Vu du Droit
Benalla et rôle du Sénat : qui sont les
factieux ?
Régis de Castelnau
Vendredi 22 mars 2019
C’est une banalité
que de constater l’impéritie et
l’amateurisme qui caractérisent le
gouvernement d’Édouard Philippe et
l’entourage d’Emmanuel Macron. On y
rencontre des personnages accablants
chez lesquels se mélangent médiocrité,
inculture, cupidité, et absence du sens
du ridicule.
Mais finalement, le
pire est atteint lorsque l’Élysée
sollicite les parlementaires, leur
fournissant un kit d’éléments de langage
absurdes et antirépublicains. La
principale qualité exigée par elle REM
pour ses candidats devait être le
psittacisme. Spectacle inquiétant que
celui de ces les petits télégraphistes
mandatés pour aller faire le tour des
plateaux multipliant les énormités.
C’est ce qui vient de se produire avec
le nouvel épisode sénatorial du
feuilleton Benalla.
Benjamin
Griveaux devrait lire la Constitution
On rappelle
brièvement qu’utilisant ses prérogatives
prévues par la Constitution, la
commission des lois de la Haute
assemblée s’est constituée en commission
d’enquête. Elle a réalisé son travail
notamment par de nombreuses auditions,
rédigé et publié son rapport, avant de
respecter ses obligations et de saisir
le parquet du tribunal de Paris pour des
faits susceptibles de recevoir des
qualifications pénales, dont elle avait
eu connaissance. Respecter la
Constitution et la loi française,
manifestement dès qu’il s’agit
d’Alexandre Benalla, à l’Élysée on
n’aime pas. Donc pendant les travaux
multiplication des obstructions, des
rodomontades et déploiement d’une
propagande passablement scandaleuse.
On ne reviendra pas
sur tous les épisodes, simplement
rappeler l’offensive élyséenne relayée
par les perroquets habituels au moment
de la publication du rapport. Avec
sortant du bec, la dénonciation du crime
abject soi-disant commis par le Sénat :
« l’atteinte à la séparation des
pouvoirs ». Avec Benjamin Griveaux,
porte-parole du gouvernement, on possède
un exemplaire de ce que le macronisme
peut produire de pire. On prendra donc
ses propos comme emblème de l’inanité
des arguments invoqués pour tenter de
désamorcer le caractère accablant du
rapport sénatorial.
Que nous dit l’homme qui coche toutes
les cases : « L’Elysée aura
l’occasion d’apporter des réponses
factuelles sur manifestement beaucoup de
contre-vérités qui se trouvent présentes
dans le rapport ». Première
observation, force est de constater
qu’un mois plus tard, l’Élysée n’a
apporté absolument aucune réponse
factuelle malgré cette promesse… Pardi !
Notre virtuose du
droit constitutionnel poursuit : «
Nous sommes très attachés à la
séparation stricte des pouvoirs dans
notre pays (…) Mais je trouve curieux
que les assemblées aient à se prononcer
sur l’organisation du pouvoir exécutif.
Si le pouvoir exécutif se prononçait sur
l’organisation du travail des
assemblées, on crierait à la fin de la
séparation des pouvoirs ». On se
pince pour être sûr que l’on n’est pas
dans un cauchemar, celui qui nous fait
constater que le porte-parole du
gouvernement de la république française
se permet de proférer de pareilles
énormités. La séparation des pouvoirs a
bon dos, quand il s’agit de dire
absolument n’importe quoi comme on va le
voir. Il serait donc curieux que
les assemblées aient à se prononcer sur
l’organisation du pouvoir exécutif.
C’est pourtant ce que dit explicitement
la Constitution dans son article 24
: « Le Parlement vote la loi. Il
CONTRÔLE l’action du Gouvernement. Il
ÉVALUE les politiques publiques. »
L’article 51–2 indique explicitement
que pour exercer ses missions les
assemblées peuvent constituent en leur
sein des commissions d’enquête. Qui dit
mieux Monsieur Griveaux ? Mais comme
pour vous la vérité ne semble pas être
quelque chose d’important, vous ne vous
arrêtez pas en si bon chemin et enfilez
une deuxième perle avec cette sidérante
affirmation qu’on va répéter pour être
bien sûr : « Si le pouvoir exécutif
se prononçait sur l’organisation du
travail des assemblées, on crierait à la
fin de la séparation des pouvoirs » HeuhMonsieur
le porte-parole c’est exactement ce que
prévoit la Constitution également.
Jusqu’à la réforme de 2008, dans le
parlementarisme « rationalisé »
initialement instauré en 1958, c’était
le gouvernement qui fixait par priorité
l’ordre du jour des assemblées. La
réforme de juillet 2008 en a fait une
compétence partagée,
et la simple lecture de l’article 48
démontre bien que l’exécutif dispose
encore et toujours de prérogatives très
fortes et essentielles concernant «
l’organisation du travail des assemblées
». Alors Monsieur Griveaux, soit
vous vous moquez du monde, ce qui compte
tenu de votre arrogance habituelle et
l’hypothèse la plus probable, soit vous
devez lire la constitution. En tout cas
ce que tout cela démontre c’est que vous
n’avez pas grand-chose à faire à la
place que vous a offerte Emmanuel
Macron.
