MADANIYA
Salmane-Israël 3/3 : Walid Ben Talal,
nouveau poisson pilote de la
normalisation saoudo israélienne
René Naba
Samedi 12 mars 2016
La sublimation par la philanthropie
d’un destin politique contrarié
L’accord sur le nucléaire iranien a
conduit l’Arabie saoudite à se lester de
ses menus fretins, les journalistes
Osmane Al Omeir et Abdel Rahman ArRached,
pour tenter de propulser un «grand dans
la cour des grands» en assignant à un
membre de la famille royale, en la
personne de Walid Ben Talal, le plus
médiatique des princes saoudiens, la
mission de poisson pilote de la
normalisation saoudo-israélienne.
Poids lourd de la finance
internationale, mais poids plume de la
galaxie wahhabite, l’homme a déjà donné
des gages, et, à défaut d’un grand
destin national, s’est déjà drapé de
philanthropie en compensation d’une
carrière politique contrariée.
«Les Arabes doivent renoncer à leur
acrimonie à l’égard de la nation juive
et à œuvrer en vue d’un Moyen orient
prospère», a-il-déclaré annonçant au
quotidien saoudien Oukaze son intention
d’effectuer un pèlerinage à la Mosquée
Al Aqsa, 3e Haut Lieu Saint de l’Islam,
sous occupation israélienne, pour une
visite de 7 jours. «Tous mes frères et
sœurs musulmans doivent comprendre qu’il
est un impératif moral que pour les
Arabes de renoncer à leur hostilité
envers le peuple juif».
«Mon souverain, le Roi Salmane, m’a
donné instruction d’établir un dialogue
direct avec les intellectuels israéliens
en vue d’établir des relations amicales
avec nos voisins israéliens». (1)
Cette déclaration, intervenue le 2
juillet 2015, soit douze jours avant la
finalisation de l’accord sur le
nucléaire iranien, est survenue au
lendemain d’une surprenante décision du
Prince d »affecter sa fortune à un fonds
philanthropique.
Le classement
«Forbes» estime sa fortune à 28
milliards de dollars et le situe à la
21e place des milliardaires.
Propriétaire de Kingdom Holding
Company, le milliardaire saoudien et à
la tête d’un holding englobant dans son
portefeuille 5% de News Corporation qui
regroupe les studios de cinéma 20th
Century Fox, les chaînes de télévision
Fox News, Sky Deutschland, Sky Italia,
les magazines et journaux The Wall
Street Journal, The Times, The Sun et
New York Post, ainsi que de
participations dans de nombreuses
sociétés (Twitter, le palace Four
Seasons George V à Paris, en passant par
Citigroup ou Euro Disney.
Al-Walid a indiqué à cette occasion
qu’il allait se consacrer «à jeter des
ponts entre les cultures, promouvoir les
droits de femmes, aider les jeunes,
apporter des secours en cas de
catastrophe naturelle».
Tant dans sa déclaration à l’intention
de l’opinion israélienne ou les
expressions «nation juive», et «peuple
juif» abondent, comme en résonance aux
doléances israéliennes, que dans son
annonce de la création d’un fonds
philanthropique, Al Walid a complètement
passé sous silence le fait palestinien,
pas plus dans son aspect politique,
notamment la judaïsation rampante d’Al
Qods, -la ville sainte dont son roi en
est théoriquement le gardien-, que dans
son aspect humain, les dures conditions
de vie de la population palestinienne
soumise à l’occupation et contrôlée par
700 barrages militaires. En se plaçant
hors politique, le prince a présenté sa
démarche comme un geste œcuménique
envers une religion abrahamique.
Une ambition
politique contrariée : Al Walid versus
Rafic Hariri
Poids lourd de la finance
internationale, le Prince Walid Ben
Talal Ben Abdel Aziz Al Saoud, est, de
par sa naissance et ses liens de
consanguinité, un trait d’Union entre le
Machreq et le Maghreb, les deux versants
du Monde arabe, un atout de taille à
l’heure de la diffusion pan arabe et de
la mondialisation des flux économiques.
