MADANIYA
France-Algérie : Comment l’école
orientaliste française
a exclu Frantz
Fanon du champ scientifique français ?
Abdelalim
MEDJAOUI
Vendredi 15 mai 2020
Ce papier est dédié
à Frantz Fanon, psychiatre martiniquais,
de nationalité française, puis
algérienne pour son éminente
contribution à la guerre d’indépendance
de l’Algérie, dont il fut son premier
ambassadeur au Ghana. Fondateur du
courant de pensée tiers mondiste, il est
l’auteur du mémorable ouvrage «Les
Damnés de la Terre», la bible des
révolutionnaires du tiers monde. Ce papier est
publié à l’occasion de la commémoration
du 75eme anniversaire des massacres des
Algériens de Sétif et de Guelma, par
l‘armée française, le 8 mai 1945, le
jour même de la célébration de la
victoire contre le nazisme, à laquelle
les troupes de l’outre-mer colonial ont
contribué via la «Première Armée
d’Afrique» et la reconquête de la
Provence; une contribution décisive qui
permit à la France de se maintenir au
rang de grande puissance.
L’auteur :
Abdelalim Medjaoui: Ancien Moudjahid de
la Wilaya III- Secteur d’Al Soummam,
ancien collaborateur au journal Alger
Républicain». Etudiant en médecine de
1954 à 1957, Abdelalim MEDJAOUI a dû
interrompre ses études à son arrestation
en 1959, alors qu’il avait rallié la
guérilla algérienne où il officiait au
service médical de l’Armée de Libération
Nationale algérienne. Condamné à 5 ans
de prison, Abdelalim MEDAJAOUI a été
libéré en 1961, à la veille de
l’Indépendance de l’Algérie. Membre du
parti communiste algérien, il revendiqua
son appartenance à ce parti clandestin,
en 1989, au moment de la première grande
crise du régime. Il sera par la suite
chroniqueur au journal «Alger
Républicain».
La Wilaya
III historique est l’une des
sept wilayas de la guerre
d’Algérie située dans la Kabylie. Parmi
ses dirigeants figuraient les
personnalités suivantes : Krim Belkacem,
Saïd Mohammedi, Mohand Ameziane
Yazourene, Amirouche Aït Hamouda,
Abderrahmane Mira, Mohand Oulhadj.
Pour mémoire
«Sa pensée
retentit aujourd’hui sur des continents
entiers avec une force telle qu’il est
devenu impossible (ou extrêmement
suspect), traitant des problèmes du
Tiers-Monde, de n’y pas faire au moins
quelque allusion… » Francis
Jeanson, «Reconnaître Fanon», Postface à
Peau noire, masques blancs,
1965.d
Juste après la
parution des Damnés de la terre
en 1961, l’indépendance de l’Algérie –
qui en confirme la thèse centrale – est
saluée par La Nuit coloniale de
Ferhat Abbas, édité chez Julliard en
1962, puis par Dépossession du monde
de Jacques Berque, paru chez Le Seuil en
1964.
De cette belle
œuvre, l’auteur de préciser : Ce n’est
qu’après l’indépendance de l’Algérie que
j’ai écrit Dépossession du monde.
C’était l’idéologie, mais explicitée
après coup, de ce qui avait guidé mon
action durant cette guerre, et que je ne
voyais pas moi-même alors comme je l’ai
vu depuis, une fois atteint
l’objectif. »[1]
1 –
Décolonisation et révolution sociale:
Frantz Fanon et Jacques Berque.
Dans une précédente
étude[2],
nous avons sollicité à profusion cette
œuvre de Jacques Berque en estimant,
ainsi que nos lecteurs, pensons-nous,
qu’il y a donné – notamment dans le
chapitre « Valeurs de la
décolonisation » , une des analyses les
plus remarquables du phénomène de la
colonisation et de sa négation, la
décolonisation.
Il est arrivé à
condenser l’idée des forces qui ont
permis le succès de Novembre,
dans la formule saisissante suivante :
«Ce qu’on peut
dire, en tout cas, c’est que la guerre
d’Algérie aura fait ressortir, de façon
inattendue pour certains, mais qui
confirme la thèse ici soutenue, un rôle
majeur de la croyance, de la
femme et du paysan,
c’est-à-dire une activation du muet,
du secret et du fondamental. »[3]
(Cnqs)
Par cette formule,
Berque rejoint l’analyse de Fanon qui
avait, lui aussi, mis en exergue les
forces motrices – paysans, femmes – du
mouvement qui a pulvérisé « l’Algérie
française ». Cependant…
Pour Fanon, le
paysan est la force
révolutionnaire en œuvre dans le
mouvement de décolonisation définie
comme l’« exigence d’une remise en
question intégrale de la situation
coloniale ». Et l’action de cette force
induit dans la société des changements
révolutionnaires, notamment dans la
famille, par l’émergence et l’engagement
remarqué de la femme dans la lutte ; et
dans la société par l’attitude nouvelle
face au progrès technique et
scientifique, rejeté auparavant comme
personnification de l’ennemi colonial.
