MADANIYA
Historique des paradis fiscaux
René Naba
Jeudi 6 octobre 2016
Les
premiers paradis fiscaux apparaissent au
II me siècle avant JC, sous la forme de
zones franches officielles, en
Méditerranée orientale.
L’île de
Délos, en Grèce, la première pratiquera
un commerce libre d’impôts et de taxes
de douanes, dès 166 avant JC, et pendant
près d’un siècle. De par sa position
géographique privilégiée, l’île devient
un très important centre de commerce et
d’échange par où l’ivoire, les étoffes,
le vin, le blé et les épices transitent.
Au
Moyen-Age, Les «villes franches»
prennent le relais dans des ports et des
foires, bénéficiant d’un principe
d’extraterritorialité commerciale et
fiscale. La franchise connaît, dans le
cas des villes, une limite géographique,
et, dans le cas des foires, une limite
temporelle…de quelques jours à quelques
semaines.
La
première foire franche remonte ainsi au
VII me siècle avec la foire dite du
lendit, à Saint-Denis, instituée par le
roi Dagobert. Entre le XII me et le XIV
me siècle, les grandes foires de Lyon,
de Brie, de Beaucaire ou encore de
Champagne bénéficièrent du même
traitement de faveur.
Le cas
de la ville de Marseille est
intéressant: dès le début de l’ère
chrétienne, Marseille est une république
indépendante disposant d’un port franc
qui attire navires et produits de toute
la Méditerranée.
Ce n’est
qu’à partir de 1481, lorsque le Roi de
France s’empare de la ville, que le
statut du port est remis en cause. Il
gardera cependant une partie de ses
privilèges jusqu’en… 1817.
A partir
du XVI me siècle, c’est au tour des
comptoirs coloniaux de développer des
activités bancaires offshore liées aux
opérations commerciales.
Dans la
décennie 1910, c’est avec la prohibition
américaine, qu’apparaît dans le
vocabulaire le terme de blanchiment:
pour réintroduire les liquidités
illégales provenant du trafic de
l’alcool, les bandits investirent dans
des ’’salons de lavage’’ ou laveries
avec des machines à pièces, qui leur
permettaient de nettoyer l’argent au
sens propre du terme!
Plus
tard, dans la décennie 1920, une
nouvelle génération de paradis fiscaux
apparaît: des zones comme les Bahamas,
la Suisse ou le Luxembourg commencent à
développer des législations permettant
notamment aux étrangers de venir déposer
leurs capitaux pour échapper à l’impôt.
Beaucoup
de ces territoires, après la seconde
guerre mondiale, appartiennent aux
«oubliés du Plan Marshall».
Pour
financer leur développement, certains se
spécialisent dans les pavillons de
complaisance tandis que d’autres
adoptent une stratégie d’intégration à
l’ordre mondial par la dérégulation et
le secret bancaire.
Le
nombre des paradis fiscaux n’a depuis
pas cessé de croître grâce à la
libéralisation financière et au
développement des moyens de
communications télématiques et
informatiques facilitant des mouvements
de capitaux rapides. Ce qui parait
paradoxal à première analyse.
On
aurait pu s’imaginer que l’attractivité
des paradis fiscaux aurait dû s’émousser
au cours de la décennie 1980-1990 du
fait de la déréglementation financière.
Cependant les pratiques de séduction
fiscale articulées avec des offres
d’opacité et de compétence ont assuré
leur développement et leur
spécialisation.
Les PFJ
offrent en plus des privilèges fiscaux
une série complète de services de très
haut niveau dans la banque (en
particulier la gestion privée à
Luxembourg) dans l’assurance et pour la
mise en œuvre de produits financiers les
plus sophistiqués (Hedge Funds).
Les Îles
Caïmans constituent l’exemple d’une
offre off shore complète et intégrée à
la finance mondiale. En quelques années,
ce territoire britannique de 40 000
habitants est devenu un acteur
incontournable des marchés financiers
internationaux avec quelque 600 banques,
500 compagnies d’assurance, 50 000 IBC,
25 000 trusts et près de 5 000 fonds de
placement.
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