Binational libano saoudien, de naissance
et de droit, contrairement à Rafic
Hariri, dont la nationalité saoudienne,
lui a été octroyée par décrétée, le
prince Walid a vu ses ambitions
politiques au Liban bridées par les
dirigeants saoudiens de crainte de faire
ombrage à leur homme lige, dont la
docilité est directement proportionnelle
à son état de subordination à l’égard de
ses bienfaiteurs saoudiens. Un être
infiniment plus malléable que ce prince
de sang royal, issu de surcroît d’une
dynastie politique authentiquement
libanaise, dont la fortune excède par
ailleurs largement celle du milliardaire
libano saoudien. À son corps défendant,
il a ainsi décliné la charge de premier
ministre du Liban que se proposait de
lui offrir le président libanais de
l‘époque, le général Émile Lahoud, en
pleine tourmente arabe consécutive à
l’invasion américaine de l’Irak.
En guise de compensation, il
obtiendra pour sa tante Leila El Solh
Hamadé, qui préside au Liban une très
importante association caritative très
active dans le domaine œcuménique, un
poste ministériel dans une opération
destinée à maintenir la permanence de la
validité de la revendication de son clan
sur des responsabilités gouvernementales
libanaises.
Un parcours
identiquement contrarié pour le père
Fils du prince Talal Ben Abdel Aziz,
un des princes progressistes de l’épopée
nassérienne, le Prince Walid, est, par
son père, le propre fils du Roi Abdel
Aziz Al Saoud, fondateur de la dynastie
wahhabite et du royaume saoudien (2).
Intrépide, son activisme s’apparente
parfois à une boulimie qui cache peut
être une blessure secrète dont certains
trouvent son origine dans l’éviction de
son père, le Prince Talal, des
responsabilités politiques saoudiennes.
Pour avoir préconisé la réforme des
institutions monarchiques saoudiennes,
en 1960, et rallié à la tête du groupe
des «Princes Libres», la cause du
président égyptien Gamal Abdel Nasser,
le chef charismatique des Arabes à
l’apogée du nationalisme arabe, Talal,
le père de Walid, a été déchargé de ses
fonctions ministérielles et
diplomatiques. Après une décennie d’exil
et d’errance dans les pays arabes, au
Caire d’abord, à Beyrouth, ensuite,
Talal se réconciliera avec ses frères
royaux dans les années 1980, devenant
représentant de l’UNICEF pour la région
du Golfe.
En novembre 2011 sur fond d’une vive
compétition pour l’attribution du poste
de prince héritier à la suite du décès
de son titulaire, Sultan, une campagne
de presse était déclenchée au niveau
arabe et international faisant état
d’abus sexuels de Walid à Ibiza et en
Autriche, perturbant les démarches de
son père en vue de sa confirmation comme
prince héritier. Talal, le père de
Walid, sera ainsi une nouvelle fois
écarté de la succession au mépris de la
loi de la primogéniture, entraînant sa
démission et de celle de douze autres
princes du Conseil d’allégeance en
charge des transitions dynastiques.
Optant pour un saut de génération afin
d’épargner au Trône une gangrène
gérontocratique, le Roi Salmane s’est en
effet choisi comme successeur, le prince
Mohammad Ben Nayef, ministre de
l’Intérieur, dont son père, l’ancien
prince héritier, avait été
malencontreusement qualifié de «boucher»
par l’ancien premier ministre libanais
Saad Hariri dans une impertinence
coûteuse pour sa crédibilité auprès de
la famille régnante saoudienne.
Les camouflets de
Walid Ben Talal
Désertant la zone de turbulence
libanaise, Walid a opté pour Manama pour
y fixer le siège de son nouvel empire.
Un choix paradoxal en ce que le Bahreïn
passe pour être l’un des dix pays les
plus restrictifs à la liberté de la
Presse.
Mais, au-delà des facilités
financières et matérielles dont il a
bénéficie, -15 millions de dollars pour
l’aménagement de sa nouvelle cité
médiatique-, le choix de Manana est un
choix éminemment politique en faveur
d‘une dynastie contestée par la majorité
chiite de la population, dont il entend
assumer la défense médiatique du fait de
sa proximité géographique avec l’Iran.
