MADANIYA
Arabie saoudite – Qatar La guerre des
Frères ennemis
du wahhabisme, une guerre de défausse
René Naba
Jeudi 8 juin 2017
La guerre picrocholine des
pétromonarchies apparaît comme une
guerre des incendiaires du Golfe en vue
de se défausser sur autrui de la
dévastation de la planète que l’Arabie
saoudite et le Qatar, les deux pays
unique au Monde se réclamant du
wahhabisme, ont infligé au reste du
Monde, tant par la désagrégation
programmée du Monde arabe que par le
terrorisme anti occidental, du fait de
leur rôle incubateur du djihadisme
erratique planétaire.
La
promotion des anciens corsaires de la
piraterie maritime de la «Côte des
Pirates», ces «nains pétro
monarchiques», au rang de Maîtres du
Monde arabe par le camp atlantiste,
passera à la postérité comme le symptôme
d’une grave aberration mentale, contre
productive, en même temps qu’une
souillure morale indélébile à inscrire
au passif du Monde occidental.
Si le
Monde arabe en a lourdement pâti durant
la séquence dite du «Printemps arabe»,
le Monde Occidental en pâtira par ses
excroissances dégénératives par ses
effets à long terme.
Retour
sur ce psychodrame dont les États Unis
et Israël en seront les principaux
bénéficiaires au détriment de la
Palestine et de la sécurisation de
l’espace national du Monde arabe,
accentuant sa marginalisation en ce que
le Monde arabe est captif des
pétromonarchies et le Monde musulman,
otage du wahhabisme.
Ce
double handicap accentue la servitude de
l’ensemble arabo musulman et le
marginalise dans la gestion des affaires
du Monde en ce que les monarchies arabes
sous tutelle constante occidentale n’ont
jamais mené une guerre de libération
nationale mais disposent néanmoins d’une
majorité de blocage au sein de la Ligue
arabe.
Les six
pétromonarchies, adossées chacune à une
base militaire occidentale, -en sus de
la Jordanie et du Maroc, les deux alliés
souterrains d’Israël, ainsi que des
Comores, un confetti de l’empire
français et Djibouti, qui abrite sur son
sol une base américaine et une base
française-, disposent d’une majorité de
blocage régentant de ce fait le Monde
arabe. Ni les pétromonarchies du Golfe,
ni la Jordanie, ni Djibouti ou les
Comores n’ont mené une guerre de
libération dont l’indépendance a été
octroyée par leurs colonisateurs. Un
déséquilibre structurel calamiteux pour
la définition d’une stratégie du Monde
arabe.
Les
Émirats Arabes Unis dont le rôle
virulent dans la curée anti Qatar parait
moins en pointe dans les commentaires de
la presse occidentale en ce qu’Abou
Dhabi abrite une base aéronavale
française et que cette principauté a
depuis longtemps vendu son âme au diable
confiant en toute discrétion la
protection de ses champs pétrolifères à
Israël, moyennant un jolie pactole qui
enrichit considérablement la trésorerie
des autorités d’occupation de la
Palestine.
Le Qatar, un rebut
de luxe, le principal bénéficiaire des
avatars saoudiens.
L’Arabie
saoudite et le Qatar ont en effet
longtemps vécu en symbiose, se
répartissant en bonne intelligence les
rôles, au point que le petit wahhabite
fera longtemps office de rebut de luxe
pour recyclage haut de gamme des avatars
de la diplomatie saoudienne, au delà de
la diplomatie atlantiste.
Le Qatar
a ainsi récupéré la totalité du service
arabe de la BBC pour en faire le noyau
historique d’Al Jazira à la faveur du
conflit opposant les anciens partenaires
du premier projet de chaîne trans
frontière arabe BBC World News et la
firme saoudienne Orbit. Une crise
survenue à la suite d’une interview
accordée par le module à un opposant
saoudien.
Il en a
été de même du prédicateur égyptien
Youssef Al Qardawi, proche des Frères
Musulmans, dont les outrances verbales
incommodaient fortement l’Égypte,
qu’elle refoulera vers le Qatar qui lui
accordera la nationalité et le titre de
Mufti du Qatar.
Il en
sera de même de la confrérie des Frères
Musulmans, prenant la relève des
Saoudiens, les parrains de la confrérie
pendant toute la seconde moitie du XX me
siècle, excédés par les prétentions des
islamistes dans la gestion de l’Islam
européenne.
Il en
sera aussi de la famille de Saddam
Hussein (son épouse Sajida et ses deux
filles) dont la présence en Irak
apparaissait comme encombrante pour les
États Unis.
Il en
sera enfin de même de Robert Ménard,
l’ancien directeur de «Reporters sans
frontières» dont le zèle anti chinois à
la veille des Jeux Olympiques de Pékin
embarrassait le président français de
l’époque Nicolas Sarkozy.
