pourris parmi les plus pourris. Pas plus
difficiles à dégommer que Moubarak et
Ben Ali. Surtout pas à l’aide de l’Otan,
la coalition de leurs anciens bourreaux,
mais à la sueur de leur front, avec les
larmes des patriotes et leur sang, pour
sceller définitivement la reconquête de
la dignité de l’Afrique.
Strate parasitaire et obséquieuse.
Ventouses et vampires plus vrais que
nature, plus conformes à la réalité. En
toute impunité. Sans aucune pudeur, sur
fond de quadrillage en douceur de
l’Afrique à coups de sigle abscons
Recamp, Eurofor, Serval…
Seul échappe au discrédit général,
Pretoria, le nouveau pôle de référence
morale de l’Afrique du fait de
l’imposante stature de Madiba Invictus,
« maître de son destin, capitaine de son
âme », Nelson Rolihlahla Mandela, le
tombeur de l’apartheid, le fondateur de
la nation arc en ciel, le vainqueur
moral de l’Occident par KO technique,
l’exemple impératif à suivre pour la
génération de la relève africaine.
En 2003, le nombre des millionnaires
en dollars, tous pays confondus, s’est
élevé à 7,7 millions de personnes, soit
une progression de 6 % par rapport à
2002, ce qui signifie que 500.000
nouveaux millionnaires en dollars
avaient émergé en l’espace d’un an. En
Afrique, durant cette même période, le
nombre des millionnaires en dollars
avait doublé par rapport à la moyenne
mondiale, alors qu’il est de notoriété
publique que sur le continent africain
l’accumulation des capitaux est faible,
les investissements publics
quasi-déficients et le produit de
l’impôt quasi-inexistant. L’Afrique
comptait en 2003, cent mille
millionnaires en dollars, en
augmentation de 15 pour cent par rapport
à 2002 et détiennent, en cumul, des
avoirs privés de l’ordre de 600
milliards de dollars.
Du discours
djihadiste en Afrique
Contrairement à l’Asie où la
subversion djihadiste est endogène, en
Afrique, elle est exogène, Un produit
d’exportation. En Asie (Afghanistan,
Pakistan, Irak, Syrie),
l’instrumentalisation de l’islam comme
arme de combat d’abord contre l’athéisme
soviétique durant la guerre
d’Afghanistan, (1980-1989), puis lors du
mal nommé « printemps arabe »
(2011-2015) contre les régimes
républicains arabes, a été le fait des
pétromonarchies discréditées, en
coopération avec le bloc atlantiste, en
vue de la survie de leurs régimes
décriés.
Au delà de ses dérives de type
terroriste, des prises d’otage et du
narco trafic, générateurs de subsides,
le discours des groupements islamiques
(AQMI, BOKO HARAM) n’est pas décousu. Il
est diffluent et renvoie à des blessures
internes, en résonance avec les
cicatrices béantes du continent, dont
les Africains pâtissent dans leur chair
et qui demeurent dans l’ordre de
l’informulé.
La connectivité extrême et intense
entre les blessures africaines et les
revendications des groupements
islamistes, exacerbées par la démission
des élites et le pacte de corruption de
la Francafrique expliquent leur «
sur-réactivité » dans une sorte de
réaction catarcystique.
L’Afrique, en effet, est créancière
de l’Occident. Moralement par la traite
négrière, militairement par sa
contribution aux deux guerres mondiales,
(1914-1918,1939-1945) de l’ordre de près
d’un million de combattants, dont
200.000 morts.
Et ce n’est pas Serval, en riposte à
la déstabilisation du pré carré de la
France par le meilleur ami pétromonarque
de l’ancienne puissance coloniale, le
Qatar, qui exonéra la France de sa dette
à l’égard du Mali, le plus fort
contingent des troupes coloniales, avec
l’Algérie, sur le front européen durant
les deux Guerres Mondiales (1914-1918,
1939-1945).
À l’indépendance de l’Afrique, le
Sénégal, pays qui compte 94 % de
musulmans, élisait à la magistrature
suprême un chrétien, Léopold Sedar
Senghor, indice d’une grande maturité
politique et d’esprit de tolérance.
60 ans après, sous couvert de religion,
la compétition bat son plein entre
Israël et la Confrérie des Frères
Musulmans, au Sénégal, en vue d’assurer
une sphère d’influence dans l’arrière
cour de l’Europe.
http://www.madaniya.info/2015/02/23/senegal-sous-couvert-de-religion-la-competition-entre-israel-et-les-freres-musulmans-sur-le-plan-politique/
L’islam confrérique, lui-même, n’est
plus désormais à l’abri de certaines
dérives. Ainsi, les mourides, la plus
puissante des confréries du Sénégal, ont
constitué un véritable État dans l’État
à Touba, leur ville sainte qui compte
près d’un million d’habitants. Dans
cette « cité radieuse », les cinémas
sont interdits, ainsi que la musique non
religieuse. Les écoles de la République
de ce pays officiellement laïc sont
elles aussi interdites. Le football n’a
pas davantage droit de cité.
