MADANIYA
La Commission Économique et Sociale pour
l’Asie Occidentale (CESAO-ESCWA en
anglais) censure un rapport qu’elle a
commanditée elle même
Maram Daoud et Houda Al Masri
Lundi 6 février 2017
Par Maram Daoud (1) et Houda Al Masri.
Adaptation en version française,
rédaction du site www.madaniya.info
La
Commission Économique et Sociale pour
l’Asie occidentale (CESAO) a confié à
Rima Khalaf la responsabilité de diriger
une étude sur «L’Injustice dans le Monde
arabe et les moyens d’y remédier en vue
d’emprunter le chemin de la justice»,
mais à la surprise générale,
l’organisation régionale, se ravisant à
décider de censurer la publication du
document à sa parution.
La
censure résulterait des pressions
exercées sur cette organisation par
Israël et des pays arabes non
identifiés, selon des indications
fournies par plusieurs hauts
fonctionnaires de l’ONU.
Pour
Israël, le fait que le rapport contienne
un chapitre particulièrement critique
concernant la Palestine a conduit l’État
Hébreu à faire pression pour empêcher sa
publication. Pour les États arabes, la
présence au sein du groupe de travail
d’une une équipe dirigeante honnie des
pétromonarchies, a conduit les États du
Golfe à réclamer à leur tour la censure
du rapport, selon des informations
recueillies auprès du groupe de travail.
L’équipe
dirigeante dans le viseur des
pétromonarchies était constituée des
trois personnalités suivantes
représentatives des principaux courants
de pensée du Monde arabe: Raghid El Solh,
universitaire libanais, Professeur à
l’Université d’Oxford (Royaume Uni), de
tendance nationaliste arabe, décédé le 2
février 2017 des suites d’Un AVC
(accident cardio-vasculaire), Mohamad
Marzouki, ancien ministre tunisien,
ex-membre du parti An Nahda, qui avait
démissionné de son poste en signe de
protestation contre la politique menée
par le gouvernement post dictature,
ainsi que M. Haytham Manna, Président de
l’Institut Scandinave des Droits de
l’Homme (SIHR), figure de proue de
l’opposition démocratique laïque
syrienne.
Le groupe de travail a consacré deux ans
pour ses enquêtes, la recension, la
vérification des faits et la rédaction
du rapport; Il a fonctionné «en
concertation avec le commanditaire à
toutes les étapes de la recherche».
De
surcroît, le rapport avait une valeur
purement consultative, nullement
contraignant. En dépit de toutes ces
précautions, le rapport finalisé n’a pas
eu l’heur de plaire à ses
commanditaires. Patatras, coup de
théâtre, la CESAO, ESCWA en anglais,
s’est opposé in extremis à sa
publication.
Rima
Khalaf, le pilote principal du rapport.
Rima
Khalaf s’est vue confier la
responsabilité du pilotage du rapport.
Ce rapport, quintessence de son travail
de recherche, se proposait d’être le
cadeau d’adieu de ce haut fonctionnaire
international, en fin de mission auprès
de l’ONU en vue de restaurer une part de
sa crédibilité, écornée par des abus
répétés.
Le
parcours de son signataire illustre à
lui seul la complexité du fait
palestinien dans les pays arabes:
D’origine palestinienne, de nationalité
jordanienne, native du Koweït Rima
Khalaf est l’une des personnalités
arabes ayant occupé l’un des plus hauts
échelons de l’organisation
internationale: le poste de Secrétaire
exécutive de la Commission économique et
sociale pour l’Asie occidentale (CESAO),
avec rang de Secrétaire générale
adjointe.
En sa
qualité de Secrétaire générale adjointe
et de Directrice du Bureau régional pour
les États arabes, elle a dirigé le
fameux «Rapport sur le développement
économique arabe» pointant les
dysfonctionnements du système politique,
économique et culturel arabe. Née en
1953, elle est mariée à M. Hani K.