Évidemment, Fanon
tranche théoriquement et dans les faits,
en faveur du paysan, en tant que damné
de la société n’ayant que son
« indigénéité » à perdre ; alors que le
travailleur (dans les usines ou les
services de la colonie), contrairement à
son homologue européen, ne peut tenir ce
rôle puisqu’il a trop à perdre de ses
acquis socioéconomiques, sinon
politiques, liés à la place nécessaire
qu’il occupe dans le fonctionnement du
système colonial…
Berque, nous
l’avons vu, apprécie aussi le rôle du
paysan, mais… pour se démarquer de la
démarche théorique de Fanon. « Le
petit paysan, dit-il, le fils du
fellah, en général l’homme du
bled, auront été de cette guerre,
des participants parmi les plus
énergiques. Certes, il ne manque pas à
cela de raisons « révolutionnaires »,
que l’avenir déploiera.
Et il est un peu
rapide d’opposer cette initiative à la
prétendue inertie d’autres éléments
sociaux précédemment plus combatifs, le
prolétariat urbain par exemple. Fanon
l’a fait*. Nous ne pouvons le suivre sur
ce terrain à défaut d’investigations
qui, à notre connaissance, n’ont pas
seulement été commencées. »[4]
Il donne, en note,
la référence au pas de trop fait (*),
selon lui, par Fanon (Les Damnés de
la terre, 1961, p. 46 sq., 97
sq.). Et pour enfoncer le clou du haut
de son autorité scientifique et
intellectuelle, il ajoute les
indications suivantes: «Cf. pour un
exposé plus historique, Amar Ouzegane,
Le Meilleur combat, 1962, 1ère
partie. Abdoulaye Ly, Les Masses
africaines et l’actuelle condition
humaine, 1956, p. 55 sq., considère
que la paysannerie russe a fait les
frais de la révolution. Résurgence
perpétuelle du Narodnik ! »
En plus d’opposer à
Fanon deux auteurs africains, il ajoute
la petite remarque « assassine » sur le
Narodnik. Pour rappel, le Narodnik est
un populiste (russe) partisan du
socialisme agraire, dont le mouvement
s’est illustré dans les années
prérévolutionnaires 1860 : la
révolution, en Russie, a dû le dépasser
pour réussir avec Lénine.
Par cette allusion
au Narodnik, J. Berque laisse plus
qu’entendre que les prétentions
théoriques de Fanon sur le caractère
révolutionnaire de la paysannerie
relèvent d’un romantisme d’autant plus
dépassé qu’il prône la violence
condamnée déjà du temps des bolcheviks
comme dangereuse pour la Révolution.
Pour appuyer sa
position, Berque a étudié[5]
ce qu’il a appelé les « deux événements,
ou rétablissements : celui de l’humanité
coloniale et celui de l’humanité
prolétarienne », tendant à réparer le
déni des droits de l’homme lié au
phénomène de l’aliénation inhérent à la
domination du système impérialiste sur
le monde.
«Dans les
métropoles industrielles, dit-il,
prolétaires et déracinés récupèrent
jusqu’à un certain point, la richesse
qu’ils créent. Le paysage qui se
transforme autour d’eux est leur œuvre
après tout. Ils sont aliénés, déracinés,
mais non pas dénaturés. Or c’est ce qui
arrive à l’indigène quand la puissance
étrangère accapare sa nature à lui, en
détache sa culture, et le dénomme,
significativement, « primitif » ou
« naturel », parce qu’il n’est plus
qu’objet de la culture des autres. »
Revenant ailleurs
sur cette même idée, il en tire la
conclusion suivante: «Cette distinction
est d’une grande importance théorique et
pratique. Notre temps constate une
solidarité de fait entre la révolution
sociale et la décolonisation.
Mais, ajoute-t-il,
quiconque entendrait dépasser en
l’espèce le plan de la métaphore
sentimentale et de la controverse
politique, affronterait un formidable
problème à la fois historique et
philosophique. Celui d’analyser l’unité
et la différence de ce double processus.
Cette analyse, dont est justiciable, en
définitive, le débat russo-chinois, n’a
pas encore été suffisamment poussée, que
l’on sache… »
Pour rappel encore,
cette controverse politico-idéologique a
opposé les partis communistes chinois et
soviétique et les deux puissances
communistes mondiales sur la façon de
conduire la lutte pour le socialisme.
Le PC chinois (Mao)
a, justement en tant que parti menant
une lutte de libération anticoloniale,
estimé que la théorie marxiste –
l’économie politique telle que
développée à partir des réalités
européennes – ne pouvait éclairer le
chemin de la révolution en Chine et dans
les pays non européens ; notamment la
théorie et le concept de « mode de
production asiatique », développés par
Marx lui-même.
Et dans les
premiers temps, le PCUS reconnaissait
cette spécificité… Les déboires
économiques du « grand bond en avant »
et ceux politico-idéologiques de la
« Révolution culturelle » avaient semblé
disqualifier les prétentions chinoises.
Mais de telles exigences et leur prise
en charge se sont exprimées dès la
conférence de Bandoeng…
Et il est revenu à
Frantz Fanon d’élaborer dès ces années
1950, à partir de sa position de
colonisé, une autre grille de lecture
que celle des orientalistes les plus
bienveillants à l’égard de la libération
des peuples colonisés. Comme Berque, par
exemple.
