MADANIYA
Radioscopie-France : « Patrie des Droits
de l’homme »
ou « Patrie de la
déclaration des Droits de l’Homme » 2/5
René Naba
Vendredi 6 septembre 2019 La négation du
triptyque républicain
La France pâtit
d’une nostalgie de grandeur. Le
triptyque républicain (Liberté, Egalité,
Fraternité) relève davantage d’une
posture déclamatoire propre à la stature
de prescripteur moral que la France
s’est octroyée en vertu d’une mythique
mission civilisatrice. Mais à l’épreuve
des faits, le comportement de la France
relève davantage de la schizothymie
– La liberté: La
Colonisation est la négation de la
liberté. Contraire aux principes
fondateurs de la Révolution française,
la colonisation a été le fossoyeur de
l’idéal républicain.
– L’Egalité:
L’exception française est une
singularité: premier pays à avoir
institutionnalisé la terreur comme mode
de gouvernement, avec Maximilien de
Robespierre, sous la Révolution
française (1794). La France sera aussi
le premier pays à inaugurer la piraterie
aérienne, en 1955, avec le déroutement
de l’avion des chefs historiques du FLN
algérien, donnant ainsi l’exemple aux
militants du tiers-monde en lutte pour
leur indépendance La récidive dans la
singularité est aussi un trait de
l’exception française: ce pays jacobin,
égalisateur et égalitaire se
singularisera, aussi, en étant le seul
pays au monde à avoir officialisé le
«gobino-darwinisme juridique», à avoir
codifié en droit «la théorie de
l’inégalité des races», une codification
opérée sans discernement, pour
promouvoir non l’égalité, mais la
ségrégation.
La «Patrie des
Droits de L’Homme» et des compilations
juridiques modernes -le code civil et le
code pénal– est aussi le pays de la
codification discriminatoire, le pays de
la codification de l’abomination: le
pays du «Code Noir» de l’esclavage, sous
la monarchie, du «Code de l’indigénat»
en Algérie sous la République, qu’il
mettra en pratique avec les «expositions
ethnologiques», ces «zoos humains»
dressés pour ancrer dans l’imaginaire
collectif des peuples du tiers monde
l’idée d’une infériorité durable des
«peuples de couleur», et, par
contrecoup, la supériorité de la race
blanche.
Entorse au principe
républicain d’égalité des chances, les
discriminations constituent aussi un
manque à gagner économique. Et la
facture est lourde. Le coût des seules
inégalités d’accès à l’emploi et aux
postes qualifiés s’élèverait à 150
milliards d’euros.
-Fraternité: La
fraternisation sur les champs de
bataille a bien eu lieu mais la
fraternité jamais, la cristallisation
des pensions de retraite des combattants
indigènes en est une preuve criante.
L’immigré en France a longtemps été
perçu comme un indigène, ce qui faisait
paradoxalement de l’immigré, l’indigène
de celui qui est étymologiquement
l’indigène. La France s’affiche
volontiers révolutionnaire mais se
révèle, en fait, profondément
conservatrice. La France du triptyque
républicain a eu un comportement
liberticide avec la colonisation,
ethniciste dans sa politique migratoire,
un comportement sociocide dans sa
structuration socio-culturelle et
démographique.
La France à
l’articulation majeure des penchants
criminels de l’Europe démocratique
Pour mémoire, force
est de rappeler que les trois grandes
figures tutélaires du XX me siècle pour
leur contribution à la morale
universelle auront été trois
personnalités du tiers monde colonisé,
le Mahatma Gandhi (Inde), Nelson Mandela
(Afrique du Sud), et, pour l’espace
francophone, le Martiniquais Aimé
Césaire, trois apôtres de la
non-violence, une consécration qui
retentit comme un camouflet pour les
pays occidentaux avec leur cortège de
nazisme, de fascisme, de totalitarisme
et d’esclavagisme.
