MADANIYA
Palestine : Khaled Mecha’al sur un siège
éjectable
René Naba
Lundi 3 octobre 2016
La capitulation
idéologique en rase campagne de Khaled
Mecha’al.
Khaled Mecha’al, dirigeant du Hamas,
s’est livré à une confession publique,
samedi 24 septembre 2016 à Doha, dans un
exercice d’autocritique qui s’est
apparenté à une capitulation idéologique
en rase campagne du chef politique de la
branche palestinienne des Frères
Musulmans, artisan de la déconfiture du
mouvement islamiste palestinien.
Celui qui se rêvait en destin de
Libertador qui s’est révélé un fossoyeur
de la cause palestinienne, a pris
prétexte d’un colloque organisé par le
«Centre des Etudes d’Al Jazira», pour se
livrer à une confession publique sur
«les erreurs» du Hamas durant la
séquence dite du «printemps arabe».
Premier exercice du genre depuis sa
bévue stratégique de son exil à Doha,
l’autocritique de Khaled Mécha’al est
apparue à bon nombre d’observateurs
comme le prélude à son dégagement du
leadership du mouvement islamiste
palestinien.
Voici la liste des
erreurs admises par Khaled Mécha’al :
1 ère erreur : «Hamas a commis une
erreur en monopolisant le pouvoir à Gaza
après sa rupture avec le Fatah, dans la
foulée de sa victoire électorale en
2006…
2 ème erreur : «L’erreur de penser
que l’ère du Fatah, (la matrice des
formations de la guérilla palestinienne)
était révolue et que l’ère du Hamas
débutait. Sur la base de cette fausse
estimation, nous avons commis l’erreur
de chercher à les évincer.
3 ème erreur : «Le mouvement
islamique a commis l’erreur de
surestimer son importance dans la
séquence dite du «printemps arabe»,
faisant preuve d’un manque d’expérience
en ce domaine, d’un manque
d’informations précises, ce qui a
provoqué une perturbation dans nos
rapports avec nos partenaires».
4 ème erreur : Réaffirmation du
principe de la non ingérence dans les
conflits qui agitent la région. «Nous
nous rangeons du côté des peuples, en
faveur de la stabilité de la nation, en
prenant en considération nos intérêts et
les impératifs de notre combat en tant
que Mouvement de Libération Nationale et
de Mouvement de Résistance. En cas de
conflits d’intérêt, nous devons nous
ranger du côté de nos principes».
En 2012, à l’expiration de son 2eme
mandat, le chef politique de la branche
palestinienne de la confrérie des Frères
Musulmans a avoué à Abdel Bari Atwane,
directeur du journal en ligne «Ar Rai Al
Yom», lors d’un entretien en Turquie,
qu’il ne «souhaitait pas briguer un 3eme
mandat, mais qu’il a dû postuler à la
demande pressante du Mohammad Morsi, à
l’époque président néo-islamiste
d’Égypte, du président turc Reccep Tayeb
Erdogan et de Youssef Qaradawi, le
milliardaire mufti de l’Otan basé à
Qatar.
L’influent journaliste arabe
d’origine palestinienne a révélé cet
épisode dans son compte rendu de la
confession sur ce lien:
Commentant la confession télévisée de
l’exilé de Doha, Abdel Bari Atwane a
jugé qu’elle pêchait par certaines
omissions, énumérant ses principaux
griefs à l’encontre du mouvement
palestinien:
1er grief : «Hamas a non seulement
cherché à monopoliser le pouvoir à Gaza
et ne s’est pas contenté d’évincer le
Fatah mais à évincer également la
plupart des autres formations
palestiniennes, qui constituent la
majorité du peuple palestinien».
2eme grief : Hamas a cherché à
traiter uniquement avec les formations
islamistes, un comportement d’un grand
sectarisme: «Au plus fort de l’euphorie
dans leur phase ascendante du «printemps
arabe», les islamistes avaient veillé à
éliminer toute discordance au sein de
l’opinion, ne tolérant la moindre
critique. Il est judicieux que «Mecha’al
ait demandé à ses partisans islamistes
de respecter les critiques formulées à
l’égard du Hamas».
3eme grief : La plus grande erreur
réside dans le comportement du Hamas de
ne pas admettre le principe du
«partenariat» dans la gestion des
affaires publiques. Ce comportement est
aberrant et «non les erreurs
d’appréciation, le manque d’expérience
et d’informations précises».
4eme grief : «Le fait d’émettre des
fatwas frappant d’apostasie des
dirigeants arabes, dans le but de servir
les menées militaires étrangères contre
les pays arabes, ou de décréter le
+Jihad+ en Syrie».
5eme grief : «Fermer l’ambassade de
Syrie au Caire, tout en maintenant
ouverte l’ambassade israélienne», sous
la mandature Morsi.