Par son engagement
tout entier dans notre guerre de
libération – qui affronte une
« prolongation dramatique de la mission
impériale occidentale »[6]
dans notre région – Fanon produit un
savoir scientifique nouveau… dont Sartre
salue[7],
sur-le-champ, le bien fondé, mais que
Berque raille en 1964, en lui opposant
sa belle analyse de la décolonisation,
plus en coquetterie avec le marxisme…
Face à cette
autorité dominante de Berque, Fanon
n’avait aucune chance de faire école
dans le champ sociologique français et
de sa succursale algérienne.
Jusqu’à présent, il
y reste inaudible, quasiment absent… Et
quand Berque ajoute l’argument de
l’insuffisance d’analyse du « débat
russo-chinois », il ferme encore plus le
champ scientifique devant Fanon…
Cette hostilité
polie de Berque à l’encontre de Fanon et
de son effort théorique peut s’expliquer
par le fait que Berque défend là son pré
carré.
Il a une si grande
intimité avec ce Maghreb où il est né et
a fait presque toute sa carrière, avec
cette Algérie qu’il aime et dont il
dénonce, comme il peut, les méfaits de
la colonisation qui la frappent[8] ;
il a accumulé un savoir si précis et une
si profonde connaissance de la société
algérienne qu’il s’estime posséder un
savoir que ce psychiatre à peine
débarqué dans le pays ne pourra jamais
acquérir par lui-même…
Prétentions
légitimes… Sauf qu’il oublie ou ne tient
pas compte du fait que Fanon est un
colonisé – et doublement, peut-on
dire, puisqu’il est noir – et que de ce
fait, ce qui est l’objet des recherches
pour le sociologue orientaliste Berque,
Fanon le psychiatre colonisé le vit
profondément et il est scientifiquement
bien armé pour l’analyser.
Ce qui ajoute à
l’autorité de Berque, c’est que comme
l’a relevé Edward Saïd, dans
L’Orientalisme[9],
toute l’œuvre de Berque est marquée par
une «identification aux « forces
vitales »» qui inspirent son étude de
notre société, (p. 297) ; il y fait
« preuve, d’abord d’une sensibilité
directe à la matière qui s’offre à
[lui], puis d’un examen continuel de
[sa] propre méthodologie et de [sa]
propre pratique, d’une tentative
constante pour que [son] travail réponde
à la matière et non à des doctrines
préconçues. » (p. 352).
2 – «Ils ne sont
pas sortis de l’auberge…
Franz Fanon et
Francis Jeanson : «Reconnaissance de
Fanon».
C’est sans doute
face à cet ostracisme que Francis
Jeanson s’est cru obligé, en hommage à
Fanon, de produire en 1965, une postface
à Peau noire, masques blancs[10],
texte-hommage à l’auteur, où il affirme
que: «sa pensée retentit aujourd’hui sur
des continents entiers avec une force
telle qu’il est devenu impossible (ou
extrêmement suspect), traitant des
problèmes du Tiers-Monde, de n’y pas
faire au moins quelque allusion » !
- Jeanson fait
constater, en le citant, que «ce
n’est point […] un adversaire qui
nous parle», lui qui reconnaît que:
« »L’Europe a fait ce qu’elle devait
faire et somme toute elle l’a bien
fait ; cessons de l’accuser mais
disons-lui fermement qu’elle ne doit
plus continuer à faire tant de
bruit. Nous n’avons plus à la
craindre, cessons donc de
l’envier. » »
Proposition que
Fanon précise par l’exhorte suivante :
« Pour l’humanité, camarades, nous
devons tourner la page, nous devons
élaborer de nouveaux concepts et essayer
de mettre sur pied un homme nouveau ».
- Jeanson défend
Fanon, son engagement militant et
son œuvre théorique dont il
« épingle », dit-il, « quelques
passages, à regret parmi tant
d’autres qu’il faudrait aussi
relire » pour donner une idée du
souffle révolutionnaire qui l’anime,
pour montrer la continuité de la
démarche, de Fanon-l’Antillais (Peau
noire, masques blancs), qui
pose, là, un diagnostic, à
Fanon-l’Algérien (Les Damnés de
la terre) – qui propose, là, une
thérapie.
- Jeanson
s’autorise une autocritique
concernant l’attitude de la science
métropolitaine envers les
« fanoniennes « chimères » », que
« nous ne devrions pas nous hâter de
stigmatiser », dit-il, « au nom de
la réalité benbelliste… ».
Car « il m’apparaît
de plus en plus que nous passons notre
temps, nous autres Européens, à jouer à
cache-cache avec les réalités – au
nom de notre idée de la
Révolution : quand il s’agit de nous, ce
n’est pas le moment ; quand il s’agit
des autres, ce n’est point ainsi
qu’il eût fallu s’y prendre. Et pour
nous en tenir au cas des Algériens, Dieu
sait toutes les déceptions qu’ils nous
ont procurées… » (Cnqs)
«Je parle ici d’un
effort difficile, poursuit-il, auquel
notre amour-propre répugne.