Le principe du
balancement constant dans sa politique.
Désigné
au choix, comme le pays d’Al Jazira ou
du CENTCOM, le lieu d’exil des
indésirables arabes, Qatar est à la fois
tout cela et bien plus.
Siège du
Quartier Général du «Central command»
américain, le commandement du théâtre
des opérations allant de l’Afghanistan
au Maroc, et de la chaîne trans
frontière arabe «Al-Jazira», Qatar fait
cohabiter sur son sol, dans l’harmonie
la plus discrète, la famille de l’ancien
président irakien Saddam Hussein, le
prédicateur islamique Youssef Al-Qaradawi,
un des grands officiants de la chaîne,
et une discrète mission commerciale
israélienne.
4 me producteur mondial de gaz (après
les États Unis, la Russie et l’Iran),
membre de l’Organisation des pays
exportateurs de pétrole (OPEP), le Qatar
a refusé d’adhérer à la Fédération des
Émirats arabes Unis. Il gère de ce fait
pour son propre compte de fabuleuses
richesses.
L’engouement de la classe politique
française à son égard est comparable à
celui qui prévalait à l’égard de l’Irak
de Saddam Hussein du temps de sa
splendeur et de l’avidité de ses
interlocuteurs français, durant les
décennies 1970-1980. Là s’arrête la
comparaison. Entourée par l’Arabie
saoudite au sud et le golfe
arabo-persique au nord, cette minuscule
principauté de 11 427 km² peut être
menacée, jamais menaçante, toujours
alléchante.
Le balancement est constant dans
l’Émirat, au point que certains jugent
cette dualité comme relevant de la
duplicité, la caution de desseins
inavoués: Il en est ainsi du duo
CENTCOM/Al-Jazira.
Il en
est de même avec la France: L’amitié
avec Sarkozy a permis au président
français d’éradiquer toute sensibilité
pro arabe au sein de l’administration
préfectorale et du dispositif
audiovisuel français et la promotion
concomitante de personnalités
notoirement pro israéliennes (2).
Une
promotion accompagnée parallèlement de
la mise à l’écart de Bruno Guigue
(administration préfectorale), de la
mise à l’index de l’universitaire
Vincent Geisser et de l’éviction de
Richard Labévière (Média) ainsi que de
Waheeb Abou Wassil, seul palestinien du
dispositif médiatique extérieur.
Le Qatar, principal
bénéficiaire de la pathologie de la
famille régnante saoudienne.
La
séquence dite du printemps arabe» a
surpris la dynastie wahhabite en pleine
pathologie gérontocratique. Quatre des
principaux dignitaires wahhabites seront
emporte par la maladie aux premières
années de la guerre de Syrie: Les deux
des princes héritiers, -Le prince Sultan
Ben Abel Aziz, l’inamovible ministre de
la défense pendant un quart de siècle et
père du prince Bandar, le chef du
djihadisme planétaire, et le Prince
Nayef Ben Abdel Aziz, son successeur
comme prince héritier- ont succombé à la
maladie le premier de cancer, le second
de dégénérescence nerveuse, lors des
trois premières années de la guerre de
Syrie, avant que le Roi octogénaire
Abdallah ne succombe lui même de crise
cardiaque en 2015, peu de temps après le
décès du prince Saoud Al Faysal,
ministre des Affaires étrangères pendant
un demi siècle.
Le Qatar
mettra ainsi à profit la défaillance
physique du leadership saoudien pour
prendre la conduite des opérations à la
faveur de son alliance stratégique avec
la confrérie des Frères Musulmans, dont
il était devenu le parrain en
substitution à leur divorce avec les
Saoudiens, déviant le cours de la
révolution au depart authentiquement
populaire (Mohamad Bouazizi en Tunisie,
Place Tahrir au Caire) dans une
entreprise de déstabilisation des pays
arabes à structure républicaine à la
faveur de la contestation interne dont
ces pays étaient le théâtre (Tunisie,
Égypte, Libye, Syrie).
Se
plaçant à la pointe du combat pour la
défense des causes arabes, l’Émir du
Qatar aura été auparavant le premier
dirigeant arabe à se rendre au Liban dès
l’annonce du cessez le feu libano
israélien, en Août 2006, prenant à sa
charge la reconstruction de localités du
sud Liban détruites par les Israéliens.
Et la principauté sera aussi le pays
hôte du sommet arabe pour l’aide à la
reconstruction de Gaz.
Ce rôle
de franc-tireur a permis au Qatar, par
son amitié affichée avec la France, sans
passé colonial dans la zone, de faire la
démonstration de son indépendance tant
vis-à-vis du grand frère saoudien que du
pesant tuteur américain, que de
l’Égypte.
