MADANIYA
Sergueï Lavrov: Who are you to F******
lecture me?
René Naba
Jeudi 1er décembre 2016
En seize
ans à la tête de la diplomatie russe, il
a vu défiler des interlocuteurs de tous
acabits, aucun à son niveau, les
jaugeant patiemment, les testant, les
soupesant, tentant parfois de les
apprivoiser, voire même de les séduire,
avant de les terrasser.
La
totalité de ses interlocuteurs
occidentaux et arabe de la fameuse
coalition islamo-atlantiste de la guerre
de Syrie ont trépassé: Hillary Clinton
(USA), David Miliband et William Hague
(Royaume Uni), Alain Juppé et Laurent
Fabius (France), Hamad Ben Jassem
(Qatar) et Saoud Al Faysal (Arabie
saoudite)…
Unique
survivant, impassible, impavide,
vainqueur par Ko technique de tous ses
adversaires occidentaux dans la bataille
de Syrie. Et ce n’est pas fini
Retour sur cette séquence
Charles
de Gaulle, vantant le flegme de son
ministre des Affaires étrangères devant
Nikita Khrouchtchev, dira de Maurice
Couve de Murville: «Je lui ordonne de
s’asseoir sur un bloc de glace, il y
reste jusqu’à ce que la glace fonde».
Désignant Andréi Gromyko, Khrouchtchev
lui répondra du tac au tac: «Pareil pour
lui, mais à la différence de Couve, la
glace avec lui ne fond pas».
Si Gromyko est passé à la postérité pour
avoir été le «Monsieur Niet» de la
diplomatie soviétique, Sergueï Lavrov,
en digne successeur de son aîné, a
glané, lui, le titre envié de «Minister
Niet» pour son bras de fer victorieux au
Conseil de sécurité de l’ONU à propos de
la Guerre de Syrie, bloquant par veto
cinq résolutions devant ouvrir la voie à
une intervention militaire atlantiste
sous couvert de l’ONU.
Excédé
par la ténacité du russe, le plus capé
des hiérarques socialistes pensera
trouver la parade par une astuce, qui
s’est révélée grossière, couvrant de
ridicule son auteur, le ministre
français des Affaires étrangères:
Laurent Fabius a en effet proposé lundi
22 octobre 2012 la réforme du recours au
Droit de veto au sein du Conseil de
sécurité de l’ONU, préconisant que son
usage soit réduit au seul cas où un état
détenteur de ce droit était menacé d’une
action hostile des instances
internationales.
Depuis
la création de l’ONU, les pays
occidentaux ont fait usage du droit de
veto 132 fois contre 124 fois à l’Union
soviétique puis de la Russie, dont onze
veto américains en faveur d’Israël. Les
Occidentaux sont donc bénéficiaires de
ce passe-droit, qui leur a permis de
bloquer l’admission de la Palestine en
tant que membre de plein droit de
l’organisation internationale. A
l’analyse, la proposition de Laurent
Fabius s’est révélée être un bobard
diplomatique pour enfumage médiatique en
ce qu’en voulant priver la Russie de son
droit de veto en faveur de la Syrie, il
privait, par ricochet, Israël de son
bouclier diplomatique américain. Depuis
lors, Fabius, petit télégraphiste des
Israéliens dans les négociations sur le
nucléaire iranien, frustré par ailleurs
d’un Prix Nobel pour son bellicisme
outrancier, a été placé en état de
congélation politique avancée par sa
promotion à la Présidence du Conseil
Constitutionnel.
Alain
Juppé, un autre hyper capé de la
méritocratie française, a eu droit au
même traitement énergisant du russe. Se
vantant avec son compère du Qatar, Hamad
Ben Jassem, de faire de la bataille de
Bab Amro (Syrie), «le Stalingrad du
Moyen orient», février 2012, -qui s’est
révélé un des grands désastres
militaires de la diplomatie française-,
Lavrov, excédé par la morgue de son
homologue français lui a tout bonnement
raccroché au nez sans jamais le
reprendre au téléphone jusqu’à son
départ du Quai d’Orsay.
Auparavant, l’anglais David Milliband,
impertinent et quelque peu présomptueux,
a entrepris de dicter au téléphone les
termes d’une résolution qu’il entendait
soumettre au vote dans le contexte du
conflit usso-géorgien en Ossétie du Sud
(Août 2008): la réponse du russe,
mémorable, demeurera dans les annales de
la diplomatie onusienne: «WHO ARE YOU TO
F***ING LECTURE ME» qui peut se traduire
selon la version soft: «Qui es-tu ? pour
me dire ce que je dois faire !?» et
selon la version hard : « Qui es-tu,
putain ! pour me faire la leçon !». Ah
qu’en termes élégants ces mots-là sont
dits.
http://www.dailymail.co.uk/news/article-1054850/Who-f–lecture–Russian-ministers-extraordinary-rant-David-Miliband.html
Le
soutien continu à la Syrie dans sa
guerre contre la coalition
islamo-atlantiste (2011-2015) a valu à
la Russie et à son président Vladimir
Poutine un regain de sympathie au sein
de larges couches de la population arabe
lassée par les ingérences incessantes du
pacte atlantique dans les affaires
intérieures du Monde arabe.