Car nous avons tout
pensé, bien sûr, jusqu’à la situation de
nos propres esclaves (si nous ne les
forcions pas nous-mêmes à travailler,
nous n’en profitions pas moins de leur
travail), et jusqu’aux normes de leur
éventuelle libération: ayant enfin reçu
du marxisme leur signification pratique,
nos sciences parfaites et nos techniques
sans rivales nous ont rendus capables de
dire à tout moment tout ce qui peut être
dit, dans le monde où nous sommes et en
ce point de l’histoire, sur n’importe
quel phénomène humain qui se propose à
notre observation. »[11]
- Jeanson
conclut sur ce point: «J’entends
dire – esprit français pas mort –
que le peuple algérien n’est pas
encore sorti de l’auberge… C’est
vrai : pour lui, tout reste à faire.
Et c’est faux : car il a choisi d’en
sortir, il y a dix ans, au point
qu’il est déjà dehors, quels que
soient les liens qui le retiennent
encore à l’intérieur… »
3 «Personne
n’accepte facilement..» : Frantz Fanon
Maxime et Rodinson.
Une décennie va
passer. Oubliée cette défense de Fanon ?
En mai 1974 et juin
1975, sous le titre « Ethnologie et
orientalisme : politique et
épistémologie, critique et
autocritique… », la sociologie française
fait un état de ses lieux[12].
Rodinson intervient
sur : « Situation, acquis et problèmes
de l’orientalisme islamisant ». Il fait
un bilan de l’orientalisme, de ses
acquis et défauts, de sa crise et des
problèmes à quoi il est confronté suite
à « l’entrée dans l’arène scientifique »
de spécialistes issus des pays étudiés –
desquels vient la contestation de
l’européocentrisme, de l’exotisme et des
accointances colonialistes de la science
orientaliste. «On comprend, dit-il que
personne n’accepte facilement qu’après
une vie d’étude spécialisée quelqu’un
vienne lui dire : « Tout cela n’est pas
valable, retournez à l’école et repartez
à zéro. »»
Regrettant «de la
part des orientalistes aussi, le
maniement d’arguments de facilité face à
leurs contestataires »…, il propose des
« voies de l’avenir et du progrès:
- ne pas
abandonner l’acquis, continuer
l’ascèse scientifique, et la
recherche de l’objectivité, […]
- écouter les
savants « nationaux » et collaborer
avec eux à égalité quelles que
soient les difficultés…
- s’insérer,
même si c’est là le plus difficile,
dans les courants d’idées
contemporains des peuples concernés,
dans leurs représentations de leurs
propres problèmes non pour se
soumettre servilement à leurs modes
ou à leurs tendances idéologiques
mais pour tirer fruit de leurs
interrogations…» ! (Cnqs) On ne peut
qu’être frappé et gêné par la
réticence de ce grand sociologue au
débat loyal.
Formellement
absent, en tant qu’égal, de cette grande
controverse, on devine que Fanon fait
partie des « savants « nationaux » »
incriminés par les orientalistes qui les
accusent de contester la science
« internationale »
Notable, également,
est la contribution de Pierre Bourdieu à
l’une des séances[13]
de cette rencontre: Dans cette querelle
entre savants «nationaux» et
orientalistes, dit-il, derrière les
problèmes dits «épistémologiques» qui
les opposent dans le champ de la science
de la société algérienne actuelle –
c’est-à-dire derrière la recherche de la
vérité scientifique –, «il y a des
intérêts simples » liés au «monopole de
l’autorité scientifique».
Avec sa didactique
particulière, Bourdieu analyse cette
question de différents côtés. Il
rappelle que ce champ a une histoire :
Très dépendant, à ses débuts, du pouvoir
colonial local, il était affecté par
«une très forte indépendance à l’égard
du champ scientifique national,
c’est-à-dire international…» Il fait
remarquer que ce passé « est un enjeu
des luttes présentes ».
«Je serais tenté,
dit-il, d’admettre que le passé de la
science sociale fait partie des
obstacles épistémologiques principaux de
la science sociale […] et notamment dans
le cas de la science sociale d’une
société récemment décolonisée.» Car
«l’inconscient d’une discipline c’est
son histoire, l’inconscient ce sont les
conditions sociales de production
occultées, oubliées… »
Il revient sur la
question par divers autres biais pour
attirer l’attention sur ce qu’il y a de
plus caché par le champ…, « …ce sur quoi
tout le monde est […] tellement d’accord
qu’on n’en parle même pas, quelque chose
qui est hors de question, qui va de
soi. »
C’est cela qu’il
est important de savoir, dit-il, « si on
ne veut pas seulement se faire plaisir
en distribuant le blâme et l’éloge
(celui-ci est un peu colonialiste,
celui-là beaucoup, passionnément,
etc.) »…Bourdieu semble prêcher dans un
désert !
4 – Un
rétablissement scientifique : Frantz
Fanon par Edward W. Saïd.
Mais si
l’opposition feutrée de Berque à Fanon,
si l’agacement de Rodinson contre lui
(et ses semblables « indigènes ») ont pu
quasiment l’exclure du champ
sociologique français, cela n’a pas pu
hypothéquer son avenir. Un intellectuel
de renom, Edward W. Saïd, va le
découvrir et le remettre vigoureusement
à l’ordre du jour au début des années
2000.