Un
exercice de saltimbanque qui lui a
permis de flirter, sans risque, avec
l’Iran, contigu au champ gazier off
shore du Qatar, et les autres bêtes
noires de l’Occident -le mouvement
islamique palestinien Hamas, le
mouvement chiite libanais Hezbollah-,
tous les contestataires à l’ordre
hégémonique israélo américain sur
l’espace arabe, mais dans les limites
des règles du jeu imposé par son
protecteur américain, sous peine de
retour de bâton, comme en témoigne la
tentative de déstabilisation d’Al Jazira
lors de l’invasion américaine de l’Irak
en 2003.
Un gâchis monumental
Deux ans
après le déclenchement du «printemps
arabe», Al Qaida et sa matrice
formatrice, les Frères Musulmans, ont
multiplié les communiqués de victoire
sur tous les fronts arabes, au rythme
des concessions arabes sur la
Palestine…. sur fond d’un paysage
dévasté d’un champ de ruines généré par
la guerre mercenaire menée par des
Arabes contre des Arabes pour le plus
grand profit de leurs ennemis communs,
Israël et les États Unis.
L’Irak,
le Yémen, le Soudan, la Libye et la
Syrie sont déchiquetés par des guerres
sectaires. Le sud Soudan et le Kurdistan
irakien promus, parallèlement, au rang
de plate formes opérationnelles
israéliennes sur les deux versants du
Monde arabe, et la Palestine, à
l’abandon, en état de décomposition
avancée, indice patent d’une
défragmentation mentale absolue sans
pareille dans les annales des relations
internationales, dont le Qatar en porte
une lourde responsabilité. Pour le plus
grand malheur des Arabes et des
Musulmans.
Telle a
été la contribution majeure du Qatar à
la promotion du Monde arabe, avec une
menton spéciale la généralisation de la
consommation du captagon et la ruée des
dignitaires du Golfe à l’assaut des
pubères syriennes, la collusion entre
Israël et les djihadistes du Qatar dans
leurs attaques synchronisées contre la
Syrie, enfin la cascade de fatwas
pathologiques édictées à l’encontre des
«dépendantes» à l’ombre du printemps
arabe. Tout le reste n’est que bobards
de salonnards.
Le rôle
moteur du Qatar dans le conditionnement
de l’opinion, l’encadrement et
l’amplification du «printemps arabe», la
confiscation de la révolution arabe et
son déroutement des rives inflammables
du Golfe pétro monarchique vers les
républiques laïques de la Méditerranée
(Libye, Syrie), en connivence avec les
États Unis, jusque-là susurré, est
désormais établi.
Le
Qatar, connu du monde entier par une
antiphrase ravageuse, «la chaîne qui
possède un état», en référence à sa
chaîne d’Al Jazira, alimentera ainsi de
nombreuses thèses doctorales des
facultés des sciences de la
communication sur la «Révolution 2.0» ou
d’autres balivernes du genre «Révolution
cathodique», dans une opération de
diversion médiatique visant à usurper, à
tout le moins à en atténuer la portée,
en tout cas à subvertir le sacrifice du
tunisien Mohamad Bouazizi, l’étincelle
de la révolution.
Un
parfait représentant de cette société
informelle qui peuple le Monde arabe par
déclassement social, dont la
marginalisation et la paupérisation ont
constitué le moteur du bouleversement
régional, avant d’être dérouté par
l’islam pétrolier et atlantiste de son
cours libératoire.
Le
passage forcé de ce cheval de Troie
anglophone de l’Amérique au sein de
l’Organisation de la Francophonie, en
vue de prendre pied dans la zone
stratégique à la charnière du Maghreb et
de l’Afrique noire, de même que les
mésaventures d’une universitaire
française venue enquêter pour les
besoins de sa thèse sur les «bidounes»
(apatrides), à l’arrière-plan du
grenouillage et des gigotements de la
classe politique française devant ce
nouvel eldorado, ont révélé la face
sombre de cet émirat, sa vanité en même
temps que la cupidité et la
vulnérabilité de ses interlocuteurs
français.
En
France, le Qatar a bénéficié du zèle
propagateur de la quintette de la
chorégie qatariote –l’«idiot utile du
terrorisme islamique» François Burgat
Burqa, ses deux disciples thésards de
longue durée Nabil Ennasri et le
djihadologue Romain Caillet (alias
colonel Salafi), l’islamolgue Tariq
Ramadan, l’universitaire Mathieu Guidère,
ainsi que Mohammad Henniche, notable de
la zone bariolée de la région Île de
France, convoyeur attitré des meetings
électoraux de la présidence Sarkozy.