L’Europe n’a jamais pardonné à
l’Islam la conquête de la rive
méridionale de la Méditerranée et de la
rive sud de l’Atlantique. Il n’est pas
indifférent de noter que la découverte
de l’Amérique en 1492 a été suivie 17
ans plus tard par la conquête du
Sénégal, afin de s’assurer de la
sécurité de la navigation
transatlantique à un moment où la
navigation maritime était la principale
voie de ravitaillement de la Métropole
Europe par les colonies d’Amérique
Latine.
Cinq siècles plus tard, la France, en
perte de vitesse, opère désormais en
tandem avec Israël pour préserver son
pré-carré africain. Israël, qui a
transposé à l’Afrique son expérience de
la colonisation de la Palestine,
s’emparant en terre africaine d’une
superficie vingt fois supérieure à la
surface de la Palestine par des achats
de terre en Guinée (Mont Simango), en
Sierra Leone au Congo Kinshasa.
Le djihadisme
planétaire sous produit de la
mondialisation
Le Djihad a pris une dimension
planétaire conforme à la dimension d‘une
économie mondialisée par substitution
des pétromonarchies aux caïds de la
drogue dans le financement de la contre
révolution mondiale. Dans la décennie
1990-2000, comme dans la décennie 2010
pour contrer le printemps arabe.
Symbole de la coopération saoudo
américaine dans la sphère arabo
musulmane à l’apogée de la guerre froide
soviéto-américaine, le mouvement
d’Oussama Ben Laden avait vocation à une
dimension planétaire, à l’échelle de
l’Islam, à la mesure des capacités
financières du Royaume d’Arabie. Si la
Guerre du Vietnam (1955-1975), la
contre-révolution en Amérique latine,
notamment la répression anti castriste,
de même que la guerre anti soviétique
d’Afghanistan (1980-1989) ont pu être
largement financés par le trafic de
drogue, l’irruption des islamistes sur
la scène politique algérienne, dans la
décennie 1990, signera la première
concrétisation du financement pétro
monarchique de la contestation populaire
de grande ampleur dans les pays arabes.
Dommage collatéral de ce rapports de
puissance, l’Algérie en paiera le prix,
le premier, en ce que ce pays
révolutionnaire, allié de l’Iran et de
la Syrie, le noyau central du front de
refus arabe, évoluait en électron libre
de la diplomatie arabe du fait de la
neutralisation de l’Égypte par son
traité de paix avec Israël et de la
fixation de la Syrie dans la guerre du
Liban.
Les Islamistes algériens joueront
toutefois de la malchance en ce que le
déploiement de troupes occidentales,
-dont 60 000 soldats juifs américains-,
à proximité des Lieux Saints de l’Islam,
dans la région occidentale du royaume, à
l’occasion de la première guerre anti
irakienne du Golfe, en 1990, les placera
en porte à faux avec leurs bailleurs de
fonds, contraignant leur chef Abassi
Madani à prendre ses distances avec les
Saoudiens.
Au titre de dommage collatéral, le
débarquement des « forces impies » sur
la terre de la prophétie constituera le
motif de rupture entre Oussama Ben Laden
et la dynastie wahhabite.
L’instrumentalisation de l’Islam
comme arme de combat politique, en tant
qu’anti dote au nationalisme arabe anti
américain, dans la foulée de l’incendie
de la Mosquée d’Al Aqsa (1969), a
entraîne un basculement du centre de
gravité du Monde arabe de la rive
méditerranéenne vers le golfe,
c’est-à-dire des pays du champ de
bataille vers la zone pétrolifère sous
protectorat anglo-américaine. Avec pour
conséquence, la substitution du mot
d’ordre de solidarité islamique à celui
mobilisateur d’unité arabe ainsi que le
dévoiement de la cause arabe,
particulièrement la question
palestinienne, vers des combats
périphériques (guerre d’Afghanistan,
guerre des contras du Nicaragua contre
les sandinistes), à des milliers de km
de la Palestine, et dans l’époque
contemporaine à des guerres contre les
pays arabes eux-mêmes (Libye, Syrie) ou
des pays africains (Nord Mali).
Une analyse de Jean
François Bayart sur le salafisme en
Afrique
Si le salafisme a le vent en poupe,
c’est au même titre que le pentecôtisme
est en progression vis à vis de l’église
catholique. Celui-ci connaît une très
forte expansion dans le golfe de Guinée,
ce que l’on oublie souvent de rappeler
quand on parle de l’essor du fait
religieux en Afrique. Cette combinatoire
entre salafisme musulman et pentecôtisme
chrétien est particulièrement évidente
au Nigeria. De surcroît, en Afrique,
l’islam apporte une réponse à des
problèmes sociaux. Il permet de dépasser
les clivages liés à l’origine des
individus. Les poids des castes ou de
l’esclavage est encore très prégnant
dans toute la région. Au début du XXe
siècle, dans certaines régions du Mali,
50% de la population était captive.
