MADANIYA
La grande solitude de la dynastie
hachémite 1/3
René Naba
Mercredi 1er mars 2017
La
Jordanie devrait accueillir, fin Mars
2017, le prochain sommet arabe en
substitution au Yémen ravagé par une
guerre intestine, alors que le Royaume,
longtemps le chouchou des pays
occidentaux, paraît comme happé par
l’œil du cyclone, à la croisée des
chemins, pris en tenaille entre l’Irak
et la Syrie, deux pays en pleine
décomposition.
Amman
avait abrité en 1980 et 1987 deux
sommets arabes exclusivement consacrés
au soutien arabe à l’Irak dans sa guerre
contre l’Iran.
Objet
d’une mesure de réclusion de la part des
syndicats des pétromonarchies arabes, ce
nouveau sommet devrait, dans l’esprit du
trône hachémite, rompre sa grande
solitude diplomatique à une époque de
recomposition régionale, cent ans après
les accords Sykes-Picot et de la
promesse Balfour portant création d’un «
Foyer National Juif » en Palestine.
Deux faits symptomatiques de cette
tendance :
- L’inclusion du Maroc, et non de
la Jordanie, au syndicat des
pétromonarchies à l’occasion du
sommet du Golfe, en Avril 2016. Une
mesure significative en ce que la
dynastie chérifienne, l’unique
monarchie du Maghreb de surcroît non
pétrolière, est géographiquement
située à l’extrémité du Monde arabe
alors que la dynastie hachémite,
l’unique monarchie arabe non
pétrolière du Moyen-orient, est
géographiquement plus proche du
Golfe.
- La superposition de près d’un
million de réfugiés syriens à
quelque trois millions de réfugiés
palestiniens en réduisant à sa
portion congrue la population
jordanienne de souche, -les bédouins
de Trans jordanie-, pourrait inciter
des décideurs régionaux et
internationaux à cibler la Jordanie
comme « patrie du substitution » aux
Palestiniens en guise de solde de
tout compte d’un conflit qui a
gangrené tout le long du XX me
siècle et les premières décennies du
XXIe siècle.
Ces deux
faits font planer le risque d’un
isolement stratégique du Royaume
hachémite.
Une
tendance amplifiée par le fait que le
prochain roi de Jordanie, sauf accident
de parcours, sera de souche
palestinienne, en ce que le propre fils
du Roi Abdallah II a pour mère, la Reine
Rania, d’origine palestinienne. Et que
son éventuelle accession au trône
pourrait favoriser cette transmutation
dans l’ordre symbolique.
Outre la
rivalité légendaire entre Wahhabites et
Hachémites, deux créatures du
colonialisme britannique du XXe siècle,
matérialisée par la lutte entre le
Chérif Hussein Ben Ali de La Mecque et
Abdel Aziz Ibn Séoud, l’Arabie saoudite
tient rigueur de l’abstention de la
Jordanie à la curée pétro monarchique
déclenchée en mars 2015 contre le Yémen,
le plus pauvre pays arabe.
Le déni
de réalité comme mode de gouvernement
« Les
failles du système de gouvernance » de
la cour jordanienne face à des
stratégies régionales et internationales
visant à une recomposition du paysage
politique régional» ont été pointées du
doigt dans un rapport donc le directeur
du site en ligne « Ar Rai Al Yom »,
l’influent journaliste Abdel Bari
Atwane, en a eu connaissance.
Élitisme, Déni de réalité, Clientélisme
Le
rapport mentionne « l’élitisme » des
cercles dirigeants dont le comportement
se fait en marge des institutions d’un
état doté pourtant de structures
anciennes et expérimentées. « La
dénégation, le déni de réalité, de même
que le muselage de toute contestation ou
opposition constituent les éléments
moteurs d’une politique de l’élite
jordanienne (….). Les institutions de
l’État, anciennes et expérimentées
perdent ainsi de leur importance et de
leur influence au profit de forces
illusoires dont la politique se fonde
sur une forme de clientélisme et
d’allégeance personnelle».