Le péché d’orgueil
du Qatar, une grenouille qui voulait se
voir aussi grande qu’un bœuf
Si
l’Arabie saoudite se vivait comme le
gardien de La Mecque de l’Islam, le
Qatar se voulait La Mecque de la
Confrérie des Frères musulmans.
De rite
wahhabite, le Qatar a érigé une mosquée,
plus importante que la plus grande
mosquée saoudienne, la baptisant du nom
de «Mosquée Mohammad Abel Wahhab», le
religieux partenaire de la famille Al
Saoud dans la conquête du Royaume
saoudien, intronisant le
télé-prédicateur d’Al Jazira Youssef Al
Qaradawi, Mufti de l’Otan, avec en
double commande Tariq Ramadan, le petit
fils du fondateur de la confrérie des
Frères Musulmans, dans le rôle de
successeur désigné du polygame
octogénaire compulsif.
Dans la
stratégie du Qatar, Tariq Ramadan avait
en effet vocation à assurer la relève de
l’octogénaire Qaradawi dans son rôle
prescripteur sur le plan théologique,
parallèlement au rôle dévolu sur le plan
politique, à Azmi Béchara, cet officiant
chrétien d’Al Jazira, ancien député
palestinien du parlement israélien. Un
duo islamo chrétien destiné à assurer la
maîtrise du débat intellectuel pan arabe
dans ses diverses déclinaisons pour le
compte du Qatar via les contre feux de
ses hommes-lige.
Mais le
projet tourna court du fait de la
déconfiture intellectuelle des
islamophilistes français, de la déroute
militaire française en Syrie et de la
duplicité du discours du petit-fils du
fondateur de la Confrérie des Frères
Musulmans, une famille constamment
adossée aux dollars pétro monarchiques
des régimes les plus pro américains et
les plus régressifs du Monde arabe, le
père, Said, à l’Arabie saoudite, le
fils, Tariq, au petit wahhabite.
La
réplique saoudienne, implacable, a été à
la hauteur de l’affront: le Mufti du
Royaume saoudien, un descendant direct
de Mohammad Abdel Wahhab, a disqualifié
le Qatar de la famille wahhabite,
réduisant la famille régnante du Qatar
de même que ses ouailles à de simples
musulmans sans attache religieuse à la
moindre école de pensée religieuse, des
apatrides de l’Islam en somme.
Le Qatar, un oxymore
ou les prémisses d’une déconfiture
Point
n’est pourtant besoin d’être grand clerc
pour appréhender le Qatar, le nouveau
crésus de l’économie planétaire, au
fonctionnement sommaire, au décryptage
basique. Une charade simple à dénouer.
Un fils
qui évince son père est un parricide. Un
prince qui épouse la fille du chef de
l’opposition, en gage de sa loyauté, est
un Machiavel en herbe. Ou un gougnafier.
Un gouverneur qui sévit en tandem avec
son cousin, -le propre fils de l’ancien
émir destitué par le propre père de
l’actuel gouverneur-, en vue de mettre
l’émirat en coupe réglé est un
prédateur. Les Borgia de Florence
délocalisés à Qatargaz, quand bien même
octroie-t-il en guise de jeux de cirque,
un joujou Pin Pon à ses sujets, des
Porsche rutilantes à sa police.
L’attelage ainsi constitué est désigné
dans le langage académique comme étant
une relation tripolaire. Ou une
triangulation. Michel Audiard, célèbre
dialoguiste de cinéma du siècle dernier
au langage châtié, qualifiait jadis ce
genre de «combinazione» de «conjuration
de cloportes» ourdie par des prédateurs
machiavéliques. Autrement dit une
association de malfaiteurs. Au vu d’une
telle mystification, il aurait sans
doute tonné haut et fort contre qu’«il
ne faut pas prendre les enfants du Bon
Dieu pour des canards sauvages», encore
moins les vessies pour les lanternes,
intimant de cesser au plus vite ce «foutage
de gueule», si préjudiciable à ses
auteurs.
La chute
vertigineuse de l’audience d’Al Jazira
en porte témoignage. De «43 millions de
téléspectateurs quotidiens à 6
millions», selon Riadh Sidaoui,
directeur du Centre Arabe de Recherches
et d’Analyses Politiques et Sociales
(CARAPS), basé à Genève, qui explique
cette dégringolade par le traitement
partial de la chaîne qatariote du
«printemps arabe» au point de soutenir
la guerre coloniale de l’OTAN en Libye.
Le
roitelet d’un minuscule pays qui génère
un milliard de dollars de recettes par
jour dans un monde où l‘argent est roi
est ipso facto le Roi du Monde dans une
période où l’économie occidentale est en
crise systémique.