Et, pour
douloureuse qu’elle puisse être pour
notre amour propre national, force nous
est de relever que la France, en
contrechamps, aura été le seul grand
pays européen à l’articulation majeure
des deux grands fléaux de l’Occident de
l’époque contemporaine, «les penchants
criminels de l’Europe démocratique», la
traite négrière et l’extermination des
Juifs, contrairement à la Grande
Bretagne qui a pratiqué la traite
négrière exclusivement, sans aucunement
participé à l’extermination des Juifs,
contrairement même à l’Allemagne qui a
conçu et réalisé, elle, la solution
finale de la question juive, mais sans
participation significative à la traite
négrière.
A ce passif moral
s’ajoute un passif tout aussi accablant:
Jamais pays au Monde n’a été autant que
la France redevable de sa liberté aux
colonies, mais jamais pays au Monde n’a
pourtant autant que la France réprimé
ses libérateurs souvent de manière
compulsive: Alexandrette (Syrie), Sétif
(Algérie), Thiaroye (Sénégal), Haut
Sanaga (Cameroun), Madagascar.
Le déni de réalité
ne saurait tenir lieu de politique
mémorielle. Pas plus que la repentance a
minima pour solde de tout compte.
https://www.madaniya.info/2018/09/15/france-maurice-audin-du-deni-de-realite-en-guise-de-politique-memorielle/
L’effet
Boomerang: «L’invasion barbare».
Par un rebond de
l’histoire, dont elle connait seule le
secret, l’effet boomerang interviendra
au XXe siècle. L’Europe,
particulièrement la France, pâtira de sa
frénésie belliciste, avec l’enrôlement
de près de 1.2, millions des soldats de
l’outre-mer pour sa défense lors des
deux guerres mondiales
(1914-1918/1939-1945) et la
reconstruction du pays sinistré. Au
point que par transposition du schéma
colonial à la métropole, les Français,
par définition les véritables indigènes
de France, désigneront de ce terme les
nouveaux migrants, qui sont en fait des
exogènes; indice indiscutable d’une
grave confusion mentale accentué par les
conséquences économiques que cette
mutation impliquait.
L’indépendance des
pays d’Afrique neutralisera le rôle du
continent noir dans sa fonction de
volant régulateur du chômage français.
L’arabo-phobie se substitue alors à la
judéo-phobie dans le débat public
français avec la guerre d’Algérie (1954)
et la Guerre de Suez (1956), avant de
muter en Islamophobie avec la relégation
économique de la France à l’échelle des
grandes puissances. La xénophobie
française se manifestera alors d’une
manière inversement proportionnelle à la
gratitude de la France à l’égard des
Arabes et des Musulmans, dans le droit
fil de son comportement post guerre
mondiale à Sétif, en Algérie, en 1945,
et à Thiaroye, en 1946, au Sénégal.
Cinq siècles de
colonisation intensive à travers le
monde n’auront ainsi pas banalisé la
présence des «basanés» dans le regard
européen, ni sur le sol européen, pas
plus que dans l’imaginaire occidental,
de même que treize siècles de présence
continue matérialisée par cinq vagues
d’émigration n’ont conféré à l’Islam le
statut de religion autochtone en Europe,
où le débat, depuis un demi-siècle,
porte sur la compatibilité de l’Islam et
de la République, comme pour conjurer
l’idée d’une agrégation inéluctable aux
peuples d’Europe de ce groupement
ethnico-identitaire, le premier d’une
telle importance sédimenté hors de la
sphère européocentriste et
judéo-chrétienne.
L’immigration
basanée en France: Une immigration de
créance
L’immigration
basanée en France est une immigration de
créance et non une émigration de
bienfaisance. Elle résulte d’un tribut
de sang, sans pareil dans les annales,
qui fait, qu’à ce titre les immigrés en
France se doivent être accueillis par la
grande porte alors que les instances du
pays veillent constamment à leur faire
prendre la porte de service.
La contribution
globale de colonies à l’effort de guerre
français pour les deux guerres mondiales
est connue: 1ère Guerre Mondiale
(1914-1918) s’est élevée à 555.491
soldats, dont 78.116 ont été tués et
183.903 affectés à l’arrière à l’effort
de guerre économique pour la première
guerre mondiale. Pour la Deuxième Guerre
mondiale (1939-1945): La première armée
d’Afrique qui débarqua en Provence (sud
de la France), forte de 400.000 hommes,
comptait 173 000 arabes et africains
dans ses rangs.
