Vu du Droit
Macron et l’exécution de sa feuille de
route :
au prix de nos libertés
Régis de Castelnau
Jeudi 31 janvier 2019
Pour tenter de rester au pouvoir et
d’accomplir le mandat donné par
l’oligarchie financière et la haute
fonction publique d’État, Emmanuel
Macron dispose désormais de deux outils.
Tout d’abord dans les têtes de la
macronie s’est installée une idéologie
liberticide. Considérant comme
incontournable l’exécution de la feuille
de route donnée à leur champion,
c’est-à-dire la destruction la plus
rapide possible de l’État-providence
français et l’arrimage définitif à
l’ordo-libéralisme allemand, les
macronistes considèrent que la fin
justifie les moyens. Que s’il faut
basculer dans la société autoritaire,
voire dictatoriale, il n’y a aucun
problème. C’est pour la bonne cause. La
violence, sans précédent depuis la
guerre d’Algérie, des répressions
policières et judiciaires contre le
mouvement des gilets jaunes en est la
traduction.
Le bilan des violences physiques est
catastrophique, celui des violences
judiciaires, même si on en parle peu ne
l’est pas moins.
Le deuxième outil
est l’empressement de la justice dans la
mise en œuvre d’une stratégie aussi
illégale qu’antirépublicaine. Depuis les
élections truquées de 2017 qui ont porté
Emmanuel Macron à la présidence,
accordant à la macronie une impunité
choquante et obéissant aux exigences des
places Vendôme et Beauvau. la justice
pénale s’est complètement déconsidérée.
Les milliers d’arrestations dont
certaines préventives (!), les
poursuites souvent absurdes, les
procédures violées, les incriminations
fantaisistes et la dureté des peines,
montrent que parquets et juges du siège
confondus exécutent avec zèle les ordres
de l’exécutif. Et naturellement, les
organisations syndicales de magistrats
sont muettes, ainsi d’ailleurs que les
grandes âmes, professeurs de morale,
universitaires, signeurs de pétition,
docteurs de la gauche culturelle, tous
sont atteints d’une sévère extinction de
voix.
Deux petits
exemples très récents témoignent de
l’ampleur du mal. Tout d’abord
l’information du Canard enchaîné sur les
instructions données par la hiérarchie
du parquet de Paris à propos des
arrestations de manifestants. Il y a
d’abord la consigne pour les personnes
arrêtées de « maintenir l’inscription
au TAJ (Traitement
des Antécédents Judiciaires) même
lorsque les faits ne sont pas constitués
(!!!). » Pardon ? Mais cette
inscription en dehors de toute
justification dans un fichier de police
est strictement illégale ! Et c’est le
parquet de Paris qui l’ordonne ?
Manifestement il n’est pas gêné et
insiste pour que ce fichage soit
effectué même si les faits sont « ténus
ou si une irrégularité de procédure a
été constatée » ben voyons, donc
même si la loi été violée au moment de
l’arrestation, il n’y a pas de petits
profits et on ne va pas se gêner pour
continuer à ficher, y compris des gens
qui n’ont rien à y faire. Parce que ça
peut toujours servir ?
Toujours soucieux
du respect de la loi, le parquet de
Paris poursuit en demandant de : « ne
lever les gardes à vue que le samedi
soir ou le dimanche matin afin que les
intéressés ne grossissent à nouveau les
rangs des fauteurs de troubles »
interrogé le porte-parole de ce même
parquet précise : « ne laissez pas
penser que le parquet de Paris prolonge
les gardes à vue des gens qui n’ont rien
fait ». Ben si mon gars, c’est
exactement ça. Ce qui est un peu
ennuyeux c’est que dans le Code pénal,
ça porte un nom : « la
séquestration arbitraire ».
Infraction prévue et réprimée par
l’article 224-1 que l’on va se faire
un plaisir de citer : « Le fait, sans
ordre des autorités constituées et hors
les cas prévus par la loi, d’arrêter,
d’enlever, de détenir ou de séquestrer
une personne, est puni de vingt ans de
réclusion criminelle. » Deux petites
observations : en-deçà de sept jours de
détention arbitraire cela cesse d’être
un crime pour redevenir un délit (5 ans,
75 000 €). Ensuite ce ne sont pas les
policiers qui sont visés mais bien ceux
qui donnent des ordres aussi
manifestement illégaux, c’est-à-dire le
patron du parquet de Paris et les
magistrats qui ont relayé ses ordres. Ce
qui est quand même assez ennuyeux
lorsque l’on lit
l’article 432–4 du Code pénal, qui
incrimine précisément les atteintes à la
liberté individuelle commise par les
dépositaires de l’autorité publique, ce
que sont les magistrats du parquet. On
citera pour la forme
l’article 5 de la CEDH qui définit
cette liberté individuelle d’aller
venir.