Mais le
souverain d’une principauté dont le
quart de la superficie du pays est
occupé par une importante base militaire
américaine est au choix un prince captif
ou un souverain sous tutelle. Un
gouverneur d’opérette? Une marionnette?
Dans
tous les cas de figure, un oxymore. Un
tison incandescent américain planté sur
le flanc de l’Arabie, alléché par l’idée
de se substituer à la dynastie wahhabite
au leadership spirituel et politique du
Monde sunnite. Au même titre que la
Turquie, principal bénéficiaire sur le
plan régional sunnite de la destruction
de l’Irak et de la Syrie.
Que le
prédicateur-maison, Youssef al Qaradawi,
la caution théologique des équipées
atlantistes en terre arabe, implore les
États-Unis de bombarder la Syrie, un
pays qui a soutenu trois guerres contre
Israël en partenariat avec l’Égypte,
donne la mesure de l’aberration mentale
du millionnaire égypto-qatariote et de
sa soumission, de même que son mécène, à
l‘ordre israélo-américain.
Milliardaire du loto de la vie, à
l’obésité étroite dans sa cage dorée, ce
bédouin oisif s’est choisi comme terrain
de jeu la scène mondiale. Et pour hobby,
non le Golf qui sied aux gentlemen, mais
le jeu de massacre que ce fauconnier
braconnier prise particulièrement. Un
milliardaire arabe et croyant qui
consacre 200 millions de dollars à
Jérusalem et trois milliards de dollars
au financement des djihadistes
cannibales en Syrie est un
mystificateur. Et pour les puristes de
la religion, un mécréant.
Que,
dans la foulée, le Hamas, ultime
mouvement sunnite de lutte armée,
choisisse à son chef charismatique,
Khaled Mecha’al, comme résidence
permanente, Doha, à vol d’oiseau de la
base américaine du Centcom, la plus
importante base américaine du tiers
monde, donne la mesure de l’abdication
morale et intellectuelle de l’Islam
atlantiste.
Un acte
d’indignité nationale à l’effet de
disqualifier ce mouvement de libération
nationale, au-delà de l’insulte morale
que constitue ce choix pour la mémoire
des pères fondateurs de ce mouvement
tous tués par assassinats extra
judiciaires israéliens avec la caution
américaine.
Tels
sont les axiomes de base de l’équation
qatariote. Le reste relève de
l’entreprise apologétique, d’une
mendicité déguisée ou d‘une
gesticulation médiatique en quête de
notoriété.
Le soft
power, notion abondamment développée par
ses zélateurs ne saurait tenir lieu de
cache misère à une indigence
conceptuelle, ni justifier les
turpitudes d’un pays qui passe pour être
l’un des principaux exportateurs du
djihadisme erratique, le principal
promoteur financier du néo islamisme
rigoriste dans les pays arabes et
africains, particulièrement en Tunisie,
ainsi qu’au Mali.
La relance de la
guéguerre fratricide
En
sourdine depuis quatre ans à propos de
la conduite des opérations dans la
séquence dite du «printemps arabe», la
guerre a éclaté au grand jour entre les
deux frères ennemis wahhabites l’Arabie
saoudite et le Qatar, une semaine après
la visite de Donald Trump en Arabie
saoudite.
La hache
de guerre a été une nouvelle fois
déterrée en ce que l’Arabie saoudite
s’est cru intronisé «Roi de l’Islam»,
paradoxalement, par l’artisan du «Muslim
Ban», le président xénophobe américain
Donald Trump, au détriment de la
Turquie, la principale puissance
militaire sunnite de surcroît membre de
l’Otan et allié privilégie d’Israël dans
la zone.
L’accalmie aura duré cinq ans. Le Qatar
avait souscrit, le 19 Avril 2014, à Ryad
un arrangement qui s’apparentait par ces
termes et conditions à une capitulation
en rase campagne, équivalant, en cas de
sa complète mise en œuvre, au placement
sous tutelle de cet émirat turbulent
dont la mesure la plus fortement
symbolique devait être le dégagement du
prédicateur octogénaire Youssef Al
Qaradawi de sa plate forme médiatique,
ainsi qu’une sourdine à la guerre
médiatique menée par le Qatar, via Al
Jazira, contre le tombeur de Morsi, le
Maréchal Abdel Fattah Sissi, candidat à
l’élection présidentielle égyptienne et
bénéficiaire du soutien des
pétromonarchies.
Le
détonateur de la déflagration, le
télé-prédicateur Youssef Al Qaradawi a
été réduit au silence.
L’arrangement de
Ryad.