La France a décidé
le 13 juillet 2010 l’alignement des
pensions de tous les anciens combattants
résidant à l’étranger, quelle que soit
leur nationalité, à l’occasion de la
commémoration du cinquantenaire de
l’indépendance de l’Afrique francophone.
Cet alignement a bénéficié à quelque 30
000 personnes sur les quelques 173 000
combattants indigènes qui constituaient
l’ossature de la première armée
d’Afrique.
Epilogue de
soixante ans d’une aberration morale,
cette mesure n’avait toutefois pas
d’effet rétroactif et ne concerne pas
les anciens combattants décédés sous le
régime de la «cristallisation» des
pensions. La générosité française parait
parcimonieuse et apparaît
rétrospectivement comme un solde de tout
compte. Au rabais.
Le devoir de vérité
ne constitue donc pas, selon une analyse
chauvine, une pantalonnade assimilable
«aux sanglots de l’homme blanc», mais un
acte de courage moral de salubrité
publique.
L’erreur est
humaine mais sa répétition est
diabolique. Pour la prévenir, il importe
de se remémorer que l’identité française
était vichyste sous Pétain et
l’écrasante majorité de Français se
reconnaissait en elle, alors qu’elle
était farouchement combattue par les
métèques de la République.
La fuite comme
mode de gouvernement
Le récent
changement de nom du parti néo-gaulliste
UMP (Union pour un mouvement populaire),
devenu «Les Républicains», remet sous
les deux de l’actualité une spécificité
française qui vise à opérer un
ravalement cosmétique destiné à gommer
les turpitudes d’une institution sans
garantie d’une rédemption, avec la
certitude d’une récidive.
Singulière pratique
qui distingue la France des autres
grandes nations occidentales, sans qu’il
ait été possible de savoir si cette
jonglerie sémantique constitue un signe
de vitalité et de créativité, ou plus
grave, le symptôme d’une inconstance,
voire d’une instabilité.
En comparaison avec
les autres pays occidentaux, le
comportement de la France fait tache.
Depuis la Déclaration d’indépendance, en
1776, contemporaine de la Révolution
française, les Etats Unis fonctionnent
selon un système fédéral régit par la
même constitution, reposant sur un socle
constitué de deux grands partis,
Républicains et Démocrates. Vingt-sept
amendements ont été ratifiés depuis la
signature de la Constitution originelle.
Il en est de même
au Royaume Uni où depuis l’instauration
de la monarchie parlementaire (1689), le
pays est régi par un corpus
constitutionnel immuable – l’«Habeas
Corpus» et «The Bill of Rights» (La
déclaration des Droits)-, animé par deux
grands partis politiques –Conservateurs
et Travaillistes–, qui pratiquent dans
la plus grande harmonie une alternance
du pouvoir selon le verdict des urnes.
La situation est
bien différente en France, qui a connu
depuis l’abolition de la monarchie
absolue en 1789, avec la Révolution
française, 13 régimes politiques
différents, dont 5 Républiques.
La succession de
ces régimes politiques entre 1789 et
aujourd’hui (empire, monarchie
constitutionnelle, république
parlementaire), fait que la France a
connu au cours des deux derniers siècles
près de 15 Constitutions différentes,
présentant chacune leurs spécificités
propres. Rien que pour la dernière,
celle de 1958 qui a fondé la Vème
République, 24 révisions ont été opérées
depuis son adoption, soit autant que
pour la Constitution des Etats-Unis qui
est en vigueur, elle, depuis plus de
trois siècles.
Les partis
politiques n’échappent pas à cette
règle, comme en témoigne la valse leurs
sigles.