Pour la première fois de son
histoire, l’Arabie saoudite, avait, à
cette occasion, dépêché des troupes dans
l’archipel voisin pour faire office de
bouclier à la contestation anti
monarchique et fait taire les critiques
y compris celles d’Al Jazira, que la
sévère répression de la contestation
locale a suscitée dans de larges couches
populaires du Monde arabe.
Face au Qatar, sa chaîne «Al Jazira»
et son commandement central américain (Centcom),
face à Abou Dhabi, sa base aéronavale
française et sa future chaîne «Sky
Arabia» lancée avec la collaboration de
la chaîne britannique Sky GB du magnat
australien Ruppert Murdoch, face enfin à
Doubaï et sa chaîne saoudienne «Al
Arabiya», propriété du clan rival d’Al
Sudeiry, Al Waleed attendait son heure.
Face à l’Iran, chiite et
révolutionnaire, l’objectif d’Al Arab se
proposait de clamer le credo d’Al Walid,
musulman pratiquant soucieux de
promouvoir un islam teinté de modernité
et son inclusion dans le circuit d’une
économie mondialisée dans la pure
tradition de l’ultra capitalisme. Mais
c’était sans compter sur les vapeurs du
minuscule Roi du minuscule archipel qui
fera cesser sa lévitation hertzienne,
dans un acte d’audace frisant
l’inconscient.
Les déconvenues
d’«Al Arab»
Contre attente, «Al Arab», la chaîne
privée du prince, lancée à grand frais
depuis Manama, siège de la 5e flotte
américaine pour le Golfe et l’Océan
Indien, pour contrer sa rivale du Qatar
Al Jazira, proche de la confrérie des
Frères musulmans, a été pourtant
contrainte à la fermeture de ses
antennes 24 heures après son lancement,
victime des rigueurs de la censure de
Bahreïn, un pays pourtant allié de
l’Arabie saoudite. «Al Arab» avait eu la
témérité de donner la parole à un
opposant chiite de Bahreïn, un sacrilège
absolu dans les pétromonarchies quand
bien même le Coran prescrit de «ne faire
aucune différence entre un arabe ou un
perse que par la piété». Une décision de
fermeture qui a retenti comme un
retentissant camouflet au libérateur des
ondes arabes.
Le tweet de la fête
nationale saoudienne
Outrecuidant ou maladroit, le prince
milliardaire avait suscité l’hilarité
des réseaux sociaux pour le tweet qu’il
avait diffusé à l’occasion de la fête
nationale saoudienne, le 24 septembre
2013. Dans son message de vœux, le
petit-fils du fondateur du royaume
presse ses pairs de «prendre en compte
les aspirations et les besoins du peuple
saoudien».
La réponse d’un activiste, Majed Al
Moukhallafi, fusa, implacable :
«Commence par toi-même». Un autre
gazouilleur répondant au nom de Victor a
énuméré à l’intention du prince les
règles de bonne gouvernance saoudienne :
«Songe aux sacrifices consentis par tes
aïeux. Tu commences par voler les
richesses du pays, tu continues par
dilapider l’argent public, tu termines
par faire des dons et des cadeaux
uniquement pour te faire de la publicité
et devenir célèbre».
La fuite de la
Princesse Barbie
Autre tâche, familiale celle là,
l’asile politique accordée à sa propre
sœur Sarah Bint Talal par le Royaume
Uni. «Princesse Barbie», -son surnom du
fait qu’elle se déplace constamment en
Rolls Royce y compris pour faire ses
emplettes au supermarché-, a réussi à
s’enfuir et à préserver son pactole que
sa famille convoitait. La fuite de
Sarah, petite fille du fondateur du
Royaume est une première depuis la
fondation de la monarchie et un point
noir dans le palmarès familial au point
que ses détracteurs lui ont conseillé
plutôt que de brasser l’air à bord de
jet privé de mettre de l’ordre dans sa
propre famille et de promouvoir les
droits de la femme, dans son pays, le
plus obscurantiste du Monde. Qu’une
princesse de sang royal saoudien quête
l’asile politique auprès de son ancien
colonisateur donne la mesure de
l’étouffoir saoudien et de l’intolérance
de ses dirigeants.