Scellé
sur une base militaire, en présence des
ministres des Affaires étrangères des
six pays membres du Conseil de
Coopération du Golfe, à titre de témoins
et de caution, l’accord concède un délai
de deux mois au Qatar pour remplir ses
engagements, notamment le reprofilage de
sa diplomatie dans un sens conforme au
consensus régnant au sein du syndicat
pétro monarchique.
Près
d’un an après la destitution déguisée de
l’ancien «Deux es Machina de la
révolution arabe», Hamad Ben Khalifa Al
Thani, deux mois après le dégagement de
son compère saoudien Bandar Ben Sultan,
cette clause augure mal de
l’indépendance stratégique future de la
principauté en ce qu’elle constituerait
un soft protectorat imposé au petit
wahhabite, dans une conjoncture
calamiteuse pour le camp islamo
atlantiste, matérialisée par le double
camouflet, le revers militaire de
Yabroud en Syrie, la place forte des néo
islamistes, et le camouflet diplomatique
en Crimée.
Un
double revers accentué de surcroît par
la consolidation de la position de la
Russie en Syrie, propulsant l’ancien
Empire des tsars au rang d’interlocuteur
fiable au niveau du Monde arabe, après
avoir été longtemps diabolisé du fait de
l’athéisme marxiste soviétique.
Aux
termes de cet accord, le Qatar devait
cesser son soutien à la confrérie des
Frères Musulmans, ce qui implique de
réduire de facto son partenariat
stratégique avec la Turquie, son allié
du printemps arabe en Libye et en Syrie,
et de se focaliser sur la Syrie plutôt
que sur les critiques à l’égard du
régime post Morsi.
De Renoncer en outre à soutenir les
Think Tank américains, accusés d’attiser
les critiques envers les dynasties
monarchiques du Golfe, notamment ceux
qui ont choisi Doha comme base
régionale- «The Brookings Institution»
et «The Rand Corporation». La Rand est
l’auteur du fameux rapport «From
confrontation to Containement»,
préconisant de confier le pouvoir aux
Frères Musulmans pour mieux contenir la
vague néo islamiste dans le Monde arabe.
Le Qatar
devra remplir ses conditions sans le
moindre atermoiement. A défaut, la
principauté est menacée d’un blocus de
ses liaisons aériennes et terrestres
avec l’ensemble de la péninsule
arabique, et, selon des indiscrétions de
la presse arabe, d’une grande opération
de déstabilisation du clan Al Thani, qui
sera matérialisée par le soutien des
pétromonarchies voisines à la branche
rivale de la dynastie et à l‘importante
tribu «Bani Mari», le socle du pouvoir
monarchique au Qatar.
Le Qatar, casse-tête des
pétromonarchies, l’annexion du Qatar,
une épée de Damoclès.
La
décision du Conseil de coopération du
Golfe de mettre au pas le Qatar a été
prise d’un commun accord entre l’Arabie
saoudite, le Bahreïn, et les Émirats
Arabes Unis, et l’Égypte, fortement
incommodés par ce qu’ils considèrent
être les dérives du gnome de Doha et qui
valurent au précédent Émir une
destitution déguisée, sur injonction
américaine.
Outre le
manque de confiance dans les dirigeants
qatariotes, la raison sous-jacente à
l’intransigeance saoudienne réside dans
le fait que la dynastie Al Thani du
Qatar peut servir de dynastie de
substitution aux wahhabites en cas de
démembrement du royaume saoudien, comme
la menace en est régulièrement brandie
par les Américains.
Le Qatar
est devenu le casse-tête des
pétromonarchies, certains jours un
véritable «bâton merdeux» que chacun
cherche à refiler à son voisin pour
résoudre les problèmes qu’il pose.
Dans ce
qui parait comme une manœuvre
d’intimidation à l’égard du
récalcitrant, le chef de la police de
l’Emirat, Dhafi Al Khalfane, a en effet
proposé l’annexion pure et simple du
Qatar à la Fédération des sept Émirats
Arabes Unis (Abou Dhabi, Doubaï, Ajman,
Sharjah, Oum el Gowein, Ras El Kheyma)
et son placement sous l’autorité d’Abou
Dhabi avec octroi de passeports émiratis
aux anciens ressortissants du Qatar.
Dhafi Al
Khalfane s’est défendu toute visée
annexionniste. Il a justifié sa requête
par le fait que le Qatar était placé
sous l’autorité de l’Émir d’Abou Dhabi
avant son détachement en zone autonome
par le colonialisme britannique du temps
où la zone se dénommait la Côte des
pirates. «L’accessoire doit suivre le
principal» a-t-il déclaré selon les
propos rapportés mardi 1 er avril 2014
par le site en ligne «Ar rai al Yom».