Edward Saïd est un
Américain d’origine palestinienne.
Professeur réputé de littérature
anglaise et comparée à l’Université de
Columbia, sa notoriété internationale
d’intellectuel date surtout de son
engagement pour la cause de sa partie
perdue après la guerre de 1967. Il
visite les œuvres des auteurs
orientalistes anglais et français les
plus brillants dont il a une profonde
connaissance, et analyse leurs
productions diverses. Objectif :
comprendre « les voies et moyens qui
avaient permis à l’Europe et l’Amérique,
à grand renfort d’érudition et
d’imagination, de forger et entretenir
durant deux cents ans une image devenue
traditionnelle du Moyen-Orient, des
Arabes et de l’islam. »[14]
Image justifiant et soutenant la
domination…
Avec Orientalism,
en 1978, il montre que le savoir
accumulé ainsi « sur les Arabes est plus
qu’une représentation, un simple
imaginaire, c’est une construction
idéologico-pratique, non seulement chez
les politiques mais jusque chez les
meilleurs des savants qui constituaient
les intellectuels organiques de
l’expansion impérialiste occidentale »[15].
C’est pourquoi sa
traduction en français et son édition
par Le Seuil en 1980 sont accueillies
par une fin de non-recevoir catégorique
par l’université française[16].
Le Monde (du
24 octobre 1980) prétend que « l’une des
principales faiblesses de la thèse
d’Edward Saïd est d’avoir mis sur le
même plan les créations littéraires
inspirées par l’Orient à des écrivains
non orientalistes, dont l’art a
nécessairement transformé la réalité, et
l’orientalisme purement scientifique, le
vrai… »
Mais Saïd fait
« sentir comment le consensus libéral
selon lequel le « vrai » savoir est
fondamentalement non politique (et, à
l’inverse, qu’un savoir ouvertement
politique n’est pas un « vrai » savoir)
voile les conditions politiques
organisées fortement, encore
qu’obscurément, qui prévalent dans la
production du savoir. »[17]
- Rodinson,
soulignant le succès que l’ouvrage
avait reçu dans le monde
anglo-saxon, a engagé ses lecteurs à
le lire. Il ajoutait cependant que
le livre « a suscité dans le milieu
professionnel des orientalistes
quelque chose comme un traumatisme[18]… »,
du fait des critiques de
subordination idéologique consciente
ou inconsciente à l’expansion
coloniale que leur porte ce
professeur américain, alors que
d’habitude elles étaient tenues par
des « indigènes » (Les guillemets
sont de Rodinson)…
Très gêné dans sa
critique du livre d’E. Saïd, Rodinson
tergiverse à prendre acte de cette leçon
de méthode[19]
assénée… par un professeur américain
« qui n’est pas de la partie », et dont
l’intervention – «certaines de ses
analyses et, encore plus, certaines
formulations » poussées à la limite –
peut mener à «une doctrine toute
semblable à la théorie jdanovienne des
deux sciences», «une science des
colonisés et une science des
impérialistes»… Il finira par classer E.
Saïd parmi les «indigènes» ! Et à lui
fermer la porte au nez…
L’opposition à
Edward Saïd a redoublé lorsqu’il a
publié Culture et impérialisme,
un prolongement de L’Orientalisme,
où il remet au jour Fanon et son apport
théorique à la science universelle sur
les questions de la domination…
5 – Du terrain
de l’indépendance nationale au champ
théorique de la libération.
Saïd et Fanon font
partie de ces générations de bourgeois
indigènes ayant profité de
l’enseignement dans les nombreuses
écoles coloniales qui leur ont inculqué
d’importantes vérités sur l’histoire, la
science et la culture.
«Grâce à ce
processus pédagogique, dit Saïd, des
millions de personnes ont compris les
bases de la vie moderne, tout en restant
dépendantes d’une autorité impériale
étrangère »…
«Il convient de […]
rendre hommage » à ces « expériences
partagées et associées qui ont modelé
beaucoup d’entre nous, mais sans oublier
que, fondamentalement, [cette action] a
perpétué la fracture impériale du 19e
siècle entre l’indigène et
l’Occidental. »[20]
Saïd précise que
« le point culminant de cette dynamique
de dépendance est le nationalisme », qui
a transformé des colonies en États
indépendants… Il explique le contenu de
la transaction nationaliste : « Comme
les juristes indiens des années 1880 et
contrairement aux futurs résistants à
l’impérialisme (pour lesquels le thème
clef est la libération), il appartient à
une catégorie d’individus qui, tout en
se battant pour leur communauté,
essaient de se trouver personnellement
une place dans le cadre culturel qu’ils
partagent avec l’Occident. C’est à ces
élites aux commandes des mouvements
d’indépendance nationale que la
puissance coloniale va transférer
l’autorité : Mountbatten à Nehru, de
Gaulle au FLN… »[21]
C’est là
qu’intervient Fanon. Saïd dira : « Si
j’ai tant cité Fanon, c’est parce qu’il
exprime en termes plus tranchés et
décisifs que tout autre un immense
basculement culturel, du terrain de
l’indépendance nationale au champ
théorique de la libération. Basculement
qui a essentiellement lieu là où
l’impérialisme s’attarde en Afrique
après que la plupart des États coloniaux
ont obtenu l’indépendance.