Du bellicisme sous
couvert d’œcuménisme
Bentley voulant sans doute s’attirer
les bonnes grâces du nouveau roi dont il
a salué la «sage direction», Walid Ben
Talal a fait preuve d’un enthousiasme
rare à l’égard de l’expédition punitive
saoudienne contre le Yémen, au point
d’offrir une luxueuse voiture
britannique Bentley à chacun des 100
pilotes saoudiens qui ont participé au
châtiment du Yémen, le plus pauvre des
pays arabes avec la Somalie ! Une façon
très personnelle de développer le
patriotisme, le sens du devoir et le
goût du sacrifice au sein des forces
armées saoudiennes.
http://fr.sputniknews.com/international/20150422/1015784458.html#ixzz3Y4d5
Le précédent du
Qatar
L’Émir du Qatar, au plus fort de la
Guerre contre la Syrie, avait effectué
une visite «historique» à Gaza, le 23
octobre 2012, sanctionnant
symboliquement la division de la
Palestine en deux blocs distincts
-Cisjordanie et Gaza-, sans pour autant
apporter paix et prospérité à l’enclave
en ruines, mais deux grandes offensives
israéliennes, l’une, juste deux semaines
après la visite du qatari, «opération
Pilier de défense», le 14 novembre 2012,
et la seconde «Bordure protectrice»,
deux ans plus tard, le 6 juillet 2014.
Le «Field and Air Marshall du printemps
arabe», le Rommel et Von Paulus combiné
des batailles de Stalingrad et d’El
Alamein, a été dégommé par un remote
américain à distance, moins d’un an
après son auguste voyage historique à
Gaza.
Banni de la sphère politique
saoudienne monopolisée pendant près de
quarante ans par le clan Sideiry,
constitué notamment par l’ancien Roi
Fahd, et ses six frères, Walid a conquis
de haute main le pouvoir économique. Un
pouvoir qu’il lui importe de consolider
loin des aléas et les fortes turbulences
au sein de la maille Royaume saoudienne.
Par le biais de la philanthropie et le
philo sionisme ?
Voulant sans doute conjurer le sort
funeste du petit wahhabite du Qatar,
Hamad Ben Khalifa Al Thani, Walid a
ainsi donné des gages au chauvinisme
débridé des Saoudiens et au grand
capital transnational.
En association avec la famille Reichmann
et pour une valeur de 100 millions de
dollars de l’époque, le prince a acquis
une participation dans le projet «Canary
Wharf», le complexe de bureaux
londoniens qui représente la plus vaste
opération immobilière d’Europe. À ses
détracteurs qui jugeaient son
association avec la famille Reichmann
comme une «contre nature» l’alliance
entre un prince wahhabite avec une
famille judéo canadienne, le prince
avait rétorqué, usant de la dérision,
qu’il s’agissait d’une alliance en fait
entre deux orthodoxes : «Les Reichmann
sont des juifs orthodoxes et moi, je
suis un musulman orthodoxe. Notre point
commun est l‘orthodoxie», a-t-il
répondu.
La réponse, plus complète, aurait dû
être : «Avec le business comme point
commun supplémentaire». L’argent, il est
vrai, n’a pas d’odeur. Ni foi ni loi,
non plus.
Le prince Walid Ben Talal s’était déjà
distingué en décembre 2013 en
privilégiant une alliance avec Israël
contre l’Iran Chiite, précisément sur la
chaîne Bloomberg TV, son partenaire dans
le projet «Al Arab».