Connu
pour son franc-parler, le responsable
émirati est la bête noire des Frères
Musulmans depuis qu’il a ordonné
l’incarcération de 75 membres de la
confrérie sous l’accusation de tentative
de coup d’état. Il a d’ailleurs estimé
que le succès électoral du président néo
islamiste turc Erdogan «est la pire
catastrophe politique pour l’avenir de
la Turquie en ce que le mandat d’Erdogan
pour la Turquie sera comparable à celui
du néo islamiste Morsi en Égypte».
Le Qatar
ne veut, visiblement pas, s’en laisser
compter. Les Frères Musulmans, unique
organisation arabe transnationale avec
ses ramifications tant au Machreq qu’au
Maghreb, constitue un véritable bouclier
défensif de l’Émirat face au géant
saoudien. Après avoir mobilisé le ban et
l’arrière ban de ses alliés pour
destituer le pouvoir baasiste syrien,
obtenant même l’expulsion de la Syrie de
la Ligue arabe, dont elle était pourtant
un membre fondateur, le voilà qu’il
cherche à se faire pardonner de ses
anciens ennemis.
Dans son
épreuve de force avec l’Arabie saoudite,
Tamim a cherché à s’adosser sur ses
ennemis d’hier, notamment l’Iran, la
Syrie et le Hezbollah libanais. Il a
ainsi dépêché à Bagdad un diplomate de
haut rang pour y rencontrer un officier
supérieur iranien, la veille de la
visite à Riyad de Donald Trump, doublant
cette démarche par un coup de fil du
Prince Tamim au Président Rouhani, à la
suite de sa réélection à la présidence
iranienne.
A moins
d’un spectaculaire retournement
d’alliance, le Qatar se voit donc
condamné à boire la coupe jusqu’à la
lie, lui qui avait puissamment œuvré
avec la Turquie à la propulsion des
Frères Musulmans au pouvoir dans «les
pays du printemps arabes» (Tunisie,
Libye, Égypte) avec le ciblage de la
Syrie et de la Palestine (Hamas), une
triplette dont les premières mesures
auront été d’ériger les interdits en
tant que principe de gouvernement.
Erreur fatale à leur rayonnement.
La criminalisation des Frères
musulmans, une opération de blanchiment
à bon compte des turpitudes saoudiennes.
Au-delà
des rivalités de voisinage et des
conflits de préséance, la diabolisation
des Frères Musulmans, la matrice
originelle d’Al Qaida et de ses
organisations dérivées, apparaît ainsi
comme une grande opération de
blanchissement à bon compte des
turpitudes saoudiennes et de
dédouanement de la dynastie à son
soutien à la nébuleuse du djihadisme
erratique depuis son apparition dans la
décennie 1980 lors de la guerre anti
soviétique d’Afghanistan, auparavant
dans son rôle de parrain des «Frères
Musulmans», qu’il continue d’ailleurs
d’utiliser dans sa guerre contre le
Yémen.
Un
parrainage qui a valu à l’Irak
d’assumer, par substitution, la fonction
de victime sacrificielle d’un jeu de
billard à trois bandes, en 2003, en
compensation au châtiment de l’Arabe
saoudite pour sa responsabilité dans les
attentats du 11 septembre 2001 contre
les symboles de l’hyperpuissance
américaine.
Cette
décision à l’encontre d’une confrérie,
qu’elle a longtemps couvée, qui fut de
surcroît son instrument docile dans sa
guerre contre les régimes républicains
du versant méditerranéen du Monde arabe,
témoigne du brutal retournement de
situation à l’égard d’une organisation,
jadis portée au pinacle désormais vouée
aux gémonies.
A
l’apogée de sa puissance au début du
«printemps arabe», en 2011, l’unique
formation transnationale arabe se
retrouve à son périgée trois ans plus
tard, en butte désormais en aux coups de
butoir conjugués de son pays d’origine,
l’Égypte, et de son pays incubateur,
l’Arabie saoudite, les deux plus grands
pays arabes, le premier par sa puissance
militaire, le second par sa puissance
économique.
La
criminalisation des Frères Musulmans
s’est doublée, dans la foulée, de
l’inscription sur la liste des
organisations terroristes, deux autres
de ses excroissances, le Front As Nosra
de Syrie et l’Etat islamique en Irak et
au Levant (EIIL), et pour faire bonne
mesure, deux organisations chiites, les
rebelles zaïdites dits Houthis du Yémen,
et, naturellement, le Hezbollah
Libanais, le diable habillé en Prada
iranien.
Un tel
ravalement cosmétique devrait doter les
alliés arabes du bloc atlantiste d’une
image bonifiée et offrir, dans l’esprit
de ses ordonnateurs, une meilleure
exposition médiatique à l’opinion
internationale dans l’hypothèse du grand
marchandage qui se prépare entre les
États Unis et la Russie
Cette
crise, la plus violente depuis la
création du Conseil de coopération du
Golfe, il y a trente ans, parait devoir
entraver le fonctionnement de l’ultime
instance régionale de coopération arabe
encore en activité.