Rompant
avec quarante ans de servitude
israélo-américaine, le président
égyptien Abdel Fattah Sissi a renoué
avec Moscou dans la grande tradition des
relations égypto-soviétiques de l’époque
nassérienne. Mieux, l’Egypte a récupéré
les Mistral français destinés à la
Russie dont elle a été privée pour cause
d’embargo sur l’Ukraine, en les équipant
d’un armement russe. Et le premier
ministre irakien Haidar Al Abadi, excédé
par le chantage des Américains qui
subordonnaient leur lutte effective
contre Daesh à la promotion d’un système
confédéral en Irak, prélude à la
partition du pays, s’est lui aussi
tourné vers Moscou, obtenant une
promesse de livraison d’armes, dans le
prolongement du rééquipement de l’armée
égyptienne et de la levée de l’interdit
sur la livraison des missiles SS-300 à
l’Iran.
Issu
d’une famille arménienne originaire de
Tbilissi, Sergueï Lavrov, en poste
depuis 2004, est diplômé d’un
prestigieux «Institut d’état des
relations internationales de Russie»,
dont l’enseignement repose sur un axiome
immuable, à savoir: «la diplomatie est
un sport de combat» et non une
péroraison verbeuses pour éditocrates
bêtifiés, gobant sans sourciller des
énormités du genre de celles proférées
par Laurent Fabius, assurant, contre
toute évidence, que «Jabhat An Nosra
fait du bon travail en Syrie»….OUI,
Jabhat An Nosra, le ravisseur des
religieuses de Maaloula, dont l’un des
factotum, Hédi Nemmouche, aura été le
geôlier des quatre journalistes français
retenus à Alep…Jabhat An Nosra, la
succursale franchisée en Syrie d’Al
Qaida, le commanditaire du carnage de
Charlie Hebo. «Du beau travail» en effet
Sergueï Lavrov est secondé pour les
affaires arabes par un grand arabisant
Mikhael Bogdanov. En tandem avec le duo
syrien Walid Mouallem et Bachar Jaafari,
ils ont fait office de brise glaces à
tous les assauts de la diplomatie
atlantiste. Au point que Fabius a dû
ravaler son chapeau le 2 juin 2015 à
Paris, préconisant sous forte pression
américaine, un règlement politique en
Syrie et, ultime humiliation, gratifié
le président syrien du titre de
«Monsieur» Bachar Al-Assad.
Pire,
deux des derniers visiteurs de Damas
auront été, fin avril 2015, Edward
Nalbandian, ministre des Affaires
étrangères d’Arménie, dont le peuple a
été victime du génocide par la Turquie,
pays allié de la France dans le
démembrement de la Syrie, ainsi que, fin
Mai 2015, Mgr Béchara El Rahi,
patriarche des Maronites, ces chrétiens
d’Orient dont la France est
théoriquement le pays protecteur.
Depuis
lors l’intervention massive russe, le
1er septembre 2015, a brisé le monopole
de la navigation aérienne et maritime
des Occidentaux en Mer Méditerranée,
alors que l’étau diplomatique autour de
la Syrie se desserrait avec la
normalisation des rapports entre
l’Égypte et la Syrie et l’implication
massive de la Chine auprès du pouvoir
baasiste avec une aide de 7 milliards de
dollars à l’effort de guerre syrien,
doublé de l’aménagement d’une plate
forme navale opérationnelle dans le
périmètre de la base navale russe de
Tartous.
Pour
avoir ignoré cette règle cardinale de la
diplomatie internationale, pour avoir
mésestimé son adversaire, Fabius, le
somnolent des forums internationaux, -ah
le roupillon d’Alger, une «micro sieste»
répétitive le 15 juin 2015 lors du
voyage de François Hollande en Algérie
et le 9 juin 2014- en a payé le prix par
un KO technique. Ibidem pour Alain
Juppé, les deux meilleurs capés de
gauche et de droite de la méritocratie
républicaine. C’est à se demander,
devant un tel gâchis, à quoi servent les
grandes écoles françaises.
«Si tu
veux obtenir tes droits, tourne-toi vers
les Russes pour les récupérer»,
conseille, amer, Mahmoud Abbas, chef de
l’autorité palestinienne, lassé par les
tortuosités de la diplomatie
occidentale.
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