L’islam par ailleurs a servi de
réponse aux conséquences des politiques
d’ajustement structurel des années 1990
qui ont dévasté les systèmes sociaux :
l’école et la santé publique en Afrique.
Les populations se sont alors retournées
vers les institutions de substitution
financées par les monarchies du Golfe.
La charia a apporté une réponse
juridique dans des pays ou des régions
confrontés à la corruption, à
l’arbitraire ou à l’absence de l’État :
Au Nigeria, l’armée et la police sont
responsables d’un très grand nombre
d’exactions à l’encontre de la
population.
Et dans le nord du Mali, une partie
des habitants a dans un premier temps
accueilli favorablement l’arrivée des
groupes islamistes comme Ansar Eddine ou
le Mujao.
Au Nigeria, Boko Haram, un mouvement
qui s’inscrit dans la tradition
millénariste locale, s’appuie sur une
base sociale d’anciens esclaves, de
populations très pauvres et à
demi-lettrées. Ansar Eddine et le Mujao
ont été investis par des chefs de
lignage touaregs, aussi bien que par des
citadins ou des paysans du nord du Mali
et par des islamistes mauritaniens.
Enfin, dernier et non le moindre des
facteurs à l’expansion djihadiste est le
business des otages favorisé parles
rançons des occidentaux ainsi que le
trafic de drogue.
Il est de notoriété publique que la
politique de prohibition de la drogue
menée par les pays occidentaux a échoué,
créant une rente qu’exploitent tout
naturellement des opérateurs
économiques. Le risque est celui d’une
« mexicanisation » ou d’une « colombanisation »
de l’Afrique de l’Ouest : des réseaux
criminels deviendraient paramilitaires
et menaceraient de gangréner l’État, et
des mouvements armés se transformeraient
en organisations criminelles.
Fin de citation…
Pour en savoir plus sur la
thèse de Jean François Bayart :
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/pourquoi-l-islam-et-le-djihadisme-s-etendent-en-afrique_1223646.html#ea66XmMLRciOkybb.9
Une politique de courte de vue
engendre des résultats de courte portée…
avec de lourdes conséquences sur le long
terme. À l’entame du XXI me siècle, le
monde musulman, particulièrement sa
sphère arabe, est en pleine ébullition.
Le terrorisme sous couvert du Djihad est
en propagation constante.
Un mouvement pour l’instant reste
essentiellement anthropophage en ce que
les victimes sont dans leur
quasi-totalité des musulmans : un
million de morts lors de la guerre
Irak-Iran (1979-1989), 100 000 morts en
Algérie durant la décennie 1990, 200 000
morts en Irak (2003-2008), davantage
encore au Darfour, en Somalie, en Libye,
en Syrie, en Égypte, en Irak, au Liban
et au Pakistan.
60% des canaux islamistes incitent à
la haine et à la violence faisant de
l’émetteur un participant actif à
l’exacerbation des antagonismes, alors
que parallèlement les violations des
droits de la presse ont décuplé durant
la dernière décennie et qu’une
banalisation de l’état d’exception s’est
généralisé, selon les indications
fournies lors d’un colloque sur « La
protection des journalistes en zone de
conflit » tenu à Genève le 18 avril 2014
sous l’égide de l’Institut Scandinave
des Droits de l’Homme. Face à cette
formidable puissance de feu médiatique,
au regard de sa propre histoire, le
continent ayant fait l’objet de la plus
forte dépossession avec l’Amérique
latine et l’Océanie, l’Afrique se doit
de forger ses propres repères, faire
prévaloir son authenticité et sa
spécificité, de s’immuniser des dérives
mortifères, en guise d’antidote à cinq
siècles d’esclavage, de traite négrière,
d’exploitation.
Les repentances répétitives sont de
peu de valeurs face à une thérapie qui
fasse œuvre de prophylaxie sociale. Les
blessures de l’Afrique doivent être
pansées par elle-même. Le constat de ses
troubles de comportement par ses propres
fils, de même que ses remugles. Le
combat contre l’extrémisme religieux en
Afrique passe par un combat pour la
réhabilitation de soi, par la
réhabilitation par soi même de l’homme
africain.
Pour aller plus loin
À propos des relations entre
l’Europe et l’Afrique :
http://www.monde-diplomatique.fr/2008/01/RAMONET/15490
http://www.monde-diplomatique.fr/2014/09/BERTHELOT/50757
http://www.ictsd.org/bridges-news/passerelles/news/comment-le-deal-sur-les-ape-en-afrique-de-l%E2%80%99ouest-a-t-il-%C3%A9t%C3%A9-obtenu
Le Monde arabe face au
phénomène de la mondialisation :
http://www.madaniya.info/2015/02/09/le-monde-arabe-face-au-phenomene-de-la-mondialisation/
À propos du rôle positif de
la décolonisation :
Déconstruction des mythes fondateurs
de la grandeur française
http://www.renenaba.com/a-propos-du-role-positif-de-la-colonisation/
© madaniya.info -
Tous droits réservés.
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
Les dernières mises à jour
|