«Khaled Mécha’al aurait fait preuve
de courage en mentionnant ces graves
erreurs, en mentionnant en outre la
provenance de son arsenal militaire,
certainement pas des pays auxquels il
s’est rallié (Qatar, Arabie Saoudite,
Turquie), en gardant surtout présent à
l’esprit le fait que la CAUSE
PALESTINIENNE DOIT SE PLACER AU DESSUS
DES DIVISIONS INTERNES ET DES
DISSENSIONS CONFESSIONNELLES CAR LA
CAUSE PALESTINIENNE EST, EN PREMIER
LIEU, LA CAUSE DES ARABES, DES
MUSULMANS, ENFIN UNE CAUSE
INTERNATIONALE.
L’auto-critique explicite d’un
dirigeant du Hamas, la branche
palestinienne des Frères Musulmans.
Anticipant ce dégagement, Ahmad
Youssef, ancien conseiller politique
d’Ismail Haniyeh, a pointé sans ambages
les erreurs du Hamas, spécifiant les
erreurs que l’exilé de Doha a omis de
mentionner:
«Le Hamas a considéré que l’heure des
Frères Musulmans avait sonné avec la
conquête du pouvoir dans plusieurs pays
arabes au début du printemps arabe et
qu’il importait en conséquence de
s’adapter au nouveau contexte de manière
à se conformer à la nouvelle carte
géopolitique de la zone», a-t-il
déclaré.
«Les islamistes en Égypte et en
Palestine n’ont pas fait preuve de
lucidité politique» lors de leur
accession au pouvoir, a-t-il ajouté lors
de son interview au quotidien libanais
«Al Akhbar», en date du 9 juin 2016,
soit quinze jours après la proposition
du tunisien Rached Ghannouchi de séparer
le politique du religieux.
Voici les passages importants de
cette interview dont le texte intégral
pour le lecteur arabophone est sur ce
lien :
«Le dossier syrien a été le plus
difficile à gérer car cette affaire
s’est répercutée sur nos relations avec
l’Iran et le Hezbollah, avec lesquels
nous sommes liés par des liens
historiques de solidarité. Hamas a pâti
dans cette affaire; Ce fut une véritable
perte pour Hamas».
«Avec l’éviction de Mohammad Morsi,
nous avons perdu l’Égypte. Mais nous
devons néanmoins préserver nos relations
avec ce pays, dont nous n’oublions pas
sa contribution au combat pour la
Palestine, notamment le lourd tribut
payé par Nasser en ce domaine.
«La Palestine est la question
centrale du combat de la Oumma et nous
nous devons de maintenir une égale
distance dans nos rapports avec les
capitales arabes et islamiques.
«L’incapacité du Hamas à se concilier
les autres forces, de même que le blocus
dont il a fait l’objet tant de la part
des Israéliens que des autres états, ont
quasiment paralysé sa capacité à
gouverner.
Selon des informations de la presse
fiable arabe, Khaled Mécha’al devrait
dégager son poste en 2017. Parmi les
candidats les plus sérieux à sa
succession le nom d’Ismail Hanniyeh a
été avancé.
Le premier ministre de Gaza, sous
contrôle du Hamas, est en effet le seul
dirigeant sunnite à ne pas avoir déserté
le champ de bataille, contrairement à
son collègue Khaled Mécha’al, à Saad
Hariri, chef du clan saoudo américain au
Liban ou encore d’Ahmad Al Assir, la
dague salafiste libanaise du Qatar sur
le flanc du Hezbollah libanais.
Contrairement aussi et surtout à
Hassan Nasrallah, le chef de la
formation paramilitaire chiite, seul
dirigeant de mouvement de libération
arabe à n’avoir jamais déserté le
combat, victorieux en Syrie face aux
djihadistes takfiristes et au sud-Liban
face à Israël.
Le dégagement de Khaled Mécha’al
devrait permettre de tourner la
désastreuse page des dérives
stratégiques du Hamas, sans précédent
dans les annales des Guerres de
Libération Nationale. Il pourrait ouvrir
la voie dune manière subséquente à un
recentrage de sa politique en direction
de ses anciens alliés naturels,
notamment l’Iran et le Hezbollah.
Une normalisation complète des
relations du Hamas avec «l’axe de la
résistance» demeurera tributaire, en
dernier ressort, de l’accord du
président syrien Bachar Al Assad, son
ancien hôte, lequel vient de bénéficier
d’un soutien de taille de la part du
Maréchal Abdel Fattah Al Sissi,
président de l’Égypte, son ancien
partenaire des guerres israélo-arabes,
de surcroît le plus implacable
adversaire de la Confrérie des Frères
musulmans dans le Monde arabe.
Une normalisation complète des
relations entre le Hamas et les
contestataires à l’ordre hégémonique
israélo-américano-saoudien présuppose,
en tout état de cause, un retour aux
fondamentaux du combat arabe et la
répudiation de la stratégie
pétromonarchique-atlantiste.
Pour aller plus loin
Illustration
Khaled Mechaal à Amman, Jordanie, le
4 septembre 2016. REUTERS/Muhammad Hamed
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