MADANIYA
Genève : L’ONG une industrie
florissante
René Naba
Jeudi 1er mars 2018 Genève n’est pas
seulement renommée pour ses banques, son
jet d’eau et ses montres de luxe.
La cité-état
helvétique accueille le siège du Conseil
des Droits de l’Homme, le Palais des
Nations Unies, siège de la défunte
«Société des Nations», le précurseur de
l’ONU, un grand nombre de sièges
d’agences internationales directement
liées à l’ONU, de même qu’elle abrite
quelques grandes et petites ONG s.
Association,
fondations et ONG : 13.500 enregistrées
mondialement à l’EcoSoc à New-York
(États Unis) et 13.000 Fondations en
Suisse.
L’adage que nos
grands-mères utilisaient souvent « il ne
faut pas mélanger les torchons et les
serviettes » reste toujours en vogue,
ici, à Genève. Bien sûr, pour de
nombreux observateurs non-initiés,
association, fondations ou ONG tout
cela, peu ou prou, c’est la même chose…
du pareil au même.
S’il est vrai que
certaines appellations sont plus
prestigieuses que d’autres chaque
appellation reste cantonnée à des
spécificités et pas seulement des
subtilités administratives. Ainsi
Monsieur tout le monde a-t-il tendance à
utiliser le terme «ONG» pour désigner
toutes les organisations qui travaillent
dans son entourage et peu importe les
statuts. Et pourtant, que de différences
!
Justement, quels
sont différences et comment définir ces
différentes organisations ?
En réalité il
n’existe pas réellement de définition
juridiquement nette et précise pour les
Organisation Non Gouvernementales, ce
qui ouvre la porte à beaucoup d’abus, y
compris dans l’usage d’appellation.
Si l’on se réfère à
la définition de l’EcoSoc, une ONG est
une association à but non lucratif,
d’intérêt public, qui ne relève ni de
l’État, ni d’institutions
internationales mais qui interviennent
dans le champs des relations
internationales et dans un objectif
d’intérêt public.
En Suisse, on en
compte plusieurs milliers et pas moins
de 13.500 sont enregistrées mondialement
à l’EcoSoc à New-York (Etats Unis).
Mais aux côtés des
ONG, à la base des associations
nationales, se trouvent une autre forme,
les Fondations. Ici, à Genève, les
Fondations sont des organisations
importantes car fiscalement parlant,
elles permettent de rassurer les
donateurs et de leur obtenir des
ristournes d’impôts et peuvent être
certifiées.
Il en existe aussi
de milliers (plus de 13.000 en 2014 en
Suisse).
Bien avant de
fonder une ONG ou de la transformer en
Fondation, à la base existent les
Associations (Loi 1901 pour la France ou
Art. & du Code Civil Suisse) qui, elles,
se comptent par centaines de milliers et
couvrent tous les domaines de la vie
civiles et apportent souvent une grande
aide aux pouvoirs locaux. Mais c’est le
caractère international, le but fixé par
l’association et son statut EcoSoc qui
confère à certaines associations la
possibilité de se dénommer ONG… Et la
jeter dans un monde impitoyable.
Le Conseil des
Droits de l’Homme, une arène pour les
ONG !
En dehors des
grandes Agences onusiennes, qui sont
déjà particulièrement nombreuses et
fortement peuplées… Genève, trois fois
par an, voit accourir de nombreuses ONG
qui viennent pour suivre, faire du
lobbying et participer aux travaux du
Conseil des Droits de l’Homme.