Disons en Algérie,
ou en Guinée-Bissau. »[22]
Là, précise Fanon, « où une véritable
lutte de libération a été menée, où le
sang du peuple a coulé et où la durée de
la phase armée a favorisé le reflux des
intellectuels sur des bases populaires,
on assiste à une véritable éradication
de la superstructure puisée par ces
intellectuels dans les milieux bourgeois
colonialistes… …
Le colonisé
acceptait le bien-fondé de ces idées et
l’on pouvait découvrir dans un repli de
son cerveau, une sentinelle vigilante
chargée de défendre le socle
gréco-latin. Or il se trouve que,
pendant la lutte de libération, au
moment où le colonisé reprend contact
avec son peuple, cette sentinelle
factice est pulvérisée. »[23]
Edward Saïd suit
Fanon dans son analyse de cette
superstructure, de l’humanisme
occidental développé par les grands
penseurs (Freud, Marx, Nietzsche et
autres…), qui ont percé le secret de la
domination dans la société bourgeoise,
et montré les voies et moyens pour la
libération. Mais, pour Fanon, ces
penseurs étant « d’Occident »,
leurs énergies sont bridées par «la
matrice culturelle répressive qui les a
produites» ; ils sont
«contradictoirement […] internes au
système colonial et potentiellement en
guerre contre lui ». Pour lui, donc,
leur science ne peut expliquer la
domination coloniale ni armer contre
elle.
Saïd confirme:
«dans le rôle de cofacteurs culturels de
la libération, la théorie européenne et
le marxisme occidental ne se sont pas
montrés, dans l’ensemble, des alliés
fiables pour la résistance à
l’impérialisme. Bien au contraire, on
peut les soupçonner de s’inscrire dans
ce même « universalisme » odieux qui lie
la culture à l’impérialisme depuis des
siècles. »[24]
«Ce que veut dire
Fanon, précise Saïd, c’est que lorsqu’on
passe la pratique du colonialisme au
crible non seulement de Freud, mais de
toutes les disciplines de la science
européenne, l’Europe cesse d’occuper une
position normative par rapport à
l’indigène. »[25]
«Aux colonies, dit
Fanon, l’infrastructure économique est
également une superstructure. La cause
est conséquence : on est riche parce que
blanc, on est blanc parce que riche.
C’est pourquoi les
analyses marxistes doivent être toujours
légèrement distendues chaque fois qu’on
aborde le problème colonial. Il n’y a
pas jusqu’au concept de société
précapitaliste, bien étudié par Marx,
qui ne demanderait ici à être repensé. »[26]
Il en conclut que
« le nationalisme n’est pas une doctrine
politique, n’est pas un programme. Si
l’on veut vraiment éviter à son pays ces
retours en arrière, ces arrêts, ces
failles, il faut rapidement passer de la
conscience nationale à la conscience
politique et sociale. […] Le
nationalisme, s’il n’est pas explicité,
enrichi et approfondi, s’il ne se
transforme pas très rapidement en une
conscience politique et sociale, en
humanisme, conduit à une impasse. »[27]
Il faut passer de l’indépendance à la
libération…
Saïd souligne que
Fanon n’a pas inventé une «science des
colonisés» pour contrer la «science des
colonisateurs», mais qu’il est parti de
l’acquis scientifique international (de
l’Europe) dans lequel il est inscrit par
sa formation et qu’il s’est approprié,
pour expliciter son vécu et ses espoirs
et celui de ses frères colonisés. Par
là, il a enrichi la Science
sociologique…
Dans Beginnings[28],
son premier ouvrage important de théorie
littéraire qui précédait Orientalism,
Said avait déjà situé Fanon parmi ceux
qui, avec Freud, Orwell, Lévi-Strauss et
Foucault, avaient contribué à la
production d’un « langage mental
commun » »[29].
Aussi, Fanon se
dit-il convaincu que « ce travail
colossal qui consiste à réintroduire
l’homme dans le monde, l’homme total, se
fera avec l’aide décisive des masses
européennes qui, il faut qu’elles le
reconnaissent, se sont souvent ralliées
sur les problèmes coloniaux aux
positions de nos maîtres communs.
Pour cela, il faudrait d’abord que les
masses européennes décident de se
réveiller, secouent leurs cerveaux et
cessent de jouer au jeu irresponsable de
la Belle au bois dormant. »[30]
(Cnqs)
Ce qui fait dire
à Saïd : «Fanon cherche en fait à lier
l’Européen et l’indigène dans une
nouvelle communauté non antagonique de
la conscience et de
l’anti-impérialisme. »[31]
Voilà pourquoi
Fanon ne peut être exclu du champ
scientifique international. D’autant
qu’il a animé théoriquement la guerre de
libération nationale algérienne, tout en
y participant pleinement…
…à partir de
« l’enfer « hospitalier » de Blida, où
ses jours et ses nuits se partageaient
entre les vrais fous et les faux, entre
les aliénés de la colonisation et les
militants de l’insurrection venus
chercher dans cet asile un camouflage
provisoire »[32]
… jusqu’à sa mort alors qu’il venait à
peine de terminer son grand œuvre,
Les Damnés de la terre…
À ce propos, Fr.