On va me dire que
je pinaille, c’est à tort. Le parquet
autorité de poursuite a la mission
constitutionnelle de veiller au respect
de la loi et de saisir la justice si
elle est violée. S’il commence par la
violer lui-même, sa légitimité vole en
éclats. On va aussi me dire aussi que
les personnes arbitrairement séquestrées
peuvent saisir la justice d’une plainte
fondée sur les articles du Code pénal
cités. Excellente idée ! La plainte doit
être adressée au procureur du tribunal
de grande instance de Paris, sous
l’autorité duquel ont été donné ces
consignes. On imagine sa célérité.
Après avoir dit du
mal des magistrats du parquet de Paris,
on va maintenant se retourner vers les
parlementaires LREM, qui s’apprête à
adopter la énième loi anticasseurs. De
ces textes qui abîment jour après jour
les libertés publiques dans notre pays.
On notera d’ailleurs qu’il s’agit d’un
texte proposé par LR qui méritent un ban
pour cette démonstration de leur
caractère indécrottable. L’ensemble de
ce texte est profondément liberticide,
mais il y a un article qui sort du lot.
Un certain nombre d’esprits libres,
toutes tendances confondues se sont
élevés contre cette arbitraire qui
n’avance même pas masquer. Il s’agit de
l’article qui donne le pouvoir au préfet
d’interdire à des citoyens de
manifester pour une durée pouvant aller
jusqu’à un mois et éventuellement sur la
totalité du territoire national. Le
droit de manifester est une liberté
protégée par la Constitution. Ce pouvoir
d’en interdire l’exercice à priori donné
au pouvoir exécutif est
inconstitutionnel, il est également
inconventionnel car contraire à la
Convention Européenne des Droits de
l’Homme signée par la France. Il peut
exister des abus du droit de manifester,
mais comme pour la liberté d’expression,
le contrôle se fait a posteriori.
Ensuite, cette interdiction personnelle
de manifester est une sanction et dans
un pays démocratique et civilisé toute
sanction doit être prononcée par un
juge. Le fait qu’elle le soit par une
autorité exécutive est le critère même
de l’arbitraire. Et que l’on ne vienne
pas prendre l’exemple des hooligans
interdits de stade, cela n’a rien à voir
avec la liberté constitutionnelle de
manifester. Mais avec le droit d’aller
dans un lieu privé pour une
manifestation privée ou l’organisateur
ne souhaite pas votre présence. Trois
juges sont concernés par ce que l’on
peut qualifier de loi scélérate et son
application. Le juge constitutionnel
d’abord à qui elle sera probablement
soumise, le juge administratif ensuite
et le juge pénal enfin car bien sûr,
cette loi comprendra un volet pénal.
Comme d’habitude le Conseil
Constitutionnel présidé par Laurent
Fabius en totale connivence idéologique
avec le macronisme n’y verra aucun
inconvénient comme il l’a fait avec la
loi fake news. Le juge administratif
lui, pourra être saisi d’un
référé-liberté pour contester une
interdiction notifiée par un préfet. Je
connais parfaitement ces procédures pour
les avoir pratiquées et je peux
témoigner de la quasi impossibilité pour
le simple citoyen de se lancer dans ce
genre d’aventure. Ensuite, le juge
administratif devra appliquer la loi
telle qu’elle est, et donc examiner en
urgence la valeur des critères utilisés
par le préfet dans un débat
contradictoire où l’État sera présent.
Enfin, on peut craindre une objectivité
très relative du juge administratif,
souvent passé par Sciences-po et l’ENA,
et qui partage valeur et culture avec
les gens au pouvoir. Enfin avec le juge
pénal pour ceux qui auront ignoré
l’interdiction (six mois de prison et
7500 € d’amende), on a constaté que dans
la protection d’Emmanuel Macron il
savait avoir la main lourde.
J’avais récemment
au téléphone un ami, électeur fidèle du
PS à qui j’expliquais le caractère très
inquiétant de toutes ces dérives, et qui
me répondit : « j’ai été sur un
rond-point il n’y avait que des beaufs.
Il est normal que l’État se protège
contre eux y compris avec ces moyens. Et
s’il y a des illégalités comme tu dis,
ils n’ont qu’à saisir le juge… ».
Excellente idée.
J’ai raccroché.
Le sommaire de Régis de Castelnau
Le
dossier Monde
Le dossier politique
Les dernières mises à jour
|