Le parti gaulliste
fondé en 1946 par Charles de Gaulle
après la Libération s’est lui aussi plié
à cette règle des variations
saisonnières. Le Rassemblement du Peuple
Français (RPF/1947-1955) a ainsi évolué,
sémantiquement, au gré des circonstances
politiques pour devenir tour à tour,
l’Union Pour La Nouvelle République, au
retour du Général de Gaulle au pouvoir
en 1958, (UNR/1958-1967), avec une
variante progressiste tendance gaulliste
de gauche, l’Union Démocratique pour le
Travail de René Capitant
(UDT/1962-1967); Puis l’UDR par la
fusion de l’UNR et de l’UDT (1960-1976),
avant de changer de sigle en 1976, pour
devenir le Rassemblement Pour la
République (RPR 1976-2002), lorsque
Jacques Chirac a voulu se doter d’une
machine de guerre pour la conquête du
pouvoir, avant de basculer sous Nicolas
Sarkozy vers l’Union pour la Majorité
Présidentielle (UMP), transformé après
l’élection en l’Union Pour un Mouvement
Populaire jusqu’à sa mutation la plus
récente: «Les Républicains» (2015),
toujours sous l’égide de Nicolas
Sarkozy, reparti à la conquête du
pouvoir. Fait symptomatique, en 68 ans,
huit mutations de sigle.
Sauf à abdiquer
devant les tenants de l’anglo-sphère,
sauf à se draper dans un splendide
isolement, sauf à se voiler la face dans
un splendide aveuglement, le débat ne
saurait se réduire à un duel narcissique
entre la France et elle-même s’offrant
en spectacle au reste du monde, au nom
de l’exception française, mais à un
débat sur le positionnement de la France
au sein de son bassin naturel de
déploiement, la Francophonie, gage de
son rayonnement et justificatif de son
statut de grande puissance, membre
permanent du conseil de sécurité.
Un statut dont elle
n’aurait jamais rêvé au vu de ses
piètres performances durant la Deuxième
guerre mondiale (1939-1945), mais dont
elle est redevable à sa possession d’un
empire d’outre-mer et à la logique des
blocs au paroxysme de la guerre froide.
Le ressentiment est
fort, à la mesure de l’usurpation. Il
est à espérer que Jupiter de France,
lesté des turpitudes des précédentes
générations, débarrassera la France de
ses scories par une réhabilitation de
l’image du «Bougnoule» dans l’imaginaire
français et la réhabilitation de la
contribution de la «piétaille de la
République» à la grandeur de la France.
N’en déplaise aux
intellectuels de cour, l’exception
française est une singularité qui se vit
comme une impunité, une spécificité qui
se vit comme une spéciosité avec son
corollaire la récidive.
Premier pays à
avoir institutionnalisé la terreur comme
mode de gouvernement, avec Maximilien de
Robespierre, sous la Révolution
française (1794), la France est aussi le
premier pays à inaugurer la piraterie
aérienne, en 1955, avec le déroutement
de l’avion des chefs historiques du
mouvement indépendantiste algérien
(Ahmad Ben Bella, Mohamad Khider,
Mohamad Boudiaf et Krim Belkacem),
donnant ainsi l’exemple aux militants du
tiers-monde en lutte pour leur
indépendance.
La capitulation de
Sedan face à l’Allemagne en 1870-1871 a
donné naissance à la IIIème République,
la capitulation de Montoire face à
Hitler en 1940 à la IVème République
(1946), celles de Dien Bien Phu et
d’Algérie en 1955, à la Vème République
(1958), avec leurs cortèges de grandes
institutions: «sciences po» et
l’Institut des Etudes Politiques de
Paris après Sedan et l’ENA, l’Ecole
Nationale d’Administration (1945) après
Montoire.
Le pays des
«grandes écoles», des concours
pépinières des élites, des scribes et
des clercs – cinq millions de
fonctionnaires en France en 2.000, le
plus fort contingent de l’Union
européenne, soit 20% de la population
active – ne tolère pas de retour sur son
passé. Il ne conçoit que les
perspectives d’avenir. Jamais de
rétrospectives, toujours des
prospectives. Une fuite en avant? La
fuite comme mode de gouvernement ?
Le sommaire de René Naba
Le
dossier Monde
Les dernières mises à jour
|