En
pointe dans le combat de la contre
révolution arabe, ce syndicat des
pétromonarchies du Golfe, sous haute
protection militaire occidentale, parait
devoir réduire sa voilure, non seulement
en raison de la guerre entre les frères
ennemis du wahhabisme, mais aussi du
fait du souci du 6eme membre, le
Sultanat d’Oman, de se maintenir à
l’écart de ce conflit fratricide,
cherchant auprès de l’Iran un
contrepoids à la prééminence du duo
saoudo qatariote au sein de cette
organisation.
Un pont reliant Oman à l’Iran devrait
être édifié via le détroit d’Ormuz
concrétisant l’alliance scellée à
l’occasion de la visite du président
iranien Hassan Rouhani à Mascate, le 12
mars 2014.
Formé
des six pétromonarchies du Golfe,
(Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats
Arabes Unis, Koweït, Qatar, Sultanat
d’Oman), le Conseil de Coopération du
Golfe a été mis sur pied dans la
décennie 1970 au moment de l’accession à
l’indépendance de l’ancienne côte des
pirates, dans la foulée du retrait
britannique à l’Est de Suez. Les six
pétromonarchies abritent chacune une
importante base occidentale, faisant de
la zone la plus importante concentration
militaire atlantiste, hors de l’Otan.
Que le
Mufti de l’Otan (87 ans) soit parvenu,
au soir de sa vie, à saborder les
relations entre les meilleurs alliés de
l’Otan, ses supplétifs dans la
recolonisation du Monde arabe donne la
mesure de la fragilité de cet édifice et
de ses adhérents.
La
guerre picrocholine des «Frères ennemis»
du Wahhabisme apparaît dans ce contexte
comme la lointaine réplique, sur le plan
arabe, de l’hécatombe des faiseurs
occidentaux des guerres de Libye et de
Syrie.
Pour aller plus loin
Références
1-
Rachida Dati et Robert Ménard: Parmi les
autres bénéficiaires de l’hospitalité du
Qatar figurent la sœur de Rachid Dati,
ancien ministre français de la justice,
affectée au service du patrimoine, une
structure placée sous l’autorité de
l’épouse de l’ancien Émir du Qatar,
Cheikha Mozah, élue par la suite membre
de l’Académie des beaux-arts de France.
De même que l’ancien directeur
controversé de Reporters sans
frontières, Robert Ménard, pour la
présidence d’une problématique fondation
pour la défense de la liberté de la
presse, qu’il désertera au bout d’un an,
devant son peu de poids face à la
structure parallèle mise sur pied par un
authentique homme de terrain qui a donné
au journalisme ses lettres de noblesse,
le photographe Sami al-Hajj, de la
chaîne al-Jazira, ancien pensionnaire du
bagne de Guantanamo, fondateur du
«Guantanamo Center», chargé de combattre
les atteintes à la liberté de la presse.
2- La
liste est longue qui va de Bernard
Kouchner (Quai d’Orsay), flamboyant
ministre des Affaires étrangères à ses
débuts contraint à une honteuse
normalisation avec le génocidaire du
Rwanda, Paul Kagamé, dans la foulée des
révélations sur ses connections
affairistes avec les dictateurs
africains, à Dominique Strauss Khan
(FMI), qui se demandait à chacun de ses
réveils ce qu’il pouvait bien faire pour
Israël et non à la France dont il porte
la nationalité avant de basculer dans
une galipette ravageuse pour la
réputation de la France au sein de la
haute fonction publique internationale,
à Arno Klarsfeld (Matignon), réserviste
de l’armée israélienne, à Pierre
Lellouche (Affaires européennes), à
François Zimmeray, ancien vice-président
de la commission d’études politiques du
CRIF, Ambassadeur pour les Droits de
l’homme, en passant par Christine
Ockrent (pôle audiovisuel extérieur),
Philippe Val (France inter), et à la
toute dernière recrue Valérie Hoffenberg,
directrice pour la France de l’American
Jewish Committee, représentante spéciale
de la France au processus de paix au
Proche-Orient.
3 – Une
guerre à outrance sur fond d’un
contentieux historique territorial
La
proposition d’annexion du Qatar aux
Emirats Arabes Unis :
http://www.raialyoum.com/?p=6971
Rached Ghannouchi et sa médiation sur le
contentieux des Frères Musulmans :
http://www.raialyoum.com/?p=74853
Les termes de l’accord de Ryad :
http://www.raialyoum.com/?p=76863
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
Le
dossier Arabie saoudite
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