Seulement les
places sont chères, très chères… Tout le
monde n’aura pas la chance de pouvoir
prendre la parole, de se faire entendre,
d’organiser un événement parallèle… Les
salles, gratuites, sont limitées en
nombre, les temps de parole de plus en
plus courts (2 minutes) et les orateurs
de plus en plus nombreux car les sujets
abordés sont de plus en plus brûlants
Alors comment faire
quand l’on est une organisation qui n’a
qu’une seule activité, qu’un but et qui
doit montrer son efficacité à ses
bailleurs dans un tel contexte? Ici, ce
sont plus de 300 ONG qui sont
répertoriées, localement et qui espèrent
bien briller un court instant…
Heureusement, seulement moins de la
moitié sont réellement actives… et cela
reste encore une zone de très forte
concurrence…
Les responsables
onusiens tentent bien de favoriser et
promouvoir les alliances, les
joint-ventures, mais rien ni fait. La
concurrence reste rude, premier arrivé,
premier servi… et tant pis pour ceux qui
traînent dans les couloirs ou en chemin…
Et même inscrites à une prise de
paroles, il n’est pas toujours dit que
l’ONG pourra porter sa parole…
Ici, la hiérarchie
diplomatique reste de mise… d’abord les
membres des délégations des
États-membres, après les Etats
observateurs, ensuite les agences et
peut-être, si le Conseil a le temps, les
ONG… Ouf!
S’entendre? La
suspicion règne…
Lorsque vous entrez
dans cette arène, l’impression de
solennité passée, vous vous rendez vite
compte de la puissance du maelstrom qui
peut vous emporter. Bien entendu, vous
allez rencontrer des gens qui partagent
vos idéaux, vos valeurs et vous vous
proposez, naïvement, de partager avec
eux infos, paroles, dossiers et honneurs
! Brave militant que vous êtes. Vous
vous précipitez dans la gueule du loup
et même dans le monde des entreprises,
la concurrence reste moins féroce.
Ici, le dossier que
vous défendez, vos contacts sur le
terrain et ici à Genève, votre réseau
intéresse au plus haut point des
organisations plus importantes qui sont
prêtes (mais sans le montrer, bien
entendu) à vous dépouiller comme au coin
du bois et faire grossir leurs propres
organisations Car plus elles « brassent
» d’affaires, plus leurs bailleurs
peuvent leur faire confiance, et tant
pis pour les résultats…
Alors, devant cette
concurrence, de peur de se faire manger
tout cru, c’est chacun pour soi! Voilà
aussi, une des tristes facettes du
Conseil des Droits de l’Homme. Certes,
de temps à autres, parce que faute de
grive, on mange du merle, quelques
organisations cosignent une pétition ou
un dossier… mais les cas sont rares et
les sujets d’importance…
Mais en général,
cette concurrence, loin d’être une
source d’émulsion, tend à dégoûter les
impétrants qui finissent par abandonner
la place et ne reviennent plus, laissant
un peu plus de place aux « gros » qui se
délectent déjà de leurs prochaines
victimes qu’ils pourront croquer… et
tant pis si la cause défendue n’avance
pas… D’ailleurs il ne faudrait pas
qu’elle avance trop vite, des fois que
le Conseil lui trouve une solution, il
n’y aurait plus de travail… Un comble,
non ?
L’ONG, une
administration bis ?
Avant de conclure,
une dernière remarque sur la vie des ONG
à Genève ou ailleurs… Étant donné le
nombre de réunions dispensées tout au
long de l’année à Genève et ailleurs,
s’imposer de suivre un dossier, unique,
sur un sujet très particulier demande
non seulement des connaissances
extrêmement pointues mais aussi de la
disponibilité, de l’argent et du
personnel.
Et les États comme
les organisations Intergouvernementales
du type onusien ont bien compris que
même s’ils s’ouvraient à la Société
Civile, cette dernière n’aurait jamais
les moyens, humains, financiers et de
temps pour suivre le rythme endiablé que
les personnels politiques et
administratifs peuvent se donner. Eux
qui sont payés par les impôts et n’ont
que cette tâche à accomplir…
Et comme la Société
Civile, ils ont tout intérêt à ne jamais
clore un dossier car ils n’auraient plus
de travail – ou devraient se plonger
dans un nouveau dossier…- Quant à
trouver une solution, il est impératif
qu’elle soit la plus alambiquée possible
pour faire travailler les petits
camarades de l’Administration centrale…
Bref vous l’aurez
compris, entre un marché d’une extrême
concurrence et des cadres administratifs
à l’esprit tortueux, la Paix sur la
Planète et les Droits de l’Homme ne
seront jamais cause de chômage…
Reçu de René Naba pour publication
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