Le
rapport met en garde contre un possible
« effondrement des structures de l’État
désormais fragilisés par les
comportements individualistes de
certains grands décideurs y compris au
sein des institutions réservées (armée,
services de sécurité, ministère
régalien). Un tel effondrement pourrait
priver la Jordanie de sa capacité à
s’imposer sur la scène régionale
notamment sur des sujets sensibles tels
que la coopération en matière de guerre
contre le terrorisme ou de contrôle des
frontières.
La
promotion du « nationalisme sunnite en
substitution au nationalisme arabe » et
ses conséquences néfastes sur la
Jordanie
La
coopération militaire souterraine entre
Israël et l’Arabie Saoudite dans le
domaine de la défense balistique
pourrait avoir pour conséquences
indirectes la marginalisation de la
Jordanie. 120 militaires israéliens
seraient déployés en Arabie saoudite
dans une base de missiles pour la
renforcement du système de défense
balistique tant du Royaume que d’Israël,
face à l’Iran.
La
décision de l’Arabie saoudite, d’autre
part, de promouvoir un « nationalisme
sunnite » en substitution au «
nationalisme arabe » sous tend
l’instauration implicite d’un « primat
de la légitimité religieuse saoudienne
au détriment de toute autre instance »
arabe ou musulmane.
Le
projet saoudien prévoit la constitution
d’un « Interpol des pays musulmans » et
d’un « OTAN des pays musulmans » afin de
faire pièce aux structures occidentales,
dont l’effet premier sur la Jordanie
sera de reléguer le Royaume Hachémite à
un rôle de comparse face à des
puissances plus affirmées sur la scène
régionale et internationale (Arabie
saoudite, Turquie, Égypte, Pakistan).
« La
démarche saoudienne pourrait autoriser,
par contrecoup, le monarque wahhabite à
revendiquer le monopole du combat contre
l’ensemble du spectre des forces se
réclamant de l’Islam politique : De la
confrérie des Frères Musulmans,
adversaire historique du pouvoir
égyptien depuis la chute de la monarchie
égyptienne, à Daech, excroissance
djihadiste d’Al Qaida dont l’Arabie en a
été l’incubateur », soutient le rapport.
Par sa
coopération avec la Turquie, l’autre
pôle de l’Islam non-arabe, l’Arabie
saoudite a tendu à verrouiller son «
leadership sunnite sur le plan religieux
» et à évacuer tout concurrent éventuel,
notamment la dynastie hachémite, qui se
réclame de la descendance directe de la
famille du prophète et qui pourrait
faire les frais de cet arrangement.
Le
monopole de la légitimité religieuse
sunnite revendiquée par la dynastie
wahhabite pourrait l’inciter à
s’octroyer « un droit de regard sur les
Lieux saints de Jérusalem (Mosquée Al
Aqsa)», dont la gestion est confiée
jusqu’à présent à la dynastie hachémite.
Une démarche qui retentira comme un «
Échec et Mat » pour les Hachémites.
Les
Frères Musulmans de Jordanie, paravent à
une transaction énergétique
jordano-israélienne
En
prévision du sommet arabe, le Roi
Abdallah II a voulu se replacer dans le
jeu régional en s’impliquant dans la
recherche d’un règlement du conflit
irakien en vue de l’édification d’un «
État moderne post Daech », dans
l’ancienne possession de la dynastie
hachémite, destituée par le coup d’état
républicain du 14 juillet 1958.
Face à
la montée des périls, le Monarque, dans
une opération de fausse symétrie
destinée à complaire aux décideurs
régionaux et à leurs maîtres
occidentaux, a criminalisé le Hezbollah
libanais (chiite) et ordonné la
fermeture du siège de la branche
jordanienne des Frères Musulmans
(sunnite).
Dans une
parodie de démocratie, il a toutefois
autorisé les Frères Musulmans malgré
l’interdiction qui les frappe, à se
présenter, sous un « faux nez », aux
élections législatives du 20 septembre
2016, leur attribuant selon un
arrangement, une vingtaine de sièges.