Jeanson note que «ce nègre,
arrière-petit-fils d’Africains, n’a
finalement résolu son propre conflit
qu’en assumant sa lointaine origine par
la médiation d’un peuple, africain mais
de race blanche : entre sa propre
conscience (blanche) et son propre corps
(noir), toute dialectique – si généreuse
qu’elle fût – demeura vaine, jusqu’au
jour où il parvint enfin à se donner un
corps social. »
Sacré soutien pour
Novembre ! Et c’est ce sur quoi insiste
encore Francis. Jeanson : «Les damnés
de la terre est […] venu confirmer –
par l’accueil exceptionnellement positif
que lui firent d’emblée les principaux
intéressés – qu’il ne s’agissait pas,
entre eux et Fanon, d’une rencontre de
hasard : car c’est la même pensée qui
s’y exprime, mais à ce point amplifiée
que plus d’une fois je me suis pris à
rougir, durant ces trois dernières
années, d’en avoir si mal pressenti
auparavant les véritables dimensions. »[33]
Annexe
Ed. Saïd a écrit
une belle page sur les « érudits »
français, Maxime Rodinson[34],
Jacques Berque, Yves Lacoste, Roger
Arnaldez, … tous de l’école du grand
Louis Massignon ; il y a ajouté
l’Anglais Norman Daniel. C’est une page
toute de sympathique espoir pour la
science sociologique, que nous faisons
suivre en encadré pour son importance et
l’ouverture qui la marque :
Telle a bien été,
dit-il (p. 297), la contribution la plus
importante de Massignon, et il est vrai
que, dans l’islamologie française
contemporaine (comme on l’appelle
parfois), s’est développée une tradition
d’identification aux « forces vitales »
qui inspirent la « culture orientale » ;
il suffit de citer les travaux
remarquables de savants tels que Jacques
Berque, Maxime Rodinson, Yves Lacoste,
Roger Arnaldez – très différents les uns
des autres par leur manière d’aborder le
sujet et par leurs intentions – pour
être frappé par l’effet fécondant de
l’exemple de Massignon, qui a laissé une
indéniable empreinte intellectuelle sur
chacun d’eux…
D’ailleurs, dit-il
encore (p. 352), des érudits et des
critiques qui ont reçu une formation
orientaliste traditionnelle sont
parfaitement capables de se libérer de
l’ancienne camisole de force idéologique.
La formation de Jacques Berque, celle de
Maxime Rodinson se classent parmi les
plus rigoureuses, mais ce qui vivifie
leurs recherches, même sur des problèmes
traditionnels, est leur prise de
conscience méthodologique. Car, si
l’orientalisme a été, historiquement,
trop satisfait de lui-même, trop isolé,
plein de confiance positiviste en ses
méthodes et en ses prémisses,
l’ouverture à ce qu’il étudie en Orient
ou à propos de lui peut être obtenue en
soumettant sa propre méthode à la
critique. C’est ce qui caractérise
Berque et Rodinson, chacun à sa manière.
Leurs œuvres font toujours preuve,
d’abord d’une sensibilité directe à la
matière qui s’offre à eux, puis d’un
examen continuel de leur propre
méthodologie et de leur propre pratique,
d’une tentative constante pour que leur
travail réponde à la matière et non à
des doctrines préconçues. Berque et
Rodinson, ainsi qu’Abdel Malek et Roger
Owen, se rendent certainement compte
qu’il vaut mieux faire l’étude de
l’homme et de la société – qu’ils soient
orientaux ou non – dans tout le champ
des sciences humaines ; ces savants
lisent donc d’un œil critique et
étudient ce qui se fait dans d’autres
domaines que le leur. L’attention que
porte Berque aux découvertes récentes de
l’anthropologie structurale, celle de
Rodinson pour la sociologie et la
théorie politique, celle d’Owen pour
l’histoire économique : voilà des
correctifs instructifs que les sciences
humaines actuelles apportent à l’étude
des problèmes dits orientaux.
- Saïd, L’Orientalisme,
Op. cit. (Cnqs)
Mais les remarques
de cette page n’ont assurément pas plu…
-
[1]. Jacques
Berque, Arabies, Stock +,
1978, Paris, p. 271-272.
-
[2]. «Quelques
considérations sur le 1er
Novembre», El Watan du 26
novembre 2017…
-
[3]. J. Berque,
Dépossession du monde, Op.
cit., Paris, p. 169.
-
[4].
Dépossession du monde, Op.
cit., pp. 168-169. (Cnqs)
-
[5]. Dans deux
autres chapitres de Dépossession…
« Colonisation, nature et
diversité » et « Supplément au
voyage de Bougainville », pp. 105 et
116-117.
-
[6]. Ed. Saïd,
Culture et impérialisme, Fayard,
2000, p. 369.
-
[7]. À travers les
extraits de la préface percutante
qu’il a écrite pour Les Damnés de
la terre, dont il avait publié
dans Les Temps modernes le
texte « De la violence », avant
qu’il ne soit intégré comme premier
chapitre de l’œuvre majeure de
Fanon.