Dans un monde arabe en état de
désorientation, acter publiquement la
connivence de fait entre l’Arabie
saoudite et Israël, qui engloberait en
outre «les Arabes et les sunnites», dans
leur combat contre la branche rivale de
l’Islam, l’Iran chiite et ses alliés
régionaux, la Syrie et le Hezbollah
libanais; Établir de surcroît un
partenariat avec Israël, qui s’est
délibérément placé en dehors de la
légalité internationale par son refus
obstiné de tout règlement de paix,
Israël le partenaire absolu de
l’apartheid sud africain mis à l’index
lors de l’hommage planétaire en faveur
de Nelson Mandela, Israël, dirigé par
Benyamin Netanyahu, la branche la plus
xénophobe du sionisme, le terme ultime
du processus de glaciation idéologique
du sionisme fondateur d’Israël, relève
non de la pertinence, ni de l’audace,
mais d’un dévoiement moral et d’un
dérèglement mental en ce que le
déplacement princier prendrait l’allure
d’une capitulation sans condition, d’une
reddition en rase campagne, en l’absence
de toute garantie d’un règlement
équitable de la question nationale
palestinienne.
Que pense de tout cela Leïla El Solh-Hamadé,
sa tante maternelle chiite par alliance,
de la phobie chiite de son neveu Walid,
petit fils d’un fondateur de
l’Indépendance libanaise, un pays deux
fois occupé par Israël, qui ne doit sa
survie qu’au Hezbollah libanais, la
milice chiite dissuasive de toute
nouvelle équipée israélienne, garante de
l’Indépendance du Liban et de la dignité
des Libanais, l’ultime digue de retenue
à une reddition généralisée arabe face
au diktat israélien.
La philanthropie œcuménique de Walid Ben
Talal masque-t-elle un tropisme exacerbé
pour le grand capital juif, du Clan
Reichman à Michael Bloomberg, ancien
maire de New York et patron de
«Bloomberg TV», le fournisseur de sa
chaîne «Al Arab» en information
économique. Une manière d’être de
«l’entre soi du monde interlope du
capitalisme cosmopolite» ?
Son engagement en faveur d’un dialogue
avec les Israéliens masque-t-il son
dépit de la montée en puissance de
l’Iran, rival historique de l’Arabie
saoudite, en sa double qualité de chef
de file de l’Islam Chiite et fer de
lance de la révolution islamique ? Son
pèlerinage à Al Qods constitue t-il une
forme déguisée d’un voyage à Canossa.
Une fuite en avant sous couvert de
sortie par le haut ?
Ballon d’essai ou rétropédalage
contraint ? Vingt jours près l’annonce
de sa visite à Jérusalem, Walid a
rectifié le tir, pour se draper dans un
patriotisme qui a lui a fait défaut à ce
jour : «Je ne me rendrai à Jérusalem
pour y prier que le jour où la ville
sainte sera libérée. Je suis porteur
d’un passeport d’honneur palestinien»,
lâchera-t-il sur son compte twitter,
sans doute impressionné par l’importance
de l’adhésion de la population
saoudienne aux thèses de Da’ech, de
l’ordre de 66 % et la colère arabe
devant l’entrée des soldats israéliens
dans l’enceinte de la Mosquée Al Asqa
pour protéger la prière de juifs
orthodoxes.
Une conjonction
cauchemardesque : 60 % de la jeunesse
saoudienne sympathisante de Daech
Embourbé depuis dix mois au Yémen, en
butte aux coups de butoir de son rival
califal ‘Da’ech, en phase d’austérité
économique, le Royaume saoudien vit une
conjonction d’autant plus
cauchemardesque que 60 % des jeunes
saoudiens sont des sympathisants de
Da’ech. Un notable saoudien a tiré la
sonnette d’alarme, faisant cette
révélation sur la chaîne de télévision
saoudienne «Al Arabiya» sans faire
l’objet de la moindre mesure
disciplinaire.
L’homme, Khalil Al Khalil, ancien membre
du Conseil consultatif, est, il est
vrai, un expert dans le domaine du
terrorisme. La mansuétude dont il a fait
l’objet ne doit rien au hasard dans un
pays hermétique à l’extrême. Sans doute
en raison du fait que Khalil Al Khalil a
avancé des chiffres au dessous de la
réalité en ce que le nombre de
sympathisants pro Da’ech au sein de la
jeunesse saoudienne se situerait autour
de 92 %, selon un sondage réalisé sur
les réseaux sociaux. Une véritable bombe
à retardement pour l’Arabie saoudite.