Mais
l’assassinat en plein jour d’un écrivain
chrétien contestataire de renom, Nahed
Hattar, -coupable de caricature non
contre l’Islam, mais contre l’État
Islamique- par un ancien imam jordanien,
a mis à bas le subterfuge jordanien
visant à promouvoir l’image d’un Royaume
de tolérance, dans un environnement
férocement intolérant.
Nahed
Hattar se rendait à son procès pour
« insulte » à l’islam, après avoir
partagé sur son compte Facebook une
caricature montrant un djihadiste barbu
sur un lit, au paradis, s’adressant à
Dieu comme à un simple serviteur. Son
assassin, Riad Ismail Ahmad Abdallah, un
ingénieur, haut fonctionnaire du
ministère de l’Éducation et de
l’Enseignement, avait bénéficié d’un
entraînement intensif en Syrie dans un
camps de formation de « Jabhat An Nosra
», la branche syrienne d’Al Qaida,
indice d’une porosité des cadres de
l’administration jordanienne avec les
thèses djihadistes.
La
réconciliation implicite entre le trône
hachémite et la confrérie, matérialisée
par le retour au parlement des Frères
Musulmans, a servi de paravent à une
transaction entre la Jordanie et Israël
portant sur la ravitaillement
énergétique du Royaume en gaz israélien.
Ce contrat de 15 milliards de dollars
assurera 40 pour cent des besoins
énergétiques de la Jordanie sur 15 ans.
De par
sa position charnière de trois pays
déstabilisés par la séquence du «
printemps arabe », qui lui sont
frontaliers -l’Irak, via Daech, (181 kms
de frontière commune), la Syrie (375
kms) et l’Arabie saoudite (786 kms)-, la
Jordanie abrite le PC opérationnel
conjoint islamo-atlantiste sur le front
sud de la Syrie (Dera’a), mettant de
surcroît à la disposition de la France
la base « Prince Hassan » pour des raids
aériens contre Daech, dans le nord de
l’Irak, dans le cadre de l’opération «
AL Chammal » (Nord).
La
Jordanie, responsable de la mort d’Abou
Mouss’ab Al Zarkaoui, en point de mire
de Daech
Mais la
Jordanie demeure à triple titre en ligne
de mire de Daech tant par sa fonction de
plate forme de la guerre anti-Daech, que
pour son engagement direct dans des
combats en Libye, en Somalie et en Irak,
et dernier le moindre, et pour sa
responsabilité dans l’élimination du «
père spirituel » de l’organisation
djihadiste, Abou Mouss’ab Al Zarkaoui,
palestinien originaire de la ville de
Zarka, tué en Irak lors du soulèvement
contre les forces d’invasion américaines
de l’Irak.
Le
Royaume est de ce fait la cible
régulière des coups de butoir de Daech.
Le supplice du pilote jordanien tombé
entre ses mains, en 2014, qui se voulait
un coup de semonce à ses adversaires,
demeure dans les mémoires.
En 2016,
cinq attentats pro Daech ont été
dénombrés : le premier à Irbid, nord de
la Jordanie, en février, où un capitaine
a été tué ; Le deuxième a eu lieu en
plein Ramadan en juin au camp
palestinien de Baqua’a, à la périphérie
d’Amman, où 5 officiers des services de
renseignements jordaniens ont été tués ;
Le 3e, également en plein Ramadan, à la
frontière syro-jordanienne où 6
gardes-frontières jordaniens ont été
tués et 14 autres blessés, le 21 juin,
dans un attentat à la voiture piégée
contre leur position.
Le 4e,
le 4 novembre, à proximité d’une base
américaine à Al Joffra, sud de la
Jordanie où 3 soldats américains et un
officier jordanien ont été tués. Le 5
me, enfin, le 18 décembre, contre un
poste de poste de police d’Al Kark, à
180 km au sud d’Amman, faisant 7 tués
dont une touriste canadienne et quatre
membres des forces de sécurité.
Une
percée de l’organisation djihadiste en
Jordanie viserait à galvaniser les
vocations latentes de volontaires des
camps palestiniens du Royaume, et, par
contrecoup, faire planer un risque sur
l’Arabie saoudite.