Quand le Sénat
fait son devoir
Dernier épisode en
date du feuilleton Benalla, la
transmission au parquet par le bureau du
Sénat d’un « signalement » au parquet de
Paris. Immédiate levée de boucliers au
sein de la Macronie en panique, on ne
touche pas à Alexandre Benalla ! Face à
l’abominable affront, le Premier
ministre Édouard Philippe, entre deux
déplacements au Havre pour
faire démissionner son successeur à la
mairie, a trouvé intelligent
d’insulter le Sénat en refusant de s’y
présenter pour la séance des questions
au gouvernement. Richard Ferrand des
mutuelles de Bretagne, a quant à lui
refusé d’apparaître sur une tribune aux
côtés du président du Sénat. Bravades
ridicules et déshonorantes, qui font peu
de cas du fonctionnement de la
république et du cadre juridique dans
lequel tout ceci se déroule.
Une fois de plus,
il faut revenir aux règles qui
s’appliquent et dont l’examen démontre
l’absence totale de culture républicaine
des deux hauts personnages de l’État qui
se livrent à ses pantalonnades.
Le bureau du Sénat
n’a fait que son devoir. On rappellera
que les auditions devant les commissions
d’enquête sont organisées par la loi et
en application de
l’article 6 de l’ordonnance du 17
novembre 1958, tout mensonge y est
considéré comme un faux témoignage
lourdement sanctionné par
l’article 434–13 du Code pénal. Par
conséquent, si la commission d’enquête a
relevé des faits susceptibles de
recevoir les qualifications prévues par
le code pénal, elle devait en informer
le parquet, en application du texte de
l’ordonnance qui stipule : « Les
poursuites prévues au présent article
sont exercées à la requête du président
de la commission ou, lorsque le rapport
de la commission a été publié, à la
requête du bureau de l’assemblée
intéressée. » Dès lors que les faits
étaient apparus suffisamment
caractérisés, le bureau de la haute
assemblée avait compétence liée et était
tenu d’en saisir le parquet. Comment
peut-on affirmer, comme le font premier
ministre et autres chevau-légers de la
macronie que l’application et le respect
de la Constitution et de la loi puisse
constituer des « opérations
politiciennes » et des «
atteintes à la séparation des pouvoirs
». Cette obligation de signalement
pèse sur tous les agents publics et
on a appris plus récemment sans
prescription possible,
sur les cardinaux de l’église catholique,
et les sénateurs en seraient dispensés ?
C’est d’autant plus inadmissible que
c’est l’autorité de poursuite,
c’est-à-dire le parquet soumis au
pouvoir exécutif qui pourra ou pas
donner suite à ce signalement. Et de ce
point de vue, compte tenu de l’attitude
du parquet de Paris, depuis l’arrivée de
son nouveau patron, l’entourage
d’Emmanuel Macron n’a pas grand-chose à
craindre.
Les petits
soldats factieux de la macronie
Dûment chapitrés
des petits soldats LREM sont montés au
front. Munis de leurs éléments de
langage concoctés en haut lieu et
proférant force contrevérités, ils sont
venus se déshonorer à leur tour. Une
prime pour Florian Bachelier, avocat de
son état et donc juriste
qui n’a pas hésité à twitter : «
la justice est un sujet suffisamment
complexe et sensible pour ne la laisser
qu’à des professionnels dont c’est le
métier et la formation. Je pense que les
parlementaires ne savent pas rendre
justice ». Culot d’acier que de
prétendre que les sénateurs ont rendu
justice ou voulu le faire alors qu’ils
n’ont que saisit l’autorité de la
république compétente pour le faire.
Monsieur Bachelier n’a même pas l’excuse
de l’ignorance. Les réseaux sont pleins
de ces agressions politiques et
mensongères contre le Sénat proférées
par des députés qui ne voient aucun
inconvénient à affaiblir les
institutions républicaines. La palme
cependant à un récidiviste,
Sacha Houlié avocat également, issus
du MJS que Mitterrand qualifiait d’école
du crime, qui ajoute la menace au
mensonge. : « Coup de force du Sénat
qui s’érige accusateur public. La
confusion des genres est totale. Sa
méprise sur son rôle est une forme de
déconnexion. Celle-ci devra être
traitée ». Traitée comment
Monsieur Houlié ? En supprimant le Sénat
? Ou mieux en provoquant sa dissolution
avec vos petits bras musclés ?
Décidément, qui
sont ces gens, qui sont ces ministres,
ces présidents d’Assemblée, ces
parlementaires, ces collaborateurs, ces
hauts fonctionnaires qui passent leur
temps à brutaliser les institutions et à
applaudir les violations de la loi ? Qui
se précipitent pour défendre bec et
ongles des dévoyés qui ont entouré et
probablement entourent encore le
président de la république.
La réponse est
simple : ce sont des factieux. Dont il
est urgent que la république se
débarrasse.
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