Dans un acte d’autorité destinée sans
doute à manifester son autorité en vue
d’ occulter ses bévues domestiques, -la
chute de la grue géante et l’enfumage du
tunnel de La Mecque en octobre 2015 (4
000 pélerins tués, dont cinq cents
iraniens)-, et ses désastres militaires
sur le théâtre externe, le Roi Salmane a
ordonné, aux premières lueurs de 2016,
la mise à mort de 46 saoudiens dont le
chef spirituel de la communauté chiite,
Cheikh Nimr Al Nimr. Première
décapitation collective de cette
importance depuis l’exécution collective
de 63 insurgés en 1980 après l’assaut
contre le sanctuaire de La Mecque mené
par le prédicateur salafiste Jouhaymane
Al Oteibi.
Au moment où le Calife Ibrahim
profère, directement, pour la première
fois, des menaces contre Israël, le
déplacement d’un membre éminent de la
dynastie wahhabite pourrait paraître
malvenu. Dans un tel contexte chaotique,
les pérégrinations médiatiques du prince
Walid Ben Talal paraissent relever d’une
flamboyance d’un autre temps et
mortifère pour la survie de la dynastie
honnie par les partisans du Califat, en
même temps que de larges fractions de
l’opinion internationale.
Pour aller plus loin
L’Arabie saoudite un état Daech qui a
réussi : Wahhabisme et destructions des
lieux saints de l’islam
http://www.les-crises.fr/recommande-destructions-wahhabites-les-lieux-saints-de-lislam-en-peril/
- Le rétropédalage de
Walid Ben Talal à propos de son
voyage à Jérusalem
http://www.raialyoum.com/?p=292242
Déclaration au journal Oukaze sur
l’annonce du Pèlerinage de Walid Ben
Talal à la Mosquée Al Asqa de
Jérusalem
http://awdnews.com/political/prince-talal-of-saudi-arabia-my-visit-to-israel-shall-mark-the-new-age-of-peace-and-fraternity
Pour une variation sur le même thème
: http://www.renenaba.com/al-qods-pelerinage-la-normalisation-par-la-theologie/
2 –La galaxie familiale de
Walid Ben Talal
Par sa mère, Mona El Solh, Walid Ben
Talal est le petit fils d’un des
pères de l’indépendance libanaise,
l’ancien premier ministre Riad El
Solh, assassiné en 1951 en Jordanie
pour avoir cautionné la condamnation
à mort d’Antoune Saadé, chef d’un
parti pan syrien, le Parti Populaire
Syrien (PPS). Par son alliance
familiale, Walid s’articule sur
l’Arabie et le Maroc, les deux
grandes monarchies du Monde arabe,
agglomérés au sein du Conseil de la
Coopération du Golfe, le syndicat
des monarchies arabes mis sur pied
par Riyad à la faveur des
soulèvements populaires arabes de
2011.
Du fait des liens de matrimonialité
tissés par les trois sœurs de sa
maman, son positionnement familial
s’articule sur les grandes
bourgeoisies libanaises et
palestiniennes, au point
d’intersection des grands courants
politiques et religieux du monde
arabe et musulman, républicains ou
monarchistes, sunnites ou chiites,
qu’ils soient.
Walid est en effet le cousin germain
du Prince Hicham Ben Abdallah Al
Alaoui, «le prince rouge», neveu du
Roi du Maroc, ainsi que de Moulay
Ismaïl et de Lalla Zaynab du Maroc.
Sa maman est en effet la sœur de la
princesse Lamia, veuve du Prince
Abdallah, frère d’Hassan II. Par sa
deuxième tante, Alia El Solh, femme
d’influence et une des premières
journalistes arabes, il est
apparenté à la grande famille des
notables palestiniens des «Nachachibi».
Enfin par sa 3eme tante Leila, il se
trouve être le cousin germain décédé
depuis de Majed Sabri Hamadé, petit
fils et héritier du chef féodal
chiite de Baalbeck (centre-Liban),
inamovible président du parlement
libanais pendant un quart de siècle.
© madaniya.info -
Tous droits réservés.
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
Le
dossier Arabie saoudite
Les dernières mises à jour
|