La
corruption, la gangrène du Royaume
L’implication de membres des services de
renseignements jordaniens dans le
dernier attentat de Daech, le 21 juin
2016, le trafic d’armes auxquels ils se
sont livrés sur le stock des armes
américaines destiné à l’opposition
syrienne, a mis en lumière et la
vulnérabilité des services jordaniens et
leur porosité face aux thèses
djihadistes.
Deux
gradés des SR ont été condamnés à des
peines de prison pour corruption et
blanchiment d’argent : le général Samih
Battikh, le chef des services, et son
successeur, le général Mohammad Al
Zohbi, alors qu’une large fraction de
l’aide américaine à l’opposition
syrienne a produit des effets inverses.
De
l’ordre de 450 millions de dollars,
l’aide américaine a été affectée à la
formation et à l’équipement de forces
spéciales syriennes en Jordanie et en
Turquie en vue de combattre les
groupements djihadistes.
Contre
toute attente, la majorité des rebelles,
du fait de la corruption et de la
couardise des recrues, a rallié avec
armes et bagages les groupements
djihadistes, leur livrant même le mode
opératoire auquel ils ont été initiés.
Les djihadistes pousseront même la
perversité jusqu’à vendre sur Face book
les armes récupérées sur l’arsenal
américain, sans qu’il ait été possible
de déterminer si ce geste relevait de
l’inconsistance politique et morale, de
leur inconscience provocatrice ou plus
basiquement de leur appât du gain.
Dans un
discours prononcé le 15 octobre 2016 au
lendemain des élections législatives, le
Roi Abdalah II a précisé la feuille du
route du nouveau gouvernement visant à
l’instauration d’un « État de Droit »
par la restauration de la « souveraineté
de la Loi », fustigeant au passage «
ceux qui se considèrent comme au dessus
des lois». Il a invité le gouvernement à
accélérer la modernisation de
l’administration en renonçant à son mode
de gestion féodal.
Dans la
foulée, le Roi Abdallah II a entrepris
une « Révolution en douceur » impliquant
les principaux rouages de l’État (Armée,
Services de sécurité et de Police,
Justice et grands ministères dont le
ministère de l’enseignement), afin
d’éradiquer les baronnies qui se
nichaient dans les centres de pouvoir et
qui pouvaient à terme menacer son
pouvoir.
Dès son
entrée en fonction, à l’automne 2016, le
nouveau chef d’état major jordanien, le
Général Mahmoud Freyhat, a annulé d’un
trait de plume treize contrats liant à
l’armée des personnalités en vue, parmi
lesquels le fils de son propre
prédécesseur, le Général Mech’al Al
Zibin.
L’Uranium jordanien, un casse tête
diplomatique
Sur fond
de rivalité feutrée entre les deux
royaumes, -Arabie saoudite et Jordanie-
pour le contrôle de Jabhat An Nosra,
l’exclusion de la Jordanie du syndicat
pétro monarchique arabe, lors de leur
dernier sommet en avril 2016 à Riyad,
est apparu rétrospectivement comme une
manœuvre d’étranglement de la dynastie
wahhabite à l’égard de sa rivale
hachémite afin de la placer sous sa
coupe.
Et
partant de la forcer à souscrire à une
coopération saoudo-jordanienne, selon
les normes bédouines du code tribal du
désert d’Arabie, dans le domaine ultra
sensible du nucléaire, alors que le
Royaume saoudien songe à se doter d’une
capacité nucléaire pour faire pièce à
l’Iran.
Des
promesses de l’ordre de plusieurs
centaines de milliards de dollars sur le
court et le moyen terme auraient été
faites à la Jordanie, qui accuse un
déficit public de 35 milliards de
dollars. Le Royaume représente dans le
même temps la première digue de défense
des pétromonarchies dans l’hypothèse de
l’effondrement de la Syrie face aux
coups de butoirs des djihadistes.