Hunaidi et a deux enfants. Elle est
titulaire d’une licence en sciences
économiques de l’Université américaine
de Beyrouth et d’un Ph.D en System
Science de la Portland State University.
Une
contribution de 31 intellectuels arabes,
homme, femmes des divers pays arabes.
Le
rapport censuré est le fruit d’un
travail collectif de 31 intellectuels
arabes, hommes et femmes, des divers
pays arabes du Machreq et du Maghreb.
Parmi les contributeurs figurent des
intellectuels arabes de premier plan
représentant les grands courants
politiques arabes, des nationalistes
arabes aux personnalités de sensibilité
islamisante.
Un choix
délibéré destiné à éviter l’accusation
de sectarisme, regroupant les
personnalités suivantes: Raghid Al Solh
(Liban), professeur à l’Université
d’Oxford (Royaume Uni), Clovis Maksoud
(Liban), Ambassadeur de la Ligue Arabe
auprès des Nations Unies et fondateur de
l’Université du Tiers Monde (New York
City), Kamal Khalaf Al Tawil,
(Palestine), auteur de plusieurs
ouvrages sur le conflit d’Irak et ses
répercussions sur la stabilité
régionale, contributeur du site en ligne
Ar Rai al Yom, Nassif Hitti, ambassadeur
de la Ligue arabe à Paris, Haytham Manna,
précité, Tamim al Barghouty, poète
palestinien de renommée panarabe, Fehmi
Houeidy, journaliste égyptien de
sensibilité islamisante, de même que le
tunisien Mohamad Marzouki.
Saoud Al
Mawla, Islah Jade, Amine Makki Madani,
Inaam Bayoud, Jawdat Abdel Haq, Hazem
Ahmad Hassani, Baker Souleymane Al
Najjar, Hayyan Haidar, Arouss Al Zoubeir,
Chafic Al Ghobra, Sadeq Jawad
Souleymane, Ali Oumlil, Taher Kanaan,
Fatima Sebti Kassem, Farid Al Awlaki,
Malek Al Soughayyer, Mohammad Hassan
Labbat, Mohamad Saleh al Mousfer,
Moustaha Kamal Al Sayyed, Moudher Kassis,
Maha Al Khatib, Hana’ Houmeydane, Haifa
Al Zankat, figurent en outre parmi les
contributeurs;
La
Palestine: la traditionnelle pierre
d’achoppement de la diplomatie
internationale
Le
rapport estime que «La justice est la
voie la meilleure pour finir avec l’arriérisme,
la violence, l’extrémisme, l’occupation
et la dictature» et «si la tolérance a
généré la démocratie en Europe,
l’entraide a servi de tremplin à
l’Afrique pour se dégager de sa
servitude, la justice sera le fondement
de la prise de conscience dans le Monde
arabe, prélude à son développement.
«L’amplification de la violence dans le
Monde arabe, de même que la montée en
puissance des idéologies éradicatrices
et frappant d’apostasie quiconque prône
la diversité, parallèlement, à
l’accentuation dans le tiers des pays
arabes ont été générés par l’injustice
dans toutes ses déclinaisons», relève le
texte.
D’un tel
contexte d’injustice subi tant au niveau
individuel qu’au niveau des peuples,
deux éléments indissociables, le rapport
en a analysé les conséquences sur la
cause palestinienne «une parfaite
incarnation de l’injustice subie par son
peuple et de l’injustice qui plane sur
le fonctionnement de ses éléments
constitutifs», poursuit le texte.
Difficile pour l’ONU de cautionner un
tel constat.
Indigné par cet acte de censure, le
groupe de travail, passant outre à
l’interdiction de l’ONU, a décidé de
publier ce rapport.
Illustration
Rima
KHALAF, Haytham MANNA, Raghid ALSOLOH
and Mohammad ALMARZOUKI in meeting with
senior consultants of ESCWA (2016)
A
propos
1- Maram
Daoud est un chercheur syrien, Houda Al
Masri est une militante féministe
syrien.
Version anglaise et arabe
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
Le dossier
Monde
Les dernières mises à jour
|