-
[8]. Ne disait-il
pas : «ma vie tout entière a été une
vie oppositionnelle, depuis mes
vingt ans où je me révoltais contre
la Sorbonne jusqu’à mes quatre-vingt
deux ans où je m’oppose à la
politique officielle de mon pays.
Rares ont été les périodes où je me
suis senti en accord avec la
guidance » ? J. Berque, Il reste
un avenir, (Arléa, 2002, p.
104).
- [9]. Le Seuil,
Paris, 1980. Partant de cette
constatation, Ed. Saïd estime que
Berque et ses amis de l’école
orientaliste de Massignon sont
capables de se débarrasser de la
« camisole de force » orientaliste
qui bride leurs travaux.
-
[10]. Le Seuil,
1952, dont il avait écrit la
Préface…
-
[11]. F. Jeanson
avoue à ce propos : « Dans la
mesure, sans doute, où j’ai mis bien
du temps à m’en délivrer, où je ne
suis même pas tout à fait sûr d’y
être parvenu, je voue à cette
attitude une haine profonde ».
-
- [12]. Dont les
travaux ont été publiés dans Le
Mal de voir, Cahiers Jussieu n°
2/Université de Paris 7, coll.
10/18, UGE, 1976. Rodinson est
intervenu sur : « Situation, acquis
et problèmes de l’orientalisme
islamisant », pp. 242-257…
-
[13]. Celle du 5
juin 1974, sur «Ethnologie et
politique au Maghreb», où il a
traité des «conditions sociales de
la production sociologique :
sociologie coloniale et
décolonisation de la sociologie»,
Le Mal de voir, Op. cit.,
pp. 416-427…
-
[14]. Postface d’E.
Saïd (mars 1994) à son livre
L’Orientalisme. L’Orient créé par
l’Occident, Paris, Le Seuil,
1980-2005, p. 355.
-
[15]. E. Saïd, cité
par R. Baduel, « Relire Said
? L’Outre-Occident dans
l’universalisation des sciences
sociales », Institut de recherche
sur le Maghreb contemporain, p. 6.
-
- [16]. Seul
Pierre Bourdieu a le courage de
l’inviter à faire des conférences au
Collège de France et à l’Université
Paris 7, qui lui décerne, malgré
tout, en 2003, un doctorat honoris
causa, quelques mois avant sa
mort… Sonia Dayan-Hertzbrun note
(« L’Orientalisme » en France :
malentendu ou mésentente ? »,
https://bibliobs.nouvelobs.com/idees)
que « la levée de boucliers contre
l’ouvrage fut telle qu’il fallut
attendre vingt-cinq ans pour une
nouvelle édition du livre qui était
devenu introuvable.»
-
[17]. Ed. W. Saïd,
L’Orientalisme, Op. cit.,
p. 23.
-
[18]. Rodinson,
La Fascination de l’islam (PC
Maspéro, 1981, p. 13).
-
[19]. Plus tard
(préface de 2003), Saïd parlera de
critique humaniste, l’humanisme
consistant à briser les chaînes qui
emprisonnent l’esprit.
-
[20]. Ed. W. Saïd,
L’Orientalisme, Op. cit.,
p. 369.
-
[21]. Ed. W. Saïd,
Culture et impérialisme,
Op. cit., p. 368.
-
[22]. Ibid.,
p. 374.
-
[23]. Les Damnés
de la terre, Op. cit., p.
37.
-
[24]. Culture et
impérialisme, Op. cit.,
p. 387.
-
[25]. E. Saïd,
Freud et le monde extra-européen,
Paris, Le Serpent à plumes, 2004,
cité par Ch. Chaulet Achour, in
« Edward W. Saïd, lecteur de Fanon.
Relais et prolongement », revue
Sud/Nord, n° 183, dossier
consacré à F. Fanon.
-
[26]. Ibid.,
p. 32.
-
[27]. Ibid.,
p. 150-151.
-
[28]. Ed. W. Said,
Beginnings, Intention and Method.
[Columbia University Press, New
York, 1975], 373). (Cnqs)
-
[29]. S. Dayan-
Herzbrun, « De Frantz Fanon à Edward
Said : L’impensé colonial », art.
cit. L’auteure cite le texte
anglais concernant cette question…
-
[30]. Dans Les
Damnés de la terre, p. 141, cité
par E. Saïd, in Culture et
impérialisme, Op. cit.,
p. 376.
-
[31]. E. Saïd, in
Culture et impérialisme,
Op. cit., p. 381.
-
[32]. Comme il l’a
raconté à Francis Jeanson, qui l’a
rapporté in « Reconnaissance de
Fanon», Doc. cit.
-
[33]. Fr. Jeanson,
«Reconnaissance de Fanon»,
Postface citée.
-
[34]. Saïd rend
particulièrement hommage à Rodinson
pour avoir dans son étude Islam
et capitalisme, démontré, contre
le sociologue Max Weber, qu’il n’y
avait aucune incompatibilité entre
islam et capitalisme.
Illustration
Léopoldville,
ex-Congo belge, 27 août 1960. Frantz
Fanon (à dr.) et M’Hamed Yazid
représentent le Front national de
libération algérien à la conférence
panafricaine. © AFP
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