Le coup
de semonce de « The Washington Institute
for Near East Policy »
Dans une
étude parue au printemps 2016, « The
Washington Institute for Near East
Policy », un think tank proche du parti
républicain, s’interrogeait sur « le
prix occulte » que l’Arabie saoudite
réclamait à la Jordanie en contrepartie
de sa générosité, alors que le Royaume
Hachémite avait été tenu à l’écart des
conciliabules inter-monarchiques de
Riyad. « Quel prix occulte, pour quel
agenda caché ?», se demandait la
publication américaine, dans une
allusion à peine voilée au nucléaire
jordanien.
« The Washington Institute For Near East
Policy » ou (WINEAP) a été fondée en
1985 par Martin Indick, à l’époque
directeur adjoint de l’AIPACC),
précieusement avec des fonds de
donateurs de plus influent lobby
américain aux États-Unis. Citoyen
australien, naturalisé américain, Martin
Indyck sera par la suite ambassadeur des
États-Unis en Israël.
Au
prétexte de la sécurité d’Israël, les
États-Unis ont constamment veillé à
barrer la voie aux pays arabes à accéder
à la capacité nucléaire. L’Égypte a dû
ainsi attendre trente ans le feu vert
américain pour se lancer dans le
nucléaire civil ; une autorisation
accordée lorsque l’Iran est devenue une
puissance du seuil nucléaire,
enregistrant un considérable retard
scientifique par rapport aux autres
grands acteurs régionaux.
Les
États-Unis ont cherché de même à imposer
à la Jordanie un accord qui autoriserait
le Royaume à extraire l’uranium qu’il
recèle en son sol, tout en lui
interdisant de le transformer en
combustible. Cette exigence réduit
également toute possibilité pour la
Jordanie de devenir un centre régional
d’enrichissement d’uranium.
La
Jordanie, habituellement docile à
l’égard des Diktats américains, fait
face à un dilemme. Elle a commencé à
développer les infrastructures
nécessaires pour répondre à ses
ambitions nucléaires et prévoit la
construction de sa première centrale en
2019. AREVA (France) a signé en 2010 un
accord d’exploitation conjointe pour
l’extraction de l’uranium dans le centre
de la Jordanie dans le cadre d’une
concession accordée pour 25 ans.
Bien
qu’antérieure à l’émergence de l’Iran
comme puissance nucléaire virtuelle, la
forte concentration militaire
occidentale dans le golfe arabo-persique
a constamment été présentée dans les
médias occidentaux comme destinée à
protéger les princes du pétrole contre
les convoitises du régime islamique de
Téhéran, à l’effet de les dispenser de
se doter de leur propre bouclier
atomique.
Aubaine
pour la Jordanie, un pays impécunieux et
dépourvu de pétrole, les gisements
d’uranium, par les convoitises qu’ils ne
manqueront pas de susciter, pourraient
se révéler sinon une malédiction à tout
le moins un casse tête récurrent tant
pour le Royaume que pour la dynastie
hachémite
Le prix
de la servitude jordanienne face à
l’Occident
Premier
dirigeant du Moyen orient à avoir
rencontré le nouveau Président américain
Donald Trump, la Jordanie paraît avoir
amorcé un recentrage de sa politique :
L’aviation jordanienne a effectué un
raid contre les positions de Daech dans
le sud de la Syrie, le 3 Février 2015, à
la date anniversaire de la carbonisation
par l’organisation djihadiste du pilote
jordanien, Moaz Al Kassabah. L’avion
avait été abattu au dessus de la Syrie
par Daech, le 3 Février 2015, et son
pilote capturé a été brûlé vif, en guise
de châtiment.
Tirant
les leçons des déboires de la Turquie
sur le Front Nord, la Jordanie s’emploie
activement depuis l’arrivée de Donald
Trump au pouvoir à aménager une zone de
sécurité dans le sud du Royaume, dans le
secteur de Deraa, avec l’accord de la
Russie, en vue de contenir la poussée
djihadiste, avec comme objectif
sous-jacent de maintenir à distance le
Hezbollah Libanais du plateau du Golan.
En un mot de se faire le gendarme des
Israéliens à leur frontière
septentrionale et justifier ainsi son
utilité au regard de la stratégie
israélo-américaine.
Ployant
sous le fardeau représenté par la
présence sur son sol de près de 800.000
réfugies syriens, une opinion travaillée
par un fort courant confrérique de
tendance salafiste takfiriste, un
mécontentement qui va bien au delà des
traditionnels contestataires
anti-monarchiques pour gagner la sphère
tribale et militaire, les deux piliers
du régime, la Jordanie est à la
recherche d’une nouvelle posture
d’autant plus impérativement que le
malaise jusque là contenue a éclate au
grand jour avec la sortie de l’Imam
Ahmad Halil, dénonçant le manque de
solidarité des monarchies.
Personnalité la plus influente du
Royaume sur le plan religieux, « l’Imam
des Palais Royaux » a accusé les
pétromonarchies de chercher à provoquer
la faillite de la Jordanie et de la
précipiter dans le précipice, à l’instar
de la Libye et de la Syrie.
Signe
d’un timide dégel syro jordanien ?
Démarche destinée à signifier aux
pétromonarchies la possibilité du trône
hachémite de rompre le front monarchique
anti syrien ? Volonté de prendre en
compte les nouvelles réalités
géostratégiques de la zone avec le
retour en force de la Russie sur
l’échiquier du Moyen orient ? En tout
état de cause l’indice d’une grande
incertitude ; d’une politique aléatoire
adaptable au gré des vents.
Le plus
ancien servant du Royaume Uni de
l’époque coloniale a bénéficié pour
prime de sa servitude -servilité ?- de
la gratification de trois royaumes (Le
Hedjaz, l’Irak et la Jordanie), dont il
n’en subsiste cent ans après, qu’un et
unique royaume, la Jordanie.
Le plus
ancien allié clandestin d’Israël dans le
Monde arabe a puissamment contribué à
affaiblir son propre camp, en dépit de
l’assassinat du Roi Abdallah I dans
l’enceinte même de la Mosquée Al Aqsa de
Jérusalem (1948), que cela soit par le
massacre collectif de Palestiniens lors
du « Septembre Noir » jordanien (1970),
ou les fuites du Roi Hussein en
direction de l’état major israélien sur
les préparatifs de la guerre d’octobre
1973, sans la moindre contrepartie que
la survie de son trône.
L’allié
majeur d’Israël dans le Monde arabe, son
paratonnerre face aux menées anti
israéliennes dans la zone, le plus
fervent soutien des équipées américaines
en terre arabe, comme l’illustre le rôle
tremplin de la Jordanie à l’invasion
américaine de l’Irak (2003), et sa
fonction déstabilisatrice sur le front
sud de la Syrie, en 2012-2016, se
retrouve ainsi à l’occasion du
centenaire des accords Sykes-Picot et de
la promesse Balfour, à la recherche d’un
nouveau rôle d’appoint.
Absorption du reliquat de la Palestine
par le trône hachémite ou subversion du
Royaume par la majorité palestinienne de
la population jordanienne ? Dans le
sillage de la stratégie
israélo-américaine pour sa survie ? Dans
le sillage de l’Arabie saoudite, au
risque de s’engager dans une zone de
forte turbulence ?
Avec en
perspective son lot habituel d’opération
de déstabilisation, de guerre
psychologique, de manœuvres
d’intoxication et de désinformation,
pour ramener au bercail occidental la
brebis égarée, qui sera un temps -le
temps de sa rédemption-, une brebis
galeuse ?
L’initiateur de la « Grande Révolution
Arabe » se révèle un siècle plus tard
l’artisan de la plus « grande
mystification arabe », l’un des
principaux fossoyeurs de la cause arabe,
au même titre que ses rivaux saoudiens,
la dynastie wahhabite et le Libyen
Mouammar Kadhafi.
Papier
co-publié en partenariat avec la revue
Afrique Asie
http://www.afrique-asie.fr/
Pour aller plus loin sur la dynastie
hachémite et sur la Jordanie
Illustration
Portrait
de l’écrivain-chroniqueur Nahed Hattar,
assassiné dimanche 25 septembre à Amman,
en Jordanie
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
Les dernières mises à jour
|